Chapitre 263
Shen Jue avait fait exprès de quitter le rêve de Lin Chuyan. Tout d’abord, il savait qu’on attachait plus d’importance aux choses qu’on ne pouvait pas obtenir facilement. Ensuite, il devait partir parce qu’il se faisait tard. Si cela continuait, l’aube n’allait pas tarder à poindre. Il était à présent un fantôme à la peau peinte et il en avait aussi les instincts, alors il abhorrait naturellement la lumière du soleil.
Quand il eut quitté le rêve de Lin Chuyan, il sortit à travers le mur mais dès qu’il arriva dans le couloir, il aperçut Xie Zhi.
Le jeune homme semblait ne pas avoir fermé l’œil de toute la nuit et il se tenait à présent à la porte de la chambre de son ami. Il ne pouvait pas voir Shen Jue et ses yeux restaient fixés sur la porte. Shen Jue en profita pour l’examiner.
L’existence même de Xie Zhi était un obstacle pour l’empêcher de briser ce monde, mais il ne pouvait pas le tuer. Quand un fantôme tuait un humain, son Qi fantomatique devenait plus dense et il pouvait se transformer en fantôme féroce.
Si cela se produisait, cela augmenterait le risque que les gardes fantômes viennent pour lui, alors il ne pouvait pas tuer Xie Zhi pour le moment. Mais si Xie Zhi restait plus longtemps aux côtés de Lin Chuyan, ce dernier risquerait de tomber amoureux de lui en premier.
En songeant à ça, Shen Jue ne put s’empêcher de prendre un air grave. Au bout d’un moment, il se tourna et quitta le temple.
Cette fois quand il revint dans sa demeure, il passa plus de temps à se dessiner une nouvelle peau. Xie Zhi avait autrefois un grand frère qui était mort jeune. Bien que Shen Jue ne l’avait jamais vu, il pouvait peindre une apparence qui ressemblait à un peu à celle de Xie Zhi. Après avoir terminé, il entra dans le rêve de Madame Xie.
Dans ce rêve, il fit semblant d’être le grand frère de Xie Zhi et raconta à sa mère que Xie Zhi allait courir un danger potentiellement mortel cette année. Il devait être envoyé dans un temple pour se purifier et ne devrait pas quitter la montagne avant un an, sous peine de mourir.
Afin de convaincre la mère, Shen Jue causa des ennuis à Xie Zhi pendant plusieurs jours. Au départ, ce n’était pas grand-chose, comme faire tomber en cachette un vase au moment où le jeune homme passait. Quand la mère de Xie Zhi devint de plus en plus nerveuse, Shen Jue mit le feu dans la cour du jeune homme au beau milieu de la nuit.
Le vent d’automne était sec et soufflait fort, alors le feu s’emballa d’un coup. Voyant que l’incendie s’étendait de plus en plus, Shen Jue donna aussitôt un coup de pied au serviteur qui dormait à la porte afin de le réveiller.
Il fallut plus d’un demi-shichen pour maîtriser et éteindre le feu. Comme Xie Zhi avait été réveillé à temps par son serviteur, il ne fut pas blessé. Par contre, son bureau avait presque entièrement brûlé.
La mère de Xie Zhi devint totalement hystérique à cause de cet incendie. Elle voulut envoyer son fils sur-le-champ dans le Temple des Mille Bouddhas en dehors de la capitale afin de se purifier. Même si le père de Xie Zhi n’était pas d’accord, face aux nombreux pleurs de son épouse, il ne put que céder. Naturellement dès que le jeune homme apprit qu’il allait se faire envoyer dans un temple pour se purifier, il ne fut pas d’accord. Quelle était la différence entre ça et la prison ? Malheureusement, son père était un véritable tigre : il fit attacher son fils et l’envoya dans le Temple des Mille Bouddhas.
Là-bas, les moines pratiquaient à la fois les arts civils et martiaux. Monsieur Xie laissa donc plusieurs guerriers de sa famille pour surveiller attentivement son fils. Il ordonna expressément à Xie Zhi de ne pas quitter le temple avant un an. Le jeune homme devint furieux, mais ce fut alors que sa mère vint le supplier avec les yeux rouges, disant qu’il était leur unique précieux enfant et qu’il ne devait strictement rien lui arriver. Elle lui dit aussi que s’il avait le moindre incident en quittant la montagne, elle ne pourrait plus vivre.
Après ce mélange de dureté et de tendresse, Xie Zhi comprit qu’il n’avait pas d’autre choix que d’accepter de rester dans le Temple des Mille Bouddhas pour le moment.
Le temps que Shen Jue règle cette histoire de Xie Zhi, deux semaines s’étaient écoulées depuis qu’il était entré dans le rêve de Lin Chuyan. Il retourna dans son rêve et cette fois, le rêve se déroulait dans la cour du jeune homme.
Shen Jue leva les yeux pour contempler les nuages noirs dans le ciel. En général, les rêves pouvaient refléter l’humeur de la personne. Pour que le rêve de Lin Chuyan soit rempli de nuages sombres qui recouvraient le soleil, cela voulait dire qu’il n’était pas de bonne humeur ces derniers temps. Shen Jue le trouva dans son bureau. Lin Chuyan était assis et devant lui se trouvait le portrait de Jing He.
Shen Jue se posta devant la fenêtre du bureau. Au moment où il vit clairement que la peinture sur le bureau représentait Jing He, Lin Chuyan releva la tête. Il aperçut Shen Jue par la fenêtre et son regard se modifia. Ensuite, il se leva et s’approcha de la fenêtre.
« Tu es là.
– En. »
À cause de la différence de taille, Shen Jue dut lever un peu la tête pour le regarder.
« Qu’est-ce que tu fais ? »
Lin Chuyan le regarda sans cligner des yeux.
« Je me demandais pourquoi tu ne venais pas. »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Shen Jue eut un léger rire en entendant sa réponse. Les deux discutèrent par la fenêtre tandis que les nuages noirs flottaient dans le ciel. Shen Jue murmura doucement :
« Je suis là maintenant. Tu n’as plus besoin de t’en faire. »
Lin Chuyan baissa les yeux à ces mots.
« Non, tu es là pour le moment, mais quand est-ce que je te reverrai la prochaine fois ? Demain ? Dans une semaine ? Ou encore dans quinze jours ? »
Il prononça ces paroles d’un ton très tendre. Si cela avait été un autre que Shen Jue en face de lui, il aurait déjà été ému depuis longtemps.
Au moment où Lin Chuyan termina de parler, le tonnerre gronda dans le ciel. Surpris par le bruit, Shen Jue tourna la tête pour regarder mais quand il se tourna de nouveau, ses lèvres se firent embrasser. Lin Chuyan s’était penché sur lui entre-temps et comptant sur la force de ses bras, il souleva directement Shen Jue par la taille et le fit passer par la fenêtre.
Lin Chuyan rouvrit les yeux. La première chose qu’il regarda, ce furent ses mains. La sensation de toucher dans le rêve était si réelle qu’il n’aurait jamais cru que c’était un rêve. Pourtant, c’était bien le cas.
Un rêve splendide mais trop court. À chaque fois qu’il voulait faire quelque chose, l’autre femme disparaissait de ses bras.
Elle était comme un souffle de vent, allant et venant à sa guise. Il ne pouvait absolument pas l’attraper.
« Second jeune maître, vous êtes réveillé ? » demanda doucement le servant à la porte en entendant du bruit.
Lin Chuyan émit un son d’assentiment, puis garda le silence un moment. Il finit par faire :
« On a des pêches ? J’ai envie d’en manger là, tout de suite. »
Durant la dizaine de jours qui suivit, Shen Jue entra dans les rêves de Lin Chuyan. Mais à chaque fois, il partait à un certain moment. Il était comme un pêcheur qui agitait délibérément son appât pour susciter l’intérêt de Lin Chuyan, mais il ne le laissait jamais manger complètement l’appât. Il voulait que l’autre se laisse prendre petit à petit dans les mailles de son filet.
Quand il était entré dans le rêve de Lin Chuyan la veille, Shen Jue avait pu tout de suite sentir son irritabilité, et pour cause ! Shen Jue réduisait volontairement la durée du rêve. Dans les rêves qui suivirent, il quitta le rêve avant même que Lin Chuyan n’ait pu lui dire quelques mots.
Alors dans le rêve de cette fois, pour la première fois, dès que Lin Chuyan le vit, il ne put s’empêcher de lui saisir le poignet. Mais la prise fut un peu trop serrée, ce qui fit un peu mal à Shen Jue.
« Pourquoi tu me serres si fort ? »
Shen Jue baissa les yeux et regarda la main autour de son poignet. Bien que la main de Lin Chuyan soit splendide, aussi pure et blanche que du jade, cela restait la main d’un lettré après tout : il y avait un cal sur le majeur dû à des années de calligraphie.
Les yeux du jeune homme étaient bien sombres.
« Si je ne me dépêche pas de t’attraper, tu vas encore partir. »
Shen Jue secoua la tête et répliqua :
« C’est inutile de m’attraper, je ne viendrai plus. »
À cause de cette phrase, l’expression de Lin Chuyan se modifia vraiment et subitement.
« Pourquoi ? »
Mais il n’obtint pas de réponse car la jeune femme qu’il avait attrapée disparut de nouveau comme un souffle de vent. Quand il se réveilla, il se rendit compte que les paroles de la jeune femme dans le rêve se réalisèrent. Il ne rêva plus jamais d’elle, même s’il contemplait longuement son portrait avant de s’endormir.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Le temps fila et l’hiver s’installa.
Une fois l’hiver venu, Lin Chuyan fut assez occupé. Bien qu’il n’occupait pas de position officielle, il assistait son père pour gérer les désastres et distribuer de la bouillie aux plus pauvres. L’hiver était venu assez tôt cette année et dès le début, il neigea dans la capitale.
Ce jour-là, il neigeait énormément et de plus en plus de gens firent la queue pour avoir de la bouillie de riz. À midi, la queue ne faisait pas mine de se finir et les serviteurs étaient en sueur à cause de la fatigue. Lin Chuyan passa tout l’après-midi à remplir et offrir des bols de porridge, faisant bien plus que ses serviteurs à côté.
À chaque fois qu’il tendait un bol, il souriait à l’autre personne afin de lui apporter du réconfort.
Quand ce fut presque la tombée de la nuit, la file d’attente diminua enfin, il ne resta plus qu’une dizaine de personnes. Lin Chuyan remplit le dernier bol de bouillie. Il avait passé toute la journée à sourire alors en fait, son sourire était à présent crispé. Mais il garda l’habitude de sourire, même pour la dernière personne à qui il donna le bol de bouillie de riz. Sauf que cette fois, son sourire se figea à moitié.
Bien que les vêtements de l’autre personne étaient des guenilles et que son visage était sale, Lin Chuyan put dire au premier regard que ce jeune adolescent devant lui ressemblait énormément à sa belle-sœur. Plus précisément, il ressemblait encore plus à la jeune femme de son rêve.
La même peau de porcelaine et les lèvres rouges, les mêmes yeux vifs.
Oubliant ses manières, Lin Chuyan regarda fixement cet adolescent. Quand la main de l’autre s’agita impatiemment devant lui, Lin Chuyan parvint à se ressaisir et posa le bol de bouillie de riz dans la main de l’adolescent.
Comme il s’agissait de la dernière personne à nourrir, les serviteurs à côté de Lin Chuyan commencèrent à tout ranger pour rentrer, alors ils ne virent pas cette scène, pas plus qu’ils ne virent le visage de l’adolescent. Seul Lin Chuyan le vit.
Il regarda l’autre personne s’éloigner sous la neige avec son bol. Il neigeait beaucoup et des flocons tombèrent sur les épaules de l’adolescent. Quand Lin Chuyan le vit disparaître au coin de la rue, il ne put finalement s’empêcher de lui courir derrière. Avant de partir, il n’oublia pas de prendre son parapluie posé contre un pilier.
« Second jeune maître ! Second jeune maître, où allez-vous, ah ? »
La voix de son serviteur lui parvint de derrière, mais Lin Chuyan ne l’entendait déjà plus.
Il courut derrière l’adolescent, à l’abri sous le parapluie. Quand il tourna au coin de la rue et le vit de nouveau, il poussa un soupir de soulagement. Mais après ça, il redouta que ce ne soit qu’un rêve, alors il n’osa pas du tout s’arrêter.
L’adolescent cessa tout à coup de marcher et tourna la tête vers lui. Une lueur de méfiance apparut dans son regard quand il vit Lin Chuyan.
« Qu’est-ce que tu fais ? »
Depuis tout petit, Lin Chuyan avait toujours été loué pour son intelligence. Il ne se laissait jamais effrayer en toute circonstances. Même quand il s’était rendu pour la première fois au palais impérial et avait rencontré l’empereur, il était resté calme. Mais cette fois, devant la question de cet adolescent, il ne sut quoi répondre pour la première fois de sa vie et se contenta de le regarder bêtement.
Une lueur défila dans le regard de l’adolescent, puis il posa les yeux sur le bol qu’il tenait.
« Tu veux récupérer le bol ? Alors je vais tout de suite boire, comme ça je te le rendrai, hein ? »
En disant ça, il souleva le bol de bouillie et allait le boire, mais Lin Chuyan tendit inconsciemment la main pour l’en empêcher.
« Non, ne bois pas ça. Tu es passé en dernier, la neige est tombé dans la marmite, alors la bouillie est sûrement froide. Si tu bois ça, ça va te donner la diarrhée. Tu… »
Il hésita.
« Tu voudrais venir dîner chez moi ? »
C’était vraiment trop brusque d’inviter cet adolescent à dîner chez lui alors que c’était la première fois qu’ils se rencontraient.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Tandis que Lin Chuyan regrettait sa brusquerie, il entendit l’autre demander :
« Tu es quelqu’un de méchant ? »
Il fut un peu pris au dépourvu, puis releva aussitôt la tête et répondit :
« Non, je ne suis pas quelqu’un de méchant. Mon père est Lin Yan, dignitaire du clan impérial. »
L’adolescent ricana un peu, comme pas du tout impressionné par son identité.
« Et toi ? Tu m’as parlé de ton père, pourquoi ne pas donner ton nom ?
– Je me nomme Lin Miao, nom de courtoisie Chuyan. J’ai vingt-trois ans et je suis le second fils de ma famille. J’ai un grand frère qui occupe un poste de fonctionnaire à la campagne et une petite sœur qui commence à peine à marcher. »
Après avoir fini de parler, Lin Chuyan se pinça les lèvres et tourna le parapluie qu’il tenait sur le côté pour bloquer la neige et le vent qui importunaient l’adolescent.
Ses chaussures et bas étaient déjà trempés par la neige, mais il ne s’en souciait guère.
Il n’aurait pas su dire combien de temps il attendit comme ça. Cela ne fut peut-être qu’un bref instant, ça dura peut-être un long bâton d’encens. Finalement, Lin Chuyan entendit l’autre faire —
« Entendu. De toute manière, je n’ai nulle part où aller. Même si tu es quelqu’un de méchant, je m’en moque, du moment qu’il y a un endroit chaud où je pourrai me réchauffer. »
Note de Karura : Aaah, le charme de Shen Jue !
Lin Chuyan, continue sa présentation : Je suis célibataire et plutôt bel homme. J’ai fait des grandes études et j’occuperai plus tard un poste bien payé dans l’administration. Et si on échangeait tout de suite nos huit caractères pour faire notre horoscope ? On va aussi fixer une date faste pour notre mariage !
Shen Jue : … Ça va vraiment trop vite…
Commentaires :