Chapitre 272
Lin Chuyan rêva de nouveau de Shen Jue deux nuits plus tard.
Il était assis sous le kiosque dans sa cour et vit arriver de loin un jeune homme vêtu de noir avec un parapluie rouge à la main. Ce jeune homme s’approchait, le visage brouillé par la pluie et le brouillard. Lin Chuyan l’observa, puis souleva doucement sa manche pour jeter un coup d’œil.
C’était bel et bien un rêve.
Avant de dormir, il avait dessiné une ligne à l’encre sur son poignet et là, le poignet était propre.
Le temps qu’il rabaisse sa manche, l’adolescent vêtu de noir était déjà sous le kiosque et il posa son parapluie par terre.
« Tu es là. »
Lin Chuyan posa les yeux sur le parapluie rouge, et pas sur l’autre personne.
La couleur du parapluie était bien trop étincelante, aussi vive que du feu, en contraste aigu avec le ciel gris.
Après avoir dit ça, il n’attendit pas de réponse et sombra aussi dans le silence. Mais quand il entendit les bruits de pas du jeune homme à côté de lui, il releva rapidement la tête.
« Tu pars ? »
Shen Jue le regarda, une lueur de surprise dans le regard, puis il secoua la tête.
Les yeux de Lin Chuyan étaient fixés sur le visage de Shen Jue. Au bout d’un moment, il reprit :
« Viens t’asseoir, nous avons à parler. »
En entendant ça, Shen Jue s’approcha lentement du tabouret à côté de l’autre homme et s’assit.
« De quoi tu veux me parler ? »
Lin Chuyan put enfin poser les questions qui le taraudaient depuis des jours.
« Tu as déjà été dans mes rêves avant ?
– Oui. »
En entendant cette réponse, Lin Chuyan serra inconsciemment les poings sur ses genoux. C’était trop difficile de dire le reste, mais il devait lui demander :
« La jeune fille en rouge… dont j’ai rêvée, c’était toi ?
– Oui. »
Ce oui fit condenser la fureur dans les yeux de Lin Chuyan. C’était le secret le plus sombre au plus profond de son cœur. Mais non seulement ce secret avait été découvert par un fantôme mais en plus, ce dernier l’avait aguiché avec.
« Alors tu as fait exprès de changer d’apparence ?
– Oui. »
Ces trois oui consécutifs faillirent faire perdre la raison à Lin Chuyan. Il foudroya du regard l’adolescent vêtu de noir devant lui, oubliant un moment sa peur des fantômes. Il voulait savoir pourquoi l’autre avait fait ça et il voulait aussi le punir.
Mais à ce moment, ce jeune homme prit l’initiative de s’approcher de lui, avec des cheveux et une tenue noirs, la peau blanche comme de la neige et les lèvres rouges. Il se pencha vers lui, ouvrit ses lèvres et exhala un parfum d’orchidée :
« Chuyan, j’ai fait ça pour te rendre heureux, ah. Tu aimes quelqu’un avec qui ce ne sera jamais possible. Je suis donc devenue elle et je suis resté à tes côtés à sa place. Je t’ai laissé faire tout ce que tu voulais : m’embrasser, me caresser, te laisser défouler tes désirs sur moi. Je t’ai même laissé faire ça. Mais tu ne m’apprécies pas en retour, tu me détestes même. Pourquoi ? »
Lin Chuyan serra les dents. Il fit de son mieux pour contrôler ses émotions parce que chaque mot prononcé par l’autre semblait le narguer.
« Tu m’as menti et tu voudrais que je te dise merci ? Tu crois que quelqu’un apprécierait un menteur ? Sans compter le fait que le menteur est en plus un fantôme ! »
Quand il eut dit ça, l’autre jeune homme fit la moue et ses yeux arborèrent une lueur de mécontentement.
« Chuyan, je n’apprécie pas que tu parles de moi comme ça. »
Le regard de Lin Chuyan manifesta du dégoût.
« Ne m’appelle pas Chuyan, tu n’as aucun droit de m’appeler ainsi ! »
Ces paroles semblèrent mettre complètement en colère l’autre jeune homme.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Shen Jue se rassit sur son tabouret et son regard se fit glacial.
« Vraiment ? Tu me hais ?
– Oui, fit Lin Chuyan en détachant bien chaque mot. Je ne t’ai jamais fait le moindre mal, que je sache, mais tu as fait semblant d’être une autre personne pour me tromper. Tu ne mérites pas la moindre estime de ma part !
– Je ne mérite pas ? répéta Shen Jue avec un sourire ironique aux lèvres. Alors qui le mérite ? Oh, ta belle-sœur Jing He ? Oui, c’est bien son visage que j’ai emprunté pour te rendre heureux. Et alors ? Tu n’es pas content maintenant parce que je suis un fantôme ? Alors pourquoi tu n’irais pas voir ta belle… »
Avant qu’il n’ait pu terminer, Lin Chuyan se fâcha pour de bon et fracassa la tasse de thé sur la table. Quelques fragments volèrent en direction de Shen Jue et causèrent plusieurs petites entailles sur sa joue.
La peau de Shen Jue ne devait absolument pas être blessée car comme il n’était plus humain, la plaie ne guérirait jamais. S’il y avait la moindre entaille sur son corps, elle y resterait éternellement. Dans les vies précédentes, Xie Zhi avait demandé à Shen Jue de se faire emprisonner à la place de Lin Chuyan, puis de se faire décapiter. La raison pour laquelle Shen Jue avait longuement hésité avant d’accepter, c’était justement que sa peau ne pouvait pas guérir d’elle-même et qu’il aurait dû recoudre sa tête avec du fil et des aiguilles.
Mais cela laisserait des marques et il n’aurait jamais pu retirer le fil.
Shen Jue sentit la vive douleur et porta aussitôt une main à son visage. Les fantômes à la peau peinte chérissaient leur peau. À présent que Shen Jue était l’un d’eux, il avait inévitablement cet instinct. Blesser la peau d’un fantôme à la peau peinte était tout bonnement la chose la plus cruelle qu’on pouvait lui faire.
Son regard sur Lin Chuyan se modifia. Après que l’autre homme se soit rendu compte que des débris avaient entaillé Shen Jue, sa colère ne se dissipa pas pour autant. Il se dit que ce n’était qu’un rêve et que l’autre était un fantôme. Quel mal ces fragments pourraient-ils bien lui faire ?
Sauf que Shen Jue était un fantôme à la peau peinte.
C’était le rêve de Lin Chuyan. Shen Jue était entré avec son vrai corps, alors toute blessure qu’il recevait en rêve était bien réelle.
Lin Chuyan se rendit compte du problème que lorsqu’il vit le regard de Shen Jue rempli de rancœur.
« Tu… » commença-t’il avant de s’arrêter.
Il remarqua que Shen Jue avait couvert son visage. Sa colère se modifia peu à peu et il demanda avec hésitation :
« Ça fait mal ?
– Tu as ruiné ma peau. Lin Chuyan, je te hais ! »
Le jeune homme vêtu de noir disparut sur ces paroles. Lin Chuyan n’eut même pas le temps de réagir.
Après cette disparition, il ne rêva plus de Shen Jue durant le mois qui suivit. Par contre, Shen Jue lui manquait de plus en plus durant le jour. Leurs moments d’intimité étaient encore frais dans sa mémoire. Il se rappelait de la manière dont Shen Jue le regardait parfois, aussi fier qu’un chat, mais de temps en temps, il venait se presser de lui-même contre lui, tendant les bras pour l’enlacer, ce qui était si adorable. Mais tout de suite après, il se rappela de la dernière fois où il l’avait vu.
Shen Jue avait une main posé sur sa joue et le regardait avec rancœur. Il lui avait également dit qu’il le haïssait.
Il semblait que l’autre ne viendrait plus jamais le voir.
Lin Chuyan se dit qu’il devrait se sentir soulagé mais pour une mystérieuse raison, il ne pouvait pas s’empêcher de penser à Shen Jue. En fait quand on pesait bien les choses, en quoi était-il meilleur que lui ? N’avait-il pas eu l’intention de le traiter comme un substitut depuis le début ? Il ne l’avait pas dit à Shen Jue, mais il était à la fois irrité et effrayé à cause de lui. L’irritation venait du fait que Shen Jue avait su dès le début qui il aimait et aussi ce que Lin Chuyan avait en tête. La peur venait du fait que Shen Jue était un fantôme et que Lin Chuyan avait peur que l’autre ne lui fasse du mal.
Mais Shen Jue n’avait jamais semblé avoir eu l’intention de lui faire du mal. Il avait même dit qu’il voulait le rendre heureux.
Pourquoi l’autre aurait-il souhaité le rendre heureux ? Lin Chuyan avait déjà entendu certaines histoires à propos d’amour entre un humain et un fantôme, mais il avait toujours cru que ce n’étaient que des inventions. Avant de rencontrer Shen Jue, il ne croyait même pas aux fantômes.
Mais à présent que les fantômes existaient bel et bien, était-ce vrai qu’un humain et un fantôme pouvaient tomber amoureux ?
Shen Jue l’aimait donc ?
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Lin Chuyan fut encore malade pendant plus d’un mois avant d’avoir enfin la force de sortir. Dès qu’il se remit de sa maladie, il reçut une multitude d’invitations. Un jour, il se rendit à un banquet d’appréciation du printemps organisé par le prince Xuan dans la capitale. La fête se prolongea dans la soirée. Lin Chuyan avait la tête qui tournait un peu à force d’avoir trop bu, alors il se rendit dans le jardin attenant pour prendre l’air et tâcher de se ressaisir un peu.
Le prince Xuan aimait les fleurs. Du coup, les fleurs du jardin rivalisaient de beauté et de parfum. L’odeur des fleurs était bien plus agréable que celle de la liqueur. Après avoir marché un peu, Lin Chuyan se sentit fatigué, alors il s’assit sur un rocher. Comme le sommeil le gagnait vraiment, il s’adossa contre un arbre derrière lui et fit une sieste.
Quand il se réveilla, il sentit quelque chose effleurer son visage.
Dès qu’il ouvrit les yeux, il vit l’adolescent avec un pansement sur la joue gauche.
L’autre était accroupi devant lui, en train de caresser légèrement son visage du bout des doigts. Quand il vit que Lin Chuyan s’était réveillé, il retira aussitôt sa main. Lin Chuyan ne put s’empêcher de la saisir.
« Qu’est-ce que tu fais ici ? Shen Jue, » fit-il en prononçant le nom de l’autre.
La main de Shen Jue était retenue. Il fronça les sourcils et fit d’un ton mauvais :
« Tu veux me commander ? Je ne peux plus aller là où j’ai envie ? Et pourquoi ? Le jeune maître Lin est si majestueux que nous autres, fantômes, n’avons pas le droit d’aller là où tu te trouves ?
– Ce n’est pas ça. »
Lin Chuyan se mordit les lèvres, se sentant un peu ivre.
« C’est la demeure du prince Xuan. J’ai entendu dire que quand il était petit, le prince pleurait toutes les nuits. Plus tard, on a dit qu’il voyait un fantôme, alors de nombreux talismans pour repousser les fantômes ont été placardés un peu partout. Voilà pourquoi tu ne devrais pas être ici.
– Ces talismans sont tous des faux. »
Shen Jue voulut récupérer sa main mais après avoir tiré dessus un bon moment, il n’y parvint pas. Lin Chuyan se montrait un peu plus rude une fois qu’il avait bu. Shen Jue dut lui jeter un regard de travers.
« Arrête de me tenir la main.
– Si je ne te retiens pas, où iras-tu ? » demanda doucement l’autre homme.
Shen Jue renifla.
« En quoi cela te regarde ? Jeune maître Lin, veuillez ne pas me retenir. J’ai des choses à faire ailleurs. »
Avec ses ‘jeune maître Lin’ par-ci et par-là, ses paroles étaient faites pour le railler implicitement et ouvertement.
Quand Lin Chuyan entendit ça, il se mit en colère pour une raison inexplicable en voyant l’attitude épineuse de cet adolescent. Comme il était ivre, il ne se souciait plus que ce soit un homme ou un fantôme : il l’attira vers lui pour le prendre dans ses bras et le faire monter sur ses genoux.
« Pourquoi aurais-tu des choses à faire ailleurs ? »
Il se rapprocha du visage de l’autre, ses lèvres le touchant presque.
« Tu viens bien de caresser mon visage à l’instant. Tu comptais t’en aller de nouveau à mon réveil ? »
Les paroles de Lin Chuyan trahissaient un certain mécontentement dont lui-même n’avait pas conscience.
Mais dès qu’il eut prononcé ces mots, le regard du jeune homme qu’il tenait se modifia. Ces yeux le fixaient avec indignation et ressentiment, puis ils se mirent à rougir lentement. Cela surprit énormément Lin Chuyan : il ignorait que les fantômes pouvaient pleurer.
« Qu’est-ce qu’il y a ? fit-il d’une voix considérablement radoucie. Pourquoi tu pleures ? »
Shen Jue le foudroyait toujours du regard. Voyant ça, Lin Chuyan posa les yeux sur le pansement qui se trouvait sur la joue gauche de l’autre.
C’était également là que Shen Jue avait été blessé la dernière fois.
Lin Chuyan se rappela de ce que Shen Jue avait dit à ce moment-là avant de partir : il avait dit que l’autre avait ruiné sa peau.
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« C’est là que tu as été blessé l’autre fois ? »
Lin Chuyan tendit la main pour toucher le bandage mais au dernier moment, l’autre esquiva.
« Ne me touche pas ! »
Le ton de Shen Jue était très mauvais. Bien sûr, s’il n’y avait pas eu de sanglot dans sa voix à ce moment, son ton aurait été plus féroce.
Lin Chuyan avait vraiment fait pleurer un fantôme. Il n’en revenait pas d’avoir réussi un si grand exploit. Cependant, l’autre avait l’air d’une victime d’une grande injustice et cette apparence misérable le bouleversa.
« Laisse-moi voir si c’est grave, tu veux ? »
Lin Chuyan ne savait pas s’il perdait la tête ou autre chose, mais il était en train de murmurer doucement pour amadouer un fantôme !
Et il fallut l’amadouer encore un bon moment avant de pouvoir retirer le pansement.
Quand la gaze fut enlevée, Lin Chuyan resta stupéfait en voyant la plaie sur le visage de Shen Jue car il s’aperçut qu’après plus d’un mois, la blessure était exactement dans le même état que lorsque Shen Jue avait été blessé dans le rêve, sauf que cela ne saignait pas.
Il ne put regarder qu’un moment avant que Shen Jue ne recouvre la blessure d’une main et ne continue à le regarder d’un air rancunier. Lin Chuyan plissa un peu le front :
« Comment est-ce possible ? »
Shen Jue était un fantôme, c’était donc très curieux qu’il soit blessé dans la chair. Et même s’il avait été humain, la blessure serait déjà guérie depuis longtemps.
« Tu ne sais donc pas ce que je suis, bon sang ? fit Shen Jue d’un ton pas content. Je suis un fantôme à la peau peinte et je peins sur de la vraie peau. Une fois la peau blessée, il n’y a aucun moyen de la soigner. »
Lin Chuyan en resta interloqué un moment, puis fit d’un ton anxieux :
« Alors que puis-je faire ? »
Shen Jue ne lui avait jamais fait le moindre mal, pourtant il avait ruiné sa peau.
« Il n’y a rien à faire, à moins de me trouver une nouvelle peau. Mais en quoi ça te regarde ? Tu n’es pas dégoûté parce que je suis un fantôme ? »
En disant cela, Shen Jue se débattit.
« Je dois y aller.
– Je ne suis pas dégoûté, je… »
Lin Chuyan avait eu peur et s’était senti trompé mais peu à peu, il s’était rendu compte que Shen Jue ne semblait vraiment pas avoir l’intention de lui faire du mal, alors sa peur avait diminué. Quant au fait d’avoir été trompé, il avait aussi profité de Shen Jue alors il n’était guère en mesure de faire des reproches à l’autre jeune homme. Si on y regardait bien, il avait fait bien plus de mal à Shen Jue et à présent, la peau du fantôme était fichue par sa faute.
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Il soupira et le serra plus fort contre lui.
« Ne te fâche pas. Dis-moi, y a-t’il un moyen de soigner cette blessure ? Une nouvelle peau, comment ça ? »
Dès qu’il eut prononcé ces mots, l’adolescent dans ses bras leva la tête pour le regarder. Ses yeux, qui contenait encore plein de ressentiment, exprimaient à présent une autre émotion.
« Tu veux m’aider ? »
Lin Chuyan acquiesça légèrement.
« Une nouvelle peau veut dire une nouvelle peau humaine. C’est impossible de soigner la blessure sur mon visage. Je ne peux que remplacer ma peau par une nouvelle. N’importe quelle peau humaine ferait l’affaire, sauf que la peau d’un mort ne convient pas à cause des marques de décomposition. Je ne veux pas non plus d’une peau laide. J’ai déjà fait des recherches, c’est juste que… »
Les paroles de Shen Jue étaient vraiment terrifiantes. Lin Chuyan ne put s’empêcher de pâlir, mais il se força à rester calme.
« Juste que quoi ?
– C’est juste que tu connais cette personne. Il s’agit de Xie Zhi, » fit doucement Shen Jue.
En même temps, il posa la tête sur l’épaule de Lin Chuyan.
« Sa peau me plaît énormément. Chuyan, tu peux m’aider ? »
Note de Karura : Le petit Shen Jue ne doute de rien ! Vous croyez que Lin Chuyan va accepter ?
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