Child of the Night 67

Partie Soixante-sept : Nouveauté



L'an de grâce 1892
Château Draculea, Transylvanie



Sinn s'étira comme il le put avec ses mains attachées à la tête du lit. Il se demanda oisivement, pas pour la première fois, si Rock se rendait compte que ces liens étaient purement symboliques — qu'il n'aurait que peu de mal à déchirer les lanières de cuir. Mais les chaînes du donjon — c'était une autre histoire. Il était toujours un peu nerveux quand Rock voulait jouer en bas. Il y avait un certain charme, bien sûr, mais Sinn n'avait pas confiance en Rock pour jouer. Le garçon était assez déséquilibré — cela faisait partie de son charme — aussi Sinn prenait-il soin de feindre un grand enthousiasme pour les chaînes et chevalet. Rock était moins enclin à utiliser tout ce qui pouvait donner du plaisir à Sinn. Sinn, connaissant son trait pervers, pouvait aisément le manipuler pour qu'il fasse précisément les jeux rudes et l'humiliation qu'il voulait le plus.


Il avait passé la dernière heure avec les genoux à la tête du lit au-dessus de ses mains attachées, presque plié en deux, alors que Rock le baisait avec un abandon vicieux. Le vampire était parvenu à déchirer une partie des tendres tissus internes, retirant son membre orné de sang sombre et glacial au lieu de la merde qu'il aurait attendu chez un partenaire mortel. Encore maintenant, Sinn pouvait sentir la guérison, comme un chatouillis vague dans ses intestins. C'était si familier qu'il le remarquait à peine.

Sinn étira ses jambes avec largesse, en défaisant les dernières tensions. Avant que Rock ne parte, Sinn avait supplié pour qu'on le laisse attaché dans cette position inconfortable, avec les jambes attachées, faisant les yeux doux à Rock et lui disant que dans cette position, il se sentait tellement bien. Rock avait immédiatement détaché ses jambes.


Il soupira. Pauvre Rock, si prévisible. Oh, il était bon pour une séance de baise dure et forte, mais cet homme n'avait aucune subtilité — aucune finesse ou cruauté. Pas de vrai pouvoir. Sinn regrettait l'époque où Draculea le prenait dans son lit. Non pas que le maître vampire se soit jamais montré délibérément cruel avec lui, mais il était si magnifique dans son assurance et sa force familière. Vlad Draculea était clairement fait pour être un maître dans tous les domaines — politique, physique et sexuel. Même maintenant qu'il vieillit enfin, songea Sinn. Même avec les rides et les cheveux blancs, il est plus excitant que Rock en pleine virilité. Mais cela faisait des décennies que Draculea n'avait recherché l'étreinte de l'un de leur petit clan. Sinn avait cessé de tenter de le séduire après plusieurs années, après avoir rencontré une indifférence vague qui était plus percutante qu'un rejet violent. Rock était soulagé d'être libéré des demandes charnelles de Draculea. Il n'avait jamais vraiment apprécié de se faire prendre, s'attachant obstinément à son ressentiment pour toute forme de possession.


Sinn connaissait Nicolae, bien sûr. Ils connaissaient tous l'amour perdu de la vie de Draculea, bien que Draculea lui-même n'en discutait jamais avec ses deux plus jeunes enfants. Sinn avait vu le portrait dans la bibliothèque, avait vu les rames de parchemins, tous soigneusement préservés, couverts de cette élégante écriture. Sinn avait toujours été sceptique sur le concept de dépérir sans amour, mais il n'en était plus si sûr à présent. Il semblait qu'il était en train d'y assister.

Simion ne lui faisait pas confiance mais puisqu'il n'avait jamais tenté d'utiliser ou de faire du mal à Rill, il traitait le vampire français avec plus de courtoisie que le récalcitrant Rock. Il passait même du temps avec Sinn pour parler ou jouer aux échecs ou aux cartes tandis que Rill observait, fasciné. Sinn avait peu à peu obtenu l'histoire complète et étrange du prince Vlad Tepes Draculea — son enfance froide, son règne sanglant, sa décision réticente à chercher une épouse et sa rencontre fatidique avec Nicolae Calugarul, le Petit Moine.


Sinn ne put que sourire en se souvenant de ça. Ceux qui étaient vraiment purs étaient si amusants, si tentants. Corrompre un innocent était certainement l'un des amusements les plus agréables. C'était l'une des raisons pour lesquelles il avait tant d'espoir pour cette visite imminente. Le commis était un Anglais, pas vrai ? Il avait entendu les tziganes dire que dans les dernières décennies, les Anglais étaient devenus particulièrement prudes, très réprimés et horrifiés par tout ce qu'ils considéraient comme pervers ou même 'anormal'. Cela faisait longtemps que Sinn n'avait pas eu l'occasion de pratiquer ses techniques de séduction. Il était plutôt impatient d'y être.

Il commença à tapoter le montant du lit en sentant la première bouffée d'impatience. Où était ce stupide paysan ? Il voulait avoir un peu de temps pour se rafraîchir avant de rencontrer cet intriguant inconnu. Après tout, les premières impressions étaient les plus importantes.

Rock avait terminé sa toilette sommaire. Il faisait à présent les cent pas dans sa chambre, un verre de vin presque oublié dans sa main. Il en appréciait toujours le goût mais il n'avait jamais pris l'habitude de consommer de la nourriture normale ou de la boisson, comme Rill. Ce garçon s'était habitué à l'inconfort qui suivait chaque repas, juste pour le plaisir de manger les choses qu'il aimait lorsqu'il était mortel. Simion se moquait gentiment de lui lorsqu'il mangeait trop et avait la nausée ou bien mal au ventre, mais il continuait à choyer le garçon, sachant à quel point il appréciait les repas.


Cela rendait Rock furieux et il n'avait pas vraiment de moyen de libérer la rage et la faim qui bouillaient en lui. Oh, pas la faim physique — cette faim physique était satisfaite. Il devait encore prendre la majeure partie de ses repas des bêtes de la forêt qui entourait le château mais il y ajoutait à présent de la vraie nourriture. Au moins une fois par semaine, il parvenait à cajoler un tzigane pour le laisser le nourrir. Plus d'une fois, il avait dû faire plaisir à son repas potentiel mais il était devenu particulièrement doué pour ça et cela se passait toujours très vite. Il avait l'intention de massacrer ces animaux souriants un par un, un jour.


Rock regarda le vin puis émit un son de dégoût et le jeta dans le feu. Il siffla, avec de la vapeur à l'odeur acide s'élevant alors qu'il frappait les flammes et il posa négligemment le verre sur la table. Il avait toujours rêvé de vivre dans une belle maison avec des vêtements fins. Ses souhaits avaient été réalisés mais à un prix qui l'irritait. Il n'était pas son propre maître — il était la créature de Draculea. Il n'était même pas son animal — Rill avait cette position de favori et Sinn (jusqu'au récent déclin de Draculea) avait été un compagnon pour le prince. Et Rock ? Rock était toujours sa chienne — rien n'avait vraiment changé depuis la première nuit de sa non-vie, quand Draculea l'avait pris avec la même indifférence brutale que Rock montrait habituellement à ses propres partenaires de lit.


Trop longtemps, foutrement trop longtemps. Depuis combien de temps n'avait-il pas eu vraiment quelqu'un ? Il y réfléchit. Il y avait Sinn, bien sûr. Mais il n'est pas important. Enfer, il aime ça. Je crois que si je le baisais à mort, il se contenterait de sourire. Il y a eu ce garçon d'écurie...

Rock sourit cruellement à ce doux souvenir. Il avait été succulent — à peine assez vieux pour raser la chaume de ses joues, si terrifié... Rock ne voulait pas le tuer. Il n'avait même pas commencé à prendre sa vie. Il ne voulait que son sang et son derrière. Il avait chassé loin des autres lorsqu'il était tombé sur le garçon qui urinait derrière un buisson, près des écuries d'un manoir que Draculea visitait en tachant de décider quel membre de la famille soigneusement charmée il choisirait pour son propre délice.

Rock avait assommé le garçon d'un coup rapide puis l'avait emporté dans la forêt en sachant qu'il devait s'éloigner des autres s'il voulait avoir son repas. Puis il avait réveillé le garçon avant de le prendre. Quel était intérêt de baiser un corps inconscient ? Ce n'était pas du vrai sport.


La soif de sang s'était mêlée au désir charnel et il n'avait pas vraiment tenté de réprimer sa nature. Il avait déchiré la gorge du garçon en le violant, s'abreuvant du sang rendu doux par la douleur et la terreur. Cependant, il n'avait pas assez bien caché le corps et Draculea sut immédiatement ce qu'il s'était passé. Ce fut l'une des nombreuses fois dans son existence crépusculaire où Rock crut qu'il allait enfin mourir pour de bon, mais ce ne fut pas le cas.

Même cet incident... C'était pour se défouler, prendre ce qu'il pouvait, pas vraiment pas choix, donc cela pouvait-il vraiment compter comme un acte de sa propre volonté ? Et quelle en serait la signification ?


« Cent quatre-vingt-quatorze ans, » murmura-t-il.

Contrairement à son frère, il avait conscience de chaque année qui s'était écoulée.

« Cent quatre-vingt-quatorze ans à être pris, au lieu de prendre. Eh bien, cela a suffisamment duré. »

Il se rendit à la fenêtre. C'était l'une des chambres extérieures — les fenêtre n'avaient pas été barricadées et il ne pouvait y entrer que de nuit. Il avait entendu le son distant de la calèche. Il se tint à la fenêtre en observant la cour et en ne montrant pas plus de vie qu'une statue.

Il ne bougea toujours pas en entendant la voiture s'approcher. Il resta immobile durant les longs moments où le grondement des roues et le bruit des sabots se rapprochèrent. Il se rapproche — l'étranger. Il ne fait pas partie de la lignée de Draculea, il n'est pas sous sa protection héréditaire. La voiture entra dans la cour.


Il observa les tziganes qui venaient à sa rencontre. Simion était seul sur le siège du cocher — cela voulait dire que Rill était à l'intérieur avec le nouveau-venu. Oui, ce serait le cas. Rock renifla doucement. Il est comme un chiot, amical avec tous ceux qui ne le frappent pas.

Le tzigane resta un moment sur le marchepied. Il riait en secouant la tête lorsqu'il descendit et emmena les bagages dans le château avec ses compagnons. Rock se tendit un peu, attendant, mais ce fut Rill qui sortit ensuite. Puis son frère se tourna en tendant la main vers la voiture ouverte. Rock se tendit à nouveau et cette fois il ne fut point déçu.


C'était un homme petit. Il m'arrive à peine au menton. Il était emmitouflé dans un de ces manteaux lourds et épais que les citadins aimaient tant. Des mots furent échangés et Rill bondit pour s'asseoir à côté de Simion alors que le serviteur conduisait la calèche aux écuries, en laissant le visiteur seul au pied des escaliers qui conduisaient à la porte principale.

L'Anglais regarda le château, ses yeux errant sur le bâtiment. Rock savait qu'il voyait plus de choses que le mortel parce qu'il regardait avec ses yeux de vampire. Il n'était pas possible que Renfield puisse le voir mais il pouvait voir le mortel très clairement.


Il était pâle sous la lumière de la lune. Si pâle qu'il pourrait être l'un des nôtres, songea Rock. Le visage... n'était pas efféminé mais fin, presque délicat, et il y avait un pli nerveux et mélancolique sur sa bouche bien formée. Il ne pouvait pas déterminer la couleur des yeux à cette distance mais ils étaient grands et, songea-t-il, intelligents. Oui, il a un cerveau — ils n'enverraient pas un homme stupide. C'est encore mieux. Ses doigts se crispèrent mais il ne se rendit pas compte des marques profondes que ses ongles laissèrent sur ses bras. Les imbéciles sont trop faciles à briser. Il se frotta le menton en observant l'homme monter les escaliers. Il sentit ses canines picorer ses lèvres et suça d'un air songeur les petites plaies en se nourrissant du petit filet de sang épais et froid. Il sourit quand le jeune homme disparut de sa vue.

« Cela pourra être très intéressant. »

Je ferais mieux d'aller libérer Sinn. Il voudra se faire beau et il me rendra fou en boudant s'il n'est pas satisfait de son apparence la première fois qu'il rencontrera Renfield. Il retourna dans la pièce où ils avaient couché.

Sinn avait finalement perdu patience et avait décidé qu'il en avait assez d'attendre sur Rock. Il avait commencé à tordre et tester ses liens en songeant au moyen le plus rapide et le plus simple de les défaire. Il avait presque choisi un plan lorsqu'il entendit Rock approcher de la pièce.

« Il était temps, chéri, » murmura-t-il.

Il cligna rapidement des yeux plusieurs fois en forçant ses yeux à s'humidifier. Avant que Rock n'atteigne la pièce, il était parvenu à produire une unique larme de sang. Satisfait que cela semblait assez décoratif le long de sa joue, il commença à prétendre se débattre avec ses liens.


Rock secoua la tête en entrant.

« Sinn, quand vas-tu enfin apprendre ? »

Il se rapprocha et s'assit sur le lit près du jeune vampire qui s'immobilisa en le regardant avec des yeux humides et implorants. Rock captura la larme de sang de son pouce puis la lécha. Il fit à nouveau courir son pouce sur la pommette haute de Sinn puis le tapa légèrement.

« Je devrais tout simplement te laisser ici un jour ou deux. Rill ne rentrera pas si je lui demande de ne pas le faire. »

Sinn ne montra pas son ennui. Et Simion viendrait certainement me chercher.

« Rock, je t'en prie. Tu sais que le prince veut tous nous présenter au notaire. Je ne veux pas qu'il se mette en colère contre moi si je ne suis pas prêt. »

Il lança à Rock un regard lourd de signification.

« Je ne saurais pas quoi lui dire s'il m'en demande la raison. »


Rock se renfrogna. La mode pour les armes dissimulées était passée depuis bien longtemps mais que savait un vampire des styles actuels ? Il gardait une petite dague longue de trois pouces attachée à son avant-bras sous sa manche. Il tira l'arme et coupa les liens qui attachaient Sinn au lit.

Sinn se redressa et examina ses poignets en sifflant d'ennui.

« Chéri, s'il te plaît — la prochaine fois, utilise des lanières plus larges. La peau est presque entaillée jusqu'à l'os. Bon, j'ai l'air d'avoir tenté de me suicider. Je vais devoir porter des manches longues et serrées.

– Tu ferais mieux de te décider rapidement, fit Rock d'un ton sombre. Il est arrivé il y a une minute.

– *Merde* ! »

Sinn bondit sur ses pieds en prenant ses vêtements qui étaient par terre. Il jura en français alors qu'il les mettait rapidement.

« Dieu merci, j'ai réduit mon choix de vêtements à seulement une douzaine ! Je pourrais même me rendre moins hideux avant de me présenter. »

Il avait quitté la chambre avant que Rock ne puisse cligner des yeux.


Il secoua la tête. Peu importe le temps qu'il existe, il sera toujours un séducteur vaniteux. Bon, il se leva et se dirigea vers sa propre chambre. Je ferais mieux de me préparer. Si Draculea pense que je ne prends pas soin de faire bonne mine devant son nouveau pion, j'en souffrirai.

Alors qu'il se changeait, il songea : Il m'a l'air d'un morceau assez savoureux — de plusieurs façons. Peut-être pas aussi tendre et jeune que possible, mais je pense qu'il offre des possibilités. Le fait est, est-ce que je veux partager avec Sinn ? Il va courir après cet homme comme un loup derrière un lapin blessé. Il lissa ses cheveux en sachant que Sinn irait chercher soit lui, soit Simion pour une dernière opinion sur son apparence. Les vampire avaient beaucoup d'avantages sur les mortels mais il y avait une chose qu'ils ne pouvaient pas faire — ils ne pouvaient pas voir leur reflet.


Rock s'habillait toujours selon le style de sa vie mortelle, se raccrochant obstinément au dernier élément du temps où il était encore un homme libre, qui ne répondait devant personne. Alors qu'il lissait un plis de son bas, il songea : Oui, tu vas lui courir derrière, pas vrai, Sinn ? Bien, nous verrons qui s'en sortira le mieux avec ce petit lapin. Il eut un sourire cruel, ses canines luisant. Le collet ou l'aigle en chasse.






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