Child of the Night 71

Partie Soixante-et-onze : La photographie


L'an de grâce 1892
Transylvanie
Château Draculea



Rill était assis sur le bord du lit en baillant lorsque Simion entra dans leur chambre après avoir quitté Sinn.

« C'était Sinn ? »

Il se frotta les yeux d'un air ensommeillé.

« Il s'est levé tôt. »

C'était vrai — Sinn était aussi indolent qu'un chat. S'il avait encore été une créature diurne, il aurait été du genre à dormir jusqu'à midi.

« Je pense que c'est la nouveauté d'avoir un étranger dans le château, » fit Simion.

Il ouvrit une armoire et commença à préparer les vêtements de Rill pour la nuit.


Rill se leva et accepta les sous-vêtements en lin que son amant lui tendit. Alors qu'il les mettait, il fit lentement :

« Simion, Sinn n'irait pas... n'irait pas faire du mal à Robert, pas vrai ? »

Simion tendit à Rill une chemise en soie dorée — une qui ferait ressortir ses cheveux noirs et ses yeux.

« Je pense que tu le connais mieux que moi, Rill. Tu crois qu'il pourrait faire du mal à mister Renfield ? »

Rill soupira en paraissant songeur alors qu'il boutonnait sa chemise.

« Pas vraiment, mais... Parfois, Sinn est dur à comprendre. J'ai l'impression qu'il me dit des choses juste parce qu'il sait que c'est ce que je veux entendre, pas parce qu'il le pense vraiment. »


Simion se rapprocha et tendit la main pour caresser la joue douce du garçon.

« Tu sais, Rill, il y a plein de gens considérés comme intelligents qui n'ont jamais compris ça à propos de Sinn. Tu es un enfant sage. »

Rill sourit en tournant la tête pour déposer un baiser sur la main de Simion et le vieil homme sentit son cœur se serrer. Sage, mais oh, si innocent. Tu peux voir les possibilités de la cruauté mais tu espères toujours contre toute attente que la personne suivra une voie noble et résistera à l'envie de blesser un autre. Mon pauvre amant — si souvent condamné à être déçu.


Il laissa le garçon finir de s'habiller pour faire le point avec les tziganes de surveillance durant le jour. Comme il s'y attendait, personne n'était venu dans les environs. Cela faisait des siècles que les villageois n'osaient plus venir près du château. Simion était plus inquiet des activités dans le château. La drogue qu'il avait donnée à Renfield n'avait jamais failli avant mais Simion avait trop de bon sens pour la considérer comme acquise.

Alors qu'il considérait comme nécessaire cette consultation avec les gardes du prince, il savait qu'il s'en servait aussi comme une excuse pour avoir un peu de temps. Il devait décider de ce qu'il allait faire à propos de cette extraordinaire photographie.


Il songea à aller dans la chambre de Renfield une fois qu'il serait parti pour rencontrer le prince et la prendre, mais il rejeta ce plan. Il avait le sentiment que Renfield gardait l'image près de lui à tout moment. Son instinct de protection à son égard avait été très évident. Il ressent quelque chose pour ce jeune homme et cela m'inquiète, songea Simion alors qu'il se rendait à la cuisine pour surveiller le repas de Renfield. Le repas serait amené à la pièce de réunion pour qu'il puisse manger tout en discutant affaires avec le prince.

On doit le mettre au courant. Il est possible que cela ne signifie rien mais... Simion secoua la tête, s'attirant un regard curieux de la part du tzigane qui préparait la nourriture de Renfield. Le tzigane fut intrigué mais il ne dit rien. Les pensées de l'intendant du prince n'appartenaient qu'à lui et il valait mieux ne pas s'en enquérir.


Les pensées de Simion se poursuivirent. Non, ce serait une trop grande coïncidence. Ce jeune homme fait cependant partie du destin de Draculea, qui qu'il soit. Ce serait stupide de ne pas y croire. Il doit apprendre son existence — je suis sûr que c'est son destin. Mais la façon dont il va l'apprendre est importante. J'ai peur de ce qui pourrait arriver s'il tombait brusquement sur cette image, sans aucun avertissement. Je pense que ça le rendrait fou — et que Dieu nous aide alors.

Simion emporta lui-même le plateau à la petite pièce où ils s'étaient réunis la veille. Il venait juste de terminer de mettre la table lorsque Draculea arriva. Simion remarqua que son maître semblait plus conscient, plus impliqué dans le monde qu'il y avait quelques années. Même si cette mystérieuse photographie se révélait sans aucune signification, sa décision de reprendre sa quête de Nicolae lui faisait du bien.


Draculea hocha la tête en direction de Simion et s'assit à table.

« Comment va notre visiteur ?

- Je ne l'ai pas encore vu, maître, mais je pense qu'il a bien dormi. Nos tziganes ont dit qu'il n'a pas rôdé durant le jour. »

Il marqua une pause puis fit :

« Sinn est avec lui maintenant. »

Draculea sourit légèrement.

« Oui, Sinn est bien du genre à être avec lui le plus rapidement possible. Il s'ennuie de Rock. Sinn va sans aucun doute le réveiller avec sa méthode inimitable. Il a assez de bon sens pour ne pas se nourrir de lui mais je ne doute pas qu'il va le drainer d'une autre manière. »

Simion sourit.

« Sans aucun doute.

- Je crains seulement que notre nouvel ami ne s'en sorte pas très bien. »


Draculea fronça les sourcil.

« Il m'a paru... fragile. Oh, pas physiquement. »

Il joignit ses mains d'un air songeur, ses doigts en pyramide devant son visage.

« Mais je sens que mister Renfield a marché au bord du précipice depuis très longtemps. Je ne serais pas surpris si Sinn le faisait tomber. »

Draculea observa Simion finir de mettre la table en arrangeant soigneusement chaque objet. Il fit :

« Mon vieil ami, quelque chose te perturbe. »

Il désigna une chaise.

« Raconte-moi. »

Simion s'assit sur la chaise et Draculea attendit patiemment qu'il mette de l'ordre dans ses pensées, sachant que Simion parlait rarement à la légère.


Finalement, Simion fit :

« Il y a quelque chose, mon seigneur — quelque chose qui pourrait n'être rien ou bien avoir une grande importance. Hier soir, Rill aidait mister Renfield à défaire ses bagages et il a trouvé quelque chose. »

Ses lèvres formèrent presque un sourire.

« Il est lent sur certaines choses mais très vif pour les choses qui comptent vraiment.

- Quel était ce mystérieux objet ?

- Je vous ai déjà parlé des photographies, mon seigneur ?

- Oui. C'est la nouvelle façon de faire des tableaux, sans peinture ou toile.

- Cela montre les choses exactement — il n'y a pas d'interprétation personnelle, d'adoucissement ou de flatterie — pas de distorsion. Renfield a avec lui une de ces photographies — un portrait. »


Simion devint silencieux.

« Tu commences à m'intriguer, Simion.

- Le sujet de ce portrait est un jeune homme, à peine sorti de l'enfance, avec des cheveux noirs et des yeux noirs. »
Il s'arrêta à nouveau.

La seule réaction de Draculea fut de serrer un peu plus fort les bras de la chaise mais ses yeux étincelaient.

« Continue. »

Simion inspira.

« Il y a une ressemblance, mon seigneur. »

Il n'avait pas besoin de dire le nom. Draculea pencha la tête. Cela faisait des siècles qu'il n'avait pas eu besoin de respirer mais certaines réponses émotionnelles étaient si profondément intégrées qu'elles ne mourraient jamais. Il inspira profondément et fit :

« À... à quel point, cette ressemblance ?

- C'est tout à fait son portrait, mon seigneur, » fit doucement Simion.


Draculea se leva brusquement, la chaise raclant sur le sol alors qu'il la repoussait. Ces dernières années, il avait semblé rapetisser à cause des rigueurs de son refus de se nourrir correctement, mais à présent il se dressait comme dans les souvenirs de Simion. Il murmura :

« Si c'est vrai... »

Il se tourna en marchant pour regarder dans les flammes.

« Pourrais-je avoir autant de chance, Simion ? Qu'on m'amène une preuve si flagrante de son retour... »

Sa voix mourut puis il fit :

« Oserai-je y croire ? Il me semble plus probable que Dieu me fait une farce cruelle pour me punir de ma défiance.

- Je ne peux pas dire, mon prince. Cela pourrait en effet n'être rien — mais cela pourrait être tout. Il faut que vous la voyez et que vous jugiez par vous-même. Malheureusement, je ne crois pas que Renfield soit enclin à montrer cette image. Il semble très protecteur envers elle.

- Oui ? »


La voix de Draculea était plate et Simion le regarda rapidement. Son maître regardait dans les flammes, son visage indéchiffrable.

« Il estime ce jeune homme ?

- Il dit que c'est un ami, mon seigneur. Puis-je donner mon avis ? »

Draculea inclina la tête.

« Je doute que cet Anglais ait déjà connu la chair — mâle ou femelle. Sinn est avec lui maintenant et je ne serais pas surpris que ce soit sa première fois, mais en ce qui concerne son cœur... »

Simion haussa les épaules.

Draculea tapota la tablette de la cheminée en réfléchissant.

« Bon, il n'y a pas lieu de s'inquiéter tant que je n'ai pas vu cette image. Et comment vais-je faire ça, Simion ? Dois-je ordonner à Sinn de le distraire pendant que je me faufile dans sa chambre et que je la recherche ? »

Sa voix était ironique.

« Je doute que ce subterfuge soit nécessaire. Il la conserve dans sa mallette. Il faudra bien qu'il l'ouvre et la vide lorsque vous le consulterez — ce sera assez simple de... hum, découvrir l'image. »


Draculea hocha la tête et retourna s'asseoir à table. Il regarda la nourriture qu'on avait préparée pour son visiteur en songeant que même après toutes ces années, Rill appréciait autant la nourriture que les mortels. Il se demanda si cela allait finir par disparaître ou bien si c'était la nature simple de Rill qui lui permettait de se raccrocher à ce dernier morceau d'humanité. Et moi-même — suis-je encore humain ? Je devrais dire que mon amour pour Nicolae me permet de prétendre que je suis humain. Mais est-ce encore de l'amour ou bien est-ce seulement du désir — et de l'obsession ?

Simon observait Draculea. Pour les autres, il aurait semblé impassible mais Simion pouvait lire dans son vieil ami alors que d'autres ne le pouvaient pas. Si Draculea était convaincu que le jeune homme du portrait était Nicolae revenu à la vie, alors la proximité entre Renfield et lui pourrait bien déterminer le sort du commis. Simion se rapprocha et posa sa main sur l'épaule de Draculea. Quand le vampire leva les yeux vers lui, il fit :

« Je vous demande de me faire une promesse. Je vous demande votre parole. »


Draculea se renfrogna. Il fit lentement :

« Simion, la dernière fois que tu m'as demandé de te jurer quelque chose, c'était lorsque ce bâtard de Varga avait blessé mon Nicolae. Qu'est-ce que tu me demandes maintenant ?

- Je vous demande de me promettre de ne pas agir avec hâte avec Renfield. Mon seigneur, vous avez attendu si longtemps... Je sais que vous vous languissez de Nicolae, à quel point cela vous brûle le cœur. Vos passions pourraient prendre le pas sur votre sens pratique. Je vous demande de vous rappeler que ce Renfield n'est qu'un mortel et, je crois, fragile d'esprit. Je vous en prie, mon seigneur — promettez-moi d'être patient. Rappelez-vous, s'il meurt ou sombre trop profondément dans son esprit, vous pourriez très bien ne jamais revoir Nicolae.

- À nouveau, tes conseils sont sages, Simion. Oui, je serai patient — autant que possible. Mais si c'est comme tu dis... »

Il tourna des yeux brûlants vers Simion.

« Il va me conduire à Nicolae. »


Il y eut un bruit à la porte et les deux hommes la regardèrent avec attente. Elle s'ouvrit lentement d'un pouce puis se déplaça rapidement et doucement pour s'ouvrir en grand. Ils surent pourquoi lorsqu'ils virent Rill se tenir près de Renfield. Il avait une main sur l'épaule du commis et l'autre était sur la porte, déplaçant facilement le lourd poids.

« Il ne faut pas que ça vous dérange, Robert. Les gonds sont assez durs avec l'âge et c'est difficile de la pousser si on ne connaît pas l'astuce.

- Merci, Rill. »

Renfield entra avec sa mallette en cuir sous le bras aussi prudemment qu'une mère tenant son premier enfant.

« Bonjour... Euh, bonsoir... »

Sa voix mourut, son ton interrogateur.

Draculea haussa les épaules.

« Oui, cela peut être un peu confus pour quelqu'un qui n'est pas habitué à notre emploi du temps. Mais n'ayez crainte — l'intention est claire, peu importe la forme. Je vous en prie, venez prendre votre repas. »


Renfield alla s'asseoir à la table, Rill prenant un siège sur le côté, près de Draculea. Comme il l'avait fait auparavant, Draculea caressa les cheveux du garçon d'un air absent alors que Renfield mangeait. Le prince s'enquit poliment de son sommeil et Renfield répondit qu'il avait très bien dormi.

« J'étais un peu surpris, prince. Je n'ai pas eu une seule bonne nuit de sommeil depuis le début de mon voyage. Bien sûr, on peut dire que c'est à cause des trains qui remuent, des compagnons qui ne dorment pas ou des lits horriblement inconfortables, mais pourtant... Je n'aurais pas cru dormir aussi bien dans un endroit inconnu.

- Vous étiez fatigué de votre voyage, mon ami, fit Draculea. Dites-moi, avez-vous rêvé ? »

Renfield commença à parler puis hésita.

« Oui ?

- Eh bien, c'est un peu étrange. Je ne me souviens pas avoir rêvé pendant mon sommeil mais quand je me suis réveillé, j'ai eu l'impression d'être dans un rêve. »

Il secoua légèrement la tête alors qu'il découpait une pomme de terre cuite à la vapeur.

« Je me souviens m'être levé. Quelqu'un est venu dans ma chambre pour voir si j'étais prêt à descendre.

- Je suis venu vous chercher, signala Rill.

- Je sais. Mais j'ai l'impression qu'il y avait quelqu'un d'autre. »

Il soupira et prit un morceau de pomme de terre en le mâchant lentement.

« Je suppose que ce n'est pas bien important. »


Les yeux de Draculea se plissèrent alors qu'il examinait Renfield qui ne s'en rendit pas compte. Sinn avait-il désobéi et s'était nourri de leur invité ? C'était difficile à dire. Renfield était naturellement pâle et les ombres sous ses yeux pouvaient être mises sur le compte de son récent voyage. Son haut col pouvait cacher des marques sur sa gorge. Non, je ne pense pas que Sinn trépasserait ainsi mes ordres. Il a trop de bon sens, ou en tout cas trop envie de vivre. Avec Rock, ce serait une autre histoire, mais je doute qu'il puisse suffisamment se restreindre pour qu'on ne voie pas tout de suite un signe de son usage. Je pense que mister Renfield a juste été un peu choqué par... l'exubérance de Sinn. D'après mes souvenirs, c'est bien probable.

Rill était engagé avec Renfield dans une conversation sur les chevaux du prince — lequel était doux, lequel avait du caractère, lequel était le plus malin pour trouver des morceaux de sucre cachés. Draculea fut content de voir que le commis faisait attention à ce que le garçon disait et qu'il répondait intelligemment. Simion en faisait de même, bien sûr, mais Sinn avait tendance à traiter le garçon comme un chien de manchon, et Rock... Rill essayait toujours d'impliquer son frère dans sa vie. Draculea ne pouvait que s'émerveiller devant la capacité du garçon à pardonner.


Alors que Renfield était distrait, les yeux de Draculea tombèrent sur la mallette de cuir à ses côtés. Ce n'était qu'un simple objet, certainement pareil à des milliers d'autres. Comme c'est étrange qu'une chose aussi banale contienne la clef de ma destinée.

« Avez-vous terminé votre repas, mister Renfield ? »

Renfield leva les yeux, un peu surpris que son hôte, jusqu'à présent si parfait, montre un peu d'impatience. Mais cet homme faisait partie de la royauté, se souvint-il, et il avait l'habitude qu'on exécute sur-le-champ ses souhaits ou ses caprices.

« Oui, merci. »

Il se ressuya les lèvres alors que Simion commençait à enlever les assiettes sur le plateau. Il prit sa mallette.

Rill s'assit d'un air alerte, les yeux fixés sur la mallette. Simion lui lança un regard d'avertissement mais son expression s'adoucit alors. Rill était trop concentré sur Renfield et son portfolio pour remarquer l'avertissement mais Simion savait que son appréhension automatique n'avait pas lieu d'être. Il avait dit à Rill d'être discret et il en ferait ainsi. Rill ferait n'importe quoi pour lui.


Renfield prit une liasse de papiers.

« J'ai apporté les descriptions de huit propriétés dans et autour de Londres. Je suis sûr que deux ou trois vous conviendraient. Si jamais aucune d'elles ne vous plaît, je peux faire venir des informations sur des propriétés supplémentaires de mon bureau. Cela ne prendrait qu'une semaine au plus. »

Il commença à se lever mais Draculea l'arrêta d'un geste.

« Non, non — restez assis. Je m'ankylose si je reste assis trop longtemps, alors je vais venir à vous. »

Draculea se leva et contourna la table. Il se tint à côté de Renfield et un peu en retrait.

« Je vous en prie, parlez-moi de ces propriétés.

- Bien... Ici, monsieur, si vous voulez bien regarder cette carte. La première est située ici. Bon, je ne vais pas vous mentir — ce n'est pas un quartier à la mode mais il est respectable et tranquille. La maison est en bon état même si elle n'a pas été occupée depuis un an. Vous aimeriez peut-être refaire un peu la décoration si vous la choisissez.

- Les mots sont limités. Rill m'a dit que vous avez des pho... pho... »

Il regarda Simion.

« Des photographies, mon seigneur, répondit Simion.

- Oui. Des photographies de ces propriétés ?

- Oui, en effet. »


Renfield posa les documents et chercha à nouveau dans sa mallette. Il en sortit un petit paquet de photographies et les tria.

« Là. »

Il en tendit une au prince, l'image d'une jolie maison.

Draculea la prit et se força à feindre de l'intérêt. S'il n'y avait pas eu la promesse de quelque chose de beaucoup plus intéressant, il aurait trouvé cette photographie fascinante. Il avait déjà vu des miniatures peintes mais cette photographie semblait parfaite, jusque dans le moindre détail. Il la rendit sans commentaire.

Renfield ne s'inquiéta pas pour ça — ce n'était que la première offre et le prince n'avait pas dit qu'il n'aimait pas.

« Si vous préférez quelque chose plus près de la campagne, sans être trop loin des avantages de la ville, cette propriété pourrait vous intéresser. »

Il présenta un autre document et une photographie.

« C'est juste dans la périphérie de la ville et la propriété comprend une zone boisée et même une petite mare. »


Draculea les prit et les regarda d'un air absent.

« Je suis certain que c'est très agréable. Nous pourrions gagner du temps, mister Renfield, si vous me donniez simplement toutes les photographies. Je pourrai les regarder toutes et vous faire savoir si l'une d'elles me plaît. »

On peut faire confiance à la noblesse pour s'intéresser plus aux apparences qu'à la réalité solide.

« Certainement. »

Renfield tendit le reste des images.

« Si vous en trouvez une qui vous plaît, je pourrai prendre le bon document et vous donner les détails. »

Draculea fit semblant d'étudier chaque image en se forçant à prendre son temps. Il arriva à la fin de la pile. Pas de portrait. Une pointe de colère submergea sa déception mais il la repoussa. Il existe — Rill et Simion l'ont vu et je vais le voir, mais je dois traiter avec soin cette situation.


Il sourit gracieusement à Renfield et choisit une photographie au hasard.

« Cet endroit. Je le trouve intéressant. »

Renfield prit l'image et l'examina.

« Ah oui, le manoir Plummer. Ce serait un excellent choix, prince Draculea, et il se trouve que je sais que les propriétaires sont pressés de vendre. Je suis sûr qu'ils se montreront très raisonnables si nous sommes subtils dans nos négociations.

- Merveilleux. Il faudra m'en dire plus. Mais d'abord... »

Il prit la mallette.

« Nous devrions nettoyer un peu ça. »

Alors qu'il tendait la main vers certains documents, il pencha imprudemment la mallette et une dernière photographie en sortit.


Renfield tendit instinctivement la main vers le portrait mais Draculea fut encore plus rapide. Il attrapa le poignet de Renfield de sa main libre, sa poigne aussi ferme et froide que l'acier. Draculea déposa la mallette et prit la photographie mais ne la regarda pas. Son regard fut plutôt fixé sur Renfield, le clouant sur place. Renfield protesta pourtant.

« Prince Draculea, c'est une photographie personnelle — cela n'a rien à voir avec nos affaires.

- Sans doute pas directement mais c'est l'image de l'un de vos amis, n'est-ce pas ? Je veux tout connaître d'un homme si je dois faire affaire avec lui. »

Il regarda Renfield.

« Vous n'y voyez sûrement pas d'objections ? »

Comment Renfield pourrait-il protester ? C'était une requête assez innocente et il fallait qu'il garde les bonnes grâces du prince.

« Non, fit-il lentement. Non, bien sûr que non.

- Et qui est-ce ?

- Jonathan Harker — nous travaillons ensemble.

- Jonathan Harker. »

Ce nom ne lui rappelait rien, n'était pas familier mais... Simion connaissait Nicolae presque aussi bien que moi. Comment pourrait-il se tromper ? Draculea baissa les yeux sur l'image...


Et le monde s'effondra.


Ces yeux. Par tous les pouvoirs du Ciel et de l'Enfer, ces yeux ! Ses yeux. Ils étaient sombres et légèrement en amande, écarquillés et directs, regardant le monde avec intelligence et bonne humeur, et plus encore. Son âme ressort et la bonté et la douceur brillent à travers.

Il détacha son regard de ces yeux pour observer le reste de l'image. Sa gorge se serra et il déglutit avec difficulté. Le corps fin, les cheveux épais et brillants, la bouche large et bien formée, les mains longues et élégantes, posées calmement sur ses cuisses — tout cela était familier, même après toutes ces années.

Il ne lui ressemble pas simplement — c'est mon Nicolae. Ce doit être lui.

Renfield observa le prince examiner la photographie de Jonathan et il sentit l'appréhension le gagner. Draculea tenait l'image à deux mains, serrant de chaque côté, ses mains serrant encore plus. L'expression du vieil homme était vide mais ses yeux semblaient presque luire. Seigneur, que voit-il ?

« Monsieur ? »

Le prince ne répondit pas.


Le prince semblait bien éveillé pour un homme de son âge mais Renfield ne l'avait pas vu beaucoup. Peut-être avait-il ces... crises... régulièrement ? Il regarda Rill et Simion, espérant déterminer si c'était quelque chose de typique. Tous les deux regardaient intensément le prince. Le visage de Rill brillait de joie comme s'il observait une personne aimée déballer un cadeau tant désiré. Il y avait un peu d'appréhension sur le visage de Simion mais lui aussi semblait s'attendre à une sorte de forte réaction.

Les mains de Draculea se serrèrent à nouveau et il y eut un son fragile. Le verre recouvrant la photographie s'était brisé, se fendat en diagonale en travers de l'image. Renfield ne cria pas vraiment mais il émit un son de détresse et fit la chose la plus brave qu'il ait jamais faite. Il tenta de reprendre la photographie des mains de Draculea.

Simion bougea rapidement, parvenant à attraper le bras de Renfield avant qu'il ne puisse toucher la photographie — ou Draculea.

« Mister Renfield, s'il vous plaît ! Laissez-lui un moment. »

Simion leva légèrement la voix.

« Mon seigneur, notre invité craint pour la sécurité de son souvenir. »

Draculea cligna lentement des yeux. Il toucha la fêlure du verre et sourit légèrement.

« Pardonnez-moi, mister Renfield. »


Quand Renfield tendit à nouveau la main pour récupérer la photographie, Draculea la porta à sa poitrine, l'air de rien.

« Je veillerai bien sûr à ce que le verre soit remplacé. Cela ne devrait prendre qu'un jour ou deux. »

Renfield leva à nouveau la main, plus pour supplier qu'attendre.

« Ce n'est pas la peine.

- Absurde. Ma maladresse est impardonnable et je VAIS m'amender. Soyez juste patient. »

La main de Renfield retomba, résignée.

« Votre... ami. Quel est encore son nom ?

- Jonathan Harker.

- C'est tout ? C'est juste parce que je sais que vous autres, Anglais, aimez donner des noms. N'y a-t-il pas d'habitude un second prénom ? »


Renfield plissa le front.

« Je crois... Oui, il a un autre prénom. Je me souviens qu'il m'a dit que son père le détestait mais que sa mère avait insisté pour qu'il le porte.

« Et qu'était-ce ? »

Renfield réfléchit.

« Nicholas. Je me rappelle — je le taquinais un jour et je lui ai demandé si elle n'avait pas des diminutifs pour lui — Nick ou Nicky. Il a dit qu'elle l'appelait Nicu. »

Un silence tomba sur la pièce. Si cela avait été impossible, Renfield aurait cru qu'il n'y avait même pas le bruit des respirations. Sentant le besoin de briser ce silence, il fit :

« Ce n'est pas commun, n'est-ce pas ?

- Peu commun, certes, fit doucement Draculea. Mais, mister Renfield, ce n'est pas non plus inédit. »






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