Child of the Night 103

Remarques : Quelqu'un a été intrigué par le fait que Dracula utilisait à présent cette version de son nom plutôt que Draculea (comme il l'avait fait dans le reste de l'histoire). Cela fait partie de son déguisement. Il se présente comme un parent lointain de l'homme que Jonathan et Renfield ont rencontré. Les grandes familles ont souvent de légères variations dans l'orthographe de leur nom. J'ai une amie qui écrit son nom Bienvenu alors que sa famille en Louisiane l'écrit Bienvenue.

Partie Cent trois : Whist et autres jeux


L'an de grâce 1892
Le manoir Westenra


Jonathan et Dracula s'installèrent l'un en face de l'autre, avec Jonathan à la droite de lady Holmwood et le comte à la droite de mister Westenra.

« Bon, fit mister Westenra, est-ce que quelqu'un voit une objection à ce qu'on parie un peu juste pour rendre le jeu plus intéressant ? Jonathan, sa voix se fit indulgente, nous sommes prêts à vous faire crédit. Je sais que vous êtes un bon jeune homme responsable. »

Que vous obligez à parier alors que vous savez qu'il n'a pas d'argent, songea Vlad.

« J'ai accepté d'être le banquier de mister Harker. Quel est l'enjeu ? »

Leur hôte prit l'un des jeux de carte en faisant :

« C'est juste un jeu amical. Disons, oh, un shilling En Grande-Bretagne, la livre sterling était (et est toujours) la monnaie principale. Avant la décimalisation, la livre était divisée en vingt shillings. Souvenez-vous que Jonathan gagne quatre livres par semaine (ou quatre-vingt shillings). (1) par point ? »

Vlad vit Jonathan pâlir un peu et il savait qu'il songeait à la vitesse à laquelle son salaire hebdomadaire pouvait être englouti avec un tel enjeu. Votre fille est consumée par la vanité, songea-t-il, mais il semblerait que l'avarice soit votre péché particulier, Westenra. Il lança au garçon un regard encourageant puis hocha la tête.

« Bien ! Et si on décidait qui distribuait ? »


Cette question était purement formelle mais c'était ainsi que communiquaient les classes sociales supérieures. Ils tirèrent chacun une carte et l'hôte sortit un as. Quand aucune carte ne put le battre, mister Westenra tendit le jeu à Jonathan pour un dernier mélange. Jonathan manipula aisément les cartes mais sans donner l'impression qu'il était trop familier avec elles. Alors que Dracula observait le jeu des mains de Jonathan, il se souvint d'avoir observé Nicolae relier soigneusement un livre. Plus il se trouvait près de Jonathan, plus il trouvait des ressemblances entre ce jeune Anglais et son amour perdu.

Jonathan finit de mélanger et il le rassembla puis le posa sur la table et le poussa en direction de Dracula. Le jeu resta là un moment, ignoré. Mister Westenra et lady Holmwood échangèrent des regards et Jonathan fit :

« Comte ? »

Dracula cilla, son regard devenant interrogateur et Jonathan indiqua les cartes.

« Je vous demande pardon ?

- Je mélange, vous coupez. »


Alors que Dracula coupait le jeu, Jonathan fit :

« Vous sembliez être à des milliers de miles d'ici.

- Non, pas des milliers de miles. »

Dracula poussa le jeu vers mister Westenra qui commença à distribuer les cartes.

« Peut-être quelques siècles. »

Jonathan s'illumina en souriant. L'Histoire lui plaisait beaucoup plus que les cartes.

« Quelle époque vous intéresse le plus ?

- Je trouve le quinzième siècle fascinant. Mon pays était fort alors, une force estimée dans le monde entier. »

Mister Westenra retourna la dernière carte en faisant :

« L'atout sera à cœur. »

Puis il prit les cartes dans sa main.


Jonathan rassembla ses cartes et commença à les arranger.

« Il y avait beaucoup de conflits avec l'Est, n'est-ce pas ?

- Les Turcs, oui. »

Dracula triait oisivement ses cartes.

« De féroces combattants mais une armée est seulement aussi bonne que ses dirigeants. Si la tête est faible, le corps peut-être aussi fort qu'il le veut, cela n'a pas d'importance. »

Jonathan acquiesça d'un air absent, les yeux sur ses cartes.

« J'ai vu une célèbre bataille entre les Transylvains et les Turcs, une fois... »

Vlad leva vivement les yeux alors que Jonathan déplaçait une carte.

« Je veux dire, je l'ai vue avec des soldats de plomb. »

Jonathan se renfrogna.

« Je ne peux pas me souvenir d'où et de quand. Mon père pensait que les soldats étaient une perte d'argent puisqu'il avait l'intention que je fasse carrière dans la loi, et je n'ai jamais vraiment vu beaucoup d'autres enfants...

- Mister Harker, insista Westenra. »


Jonathan lui lança un regard interrogateur.

« Vous avez décidé quelle carte jouer ? »

Jonathan cilla.

« La personne à GAUCHE du distributeur — ? Désolé, j'avais oublié. »

Il lança un autre regard à ses cartes et posa le valet de pique. Lady Holmwood posa le dix puis Vlad posa l'as. Mister Westenra fronça les sourcils en jetant le deux de pique. Alors soit Vlad, soit lady Holmwood a le roi, songea Jonathan. Je ne crois pas que mister Westenra aurait joué une carte aussi faible s'il avait pu remporter le pli. Jonathan joua ensuite sa carte la plus basse en pique — le quatre. Rapidement, les joueurs posèrent dans l'ordre le cinq, le sept et la reine. Mister Westenra parut un peu content de lui alors qu'il remportait ce pli. Il perdit rapidement sa satisfaction lorsque Jonathan et le comte remportèrent les quatre plis suivants. Quand les treize plis furent joués, Jonathan et le comte en avaient gagnés dix.


Alors que lady Holmwood notait soigneusement quatre points pour ses adversaires, mister Westenra fit :

« Bien, il semblerait qu'on ait finalement trouvé des adversaires à notre hauteur, Evelyn. »

Son ton était jovial mais il y avait une pointe d'ennui dans ses yeux.

« Nous allons devoir faire de notre mieux si nous ne voulons pas être lamentablement battus. »

Lady Holmwood posa son stylo et prit le jeu de cartes qui venait à peine de servir pour commencer à les mélanger.

« Essaie d'y mettre un peu de chance, Evelyn. »

Il poussa vers Jonathan le jeu de carte qui n'avait pas servi.

« Et vous, jeune homme — ne soyez pas si chiche avec les fortes cartes.

- Je ferai ce que je peux, monsieur. »

Jonathan commença à distribuer les cartes. Il les manipula aisément, ses mouvements fluides.


Mister Westenra réunit ses cartes en disant :

« Vous êtes sûr de ne pas beaucoup jouer aux cartes, Jonathan ? Vous les manipulez comme un professionnel. »

Dracula arrangeait son jeu.

« Je pense que mister Harker est simplement habile. Je parie qu'il a une belle écriture. »

Jonathan sourit.

« J'ai gagné plusieurs prix à l'école pour ma calligraphie.

- Vos parents ont dû être très fiers, » fit lady Holmwood d'un ton absent en étudiant ses cartes.

Vlad vit le sourire de Jonathan se ternir un peu.

« Je crois que ma mère aurait été fière. Quant à mon père... il a dit que j'avais besoin d'écrire proprement pour le courrier des affaires mais que sinon, c'était une perte de temps et d'énergie. »

Bon, songea Vlad. Au moins, il semble que dans cette vie, ton père était juste lamentable. Il semble mesquin plutôt que vicieux.


La seconde manche ne fut pas plus au goût de mister Westenra. Jonathan et Vlad gagnèrent la belle avec deux points d'avance. Le jeu continua dans la même veine, Jonathan et le comte gagnèrent manches après manches, jouant l'un avec l'autre avec une aisance grandissante.

Mister Westenra et lady Holmwood étaient des partenaires réguliers et aucun d'eux n'avait l'habitude d'être si durement battus. Ils étaient tous les deux beaucoup trop bien élevés pour se plaindre mais alors que le jeu progressait, leurs manières l'un envers l'autre passèrent de l'assurance satisfaite à la froideur. Les marques de lady Holmwood sur le papier se firent plus acérées et mister Westenra mélangeait agressivement les cartes, si bien qu'elles commencèrent à se plier.


Quand le jeu se termina enfin, lady Holmwood compta les scores puis lança un petit sourire froid au comte Dracula.

« Eh bien, il semble que la chance n'a été que de votre côté. Mister Harker et vous avez gagné cent shillings contre huit pour nous. »

Mister Westenra sortit son portefeuille de sa pocha.

« Je vais bien sûr payer notre dette d'honneur. À propos du fait que la dette soit payée par le père de Lucy — les dames des classes supérieures avaient rarement des billets sur elles — surtout pendant les événements sociaux. (2) Voyons voir... Vos gains moins les nôtres... Quatre-vingt-douze shillings. Disons simplement cinq livres. On ne va pas s'en faire pour huit shillings. »

Alors que mister Westenra posa les billets sur la table, Dracula remarqua que Jonathan s'était légèrement renfrogné. Pour un jeune homme qui gagnait sa vie, huit shillings valaient sans doute la peine qu'on s'en fasse.

« Merci, monsieur. »

Dracula rassembla l'argent. Son premier instinct fut de tout donner à Jonathan mais il hésita. Il a un peu changé depuis que nous avons vécu ensemble. Il était humble à cette époque mais maintenant... Il n'est pas vaniteux mais il est fier du fait qu'il vit de son propre travail en ne demandant rien aux autres. Lui donner tout l'argent serait une insulte.


Dracula plia deux billets pour les glisser dans sa poche et offrit les trois autres à Jonathan. Jonathan le regarda un moment, perplexe, puis fit :

« Mais comte, je n'ai contribué en rien.

- Ne soyez pas stupide, jeune homme, fit Dracula. Vous avez contribué avec votre talent. Cet argent a été honnêtement gagné. Prenez-le. »

Jonathan regard son hôte qui l'observait attentivement. Refuser des gains honnêtes pouvait être considéré comme une insulte. Il accepta l'argent.

« Merci. »

Il sourit.

« Si nous jouons encore avant que je ne m'en aille, je pourrai contribuer.

- J'aimerais beaucoup ça.

- Bon, je ne suis pas sûr que j'AIMERAIS ça, grommela mister Westenra. Je n'ai jamais vu de nouveaux partenaires si bien accordés. Comte, vous êtes sûr de ne pas être un de ces swamis orientaux qui peuvent lire dans les pensées ? »


Dracula haussa les épaules.

« Rien d'aussi ésotérique, ésotérique — fait pour et compris par les initiés uniquement ; non communiqué et incompréhensible pour la plupart des gens ; privé ; intérieur (3) mister Westenra. Je crois qu'il se peut que deux personnes se rencontrent et se partagent plus de choses qu'avec les autres. Cela n'arrive pas souvent, mais quand ça arrive, on serait stupide de l'ignorer. Mister Harker, vous vous sentez toujours bien ? »

Jonathan cligna des yeux.

« Ma foi, oui.

- Vous n'êtes pas fatigué ? J'ai cru comprendre que votre santé était peut-être un peu fragile à cause d'un accident récent.

- J'ai quelques bleus et égratignures, mais autrement, je me porte très bien. »

Il fit un geste de frustration.

« J'ai juste du mal à convaincre les autres.

- Alors vous n'aurez pas d'objections si je vous rends à nouveau visite... »

Il tourna la tête vers mister Westenra.

« ... si votre hôte n'y voit pas d'objection ? »


Westenra inclina la tête mais il y avait une courbe ironique dans son sourire qui disait qu'il se rendait compte que Dracula savait qu'il ne pourrait pas refuser sans paraître peu aimable.

« Bien sûr, comte. Lucy sera transportée de joie si vous choisissez de nous rendre à nouveau visite.

- Comme c'est gentil. »

Ces mots étaient secs.

« Je suis impatient de mieux vous connaître, mister Harker. Mais pour l'instant... »

Il se leva.

« ... je crois que je ferais mieux de vérifier où en sont mes compagnons. Ils étaient tous les deux excités par notre visite et on ne peut pas dire les sottises que peuvent faire les jeunes quand on les laisse sans surveillance pendant trop longtemps. »

Mister Westenra eut un léger rire.

« C'est un parent qui parle. »


Dracula s'inclina légèrement.

« Pourtant, je doute que vous ayez besoin de vous en faire. Rill me semble être un garçon avec de très bonnes manières. »

Dracula se pinça légèrement les lèvres, comme s'il essayait de ne pas sourire.

« Oui, c'est vrai. »

D'un autre côté, Sinn..

« Mister Westenra, puis-je vous emprunter mister Harker pour qu'il me montre où se trouve la salle de musique ?

- Bien sûr, fit Westenra. Allez retrouver tous les deux les jeunes. Evelyn et moi nous allons rester ici, panser nos plaies et améliorer notre technique. Evelyn, vous aimeriez un autre sherry ? Je sais que j'en prendrai bien un. »

Alors qu'ils marchaient dans le couloir, Jonathan fit :

« Vous ne pouvez pas savoir à quel point c'est rafraîchissant d'être avec quelqu'un qui ne me traite pas comme un invalide.

- Je pense que vous êtes bien plus fort que les gens autour de vous le soupçonnent.

- J'aimerais y croire parce que ces derniers temps, les gens autour de moi semblent me prendre pour un enfant faible. J'avoue que ça m'irrite.

- La sollicitude est une chose merveilleuse, mais elle peut devenir ennuyeuse quand on n'en a pas besoin et que les gens qui veulent vous cajoler ne l'acceptent pas. »

Jonathan lui lança un regard songeur.

« Vous savez, comte, votre théorie sur des nouvelles connaissances qui se comprennent bien devient de plus en plus sensée.

- Vous connaissez bien Londres ?

- Ma foi, oui. J'ai grandi là-bas.

- Excellent. Je pourrais faire appel à vous dans l'avenir pour me servir de guide.

- Je serais ravi de vous rendre service. En fait, j'aurai bientôt besoin de retourner à Londres pour parler à mes employeurs. Ils voudront un compte-rendu de mon voyage en Transylvanie... »


Sa voix mourut et ses yeux devinrent un peu vagues.

« Mister Harker ? »

Jonathan secoua légèrement la tête et soupira.

« Peut-être que je SUIS un peu plus affecté par mon accident que j'aimerais l'admettre. J'ai bien peur que la plupart de mon voyage à l'étranger ne soit qu'une tache floue.

- Vraiment ? Ne vous laissez pas perturber pas ça. Souvent, l'esprit se défend en cachant certaines choses de notre conscience. Si vous avez besoin de vous souvenir, alors vous vous souviendrez. »

Ils entrèrent dans la salle de musique au milieu du dernier morceau de Lucy. Quand Rill les vit, il se leva rapidement et fit un pas à côté du fauteuil qu'il avait occupé. Il allait de toute évidence offrir son siège mais il s'arrêta alors en regardant d'un air incertain le comte et Jonathan. Dracula fit :

« Comment c'est aimable de ta part, Rill. Mister Harker, asseyez-vous. »

Quand Jonathan hésita, il poursuivit :

« Ne m'obligez pas à insister. »

Il sourit légèrement.

« Ou alors, comme disent les Américains, prenez place ? »

Jonathan accepta gracieusement.


C'était sans doute une chance qu'aucune des deux filles ne devait gagner sa vie en jouant car elles se laissèrent distraire par les nouveaux venus. Mina se rendit peut-être plus compte des actions subsidiaires que Lucy. Quand Lucy atteignit la fin de la partition, Mina observait le comte et Jonathan en fronçant légèrement les sourcils. Le jeu de Lucy bafouilla légèrement alors qu'elle était à cours de nouvelles partitions et elle siffla :

« Mina ! »

Mina sursauta légèrement et tourna rapidement la page. Le récital de Lucy se poursuivit mais son dos était peut-être un peu plus droit. Elle adorait prétendre à la modestie mais elle n'aimait PAS qu'on la voie autrement qu'accomplie et charmante.


Quand les filles eurent fini, elles se joignirent aux hommes. Sinn et Quincy se levèrent rapidement pour donner à Mina et Lucy leurs places sur l'un des petits canapés.

« Eh bien, fit Lucy, j'espère que vous n'avez pas laissé Papa vous saigner trop fortement. Les jeux de société sont l'un de ses vices. Dieu merci, il se limite aux soirées et à son club. Il est doué mais s'il fréquentait les maisons de jeux, j'ai bien peur qu'on se retrouverait très vite à la rue.

- En fait, fit Jonathan, le comte et moi avons eu beaucoup de chance.

- Je vous en prie, fit Dracula, n'accordez pas tout le crédit au destin. Vous avez montré du talent et nous avons développé un rapport qui a grandement contribué à notre succès.

- Oui. Vous savez, Mina, c'est amusant — nous n'avons jamais eu autant de chance en jouant ensemble. Nos adversaires nous ont toujours dépouillés. »

Mina s'était renfrognée. Dracula sourit légèrement.

« Parfois, mister Harker, tout ce qu'il vous faut, c'est le bon partenaire. »



Notes du chapitre :
(1) En Grande-Bretagne, la livre sterling était (et est toujours) la monnaie principale. Avant la décimalisation, la livre était divisée en vingt shillings. Souvenez-vous que Jonathan gagne quatre livres par semaine (ou quatre-vingt shillings).
(2) À propos du fait que la dette soit payée par le père de Lucy — les dames des classes supérieures avaient rarement des billets sur elles — surtout pendant les événements sociaux.
(3) ésotérique — fait pour et compris par les initiés uniquement ; non communiqué et incompréhensible pour la plupart des gens ; privé ; intérieur






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