Child of the Night 105

Remarques : Pour certaines révélations dans ce chapitre, je vous renvoie aux chapitres 43 et 93. Il y a au moins dix générations d'écart entre ces deux incidents.


Partie Cent cinq : Ennemis ancestraux



L'an de grâce 1892
Abbaye de Carfax


Sinn, Simion et Rill se tenaient agglutinés près de la cheminée pour observer Dracula faire les cent pas dans la pièce.

« *Mon dieu*, murmura Sinn. Je ne l'ai pas vu comme ça depuis que Rock s'est attaqué à Jonathan. Qu'est-ce qui l'a autant bouleversé ?

- Ne sois pas stupide, Sinn, fit Rill. C'est à cause de cet homme qui est venu juste avant que nous partions.

- La bonne d'enfants de Jonathan ? »

Sinn fit un geste désinvolte.

« Ce n'est pas un homme agréable mais je ne vois pas pourquoi il provoquerait une telle réaction.

- Quel était son nom ? demanda Simion.

- Lukas Kreski, répondit Rill.

- Lukas... »

Simion fit la grimace.

« Bon sang. C'est le portier de l'église de notre village, celui qui a empêché Dracula de récupérer Jonathan après qu'il soit tombé dans la rivière. Pas surprenant qu'il soit fâché.

- Mais dans ce cas... »


Rill réfléchit.

« Simion, pourquoi le comte ne l'a-t-il pas tué ?

- Tu ne le connaissais pas avant Nicolae, Rill, fit Simion. Fut un temps, il l'aurait fait. Mais pour Nicolae, il a appris un peu de patience et de maîtrise.

- Alors pourquoi cet homme n'a-t-il pas lancé l’alerte contre nous ? »

Simion sourit en caressant la joue de Rill.

« Mon garçon sensé. Parce qu'il se peut qu'il soupçonne mais il n'était pas sûr. Il n'a jamais vraiment vu notre maître, Rill. C'est une bonne chose que je me trouvais dans le quartier des domestiques lorsqu'il est descendu sinon il m'aurait probablement reconnu. Je me suis rendu au village de temps en temps. Il va falloir que je veille à rester hors de sa vue jusqu'à ce que ce soit résolu.

- Pourquoi s'en faire ? »

Sinn sourit, ses canines luisant.

« Je pourrais assez facilement m'occuper de lui. Je l'intéressais. Il ne m'APPROUVE pas mais je l'intéressais quand même. En plus, j'ai bien mangé sur le bateau mais je n'ai rien eu à part du sang de cheval depuis que nous avons débarqué.

- Non. »


Dracula cessa de s'agiter à l'autre bout de la pièce. Ils avaient cru qu'il était trop préoccupé pour remarquer leur conversation mais durant sa très longue vie, Dracula avait rarement été inconscient de ce qui se passait autour de lui.

« Si on le retrouve mort, ils seront sur leurs gardes. S'il disparaît tout simplement, ils seront quand même suspicieux. Laisse-le tranquille. »

Dracula se renfrogna.

« Je commence à croire qu'il y a plus entre lui et moi que je le pensais au début. J'ai rarement rencontré une suspicion et une hostilité si soudaines. Il a dit que sa famille avait eu à faire à la mienne dans le passé. »

Dracula recommença à faire les cent pas.

Sinn bailla.

« Bon, je suppose que je vais aller dans ma chambre. Il ne voudra pas de compagnie pour le reste de la soirée et j'aimerais passer un peu de temps à songer à ce délicieux cow-boy. Je n'ai pas rencontré souvent quelqu'un qui peut dépasser mes attentes sans qu'on l'y force. »

Il quitta la pièce.


Rill murmura à Simion :

« Simion, je peux aller rendre visite à Robert ? Il est si proche et il reste encore plusieurs heures avant l'aube. »

Rill avait été extatique lorsque Dracula lui avait dit qu'il avait trouvé Renfield à l'asile Seward.

« Je sais que je devrais demander au prince mais... »

Il jeta un regard à la grande silhouette agitée de l'autre côté de la pièce.

« Je pense que ça ne le gênera pas tant que tu resteras prudent, fit Simion, et que tu rentres à temps. Souviens-toi juste — c'est une maison de fous et il peut y avoir des gardiens.

- Je me ferai aussi petit qu'une souris. »

Rill gloussa.

« Peut-être que je SERAI une souris — ou un rat. Je n'ai pas réussi à devenir une souris mais les rats ne sont pas si durs. Je pense que c'est à cause de tout leur sang que j'ai bu durant des années.

- Peut-être. »


Rill l'embrassa. Alors qu'il regardait son jeune amant se dépêcher de partir, Simion songea : C'est étrange comme les pouvoirs se manifestent différemment. Ce n'est pas étonnant que Dracula soit le plus fort puisqu'il est le plus âgé et le géniteur mais même le plus jeune a ses talents. Sinn est le plus fort pour convaincre les mortels mais Rill semble avoir des sens en plus. Je suis sûr qu'il était capable de communiquer d'une façon ou d'une autre avec Robert, même lorsque nous étions encore tous en Transylvanie. Il est meilleur pour se transformer aussi. Sinn ne peut même pas devenir fumée. Je me demande si sa vanité a un rapport ? Il ne peut tout simplement pas se considérer comme aussi immatériel que de la vapeur.

Dracula s'était finalement affalé sur un siège et il se frottait le front, un signe certain que quelque chose le troublait vraiment. Simion s'approcha et fit doucement :

« Si cet homme vous ennuie autant, peut-être que Sinn a raison. »

Dracula secoua la tête.

« Je veux juste savoir pourquoi il me semble aussi familier. Un rapport avec ses yeux, je crois. Ils sont verts, une couleur particulièrement vibrante pour quelqu'un de notre région. Des yeux verts. Qui ai-je connu avec des yeux verts ? »

Après un autre moment de réflexion, Dracula se raidit, un mélange de spéculation et d'incrédulité sur son visage.

« Ce n'est pas possible. Mais ce nom, ces yeux...

- Qu'y a-t-il, mon seigneur ?

- Tu te souviens, peu de temps après avoir connu cet état, d'une jeune femme nommée Anna à Tepeslau ? Je lui ai rendu visite juste avant son mariage.

- Il vous fait penser à elle ?

- Non — il me fait penser au marié. »


Le sourire de Dracula se fit féroce.

« Je lui ai pris plus que du sang. Il m'a bien servi pendant des années. Il s'appelait Lucian Kreski.

- Ah. »

Il y avait un univers de compréhension dans la voix de Simion.

« Oui, je me souviens de lui. C'est fort possible. Je sais qu'il a eu des enfants et à moins qu'ils ne soient morts jeunes, ILS ont eu des enfants. »

Il haussa les épaules.

« Ainsi va le monde. Ce serait ironique si l'un de ses descendants vous éloignait de votre amour. »

Dracula se frottait les yeux.

« Tu n'imagines pas à QUEL point c'est ironique, Simion. J'ai déjà vu ces yeux — pas seulement des yeux qui leur ressemblent.

- Mon seigneur ?

- Tu crois que je n'ai pas quitté le château depuis des décennies et je n'ai pas vu le portier quand j'ai tenté de récupérer Jonathan à l'église. Cela date d'avant. Je sortais encore de temps en temps, Simion. Pas pour chasser — je me nourrissais des rats du château et des chevaux depuis un moment déjà. Non, c'est juste... »


Il haussa les épaules en lançant à son ami un sourire tordu.

« Je suis une créature de la nuit, pas vrai ? L'appel est parfois fort. »

Son sourire disparut.

« Je regrette à présent de ne pas y avoir résisté.

- Que s'est-il passé ? »

Dracula désigna une chaise.

« Assieds-toi et je vais te le dire, et tu comprendras pourquoi je pense que Dieu a un sens de l'humour amer et tordu. »

Près de Tepeslau, trente ans auparavant


La nuit était particulièrement agréable. Draculea supposa que c'était ce qui l'avait attiré dehors. Le temps récemment avait été si pluvieux qu'il n'avait même pas voulu sortir dans la cour. Mais quand il s'était réveillé ce soir-là, Simion lui avait dit que le soleil avait brillé toute la journée aussi avait-il décidé de sortir.

Il n'avait plus de monture favorite — la lignée de Lucifer s'était finalement éteinte à la fin du siècle dernier — mais il pouvait encore commander de bons chevaux. Cela faisait des mois qu'il n'avait pas chevauché et le cheval qu'il choisit était agité. Mais même si Draculea ressemblait à présent à un vieil homme, il représentait encore un défi pour tout animal de son écurie. Il ne contrôla pas l'animal comme il l'aurait fait dans sa jeunesse mais laissa la bête trouver son propre rythme.


Puisque le cheval n'avait pas eu beaucoup d'exercices ces derniers temps, le rythme fut rapide. Mais alors qu'il s'approchait du village, Dracula vit quelque chose qui le fit ralentir son cheval. Il regarda attentivement en avant. Il y avait quelque chose de familier chez cet objet sans forme qui reposait dans l'herbe plus haut sur la route. Quand il comprit pourquoi cela semblait familier, il fit aller le cheval au petit galop.

Il avait déjà vu quelque chose comme ça, peu de temps après sa transformation. Au début, il avait cru qu'un voyageur avait perdu un paquet de linge. Mais il avait plutôt découvert un jeune homme allongé près de la route, victime d'un bandit meurtrier. Cela datait presque de quatre siècles mais il se rappelait toujours du terrible sentiment de vie et de potentiel gâchés.


Le cheval ne voulut pas s'arrêter et il porta Draculea loin de sa destination avant que le prince ne le contrôle. Draculea descendit de cheval et ne prit pas la peine de l'attacher à l'un des arbres voisins. Soit il partirait, soit il resterait, mais pour le moment les secondes pouvaient être vitales. L'odeur du sang le frappa avant qu'il ne soit assez proche pour voir. L'odeur était fraîche et il y avait l'odeur chaude de la vie elle-même. Il se mit à courir.

Draculea tomba à genoux devant le corps étalé en remarquant rapidement des centaines de détails qui auraient échappé à un mortel. Ce qu'il vit le fit gémir et jurer. Cette fois, ce n'était pas un simple coupe-gorge. Le garçon était nu à partir de la taille et il avait été mutilé. Draculea pouvait voir des taches épaisses de sang menant au bosquet. Ainsi, le garçon avait été massacré ailleurs mais pourquoi ses agresseurs l'avaient amené ici ? Ils auraient dû savoir qu'on le retrouverait et que leur crime serait connu.


Tant de sang. Le visage du garçon Oui, garçon. Ce n'est pas encore un homme. Il n'a pas plus de quatorze ou quinze ans était encore plus blanc que celui de Draculea. Sa poitrine se soulevait lentement et superficiellement, si faiblement qu'un mortel ne l'aurait sans doute pas remarqué. Il ne peut pas vivre — pas en ayant perdu autant de sang, pas à moins que... Draculea songea à la force et la vigueur qu'avait Simion en buvant son sang. Cela peut marcher si je suis rapide.

Draculea porta son poignet à ses lèvres et le déchira avec ses canines. Il s'était nourri dans les écuries avant de sortir et son sang coula presque comme s'il était encore en vie. Il enfonça un doigt dans la bouche du garçon, tira et lui ouvrit la bouche. Le garçon était fin, ses traits fermes, et il ressemblait à un oisillon qui attendait qu'on le nourrisse. Draculea tint son poignet blessé contre la bouche du garçon pour laisser le sang couler.


Après quelques gouttes, il vit les muscles de la gorge du garçon s'agiter légèrement alors qu'il avalait.

« Oui. Bien, mon garçon. Bois, bois et deviens plus fort. »

Il pressa son poignet contre la bouche du garçon en serrant le poing pour que le sang coule plus. Bientôt, le garçon suçait faiblement. Alors que le garçon buvait, Draculea l'examina plus attentivement, son visage se durcissant alors qu'il voyait l'étendue des blessures. Même si cet enfant vivait, ce ne serait jamais un homme complet. Draculea savait que son sang pouvait faire beaucoup de choses mais il ne pouvait pas remplacer un membre perdu. Une fois, l'un des Roms avait eu sa main écrasée alors qu'il coupait du bois. Il était loin de ses amis et il savait qu'il mourrait s'il attendait qu'on vienne le sauver. Il avait réussi à attraper à nouveau sa hache et il s'était coupé la main abîmée, posé sur le moignon de l'herbe et des feuilles, et était allé cherché de l'aide. Comme c'était le petit-fils d'un homme qui avait fidèlement servi Draculea, on l'amena au prince. Draculea le nourrit volontiers. À cette époque, beaucoup d'hommes mourraient d'infection après avec reçu des blessures beaucoup moins sérieuses, mais bien que la blessure de cet homme guérit proprement, il resta manchot.


Après un moment, le garçon toussa et ses yeux papillonnèrent. Son regard erra un moment puis se concentra sur Draculea. Le prince retira son poignet. Il savait par expérience avec Simion que passé un certain point, plus de sang ne changeait rien. Si cette quantité de sang ne suffisait pas pour que le garçon survive, il mourrait tout simplement — en dépit de ce que pourraient faire les médecins locaux.

Il y avait un calme étrange dans l'expression du garçon. Au début, Draculea crut qu'il était simplement étourdi par ce qui lui était arrivé. Il allait emmener cet enfant au village et le laisser avec quelqu'un qui s'occuperait de lui, mais tout d'abord...

« Qui es-tu ? »

Le garçon cligna des yeux.

« Qui t'a fait ça, mon garçon ?

- M'a fait ça ? »

Sa voix était faible.

« Qui t'a fait du mal ? Je veillerai à ce qu'ils souffrent en retour.

- Personne ne m'a fait ça. Vous ne devez blâmer personne. »


Il bougea faiblement. Une main se trouvait sous son corps et il la retira. Il tenait un grand couteau de cuisine aiguisé. Il était recouvert de sang, le liquide baignant sa main et son poignet. Alors que Draculea regardait, ses doigts s'ouvrirent lentement et la partie de la poignée recouverte était à peine tachée. Draculea réalisa avec un sursaut qu'en effet, le garçon devait s'être fait ça tout seul, autrement il y aurait eu plus de sang sous sa main.

« Maintenant, je ne ferai plus ces rêves. »

Des rêves ? Ce n'est pas un des enfants à qui j'ai parlé. Cela faisait des années que Draculea n'avait plus visité le village pour murmurer à un enfant en dehors des murs. Il ne les touchait jamais alors, attendant qu'ils grandissent — mais il les FORMAIT. Il s'insinuait dans leurs rêves pour leur laisser des désirs inconscients et ensuite, lorsqu'ils avaient grandi...


Le garçon continua à parler :

« Les rêves étaient envoyés par le Diable. Il m'a envoyé des visions d'hommes et de femmes beaux et je savais qu'elles allaient me tenter. Par trois fois, je me suis réveillé avec des draps souillés. Je ne pouvais pas laisser le Diable l'emporter mais mes parents, le prêtre... J'ai moi-même demandé au docteur mais il ne voulait pas amputer la chair pécheresse, alors j'ai dû le faire moi-même. »

La véritable horreur de ce qu'il venait de découvrir frappa Draculea. Le garçon était une victime, oui — mais une victime de son propre esprit malade. Je croyais qu'ils avaient arrêté cette folie mais je suppose qu'il existe toujours des gens qui mortifient leur chair pour atteindre la pureté de l'âme. Alors même qu'il se disait cela, Draculea fit d'un ton rude :

« Je n'ai pas grand-chose à voir avec ton Dieu, mon garçon, mais je ne crois pas qu'il aurait voulu un tel sacrifice de ta part. »

Le visage du garçon se tordit en une grimace, ses dents dénudées.

« J'ai d'abord cru que vous étiez un ange envoyé pour m'accueillir et me conduire au Paradis. Puisque vous pouvez dire de telles choses, vous n'êtes pas un ange — vous êtes un démon ! »

Draculea prit le garçon dans ses bras en faisant :

« Démon ou ange, je suis celui qui va te sauver la vie. »

Déterminé à résister à ce qu'il voyait comme une force démoniaque, le garçon tenta de se débattre mais faible comme il l'était, cela n'eut aucun effet et il perdit bientôt connaissance. Ce fut une bonne chose car cela aida Draculea à faire ce qu'il devait faire. Le cheval n'était pas parti bien loin et Draculea mit le garçon par-dessus la selle. Puis il prit les rênes et tira. En peu de temps, ils couraient, le vampire se maintenant aisément à la hauteur du cheval.


Quand il arriva en bordure du village, il se rendit à la première maison où il y avait de la lumière. Il prit le garçon sur son épaule et le porta jusqu'à la porte. Il toqua durement. Il y eut un bruit de pas à l'intérieur et une voix mâle prudente héla :

« Qui est-ce ? »

Draculea ignora la question.

« Ouvrez la porte. J'ai un enfant blessé avec moi. »

Il y eut une pause puis il haussa la voix.

« J'ai dit, ouvrez ! Si ce garçon meurt, ce sera de votre faute car j'ai tout fait pour le sauver. »

Il y eut le son d'un loquet qu'on retirait et la porte s'ouvrit. Un homme qui se tenait bien en retrait dans la maison le regarda suspicieusement et Draculea pouvait voir une femme derrière lui. Draculea leva le garçon dans ses bras.

« Tenez. Amenez-le chez votre médecin. »

Quand il vit l'expression sombre de l'homme, il fit froidement :

« Si je lui avais fait ça, est-ce que je vous l'amènerais ? Venez le prendre, je ne peux pas vous l'apporter. »


Pourtant, l'homme ne bougea pas et ne parla pas. Draculea songea qu'il allait simplement poser le garçon par terre et partir puis la femme haleta.

« C'est l'enfant Kreski ! Que lui est-il arrivé ?

- Il a dit, répondit Draculea, qu'il s'était fait ça lui-même. Pour tenter de couper sa nature humaine et mauvaise, je suppose. »

La voix de l'homme fut réticente.

« Ça lui ressemblerait bien. Ce garçon n'a jamais été bien. Ils auraient dû l'envoyer au monastère quand il leur a demandé. »

Draculea ferma les yeux en sentant une pointe de douleur.

« Les monastères ont abrité beaucoup de gens. »


Le garçon se réveilla. Faible comme il l'était, il leva les yeux sur Draculea et le vampire put voir que les yeux du garçon étaient encore plus verts que ceux de Sinn. Ou peut-être en avaient-ils seulement l'air car le regard du garçon brillait avec la lueur du fanatisme. Il jeta un regard à la porte ouverte et vit la lumière jaillissant des ténèbres ainsi qu'un feu crépitant dans la cheminée un peu plus loin.

« Tu essaies de m'emmener en Enfer, démon ! Dieu ne le permettra pas. Il sait que je suis fidèle. Je le lui ai prouvé. Donne-moi ce couteau et je m'ôterai les yeux pour que les beautés du monde ne me tentent pas. Donne-moi... »

Le garçon, affaibli par cette brève tirade, s'évanouit à nouveau.

Draculea regarda le couple. Leurs expressions horrifiées prouvaient qu'ils croyaient à présent Draculea.

« Il VA mourir si on ne le soigne pas, et il ne survivrait pas jusqu'à mon château. »


Le couple trembla, semblant enfin savoir avec certitude à qui ils parlaient. L'homme saisit la porte, prêt à la refermer. Draculea fut un peu surpris quand la femme derrière lui attrapa le bras de son mari et fit vivement :

« Non !

- Tu sais ce qu'il est, protesta l'homme.

- Je connais cet enfant et je sais que cet... homme l'a sauvé. Nous ne pouvons pas laisser cette pauvre chose mourir. Maintenant, soit tu prends le garçon, soit c'est moi qui le ferais. »

Quand l'homme lui lança un regard noir, elle fit :

« Je le ferai, même si tu me bats. »


L'homme hésita. Il avança lentement, pas par pas, puis il avait franchi le pas de la porte — dans le royaume de la nuit. Draculea lui tendit silencieusement le garçon. Puis, alors que l'homme reculait rapidement jusqu'à sa porte, Draculea (heureux de ne pas avoir complètement abandonné l'habitude mortelle d'avoir de l'argent) sortit une bourse de sa ceinture et la jeta.

« Ceci paiera ses soins et dites à ses parents de l'envoyer dans ce monastère. »

La porte se claqua et Draculea éleva la voix.

« Il y sera plus en sécurité, et vous aussi. »

Il laissa sa voix retomber. Tant que je serai là, ils ne sortiront pas et ils doivent l'emmener chez un médecin.

Draculea remonta à cheval et s'en alla en songeant : S'il peut exprimer ce genre de violence envers lui-même à propos des désirs que son Dieu lui a donnés, et si jeune, alors que Dieu vienne en aide à ces gens s'il se met à LES juger.

Abbaye de Carfax, 1892


Dracula avait fini de parler depuis quelques minutes et Simion s'assit pour le regarder. Enfin il fit :

« Je me souviens que vous m'en aviez parlé, mais vous ne m'aviez pas dit le nom du garçon. »

Dracula haussa les épaules.

« Cela ne me concernait pas à cette époque.

- Cela fait au moins trente ans. Il se peut que ce ne soit PAS le même garçon, seigneur. Le nom Kreski n'est pas rare dans notre région.

- Il n'est pas non plus commun. »

Dracula secoua la tête.

« Non, Simion, c'est trop pour être une coïncidence. Si ce n'était que les yeux ou juste le nom — alors peut-être ? Mais les deux ? Et il a déjà une certaine animosité envers moi. Il m'a accusé avec ses yeux, pas avec ses lèvres. Il ne se souvient peut-être pas exactement de ce qui s'est passé — cela ne me surprendrait pas après ce qu'il a vécu — mais quelque chose reste dans sa mémoire — et ça le rend dangereux.

- Peut-être pas. Si on l'a laissé libre, c'est qu'il n'a commis aucune violence sauf sur lui-même.

- Ça ne te ressemble pas, Simion. Tu es toujours si pragmatique. »


Dracula se pencha pour tapoter le bras de Simion.

« Tu essaies de calmer mes inquiétudes, mon vieil ami. Tu as souvent eu raison mais dans ce cas, je crois que tu espères juste. »

Dracula rumina encore un moment puis lança à Simion un regard qui était une étrange combinaison de colère, d'amusement et de chagrin.

« Il y a quatre siècles, j'ai pris ce que je voulais d'un homme. Des générations plus tard, j'ai sauvé son descendant fou de sa propre manie religieuse. Trente ans après, celui que j'ai sauvé m'éloigne de la seule personne que j'ai jamais aimée et pourrait très bien le tuer s'il venait à découvrir notre véritable relation. »

Son rire était amer, avec une pointe de colère.

« Tu vois ce que je veux dire à propos de l'humour divin ? »







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