Chapitre 115 : Conjectures
« Nous a quittés ? »
Chi Yan répéta ces trois mots sans en comprendre tout de suite la signification.
Il aida le majordome à se relever et l’autre homme resta debout et lui raconter toute l’histoire.
Il s’avérait qu’ils avaient remarqué la disparition de Chi Rong depuis hier matin. Chi Yuanshan était mort et son fils avait disparu avant même l’enterrement. Les aînés du clan avaient donc ordonné au majordome de taire d’abord cette histoire et de mentir aux invités venus pour l’enterrement en leur disant que Chi Rong était cloué au lit à cause de la mort subite de son père. En même temps, les aînés envoyèrent en secret des hommes à la recherche de Chi Rong.
Mais après toute une journée, ils n’avaient rien trouvé. Un des serviteurs de la famille Chi avait révélé qu’après la mort de Chi Yuanshan hier, Chi Rong s’était rendu seul dans le lieu de retraite spirituelle du grand-père Chi, peut-être pour lui annoncer personnellement la mort de son fils. En tout cas, plus personne ne l’avait vu après ça. Personne n’osa déranger le grand-père Chi alors le serviteur chargé de lui apporter ses repas lui avait posé la question pendant son service. Il avait obtenu pour réponse que Chi Rong n’était pas du tout venu.
Dans la soirée, après que le majordome avait renvoyé la dernière vague d’invités venus pour présenter leurs hommages, il s’était rendu en personne dans la maison de Chi Rong avec deux serviteurs pour nettoyer et tâcher de trouver si Chi Rong avait laissé la moindre preuve ou le moindre message indiquant où il avait bien pu aller.
La chambre de Chi Rong avait un parquet en bois brun clair, il fallait donc le frotter à la main en se mettant par terre. Le majordome fouilla la pièce en quête d’éventuels indices. Un des serviteurs était à genoux avec un chiffon pour frotter le sol. Pendant qu’il travaillait au bord du lit, il tendit la main sous le lit et toucha un objet dur. Il le sortit pour le montrer au majordome.
C’était une boîte en fer ronde et scellée, avec une rangée de petits trous dessus. Le majordome fit signe au serviteur d’ouvrir la boîte — il y avait plusieurs couches denses à l’intérieur, tous des petits vers noirs qui étaient morts. Chi Rong avait bel et bien hérité de la technique secrète de sa mère. Le majordome l’avait servi pendant des années et semblait savoir quelque chose. Sans manifester trop de surprise, il demanda au serviteur de refermer la boîte et de la remettre sous le lit.
Le serviteur avait fait une vilaine tête en voyant tous ces vers morts. Tandis qu’il s’allongeait à côté du lit pour replacer la boîte en fer, il vit qu’il semblait y avoir autre chose sous le lit. Alors il releva légèrement la tête et avertit le majordome :
« Grand-père Mao, on dirait qu’il y a quelque chose de bien gros sous le lit. »
Le majordome se nommait Li Mao. Tous les gens au service de la famille Li l’appelait “grand-père Mao” avec respect.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Comme le majordome était très inquiet pour Chi Rong, il refusa de laisser passer le moindre indice. À ces mots, il fit :
« Sors-le d’en dessous, qu’on voie ce que c’est. »
Obéissant, le serviteur tendit la main et attrapa ce qu’il lui sembla être une branche de bois sec. Il tira un peu dessus. L’objet se coinça alors sous le lit et il devint impossible de l’en sortir. Le serviteur pencha donc la tête sous le lit et se rapprocha pour voir ce que c’était et où c’était coincé.
Ce fut alors qu’il vit une tête humaine toute desséchée qui lui souriait, avec ses orbites vides.
Le serviteur hurla de terreur. En un instant, il avait rampé de sous le lit et le pointa d’un doigt tremblant en regardant Li Mao.
Le majordome fut interloqué par sa réaction. Il se pencha donc lui-même par terre pour regarder ce qu’il pouvait bien avoir sous le lit. Il fut à son tour choqué ! Mais après tout, cela faisait bien des années qu’il travaillait chez les Chi. Il s’y connaissait et avait déjà vu de véritables monstres. Il détermina rapidement que le cadavre sous le lit n’était qu’un simple cadavre desséché, alors il appela deux autres personnes pour soulever le lit et le déplacer, afin d’en sortir ce corps.
Cependant, ce rebondissement provoqua des sueurs froides chez Li Mao. Après examen, il s’avéra que le décès remontait à presque un mois et que l’identité de ce corps n’était autre que Chi Rong qui venait juste de disparaître.
Le cadavre du second maître de la famille Chi, qui était mort depuis presque un mois, était resté dissimulé sous son propre lit.
Cette affaire était étrange et bizarre en tout point. Après que Chi Yan et sa mère aient quitté Chi Yuanshan, ce dernier avait officiellement épousé la mère de Chi Rong. À compter de ce jour et encore maintenant, Chi Rong était l’héritier légitime de la famille Chi. Face à cette affaire, les aînés du clan n’osèrent prendre les choses en main sans permission, alors ils ordonnèrent simplement au majordome de taire cette histoire d’abord et de ne laisser aucune rumeur se dissiper. Alors le majordome n’avait pas eu d’autre choix que de raconter aux étrangers que Chi Rong était souffrant et ne pouvait recevoir personne, en attendant que le grand-père Chi quitte sa retraite spirituelle et prenne lui-même les décisions.
Comme Chi Yan restait malgré tout un parent de Chi Rong, Li Mao ne lui cacha pas la vérité et lui raconta tout.
Après que le majordome ait fini son récit, il lança un regard hésitant à Chi Yan :
« Jeune maître, après discussion, les aînés dont décidé que le corps du second jeune maître ne pouvait pas rester comme ça à sécher à l’air libre. Ils ont donc prévu aujourd’hui une cérémonie tout simple pour le second jeune maître, en prétextant une affaire à régler pour le maître, puis ensuite le corps du second jeune maître pourra être enterré en tout tranquillité. Si vous êtes libre, puis-je vous demander d’assister au dernier voyage du second jeune maître ? »
Chi Yan secoua la tête et baissa les yeux.
« Nous avons toujours été ennemis, il ne voudrait certainement pas que j’assiste à ses funérailles. Alors ce n’est pas la peine. »
Naturellement, le majordome savait ce qui s’était passé entre Chi Rong et Chi Yan. Il soupira à ces mots, mais n’insista pas.
À sa grande surprise, Chi Yan l’appela soudain par son nom :
« Li Mao. »
Le majordome leva la tête et entendit le jeune homme faire d’une voix très faible :
« Est-ce bien Chi Rong qui a tenté de me tuer durant l’incident de Hejia ? »
Son ton était très plat, ce qui trahissait une sorte d’assurance et de détermination.
Le majordome ouvrit la bouche, puis tourna la langue sept fois dans la bouche afin de trouver les mots justes. Il finit par dire :
« … Je sais seulement que le second jeune maître avait prévu un plan auparavant pour faire revenir le jeune maître, cependant il n’avait pas l’intention de vous faire du mal. Je ne sais rien d’autre à ce sujet. »
Chi Yan eut bien du mal à se retenir de renifler du plus profond de son cœur. Le village de Hejia avait été un piège mortel à partir du moment où il avait mis un pied dedans. Tout ça pour le faire revenir ? Sans la chose étrange du temple de Nuo qui était intervenue par pur hasard, il serait sûrement mort à l’heure qu’il est. En plus, si Chi Rong voulait vraiment l’inciter à revenir, comment se faisait-il que les deux fois où il avait discuté avec lui, Chi Rong lui avait dit deux fois de partir au plus vite ?
Il secoua la tête, fit demi-tour et partit sans regarder le majordome. Xu Rui l’attendait devant la porte.
Chi Yan hocha la tête à son intention et les deux amis quittèrent la demeure des Chi pour regagner celle des Xu.
Il était déjà l’heure du déjeuner. Les deux jumeaux invitèrent Chi Yan pour le repas. Il ne pouvait pas refuser leur gentillesse alors Chi Yan demanda au chauffeur de rentrer sans lui et de se reposer dans l’après-midi avant de revenir le chercher. Il appela ensuite Ye Yingzhi pour l’informer qu’il passerait la journée avec les jumeaux Xu.
Ils étaient en train de déjeuner quand ils entendirent soudain du bruit et de l’agitation dans la cour devant. Curieuse, Xu Xin bondit pour se renseigner. Elle revint après un moment pour partager la nouvelle avec son frère et Chi Yan :
« Ai, grand frère. Pendant que Xiao Chi et toi étiez chez les Chi, il est arrivé quelque chose de terrible encore. C’est au sujet du chef du clan Ma qui est venu plusieurs fois demander à ce qu’on l’aide à retrouver son fils. Il s’avère qu’ils l’ont retrouvé. »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Quand elle annonça cela, son visage n’exprima ni joie, ni soulagement. Chi Yan devina qu’il avait dû arriver un malheur.
Sans surprise, Xu Xin ajouta :
« Mais c’est son corps qu’on a retrouvé, on l’a retrouvé dans une forêt en montagne. »
Xu Rui posa ses baguettes et s’écria :
« Que s’est-il encore passé ? On connaît la cause du décès ? »
Quelques jours plus tôt, Lin Zhu, le fils de leur belle-tante Lin, avait également disparu et on avait retrouvé son corps. Cependant, on ignorait encore la cause du décès.
« C’est ça qui est étrange, fit Xu Xin. Beaucoup de gens ont vu le corps à ce moment. Un jeune maître céleste du nom de Jian a été très surpris et affolé en voyant le corps de Ma Tian. Le chef de la famille Ma l’a remarqué alors il l’a pris à part. Ce jeune homme est un peu près du même âge que Ma Tian et il n’a que peu d’expérience. Après juste quelques questions, il n’a pas pu dissimuler plus longtemps toute l’histoire. Il a donc avoué qu’il s’était disputé avec Ma Tian dans la montagne deux jours plus tôt et que, pris d’un coup de folie, il l’avait tué par accident. Comme il redoutait la puissance du chef du clan Ma et qu’il craignait de se faire découvrir, il brûla simplement le corps de Ma Tian et enterra les cendres sous un arbre. Il détruisit même son âme afin que Ma Tian ne devienne pas un fantôme qui pourrait rejoindre les siens pour réclamer vengeance. Le jeune Jian s’était donc bien préparé mentalement mais jamais il n’aurait cru que le corps de Ma Tian réapparaîtrait aujourd’hui. Alors naturellement, il a pris peur et paniqué, ce qui le trahit aussitôt. »
Xu Rui fronça les sourcils.
« Mais il n’a pas dit qu’il avait brûlé le corps de Ma Tian ?
– Si, acquiesça Xu Xin. Il a dit qu’il se rappelait très bien de l’endroit alors on a envoyé juste après des gens pour creuser dans la montagne. Ils ont creusé autour de plusieurs arbres mais n’ont pas trouvé les ossements brûlés comme il l’a dit. Il a maintenant complètement perdu la tête alors personne ne peut dire qu’il raconte la vérité ou pas. Voilà pourquoi ils se disputent encore devant. »
Chi Yan intervint soudain :
« Xiao Xin, je voudrais te demander : est-ce qu’ils ont dit quand Ma Tian est décédé en se basant sur l’état de son corps ? C’est comme Lin Zhu la dernière fois, le moment estimé de sa mort est bien plus tôt que le moment de sa disparition ?
– C’est bien ça, fit Xu Xin en hochant la tête. Comment tu as deviné ? »
Chi Yan ne répondit pas et sentit un grand froid l’envahir. Il fut soudain frappé par une idée.
Li Mao n’avait pas menti : le Chi Rong avec qui il avait parlé ces derniers jours ne devait plus être humain.
Du coup, tout devenait logique.
Quand Chi Rong était encore en vie, il avait subitement voulu que Chi Yan revienne pour une raison inconnue. Mais quand Chi Yan était effectivement revenu, Chi Rong était déjà mort et il en avait conscience. Il avait compris qu’il se passait quelque chose, alors il n’avait cessé de dire à Chi Yan de s’en aller.
Lui-même n’était pas parti, tout simplement parce qu’il savait qu’il ne le pouvait plus.
Ce n’était pas que Chi Rong était subitement mort pour une raison ou une autre et que son corps s’était transformé en momie qui semblait morte depuis presque un mois. En fait, il était vraiment mort depuis presque un mois. En comptant les jours, cela correspondait au moment où les deux officiers de police avaient disparu, ce qui avait déclenché l’incident du village de Hejia. Si Li Mao avait dit vrai, on pouvait supposer que Chi Rong avait bien préparé un piège au village de Hejia dans le but de le faire revenir, ou même de le kidnapper et de le ramener sans que personne ne soit au courant, mais ce piège avait été détourné par quelqu’un d’autre qui en avait fait un piège mortel. Et Chi Rong était mort durant le processus.
Plus Chi Yan y songeait, plus il sentait que cette hypothèse devait être la bonne. Il restait toutefois certains détails qui ne collaient pas : au sujet de la mort de son père, de Lin Zhu et de Ma Tian. Il devait également obtenir un renseignement grâce à son Yingzhi Gege.
À cette idée, Chi Yan fut incapable de rester tranquille. Il se dépêcha d’appeler le chauffeur pour que l’autre vienne le chercher. Il fit à ses deux amis :
« Je dois rentrer, j’ai quelque chose à faire. Soyez très prudents dans les temps à venir. Le mieux, c’est d’avoir toujours sur vous des instruments magiques pour repousser les fantômes et vous protéger. Attendez que je vous appelle. »
S’il avait deviné juste alors…
Il ne pouvait plus rester ici.
Commentaires :