Chapitre 116
Ye Yingzhi était assis sur le canapé à lire un livre. Une tasse en porcelaine craquelée d’un blanc pur et étincelant se trouvait sur la table basse, et il en émanait l’odeur du thé Tieguanyin dans les volutes en spirale. Après avoir entendu Chi Yan qui entrait précipitamment, il posa son livre et leva la tête.
« Pourquoi tu étais si pressé de rentrer ? Ton Gege te manquait ? »
Chi Yan secoua la tête frénétiquement, reprenant son souffle.
Le visage de Ye Yingzhi se rembrunit un peu.
« Oh ? Donc je ne te manquais pas ?
– Non, ce n’est pas que tu ne me manquais pas, s’empressa de dire Chi Yan. C’est juste que je voudrais demander à Gege de m’aider à vérifier quelque chose. »
Ye Yinghzi posa deux doigts sous son menton et ses yeux noirs le fixèrent intensément :
« De quoi s’agit-il ?
– D’après les informations qu’on a eues hier, les vers de gu ne survivent pas longtemps après la mort du maître des vers. ‘Pas longtemps’, ça veut dire combien de temps ? Ça pourrait être quelques années ?
– Pas de problème. »
Ye Yingzhi ne lui demanda pas pourquoi il voulait subitement se renseigner à ce sujet. Il lui fit simplement signe de lui passer son portable.
« Je n’ai qu’à les appeler pour leur poser la question. »
La réponse arriva très vite : il était clairement impossible que cela dure plusieurs années. Au pire, les vers de gu commençaient à mourir les uns après les autres après un mois tout au plus.
Un mois, cela correspondait tout à fait à la durée.
En cet endroit-même, quelque chose de similaire au village de Hejia se produisait dans les montagnes où trois grandes familles de maîtres célestes, les Chi, les Ye et les Xu, vivaient en réclusion. Des gens mouraient l’un après l’autre et devenaient des fantômes, pourtant les gens autour d’eux ne pouvaient même pas percevoir si c’étaient des humains ou des fantômes.
Li Zhu, Ma Tian et Chi Rong étaient déjà morts bien avant de disparaître. Li Zhu avait été porté disparu parce que son âme avait disparu pour une raison mystérieuse à ce moment ; ce fut la même chose pour Ma Tian et Chi Rong. Comme leurs âmes avaient totalement disparu, même leurs fantômes furent portés disparus et ce fut alors qu’on découvrit leurs cadavres.
Et ce genre d’existence fantomatique, comme dans le village de Hejia, perturbait le jugement des gens et dissimulait le fait qu’ils étaient déjà morts. Voilà pourquoi leurs cadavres n’avaient pas été retrouvés avant. Le jeune maître céleste Jian qui croyait avoir tué Ma Tian par accident ne l’avait en fait pas tué, car on ne pouvait pas tuer à nouveau quelqu’un qui était déjà mort. Par contre, il avait bel et bien détruit son âme. Alors le fait qu’il ait brûlé le corps non-existent de Ma Tian, il avait forcément imaginé cela sous le fait de sa confusion.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Toutefois, comme la mamie du village de Hejia et la fille des propriétaires de l’hôtel, il devait bien y avoir quelqu’un qui avait perçu la vérité et découvert qu’il était déjà mort. Et cette personne était Chi Rong. À cause de la désorientation, il lui était évidemment impossible de découvrir son propre cadavre caché sous son propre lit. Ce fut donc grâce aux vers de gu qu’il avait découvert qu’il était mort. En tant que cultivateur des vers de gu, il avait dû se douter de quelque chose en voyant que ses vers de gu étaient en train de mourir par poignées.
Chi Yan se rappela de ce que Chi Rong lui avait répondu quand il lui avait demandé comment leur père était mort —
« Le cultivateur de gu est mort, alors le ver de gu ne peut évidemment pas survivre bien longtemps. Et une fois le gu de cœur mort, le pantin qu’il infectait ne peut que mourir rapidement après. »
Sur le coup, Chi Yan avait cru que le cultivateur de gu mort dont il parlait était sa mère. Mais ce n’était clairement pas le cas : ce devait être lui, le cultivateur de gu. Avant la mort de sa mère, elle avait dû lui transmettre tous ses vers de gu, y compris celui qui contrôlait Chi Yuanshan. Mais après la mort subite et inattendue de Chi Rong, les vers de gu n’avaient plus personne pour les prendre en charge. Alors quand son père fut mourant, Chi Rong savait déjà très bien qu’il était mort. Il savait aussi qu’il y avait quelque chose d’anormal alors il avait demandé exprès à Chi Yan de faire appel à Ye Yingzhi pour permettre à leur père de transcender, afin que Chi Yuanshan continue son voyage dans l’autre monde au lieu de rester coincé ici comme ça.
Mais alors, pourquoi Chi Rong n’avait-il pas demandé à Ye Yingzhi d’effectuer le rituel pour lui ? Qu’est-ce qu’il avait bien pu faire une fois qu’il avait appris qu’il était mort, et pourquoi est-ce que cela lui avait fait perdre directement son âme ?
Au même moment, le portable de Chi Yan se mit à sonner, interrompant ses réflexions. Il regarda qui l’appelait : c’était Song Jin.
Il décrocha donc et la voix de son ami lui parvint de très loin :
« La Règle, il faut vite que tu reviennes. Ton grand-père a subitement fait un malaise ce matin. Il est encore à l’hôpital et il n’a toujours pas repris connaissance. »
L’eau au loin était incapable d’éteindre le feu tout proche. Avant de partir, Chi Yan avait laissé à Song Jin le numéro de l’aide à domicile et il avait dit à la femme de contacter Song Jin en cas d’urgence. Ce matin-là, le vieil homme avait fait un malaise sans prévenir. Anxieuse, l’aide à domicile avait donc appelé Song Jin. Il l’avait aideé à placer le grand-père dans l’hôpital où travaillait Tao Juanjuan. Après ça, Song Jin s’était dépêché d’appeler Chi Yan pour le prévenir.
Chi Yan en resta pétrifié un moment. Tous les soirs après le dîner, il prenait le temps d’appeler son grand-père. Ye Yingzhi le savait bien et parfois il faisait exprès de choisir ce moment-là pour le taquiner, sachant très bien que Chi Yan ne pourrait pas lui résister pendant qu’il discutait avec son grand-père. Quand Chi Yan avait appelé la veille au soir, son grand-père allait bien. Ils avaient parlé du fait que le fils de l’oncle Zhang, qui faisait la gymnastique du matin avec lui, avait reçu une promotion, la petite-fille de l’oncle Hu avait reçu une récompense, et d’autres sujets banaux. Qui aurait cru que le grand-père allait faire un malaise aujourd’hui ?
Chi Yan répondit à Song Jin qu’il allait revenir au plus vite et lui demanda de prendre soin de son grand-père en attendant son retour. Après ça, il raccrocha.
Ye Yingzhi avait entendu la discussion. En voyant que Chi Yan restait planté là avec son portable, l’air confus et impuissant, il ne put s’empêcher de se lever et de le faire s’asseoir près de lui pour le réconforter.
« Tout va bien, ton Gege va tout de suite te prévoir une voiture pour que tu ailles voir ton grand-père, ne t’en fais pas. »
Chi Yan lui saisit soudain le bras.
« Yingzhi Gege, viens avec moi, d’accord ? Rentrons tous les deux. »
Arrivé à ce point, sa voix était déjà devenue suppliante.
« Gege a des affaires à régler dans la famille Ye, alors je ne peux pas partir pour le moment. »
Ye Yingzhi lui caressa les cheveux, l’air calme.
« Mais Gege pourra venir te voir après, d’accord ? Et j’en profiterai pour ramener mon petit Ah Yan. »
Chi Yan songea alors en son for intérieur — Yingzhi Gege veut vraiment que je reste ici avec lui.
« Et si Ah Yan ne veut pas rester dans les montagnes, je partirai avec toi une fois que j’aurais réglé toutes les affaires de ma famille. Dorénavant, je resterai avec toi, okay ? » ajouta aussitôt Ye Yingzhi en voyant que Chi Yan en restait sidéré un moment.
Son visage était pâle et calme, avec la gentillesse qui ne se manifestait que lorsque Ye Yingzhi était en sa présence.
Chi Yan n’aurait jamais cru que Ye Yingzhi dirait une chose pareille. Il le regarda, voulut dire quelque chose mais hésita, puis finit par serrer son bras très fort.
« Yingzhi Gege, tu te rappelles de Chi Rong ? Il est mort. Je veux dire, ça fait déjà un mois qu’il était mort. Le Chi Rong qu’on a vu depuis n’était plus humain. Tu te souviens quand je t’ai parlé de la fois où j’ai accompagné mon ami Song Jin sur une enquête et que ça a fini dans un village fantôme ? Je crois qu’il se passe quelque chose de similaire dans les montagnes, mais personne ne s’en est aperçu, » fit Chi Yan avec une grande anxiété.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Pour appuyer ses propos, il cita les exemples de Lin Zhu et Ma Tian. Ye Yingzhi répondit par un léger son peu alarmé. Il lui caressa les cheveux et fit :
« Hé bien, Chi Rong, Lin Zhu et Ma Tian n’étaient plus humains. Est-ce que Ah Yan a eu peur en découvrant qu’il avait parlé à des gens morts ?
– Ce n’est pas une question de peur, fit Chi Yan en agitant le bras de l’autre homme. Yingzhi Gege, je m’inquiète beaucoup pour toi. Tu es celui pour qui je m’inquiète le plus ici. On ne peut pas dire si les gens autour de nous sont des fantômes ou des humains. Il est facile de se faire tuer. Et même après notre mort, on ne se rappelle pas qu’on est mort, exactement comme les villageois de Hejia.
– Petit idiot. »
Ye Yingzhi le vit le regarder avec un air inquiet. Il ne put s’empêcher de le presser contre le canapé et de se pencher sur lui pour l’embrasser. Il ne le lâcha pas avant un bon moment.
« Tu as oublié ce que fait ton Gege ? Comment est-ce que des fantômes pourraient facilement me faire du mal ? »
Ye Yingzhi caressa doucement de son pouce les lèvres douces qu’il venait de ravager. Son regard se fit sombre et profond.
« Ne t’en fais pas, Gege te rejoindra une fois qu’il aura réglé les affaires ici. »
Ye Yingzhi était après tout le patriarche de la famille Ye. Bien qu’il ne soit pas en bonne santé, il avait un très fort contrôle sur son environnement. Chi Yan avait confiance en ses capacités et savait que Ye Yingzhi avait toujours réussi, alors il cessa de tenter de le persuader. Cependant, il devait partager son hypothèse avec les jumeaux Xu. S’il avait bien raison, alors la situation actuelle était très mauvaise.
Craignant de déranger Ye Yingzhi s’il se trouvait trop près, Chi Yan se releva et s’éloigna un peu pour appeler Xu Rui. Il n’obtint pas de réponse, même après un long moment. Alors que Chi Yan raccrochait et allait retenter de l’appeler, il vit le majordome entrer et saluer Ye Yingzhi puis lui. Il fit alors à l’autre homme :
« Troisième maître Ye, le maître Chi est sorti de sa retraite spirituelle et a envoyé quelqu’un pour chercher le jeune maître Chi. Il dit qu’il aimerait le voir. »
Chi Yan en resta ébahi en entendant ça. Juste après, une myriades d’émotions de ressentiment et de rancœur envahirent son cœur. Il voulait vraiment demander à son brave grand-père pourquoi il avait choisi le nom de Chi Rong à l’époque, alors qu’il était évident qu’il soutenait la mère et le fils. Et puis, était-il au courant que la mère de Chi Rong avait infecté son père avec un ver de gu ? S’il était au courant, pourquoi n’avait-il rien fait pour l’en empêcher et avait-il tranquillement regardé son fils se faire manipuler durant la moitié de sa vie jusqu’à sa mort ? Était-ce simplement à cause de l’art secret des gu que la mère de Chi Rong leur avait apporté ? Ou bien haïssait-il son fils qui avait insisté à l’époque pour suivre son propre chemin et se marier à son gré ?
Chi Yan avait pensé jusque là qu’il avait vraiment fait tout ça parce qu’il n’avait jamais approuvé le mariage de ses parents. Mais à présent qu’il y repensait, les choses ne semblaient plus aussi simples que ça.
Chi Yan resta planté là sans répondre. Ye Yingzhi parut pourtant deviner ses pensées et il fit d’un ton léger :
« Ah Yan, si tu veux aller le voir, vas-y et demande ce que tu as à lui demander. Avec Gege, il n’osera pas te faire du mal. Si tu règles le problème ici, tu te sentiras bien plus tranquille quand tu iras voir ton grand-père maternel. »
Chi Yan le fixa, se mordit les lèvres puis accepta.
Il ne prit pas la voiture envoyée par la famille Chi : Ye Yingzhi demanda à son chauffeur de le conduire là-bas.
Dès que Chi Yan monta dans le véhicule, Xu Rui le rappela :
« Jeune maître Chi, qu’y a-t’il ? Il se trouve que je viens d’apprendre quelque chose et, au moment où je voulais t’appeler pour te le dire, j’ai vu que tu avais essayé de me joindre. »
Chi Yan rapprocha le portable de son oreille :
« Toi d’abord.
– Tu te souviens de Lin Zhu qui avait subitement disparu ? Mon oncle et les autres n’ont pas renoncé à découvrir les raisons de sa disparition subite. Ils ont donc recherché son âme avec une méthode secrète et ont découvert que le dernier endroit où s’est manifestée son âme, c’est dans la résidence des Chi, pas loin de l’endroit où ton grand-père s’est retiré. »
Chi Yan ferma les yeux, ne sachant pas comment réagir à une telle nouvelle actuellement. S’il ne s’agissait que de lui, en sachant que la famille Chi était bizarre et qu’il y avait aussi un problème dans cet endroit, cette nouvelle serait la goutte d’eau qui ferait déborder le vase : il quitterait les lieux avec Xu Rui et Xu Xin sans se soucier de rien, retournerait prendre soin de son grand-père et attendrait que Yingzhi Gege ait réglé les affaires et le rejoigne.
Mais Ye Yingzhi l’avait encouragé à affronter la situation en face et à découvrir la vérité. Il lui avait dit de ne pas avoir peur car il était là.
Note de Karura : Que se passe-t’il à la fin ?
Commentaires :