Esprit Malin 126

Chapitre 126 : Aiguiser la dague


Des années en arrière, quand Chi Yan était entré à l’université, il avait choisi un cours optionnel. Cela parlait de philosophie et des orientations de valeurs L'ensemble des principes du vrai et du faux qui sont acceptés par un individu ou un groupe social. (1) de plusieurs écoles de pensées, comme Ayn Rand, Robert Nozick, John Rawls et Kant. En classe, ils discutèrent à propos de l’équité et de la justice. Chi Yan se rappelait encore d’une question débattue en classe : imaginons dans des circonstances très extrêmes qu’il existe une personne A dans le monde et qu’en tuant A, le monde entier vivrait bien mieux. Alors faudrait-il tuer A ? Si A était inutile en ce monde mais qu’en le tuant, les autres auraient une meilleure vie, alors faudrait-il vraiment tuer A ?


Une autre question similaire était le fameux problème du tramway : un tramway hors de contrôle roule à grande vitesse sur les rails et dix personnes se trouvant dans sa trajectoire initiale vont se faire tuer. Il se trouve qu’il y a une poignée à portée de votre main. Si vous l’actionnez, le tramway sera dévié sur une autre voie, mais trois personnes sur la trajectoire seront tuées. Si on fait abstraction de la loi et d’autres facteurs similaires, en terme d’orientation de valeurs uniquement, est-ce que vous actionneriez la poignée ?


Quand on est jeune, on ne sait que peu de choses mais on aime en général exprimer son point de vue à tout bout de champ et on a l’impression d’avoir un point de vue incisif et profond. Plus on observe, plus on apprend mais moins on ose émettre des jugements à la légère. La première étape pour devenir adulte, c’est de commencer par baisser la tête et écouter les différents sons de cloche.


Ce matin-là, Chi Yan resongea soudain à cette question débattue en classe — et si le monde devenait pire à cause de l’existence de A ? Et si A était l’amant à qui vous étiez lié corps et âme, l’amour de votre vie ?

Il n’était pas un utilitariste benthamien Jeremy Bentham (1748-1832), philosophe et fondateur de la philosophie utilitariste. (2), sa vie n’était pas un sujet de rédaction philosophique. Ye Yingzhi n’était même pas un sacrifice innocent A, il était l’esprit maléfique le plus puissant au monde et le plus difficile à contrecarrer.


* * *


Chi Yan n’avait pas menti à Ye Yingzhi : il acheta vraiment quelques fortifiants naturels puis alla rendre visite à Tao Juanjuan. Vu que l’âme de Song Jin s’était dissipée, son corps allait certainement être retrouvé. Avant de partir, Song Jin lui avait demandé de cacher la vérité à Tao Juanjuan, cependant Chi Yan ignorait combien de temps cela pourrait rester secret.

Tao Juanjuan l’accueillit avec enthousiasme et lui parla longuement de son époux. Elle dit qu’il était encore en déplacement pour son travail et qu’il lui avait envoyé un message après son départ, disant qu’il avait été affecté à une mission secrète, que son portable serait éteint durant les jours à venir et qu’il ne serait donc pas joignable. Il y avait des plaintes et du mécontentement sur la visage de la jeune femme, mais c’était plus par amour et parce que son chéri lui manquait.

Elle ignorait vraiment que son époux était mort. Chi Yan devina qu’il s’agissait du message que Song Jin lui avait envoyé quand il était parti de chez eux en découvrant qu’il était mort, et avant qu’il n’aille voir Chi Yan.


Chi Yan baissa précipitamment la tête afin de masquer ses émotions. Après quelques secondes, il releva la tête et fixa le ventre de la jeune femme en souriant.

« Ne parlons plus de Da Song. Je suis venu cette fois pour voir comment va ma filleule. »

Tao Juanjuan sourit à son tour.

« Même moi, je ne sais pas encore si c’est un garçon ou une fille, alors comment tu peux dire que ce sera une fille ? »

Bien entendu, Chi Yan ne savait pas plus quel serait le sexe de l’enfant dans le ventre de Tao Juanjuan, cependant Da Song avait toujours parlé d’avoir une fille avant sa mort, une fille qui ressemblerait à sa mère et pas à lui. Ce serait bien aussi d’avoir un petit garçon, comme ça il pourrait l’emmener jouer au foot. C’était pour ça que Chi Yan avait dit ça sans réfléchir.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Chi Yan porta son regard sur le fœtus et en resta stupéfait. Le sort magique qui affectait sa vision ne s’était pas encore dissipé alors il pouvait toujours voir les vrais Yin et Yang de ce monde. En cet instant, il put clairement voir une puissante énergie sombre se rassembler devant le ventre de Tao Juanjuan et tenter frénétiquement de s’enfoncer pour atteindre le fœtus. Heureusement, le peu de Qi Yang dans le corps de Tao Juanjuan empêchait l’énergie sombre d’entrer.

Pour croître, un fœtus dans le ventre de sa mère avait besoin d’absorber le Qi vital et le Qi Yang environnants. Mais à présent que le Yin et le Yang étaient inversés et que le Qi fantomatique envahissait le ciel, le Qi vital et le Qi Yan environnants se faisaient de plus en plus ténus. L’enfant à naître ne pouvait donc que faire du mieux qu’il pouvait avec le Qi vital fourni par sa mère. Cependant, il y avait en plus des esprits maléfiques autour de lui, avides de s’emparer de la chair fraîche et pas encore pleinement formée.


Si cela continuait ainsi, le corps de Tao Juanjuan risquait de ne pas tenir le coup et l’enfant serait également en très grand danger.

Ou bien ce scénario catastrophe qu’il s’imaginait n’aurait même pas le temps de se produire : Tao Juanjuan pouvait simplement se faire tuer par les esprits maléfiques grandissants qui rôdaient dans l’ombre pendant qu’elle sortait se promener. L’enfant qui n’était même pas encore né deviendrait alors un fœtus fantôme.

Song Jin avait choisi de détruire son âme afin de protéger Tao Juanjuan et leur enfant mais même avec son sacrifice, la mère et l’enfant n’étaient pas sûrs de vivre en paix et de prospérer dans ce monde où le Yin et le Yang étaient inversés.


Chi Yan trouva une excuse pour se rendre dans la salle de bains. Il se mordit l’index gauche, dessina quelques talismans de protection et les donna à la jeune femme en lui conseillant de les garder toujours sur elle. Avant de partir, il passa sa main qui saignait au-dessus du ventre de Tao Juanjuan et tapota l’énergie sombre pour la faire partir, cependant on aurait dit qu’il caressait l’enfant dans les airs.

Il releva la main, détendit ses sourcils et sourit à son amie.

« Prends bien soin de toi et fais attention. La petite Song va sûrement grandir en sécurité et devenir quelqu’un de meilleur et de plus capable que son père. »

Tao Juanjuan l’accompagna à la porte avec un sourire.


* * *


Après avoir quitté l’appartement de Song Jin, Chi Yan ne rentra pas tout de suite chez lui. Il marcha plutôt jusqu’à un parc tout proche, trouva un banc de libre et s’assit. Il sortit ensuite un livre de son sac à dos, le posa sur ses genoux et commença à le consulter soigneusement.

C’était un livre très ancien, le papier était fin et jauni. Beaucoup de pages au milieu s’étaient détachées avec le temps mais Chi Yan les avait soigneusement coincées dans le livre.

Il s’agissait de l’un des trois livres que Chi Yan avait emporté de chez la résidence Chi l’année de son départ. C’était aussi le plus ancien et le plus compliqué. La plupart des sceaux magiques décrits dans ce livre étaient au-delà du niveau de compréhension de Chi Yan alors, après l’avoir lu une fois, il l’avait mis de côté et n’y avait plus touché. Ce n’était qu’en cas de besoin qu’il le ressortait et le parcourait de nouveau, en quête d’inspiration.


Malgré ça, il se rappelait avoir vu un sort magique qui pouvait renvoyer un esprit maléfique dans l’autre monde. Il se rappelait vaguement qu’une partie du prix à payer pour lancer ce sort était la vie de celui qui l’utilisait.

Chi Yan baissa la tête, tournant soigneusement les pages pour retrouver les mots dont il se souvenait. Il trouva enfin la page qu’il cherchait.

« … Avec ses os, dans son cœur... » murmura Chi Yan avant d’arborer un air amusé.

Il s’était mal rappelé après tout. Il était écrit dans le livre que celui qui jetait le sort devait protéger le centre de la formation et n’aurait donc pas le temps de s’échapper. Du coup, après la mort, il entrerait dans l’autre monde avec l’esprit maléfique. C’était exactement ce que désirait Chi Yan : après tout, dans ce monde, une seule personne comptait à ses yeux.

Même si cette personne n’était pas du tout humaine.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Chi Yan lut attentivement et plusieurs fois la procédure jusqu’à la retenir par cœur. Il rangea ensuite le livre et se prépara à rentrer chez lui.

Il y avait d’autres conditions pour lancer le sort mais elles étaient toutes faciles à remplir, à l’exception d’une : le fameux “avec ses os, dans son cœur”. Il fallait pour ça utiliser les ossements de l’esprit maléfique pour les enfoncer dans le cœur du lanceur de sort afin d’atteindre son sang de cœur. Le cœur de Chi Yan était bien là mais ce ne serait pas facile d’obtenir les ossements de Ye Yingzhi. Il se rappelait que Ye Yingzhi avait dit que sa tombe se trouvait dans la zone interdite de la famille Ye et qu’elle était protégée par les membres de la famille Ye, qui étaient tous morts.


Assis dans le bus sur le chemin du retour, pendant qu’il voyait tous les mauvais esprits qui pullulaient tout autour mais qui restaient spontanément à distance de lui, une pensée surgit soudain dans l’esprit de Chi Yan.

Il y avait une chose à laquelle il n’avait jamais trop songé. Ces créatures maléfiques et fantômes de bas niveau avaient peur de lui. L’une des raisons était parce qu’il était né avec une énergie maléfique dense, surtout dans son sang. L’autre raison était qu’ils redoutaient la petite bouteille en porcelaine que Ye Yingzhi lui avait offerte au Nouvel An Chinois durant le lycée. Il n’y avait jamais songé avant mais maintenant, d’après ce qu’avait dit Xu Rui, Ye Yingzhi était déjà devenu le patriarche de la famille Ye à ce moment et était donc déjà mort. C’était à cause de ça que cet homme n’avait pas osé le voir de visu.

Alors, qu’est-ce que le défunt Yingzhi Gege avait bien pu lui offrir à l’époque ? Qu’y avait-il dans cette bouteille en porcelaine qui pouvait tellement effrayer ces monstres et fantômes ? Après la mort d’une personne, que pouvait-il bien rester qui valait la peine que Ye Yingzhi le lui fasse parvenir à l’autre bout du pays et lui avait demandé de toujours conserver sur lui ?


À cette idée, Chi Yan ne parvint plus à rester assis tranquille. Il se leva précipitamment et descendit au prochain arrêt du bus. Il prit ensuite un taxi pour se rendre à l’atelier d’artisan le plus proche. Sur internet, on disait que ce magasin pouvait fabriquer sur commande toutes sortes d’objets en céramique, en cuivre et en acier, et aussi fabriquer des produits avec d’autres matériaux.

Chi Yan entra et tomba directement sur le patron. Il retira la petite bouteille en porcelaine qui se trouvait autour de son cou pour la tendre à l’autre homme et il demanda :

« Monsieur, voyez cette petite bouteille. Est-ce que vous pourriez l’ouvrir en l’endommageant le moins possible, en sortir le contenu puis la restaurer dans son état d’origine ? »


La petite bouteille semblait fait d’une seule pièce, elle était très lisse et on ne voyait aucune fente à la jointure. On pouvait voir que la conception avait été très soignée. L’artisan l’examina un moment avant de répondre par l’affirmative.

Chi Yan acquiesça.

« Et vous pourriez faire ça maintenant ? Je peux attendre ici. C’est plutôt urgent, alors ce n’est pas grave si je dois payer un supplément. »

Comme ce n’était pas trop compliqué, le patron accepta sans hésiter. Chi Yan s’assit à l’écart et attendit nerveusement. Sa respiration s’accéléra de plus en plus. S’il ne s’était pas trompé, ce qu’il lui fallait devait se trouver dans la bouteille.


La petite bouteille en porcelaine finit par pouvoir être ouverte en deux. Chi Yan ne laissa pas le patron toucher quoi que ce soit : il sortit lui-même un petit sac en tissu jaune de l’intérieur. Après avoir soupesé le sac, il demanda à l’autre homme de restaurer la bouteille.

Le sac en tissu était rempli d’une sorte de poudre et à l’extérieur, il y avait plusieurs sceaux magiques peints dessus.

Cela coupa le souffle à Chi Yan. Ye Yingzhi avait fait encore plus que ce dont il s’était douté. Il avait cru que Ye Yingzhi lui avait juste envoyé ses cendres pour l’aider à repousser les esprits maléfiques, mais ce n’était clairement pas tout. Ces sorts qui imprégnaient le tissu prouvaient manifestement que Ye Yingzhi avait attaché au moins une de ses âmes Dans la croyance chinoise, l’être humain possède plusieurs âmes. (3) à ses cendres.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Il avait l’habitude de penser que dans les moments critiques, ce qui le sauvait et changeait le malheur en bonne fortune était uniquement les sorts que Ye Yingzhi avait lancés sur la bouteille. Il semblait à présent que c’était Ye Yingzhi qui avait veillé sur lui à tout moment et qu’il était venu le secourir personnellement quand il était en danger.

Chi Yan resongea automatiquement à la nuit dans le temple du dieu Nuo. À ce moment, la situation avait été des plus critiques et sa vie avait été clairement en danger, alors comment se faisait-il que Yingzhi Gege n’était pas intervenu ? Chi Yan se pétrifia subitement. Il songea à une possibilité, une possibilité qui se faisait de plus en plus évidente au fur et à mesure qu’il y songeait.

Ce n’était pas que Ye Yingzhi avait été retenu ailleurs et n’avait pas pu l’aider, c’était plutôt que Ye Yingzhi était intervenu, sauf que Chi Yan ne l’avait pas reconnu.


Comment y aurait-il pu y avoir une telle coïncidence ? Cette chose qui résidait depuis longtemps dans le temple de Nuo avait clairement le pouvoir de changer le monde, pourtant elle était restée tranquillement les bras croisés et avait uniquement attendu son arrivée pour se décider enfin à éliminer le Qi fantomatique dans le village de Hejia ? Aucun dieu ou démon ne serait assez oisif pour ne lui demander qu’un baiser en échange de sa vie. Sans parler du fait que le sort employé avait eu exactement le même effet que celui mentionné dans le carnet de Ye Yingzhi et de sa capacité à aspirer aisément le Qi fantomatique du village. Ce Qi fantomatique n’était rien pour lui, étant donné qu’il possédait lui-même un Qi fantomatique des milliers de fois plus dense que celui du village.

Comment pouvait-il exister quelqu’un de si mauvais en ce monde ? Même en sachant que Ye Yingzhi n’était pas quelqu’un de bien et qu’il aurait dû se mettre en colère, Chi Yan ne pouvait toutefois pas s’empêcher de l’aimer davantage.

Ye Yingzhi…


* * *


Pendant qu’il était plongé dans ses pensées, le patron avait déjà fini de rassembler la bouteille en porcelaine. En y regardant de près, on pouvait distinguer quelques défauts et ouvertures mais en gros, elle semblait comme avant.

Chi Yan remercia l’homme et remit la bouteille autour de son cou. En même temps, il défit l’attache autour du petit sac en tissu qu’il tenait et fit :

« Je vais encore vous embêter pour autre chose. Vous pourriez me forger une dague avec cette poudre dans l’acier ? Je reste là pour vous regarder faire. »

Il avait jeté un coup d’œil aux objets exposés dans l’atelier et avait vu certaines épées décoratives à suspendre chez soi qu’on pouvait customiser.


Chi Yan ajouta un peu plus d’argent.

« Vous pourriez aiguiser la dague pour moi ? Les choses ne vont pas très bien pour moi en ce moment. Un maître taoïste m’a conseillé de suspendre une dague dans mon séjour afin de repousser les esprit maléfiques, mais la lame doit être aiguisée pour que ça marche. »

Bien entendu, il ne comptait pas repousser les esprits maléfiques. Après tout, l’homme qu’il aimait en était un.


Note de Karura : Aïe aïe aïe, vous voyez ce que Chi Yan compte faire ? Le prochain chapitre sera le dernier de ce monde.


Notes du chapitre :
(1) L'ensemble des principes du vrai et du faux qui sont acceptés par un individu ou un groupe social.
(2) Jeremy Bentham (1748-1832), philosophe et fondateur de la philosophie utilitariste.
(3) Dans la croyance chinoise, l’être humain possède plusieurs âmes.






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