Esprit Malin 132

Chapitre 132 : Le fantôme chang


Il fallait presque vingt heures de train pour se rendre à la province de Guangxi, d’après les indications sur les billets. Ye Yingzhi fit d’un ton résolu à Chi Yan d’oublier ces deux billets, et il acheta de nouveau en ligne deux billets d’avion pour eux.

Le jour du départ, Chi Yan alluma son portable après l’atterrissage et il reçut de très mauvaises nouvelles — les deux maîtres célestes qu’il avait invités avaient reçu une série de mauvais présages avant le départ, alors ils avaient décidé de renoncer à ce travail. Naturellement, ils le dédommageraient.

Il était alors trop tard pour inviter d’autres maîtres célestes. Et même s’il en trouvait d’autres, ces experts ne voudraient sans doute pas venir après avoir entendu ce qui était arrivé aux deux premiers. Chi Yan se mordit les lèvres et l’anxiété grandit dans son cœur. Tout comme il semblait y avoir une force invisible qui le poussait et même le forçait à faire ce voyage avec Ye Yingzhi, il y avait clairement une autre force qui empêchait d’autres de les accompagner.


Il lança un regard hésitant à son compagnon.

« Yingzhi, et si on rentrait chez nous ? »

Ye Yingzhi passa un bras autour de sa taille et le conduisit hors de l’aéroport.

« Nous sommes déjà là, autant visiter un peu avant de rentrer, tu ne crois pas ? »

Il désigna le gros sac qu’il portait sur son dos.

« En plus, peu importe si les deux autres ne sont pas là. Nous avons encore plein de choses en réserve. Ces gens étaient des inconnus après tout. Si ça se trouve, ils ne nous auraient pas protégés en cas de danger et auraient même pu blesser des gens pour assurer leur protection, alors c’est tout aussi bien qu’ils ne viennent pas. »

Chi Yan y réfléchit un moment et estima que Ye Yingzhi n’avait pas tort.


* * *


Chi Yan accompagna donc Ye Yingzhi pour visiter tous les sites touristiques qu’il avait déjà vus à l’époque, puis ils rentrèrent à la capitale de la province. Durant cette période, Ye Yingzhi avait fini par le convaincre d’aller jeter un coup d’œil au village de Hongtu — se rendre dans le village, ce n’était pas la même chose que de s’aventurer dans les montagnes. Après tout, il y avait encore plein d’habitants dans le village de Hongtu, alors ce ne devait pas être dangereux et ils pourraient peut-être trouver des renseignements. Du moment qu’ils n’allaient pas dans les montagnes, il ne devrait pas y avoir de problème.

Rien que cette vieille dame que les villageois avaient traitée de ‘vieille folle’ à l’époque, Chi Yan sentait qu’elle en savait plus que les autres. Et elle ne serait sans doute pas la seule dans le village. Ainsi, ils pourraient obtenir un tas de renseignements rien qu’en interrogeant ces gens.


La première maison dans le village organisait une veillée funéraire. Ce n’était qu’un hall funéraire rudimentaire installé dans la petite maison toute simple, avec des fruits de saison banaux comme offrande. De temps en temps, les villageois s’arrêtaient et restaient à l’entrée pour jeter un coup d’œil.

Dans les souvenirs de Chi Yan, c’était précisément la demeure de la vieille femme. Comme il s’agissait de la première maison dans le village et qu’elle était plus délabrée que les autres, cela lui avait marqué l’esprit. Chi Yan intercepta une femme d’âge moyen qui semblait avoir un visage honnête et lui demanda :

« Madame, je peux vous demander de qui c’est la veillée funéraire ? Je me souviens qu’il y avait une vieille dame qui vivait là. Qu’est-ce qu’elle devient actuellement ?

– C’est justement sa veillée funéraire, confirma la dame. Elle est décédée il y a deux jours. »


Elle vit que Chi Yan était beau et propre sur lui, ce qui lui fit bonne impression. Voyant qu’il avait l’air intéressé, elle agita la main pour qu’ils aillent sur le côté et lui raconta tout ce qu’elle savait.

Il s’avérait que le mari de la vieille dame était mort très jeune et que le couple n’avait pas eu d’enfant, alors elle était restée seule durant toutes ces années. Il n’y avait que la famille du petit frère de son époux qu’elle pouvait considérer comme des proches, mais ce petit frère et sa femme ne la voyaient pas souvent et ne se souciaient pas vraiment d’elle. Après sa mort, ce fut son neveu, le fils de son beau-frère, qui organisa des funérailles toutes simples. Les gens du village chuchotèrent dans son dos que la raison pour laquelle le neveu faisait ça, c’était pour acquérir les deux lopins de terre qu’elle possédait, ainsi que cette maison miteuse.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Chi Yan soupira en apprenant ça. Il expliqua vaguement qu’il était une fois passé par le village de Hongtu en voyageant et que cette vieille dame lui avait rendu service. Il était donc revenu pour lui rendre visite, mais n’aurait jamais pensé qu’elle serait décédée.

Les gens du village se souvenaient certainement encore de cet accident mais à l’époque, Chi Yan venait juste d’avoir le bac alors il n’avait encore été qu’un adolescent. Avec la manière dont il s’habillait et tout le reste, il avait ressemblé à un enfant qui n’avait pas encore grandi et qui n’avait toujours pas quitté la maison de ses parents. Mais là, après plusieurs années dans le monde du travail, son apparence et son tempérament avaient bien changé par rapport à cette époque. Même s’il parut vaguement familier à certains habitants du village, ils ne purent le reconnaître avec certitude.


Comme il était déjà sur le seuil de la porte, Chi Yan demanda à Ye Yingzhi de l’attendre dehors. Il comptait entrer seul afin de prier pour la vieille dame. Dans les petits villages, on était très pointilleux sur les affaires de rouge ou de blanc Le rouge pour le mariage, et le blanc pour les enterrements. (1). Comme Ye Yingzhi et cette vieille dame n’avaient aucune relation et ne s’étaient jamais vus, ce ne serait donc pas convenable qu’il ose entrer pour prier s’il n’y avait pas de fils ou de neveu pour le faire entrer.

Curieusement, il y avait déjà deux personnes devant l’autel funéraire quand Chi Yan entra. L’un était un vieil homme dans la soixantaine, vêtu d’un large costume Tang noir au tissu doux. L’autre semblait être son assistant : portant un costume noir, il se tenait respectueusement derrière le vieil homme. Les deux étaient bien habillés, ce qui semblait détonner un peu dans ce village un peu isolé et arriéré, mais le vieil homme ne semblait pas s’en soucier. Il se contenta de rester là à prier pour la morte, un air profondément triste sur le visage. L’arrivée de Chi Yan n’attira pas vraiment leur attention.


Chi Yan ignorait qui étaient ces deux-là et quelle était leur relation avec la vieille dame. Il ne les dérangea pas et s’inclina simplement devant l’autel, remerciant en silence la vieille dame pour lui avoir parlé des fantômes chang à l’époque.

Après sa prière, il se tourna et allait partir quand il vit soudain un jeune homme se tenir à trois pas de lui. Le nouveau venu portait un pull noir un peu démodé, un jeans ordinaire, une casquette bleu foncé et un sac à dos sur son dos. Il ressemblait à un étudiant.

En voyant Chi Yan se tourner, le jeune homme entama la conversation :

« Tu veux aller dans les montagnes ? »

Sa voix était un peu rauque, comme s’il ne parlait pas souvent, et elle n’était pas agréable à l’oreille. Chi Yan plissa légèrement le front et se dit que cette voix lui disait quelque chose

En fait, ce jeune homme lui semblait très familier.


Chi Yan réfléchit d’abord à la raison pour laquelle cette voix lui semblait familière. Liu Shun avait également parlé d’une voix rauque et rude, comme passée au papier de verre. Wang Sheng avait cru à l’époque qu’il y avait un problème avec sa voix et il avait interrogé le jeune homme à ce sujet. Liu Shun avait expliqué qu’il avait eu une blessure à la gorge étant enfant.

Les souvenirs de cette année ressurgirent aussitôt et Chi Yan se rappela où il avait vu ce jeune homme — les vêtements étaient clairement ceux que Cheng Tao avait portés à l’époque.


Chi Yan se figea alors. Le nom resta coincé dans sa gorge mais il fut incapable de le prononcer. Il sentit juste un grand froid l’envahir. Il tâcha de distinguer le visage du jeune homme, mais on aurait dit que ce visage était couvert par la brume, l’empêchant de voir clairement son visage et l’incitant même à ignorer inconsciemment ce fait.

Cela avait été la même chose à l’époque. Après qu’il ait été secouru, on lui avait demandé de décrire Liu Shun. Il avait tenté de se souvenir mais s’était rendu compte qu’il ne se souvenait pas et n’avait jamais fait attention à l’apparence du jeune homme.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Dans le présent, ce jeune homme habillé comme Cheng Tao lui redemanda :

« Tu veux aller dans les montagnes ? Le paysage est splendide là-bas. »

Chi Yan n’attendit pas que l’autre en dise plus et répondit directement :

« D’accord. »

L’autre jeune homme hocha la tête.

« Demain matin, je viendrai te chercher là où vous logez tous les deux. »

La chose disparut rapidement de son champ de vision. Chi Yan sentit que son corps était vidé de toutes ses forces, et la sueur froide qui coulait le long de son dos avait pratiquement trempé sa chemise à l’arrière.


À cet instant, le vieil homme se tourna vers lui et fit :

« Tu n’aurais pas dû accepter. Si je ne me trompe pas, cette chose n’est pas un humain, mais un fantôme chang. »

Chi Yan le fixa soudain avec de la douleur et du regret sur son visage. Il passa une main sur son front et expliqua :

« Je sais, mais je ne pouvais pas refuser… Je suis déjà venu ici autrefois, et tous mes amis se sont fait tuer. Je suis le seul survivant. Ce fantôme chang à l’instant ressemble exactement à un de mes amis qui est mort à l’époque. Alors sur le coup, j’étais comme possédé et je n’ai pas eu d’autre choix que d’accepter. »


Considérant le fait que ce vieil homme avait pu deviner la nature de cette chose au premier coup d’œil et qu’il semblait bien avoir connu la vieille dame, Chi Yan se dit que cet homme devait sans doute savoir des choses sur ce sujet et qu’il pourrait peut-être même l’aider à résoudre son problème actuel. Alors il profita bien de l’occasion pour raconter toute son histoire à cet homme.

Son récit fut un peu incohérent, toutefois l’homme se montra rempli de patience.

« Ce n’est pas grave, mon garçon. Tu peux parler lentement. Ou bien, si tu me disais d’abord d’où tu as connu Xiu Yun ? Tu n’as pas l’air d’être du coin, alors pourquoi tu es venu prier pour elle ? »


Chi Yan ne savait pas qui était cette ‘Xiu Yun’ mais il devina qu’il devait s’agir du nom de la vieille dame. Il ne cacha rien et n’en rajouta pas : il raconta simplement au vieil homme ce qui s’était passé à l’époque, pourquoi il était revenu ici et ce que lui avait dit la vieille dame.

Après avoir entendu son récit, le vieil homme hocha plusieurs fois la tête, puis se mit à raconter sa propre histoire à Chi Yan. Quand les gens vieillissaient, ils avaient tendance à se rappeler du passé et à raconter leur vie à la jeune génération. Ce vieil homme ne fit clairement pas exception à la règle.


Il se trouvait que le père de cette vieille dame, qui se nommait Xiu Yun, était un monsieur Yin-Yang local très connu dans son temps. Le vieil homme était un orphelin que M. Yin-Yang avait accepté comme apprenti et élevé depuis tout petit. Du coup, Xiu Yun et lui avaient grandi ensemble et se considéraient comme frère et sœur.

Plus tard, lors des tourments politiques, le vieil homme qui n’avait alors que dix-sept ans s’était enfui avec des amis dès que les choses avaient commencé à mal tourner. En tant que représentant des superstitions féodales, M. Yin-Yang fut naturelle l’objet de sévères critiques dans son village. Par la suite, son épouse et lui se suicidèrent car ils ne supportaient plus tout ça. Xiu Yun n’avait que quatorze ou quinze ans à l’époque et le fait d’assister au suicide de ses parents la traumatisa. Depuis, elle avait des problèmes mentaux.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Le vieil homme avait suivi un ami pour se rendre dans ce qui était aujourd’hui la région administrative spéciale Une subdivision politique de la Chine ayant un statut administratif spécial (= moins communiste). Pour l’instant, les deux RAS en Chine sont Hong Kong et Macao. (2). Il était très débrouillard alors, avec ce qu’il avait appris de M. Yin-Yang, il devint rapidement populaire dans la région. Non seulement il devint riche, mais aussi respecté. Toutefois, il n’avait jamais cessé de s’inquiéter de son maître et sa famille. Une fois que sa propre situation s’était grandement améliorée, il avait commencé à envoyer des gens pour enquêter sur ce qu’étaient devenus M. Yin-Yang et sa famille. Il voulait les faire venir chez lui mais apprit alors malheureusement que son maître et son épouse s’étaient suicidés, et que sa petite sœur Xiu Yun avait été traumatisée par leur mort et avait disparu.

Durant les décennies qui suivirent, il n’avait jamais renoncé à retrouver sa trace. Ce ne fut que récemment qu’il avait obtenu l’information sûre que Xiu Yun s’était mariée et était allée vivre dans le village de Hongtu. Il s’était donc rué là-bas aussitôt. Hélas, il n’arriva pas à temps pour revoir une dernière fois sa petite sœur.


Après avoir entendu son récit, Chi Yan lui adressa toutes ses condoléances. À sa grande surprise, le vieil homme annonça :

« Merci d’être venu voir Xiu Yun pour son dernier voyage. Le fait que je te rencontre tient également du destin. Alors mon garçon, je vais t’accompagner dans les montagnes demain. Si nous suivons ce fantôme chang pour trouver la caverne, je pourrais de l’extérieur tenter de faire transcender ton cousin et les autres. Ce sera pour te remercier d’avoir prié pour Xiu Yun. Mais rappelle-toi bien : quoi que dise ce fantôme chang, tu ne devras pas entrer dans la caverne. »


Note de Karura : Dire que Ye Yingzhi s’était donné tant de mal pour se débarrasser des deux ampoules, voilà que Chi Yan lui en retrouve deux autres ! Il y en a un qui ne va pas être content du tout.


Notes du chapitre :
(1) Le rouge pour le mariage, et le blanc pour les enterrements.
(2) Une subdivision politique de la Chine ayant un statut administratif spécial (= moins communiste). Pour l’instant, les deux RAS en Chine sont Hong Kong et Macao.






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