Esprit Malin 168

Chapitre 168 : Le crépuscule


Ye Yingzhi s’éloigna de quelques pas, puis se tourna pour regarder calmement l’homme. Il fit doucement :

« Je voudrais juste savoir s’il y a la moindre vérité dans ce que tu viens de dire. Ils aiment s’amuser et ils aiment observer, tout ça pour capturer le prochain dans leurs filet… Il semble à présent qu’on peut vraiment se fier à ces paroles. »

Cet homme qui les avait suivis semblait leur avoir dit beaucoup de choses mais en fait, il n’avait fait que leur rappeler les cinq conseils que le guide Aaron leur avait donnés : “Ne pas poser de question, ne pas répondre, ne rien manger ou prendre quoi que ce soit d’ici, ne rien laisser à soi ici et ne pas revenir en arrière.”


Pour le reste, on pouvait voir qu’il n’y avait pas grand-chose d’important dans ce qu’avait dit cet homme. L’essentiel, c’était ce qu’Aaron leur avait déjà dit. Les origines de Vinabus et la raison pour laquelle les Déchus tuaient les démons, cela n’avait que peu d’intérêt pour les aider à quitter ces lieux sains et saufs.

Du coup, la seule information nouvelle et importante dans les paroles de cet homme avait été : “Les Déchus ne peuvent pas sortir de la rue où ils sont confinés.”

Le sourire sur le visage de l’homme costaud devint crispé et il prit un air un peu hideux.

Comme il venait lui-même de le dire, il ne pouvait plus sortir de cette rue désormais. Ye Yingzhi en déduisit donc qu’il n’avait pas non plus menti sur le reste.


Il ignora cet homme et prit Chi Yan par le bras. Il fit demi-tour et continua à s’avancer hors de la rue.

Chi Yan tira sur sa manche.

« Yingzhi, quand est-ce que tu t’es rendu compte du problème avec cet homme ? »

Lui-même avait aussi vaguement senti que cet homme était un peu bizarre mais ce n’était qu’une pure intuition. Il s’était donc mis sur ses gardes discrètement mais avait été incapable de mettre le doigt sur ce qui n’allait pas chez cet homme.

« Il a la même odeur que ces hommes en tunique brune, l’odeur de la marmite. Au départ, j’ai cru qu’il avait pris cette odeur à force de rester trop longtemps près de ce Déchu, puis je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas et qu’il avait dû devenir un Déchu comme ces gens. J’imagine qu’il a dû boire ce qu’il y a dans la marmite, » expliqua Ye Yingzhi.

En plus, cet homme n’avait pas très bien joué la comédie, il avait pu voir au premier regard qu’il faisait semblant.


Comparé à un étranger qui décidait soudain de les aider, les gens avaient parfois plus tendance à faire confiance à quelqu’un qui leur était redevable, aussi inexplicable que ce soit. Cet homme en avait donc profité pour les prendre pour cible. En plus, l’autre leur avait fourni une tonne d’informations qui semblaient crédibles, alors beaucoup de gens seraient tombés dans le panneau sans s’en rendre compte. Cependant, la plus grosse erreur de cet homme avait été de se montrer un peu trop brusque quand il avait voulu leur donner ses potions. C’était peut-être parce qu’il avait commencé à paniquer quand il avait vu que les deux hommes allaient bientôt quitter la rue. Même si cela avait été quelqu’un d’autre que Ye Yingzhi, les gens n’auraient sûrement pas accepté aussi facilement ces potions.


L’odeur dégoûtante et écœurante envahissait toute la rue, alors Chi Yan n’avait pas trop fait attention à l’odeur de cet homme. Une fois qu’il eut écouté l’explication de son compagnon, il se rappela que c’était effectivement bien le cas. Il demanda sans y penser :

« Ce truc dans la marmite pue terriblement. Qui pourrait bien vouloir le boire ?

– Ce sont des cadavres bouillis. La plupart des gens vont trouver l’odeur horrible mais pour ceux qui ont déjà tué et mangé des gens, l’odeur est très alléchante. Cet homme faisait clairement partie de cette seconde catégorie. On dirait que plus les gens sont mauvais, plus ils risquent facilement de rester ici, » analysa Ye Yingzhi.

Chi Yan hocha la tête et poursuivit :

« Yingzhi, comment tu peux savoir ce qu’il y avait dans la marmite ? Comment ça se fait que tu en saches autant ? »

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Ye Yingzhi fut pris au dépourvu. Il plissa le front et réfléchit quelques secondes avant de répondre :

« Je ne sais plus où j’ai entendu ça, mais dès que j’ai vu les marmites en acier, j’ai tout de suite su ce que c’était. »

C’était comme s’il était déjà venu ici.

Mais il se souvenait très bien de sa vie, ses souvenirs de l’enfance à l’âge adulte étaient clairs, précis et ne laissaient place à aucun doute. En plus, il n’était jamais allé aux Enfers avant, sans parler de Vinabus, alors il était naturellement impossible qu’il ait déjà pu voir ces hommes en tunique brune avec leurs marmites en acier et leurs longues louches.

Chi Yan secoua la tête.

« Ne t’en fais pas pour ça. Je suis sûr que tu as dû entendre à quand tu étais à Démonville mais que ça ne t’avait pas marqué sur le coup. Par contre, ça t’est revenu en voyant ces gens. »


* * *


Ils avaient déjà laissé bien loin derrière eux la rue avec les hommes en brun. Devant eux, il y avait un embranchement avec trois rues parallèles. Il y avait un panneau à l’embranchement : “Une seule de ces routes vous amènera à destination. Veuillez bien choisir.” Toutefois, quand on regardait ces routes, les bâtiments de chaque côté étaient exactement les mêmes et il n’y avait pas la moindre différence entre ces trois routes.

Ye Yingzhi réfléchit un peu et fit :

« Ce qu’a dit cet homme tout à l’heure doit être vrai : tant qu’on n’enfreint pas les cinq interdictions, nous ne risquons rien et nous ne resterons pas bloqués ici. Ce panneau est juste là pour induire les gens en erreur. Quand les gens rencontrent des obstacles et des difficultés, ils s’imaginent que la raison de leur malchance, c’est parce qu’ils ont choisi la mauvaise route au départ. Alors ils renoncent d’eux-mêmes et naturellement, ils ne s’en sortent pas. »


Il passa ses bras autour de la taille de Chi Yan par derrière, baissa la tête et fit :

« Ah Yan, tu peux choisir la route que tu veux. Tu dois simplement croire que quel que soit le chemin que tu choisis, nous pourrons arriver au bout du moment qu’on continue d’avancer. »

Cela ressemblait beaucoup aux choix qu’un être humain devait faire dans la vie. Face à un choix, la plupart des gens s’imaginaient toujours qu’ils choisissaient la mauvaise voie. Ils se disaient que s’il avaient fait un autre choix, le chemin après aurait été plus facile et ils auraient progressé plus aisément. Mais en réalité, il n’y avait pas moins de pénibilité, de souffrances et de difficultés sur l’autre chemin, et les efforts exigés n’étaient pas moindre non plus. En fait, du moment que l’on continuait à avancer sans renoncer, on pouvait atteindre son but quelle que soit la voie choisie.

Voilà pourquoi Ye Yingzhi demandait à Chi Yan de choisir le chemin qui lui plaisait le plus.


Chi Yan hésita un peu. Il comprit que Ye Yingzhi disait vrai, alors il choisit la route la plus à droite. Ils l’arpentèrent un moment et découvrirent que cela ressemblait à la petite rue commerçante qu’ils avaient vue juste en descendant du bus. La plus grosse différence était qu’il n’y avait pas de vitrines de boutiques aux bâtiments des deux côtés de la route. Au lieu de ça, il y avait des miroirs qui faisaient la taille de tout un mur.

Au départ, rien à part leurs deux silhouettes ne se reflétait dans ces miroirs mais peu à peu, une ombre grise apparut dans le miroir et les suivit. Cependant, quand ils regardèrent derrière eux, la rue était déserte. On ne pouvait voir qu’eux deux et rien d’autre.

Ils se serrèrent plus fort la main et continuèrent à s’avancer. Peu à peu, de plus en plus d’ombres grises se mirent à les suivre, leur nombre augmentant sans arrêt et elles commencèrent même à les encercler. En réalité, la rue était vide mais la sensation de foule était réelle. C’était comme s’ils se trouvaient dans un temple le jour du Nouvel An, au milieu de la foule dense et compacte, devant jouer des coudes pour avancer. Cela devenait donc extrêmement difficile de continuer à avancer. S’ils n’y prenaient pas garde, ces ombres grises allaient même les séparer.


À cet instant, des filaments pourpres apparurent dans le ciel, teintant les nuages — c’était le crépuscule, ce serait bientôt l’heure fixée par Aaron.

Au fur et à mesure, les ombres grises du miroir étaient devenues un bloc dense et c’était devenu de plus en plus dur pour les deux hommes de maintenir leur progression. Tout à coup, Ye Yingzhi se rendit compte que la presque totalité des ombres grises étaient massées autour de lui, tandis que seulement quelques-unes suivaient Chi Yan.

Le ciel devenait de plus en plus sombre, pourtant les deux hommes étaient complètement encerclés par devant et par derrière. Ils ne pouvaient plus du tout avancer et le moindre pas en avant leur coûtait une tonne d’énergie et de temps. Il ne restait plus que la moitié du soleil. Par contre, ils eurent la joie de voir une petite place au bout de la rue ainsi que le wagon antique qui était garé au milieu de la place.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Cela ne servait plus à rien de juste se tenir par la main. Afin de ne pas se faire refouler par ces ombres grises, Ye Yingzhi avait pris Chi Yan dans ses bras par derrière et il le gardait contre lui pour avancer laborieusement pas à pas, mais c’était difficile de continuer dans une telle position. Tout à coup, Chi Yan sentit que les bras autour de sa taille se desserraient et la pression tout autour de son corps décrut d’un coup. Il profita de cet élan pour s’avancer et fit plusieurs pas avant de s’arrêter. Quand il se retourna, il vit que Ye Yingzhi ne l’avait pas suivi — l’autre homme était resté sur place, parvenant à peine à avancer. Quand Chi Yan regarda dans les miroirs, il vit que d’innombrables ombres grises entouraient Ye Yingzhi, l’immobilisant fermement sur place, tandis qu’il n’y avait que quelques ombres grises autour de lui. Alors dès que les deux avaient été séparés, Chi Yan avait pu sentir la pression sur son corps s’alléger d’un coup.


Ye Yingzhi se tenait au milieu de la rue déserte. Il leva les yeux vers lui, puis vers le ciel, et fit d’un ton calme :

« Ah Yan, écoute-moi bien : tu vas aller en premier dans le wagon et tu vas m’y attendre. Je te rejoins très vite. »

Il avait déjà compris que ce serait difficile pour lui de trouver en si peu de temps comment se débarrasser de ces choses, et la nuit allait bientôt tomber. Comparé à laisser Chi Yan rester dans la cité perdue de Vinabus, où on ignorait à quoi s’attendre une fois la nuit tombée, il était clairement plus sûr de le faire monter dans le wagon où il suivrait le groupe de touristes à l’hôtel pour y passer la nuit. Ye Yingzhi avait bien l’intention de trouver le moyen de rejoindre Chi Yan une fois qu’il se serait débarrassé de ces choses tout seul. Il refusait que Chi Yan partage ses aventures inconnues dans la cité de Vinabus après la tombée de la nuit.


Chi Yan regarda le ciel à son tour, puis le wagon. Il se tourna enfin vers Ye Yingzhi, qui était étroitement entouré dans le reflet du miroir.

Il secoua la tête et s’avança soudain dans sa direction.

Le visage de Ye Yingzhi changea d’expression dès qu’il le vit faire et il cria très fort :

« Ah Yan ! Ne discute pas, écoute-moi et va dans le wagon. Je trouverai le moyen de te rejoindre tout de suite, tu dois me faire confiance ! »

Cependant, Chi Yan l’ignora et retourna tranquillement vers lui. Les ombres grises ne bloquèrent pas son chemin, alors il put avancer très facilement.

Ye Yingzhi contempla son amant qui était revenu à lui. Il ferma doucement les yeux et fit d’un ton doux :

« Pourquoi tu ne m’as pas écouté ?

– Aaron a dit : “Ne laissez rien à vous ici.” »


Chi Yan regarda son bien-aimé et prit gentiment son visage en coupe. Il leva la tête pour embrasser tranquillement le menton de l’autre.

« Mais j’ai laissé mon bien le plus précieux ici alors Ye Yingzhi, je ne peux pas partir. »

Il prit la main de Ye Yingzhi et la pressa sur son cœur. Il se pinça les lèvres et murmura :

« Ye Yingzhi, tu es ce qu’il y a de plus précieux pour moi. Sans toi, je n’irai nulle part. »

Même si je me retrouve piégé dans Vinabus pour l’éternité, répétant la même chose tous les jours et toutes les nuits, même si je ne peux plus quitter une rue, du moment que je suis avec toi, je serai heureux.


* * *


Les nuages sombres à l’horizon parurent s’enflammer intensément. La lumière rouge et pourpre se répandit sur une large portion du ciel. Cette lueur se fit peu à peu engloutir par les ténèbres. Dans le ciel morose, les riches couleurs possédaient la beauté tragique de ce qui était au bord de la destruction.

Aaron contempla le ciel et posa la main sur la poignée de la porte du wagon.

Une fois le soleil couché, ceux qui n’étaient pas revenus ne reviendraient plus jamais.


Note de Karura : Sauf Ye Yingzhi, bien sûr !







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