Chapitre 167 : La cité perdue
« Qu’est-ce qui te rend si joyeux ? »
En le regardant sourire ainsi, Ye Yingzhi toucha le coin des lèvres qui venaient de l’embrasser et arbora un sourire inconscient.
« Je ne sais pas, je suis juste heureux de te voir, » fit Chi Yan.
Avec un léger rire, il embrassa l’autre coin de la bouche de Ye Yingzhi.
Comme ça, les deux coins de la bouche de Ye Yingzhi étaient traités de manière juste et équitable, et on ne pouvait pas lui reprocher de se montrer partial.
« … Tu sais séduire les gens, » murmura Ye Yingzhi.
Mais il devait reconnaître que tout son cœur était conquis. Il n’avait qu’une envie : serrer Chi Yan dans ses bras pour le câliner.
Malheureusement, ils n’avaient pas vraiment le temps de s’amuser ainsi. Il serait bientôt l’heure pour le groupe de se rassembler pour se rendre à Vinabus, comme l’avait indiqué Aaron.
Vinabus était aussi appelée la cité perdue des Enfers et elle était plus connue sous ce nom-là. Il y avait des gens en Enfers qui n’avaient jamais entendu parler de Vinabus, mais très peu ignoraient ce qu’était la cité perdue.
D’après les légendes, les humains aux âmes sombres qui tombaient aux Enfers ne pouvaient jamais renaître et retourner dans le monde des humains. Vinabus était carrément une cité sombre qui était tombée en Enfer. On racontait que mille ans auparavant, Vinabus se trouvait encore dans le monde des humains. Mais la cité toute entière était la proie des ténèbres : ses habitants mentaient, volaient, insultaient, frappaient les faibles et se montraient violents. La noirceur de l’humanité était présente partout et il n’y avait pas la moindre lueur de bonté. Au final, toute la cité avait été séparée du monde humain et était directement tombée dans les Enfers.
Les démons mettaient rarement les pieds dans la cité perdue, ils préféraient en général la contourner de très loin. Les humains qui avaient sombré en Enfers s’appelaient les Déchus. Aaron expliqua qu’ils étaient encore plus terrifiants que les démons et que même des démons avaient été dévorés vivants par ces Déchus.
D’après les rumeurs, la seule personne que les Déchus craignaient était le grand démon Eymer, le roi des Enfers. C’était parce qu’une fois, sa Majesté Eymer avait traversé Vinabus alors qu’il venait juste de sortir de l’abîme infernal et qu’il ne connaissait pas la situation des Enfers. Les Déchus de Vinabus avaient alors mis en place un piège pour l’attraper. Ils tentèrent de lui couper ses cornes, lui arracher ses ailes et l’écorcher vif, mais ce furent eux qui souffrirent énormément aux mains d’Eymer et ils n’osèrent plus jamais tenter de s’en prendre à lui. Alors quand les trois souverains des Enfers discutèrent des frontières de leurs territoires respectifs, Tesul s’empressa de placer cet endroit sous la juridiction d’Eymer.
Le wagon s’arrêta dans une rue vide à l’ouest de Vinabus. Aaron fit descendre tout le monde en leur disant que le wagon les attendrait de l’autre côté de la ville et qu’ils devaient absolument arriver au lieu de rendez-vous avant le coucher du soleil. Une fois le crépuscule tombé, le wagon partirait pour se diriger vers Turquoise Ouest.
S’ils voulaient avoir l’espoir de revenir à Démonville, il y avait cinq choses à retenir quand on se trouvait à Vinabus : ne pas poser de questions, ne pas répondre, ne rien manger ou prendre quoi que ce soit d’ici, ne rien laisser à soi ici et ne pas revenir en arrière.
Après avoir bien détaillé toutes ces précautions, Aaron referma les portes du wagon et le véhicule disparut vers l’est de la cité à très grande vitesse. Il semblait que comme il l’avait dit, Vinabus était effectivement un endroit dont même les démons ne voulaient pas s’approcher.
L’endroit où ils étaient descendus du wagon était une petite rue tranquille, entourée de bâtiments tout blancs qui semblaient être des petits magasins. À travers les vitrines, on pouvait voir toutes sortes de marchandises exposées. Le style d’architecture était plutôt du genre Europe du Sud. On aurait plus dit un décor de conte de fées qu’une cité perdue qui effrayait même les démons.
Une fois descendus du wagon, les membres du groupe de touristes de Démonville s’éparpillèrent et se dirigèrent vers l’est de la cité. D’après leur longue expérience acquise à Démonville, ils savaient qu’il valait mieux se fier à soi-même plutôt qu’à ses pairs.
Ye Yingzhi et Chi Yan prirent le temps d’examiner les lieux et furent bientôt à la traîne.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Une vitrine en particulier avait attiré leur attention : derrière la vitre se trouvaient des poupées de différentes tailles. Certaines étaient en argile, d’autres en chiffons et d’autres encore en plastique. Certaines étaient en couple ou même en groupe, tandis que d’autres étaient toutes seules. Leurs expressions étaient de la joie ou de la colère, de la bêtise ou de l’indignation. En tout cas, chaque poupée était très animée et réaliste.
Chi Yan désigna du doigt une poupée en cuivre qui était un capitaine pirate faisant la moitié de la taille d’un adulte et tenant un gourdin en cuivre aussi grand que lui. Il commenta à Ye Yingzhi :
« C’est vraiment drôle. »
Pendant qu’il parlait, il leva les yeux et bondit soudain de frayeur. Il venait de voir un démon aux yeux verts qui se tenait à l’intérieur du magasin, le regardant droit dans les yeux en souriant.
Remarquant qu’il y avait un problème, Ye Yingzhi suivit son regard et fronça légèrement les sourcils. Puis il rassura son bien-aimé :
« N’aie pas peur, ce n’est qu’un mannequin. »
Chi Yan regarda de nouveau et se rendit compte que le démon était effectivement comme les autres poupées du magasin, un simple mannequin. Mais comme il faisait la même taille qu’un vrai démon et qu’il se tenait dans l’ombre de la boutique, il était facile de le prendre pour un vrai démon. Cependant, bien que ce ne soit qu’un faux, ce démon était différent des mannequins en plastique qu’on voyait fréquemment dans les magasins humains ou bien des figures en cire dans les musées de cire. Il ressemblait plus à un spécimen dans un musée naturel — que ce soit les cornes rouges, les ailes de chauve-souris vert foncé ou bien les yeux verts, cela faisait vraiment très réel, on ne pouvait pas voir si c’était faux.
Et à en juger d’après les ailes, c’était sans aucun doute un démon supérieur.
Ye Yingzhi se rappela alors de ce qu’avait dit Aaron :
« C’est un endroit où les démons mettent rarement les pieds. Les Déchus sont encore plus terrifiants que les démons. Même des démons avaient été dévorés vivants par eux… »
Peut-être que cette description n’était pas du tout exagérée, après tout.
Ye Yingzhi porta une main à la poche de sa chemise où se trouvait la dernière fève dorée. Toutefois, il semblait que ce serait inutile de se faire passer pour un démon dans cette cité. Ah Yan et lui devaient donc se montrer plus prudents.
À cette pensée, Ye Yingzhi prit la main de Chi Yan et lui fit doucement :
« Ah Yan, allons-y. On doit retourner au wagon avant qu’il fasse nuit. »
Chi Yan hocha la tête et détourna le regard du démon —
Ye Yingzhi sentit soudain que Chi Yan lui pressait fortement la main, cela faisait même un peu mal. Il baissa les yeux et vit que les jointures de la main qui tenait la sienne étaient un peu pâles.
Chi Yan ne dit pas un mot mais le tira rapidement loin de la vitrine. Il fit même plusieurs pas rapides, comme pour s’enfuir, jusqu’à ce qu’ils quittent cette petite rue commerçante. Ce fut alors qu’il murmura :
« J’ai regardé de nouveau la poupée pirate en cuivre que je t’ai montrée au début. La première fois que je l’ai regardé, ce pirate avait un visage inexpressif et regardait devant lui. Mais quand je l’ai regardé de nouveau, ses yeux étaient fixés sur nous et il souriait. Il souriait en nous regardant. Et j’ai alors remarqué que sur son gourdin, il y avait des tâches de rouille… comme du sang.
– Ne crains rien, je suis là. »
Ye Yingzhi le prit dans ses bras et le serra contre lui.
« Du moment qu’on continue à avancer, tout ira bien. »
Les deux pressèrent ainsi le pas et finirent par rattraper les autres touristes qui marchaient plus loin. Ils purent aussi voir pour la première fois les habitants de la cité — les Déchus.
Devant eux, un homme vêtu d’une longue tunique brune remuait un liquide dans une grande marmite en acier noir d’un mètre de diamètre et en utilisant une cuillère en bois de cinquante centimètres de long. On ne savait pas ce qu’il faisait mijoter dans sa marmite mais le liquide faisait des glouglous et émettait une odeur forte mais écœurante. L’homme costaud qui était assis derrière eux dans le wagon se tenait près de la marmite et écoutait ce que disait l’homme en brun. Toutefois, il n’avait pas oublié les recommandations du démon Aaron : il ne faisait qu’écouter mais ne répondait pas, même par des syllabes, et il ne faisait aucun geste pour exprimer son opinion.
Quand Chi Yan et Ye Yingzhi les dépassèrent, ils purent vaguement entendre l’homme en brun faire d’une voix rauque :
« … les gens dont l’âme est sombre finissent éventuellement par tomber en Enfer. Quand tu arrives à Démonville, même si tu n’as mis qu’un pied en Enfer, si tu y retournes et que tu te fais malheureusement dévorer par des démons, il ne te reste même plus ton âme. Mais si tu acceptes de rester ici, je veux bien te laisser mon magasin, ma marmite et ma cuillère en bois… »
Les deux n’osèrent pas s’attarder plus longtemps et continuèrent à marcher au centre de la route. Des deux côtés, il y avait plein de gens enveloppés dans des tuniques brunes et qui montaient la garde devant leurs portes. Ils cuisinaient des choses dans des marmites en fer avec des cuillères en bois et essayaient de les recruter. Mais ils ne firent pas attention à ces gens et continuèrent d’avancer en faisant mine de ne rien voir et en se tenant la main.
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Après avoir marché une certaine distance, ils entendirent quelqu’un courir derrière eux. C’était le costaud qui leur courait après. Il s’arrêta à côté d’eux et leur murmura :
« Je crois avoir compris ce qui se passe ici. Ces gens-là ne sont pas tous des habitants d’origine de la cité de Vinabus quand elle est tombé en Enfer. Il y a aussi beaucoup d’humains qui sont tombés en Enfer après ou avant, et cet endroit est désormais le lieu de rassemblement des Déchus. Comme le disent les légendes, les Déchus des Enfers ne peuvent plus se réincarner, ils sont piégés à tout jamais à l’endroit où ils sont tombés et ils répètent les péchés de leur vie. Les Déchus de Vinabus ne peuvent pas sortir de la rue où ils sont confinés.
« Ils n’ont que deux moyens pour en sortir : l’un est de tuer des démons. S’ils arrivent à tuer mille démons ordinaires ou dix démons supérieurs, ils se feront alors exclure des Enfers et pourront s’en aller. L’autre moyen est de prendre la place de vivants qui sont venus aux Enfers. Par exemple, si on ne suit pas les conseils d’Aaron et qu’on leur promet de rester, de prendre leurs objets ou de leur laisser quelque chose à nous, nous prendrons alors leur place et devrons faire ce qu’ils faisaient. Tandis qu’eux, ils pourront retourner au wagon à notre place, revenir à Démonville et attendre l’occasion de retourner dans le monde des humains. Alors n’oubliez vraiment pas les cinq choses qu’a dites Aaron. »
Chi Yan hocha la tête et fit :
« Merci. »
Il était impressionné que l’autre ait pu obtenir autant d’informations de l’homme en brun sans discuter avec lui. Il remercia donc cet homme pour avoir bien voulu partager ces informations précieuses avec eux.
Le costaud eut un sourire aimable.
« Non, c’est plutôt moi qui devrais vous remercier. Sans vous, je serais mort au théâtre hier soir. »
Il se référait au fait que Ye Yingzhi avait pris son papier lors du tirage au sort et s’était assis au premier niveau à sa place.
Chi Yan sourit mais ne dit rien. Il avait grandi dans un orphelinat et avait rarement eu des contacts avec des étrangers depuis tout petit, alors il était plutôt introverti et timide. Il n’était pas très doué pour communiquer avec les gens. Ce n’était qu’avec Ye Yingzhi qu’il pouvait se montrer animé et malicieux. Quant à Ye Yingzhi, il ne dit rien non plus mais eut un sourire poli.
Tout à coup, l’homme s’arrêta soudain et sortit deux potions de vitalité de son sac à dos pour les leur tendre.
« J’ai acheté ça à Démonville, mais on dirait que je ne vais pas en avoir besoin d’autant. Je vois que vous n’avez pas grand-chose avec vous, alors prenez, vous risquez d’en avoir besoin. »
Chi Yan ne répondit pas et se tourna vers Ye Yingzhi. Ce dernier regarda l’homme et il ne répondit pas et ne dit rien. Il tourna simplement la tête pour tirer Chi Yan. Ils firent quelques pas en silence — il ne restait plus que cinq ou six mètres avant qu’ils ne quittent la rue.
L’homme les suivit sur deux pas, puis s’arrêta de nouveau. Il les regarda et leur adressa un grand sourire.
« Inutile de me remercier, venez les prendre. Je n’ai vraiment pas besoin de ces deux-là et après tout, vous m’avez sauvé la vie. »
Note de Karura : Bizarre, ce type qui insiste autant.
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