Esprit Malin 173

Chapitre 173 : La guerre est déclarée


L’ange transporta l’humain qui avait perdu la vie et s’envola en direction des Enfers.

Il était venu à Démonville dans l’espoir de sauver l’humanité, mais ce qu’il avait vu et entendu l’avait grandement déçu. Non seulement tous les humains qu’il y avait vus lui semblaient dépravés et ne méritaient pas d’être sauvés mais aussi, durant les nombreuses années où il avait été honteusement enchaîné sur la place centrale de Démonville, il avait pu percer à jour la laideur des êtres humains. Avec le temps, il avait été de plus en plus déçu, jusqu’à ce qu’il finisse totalement découragé.

Ce fut alors qu’apparut enfin un homme à l’âme pure qui pourrait lui retirer ses entraves. Quand l’ange avait été libéré, il avait connu un regain d’espoir, mais cet homme lui avait alors dit qu’il préférait encore sombrer en Enfer pour l’éternité plutôt que d’entrer dans le Royaume des Cieux.

Quel scandale ! C’était un escroc !


Les humains étaient bel et bien des créatures qui provoquaient leur propre perte. Quel que soit le degré de pureté de leur âme, ils choisissaient en général toujours les ténèbres. Une telle personne méritait de se faire jeter dans l’abîme infernal pour réfléchir.

Cependant, peu de temps après son envol, l’ange reçut un message du Paradis.

Pendant la période où il avait été scellé dans la fontaine, il avait perdu le contact avec le Ciel. Ce ne fut que maintenant que le contact fut rétabli et que le Ciel lui envoya l’ordre de revenir immédiatement.

Dans ce cas, il n’allait pas avoir le temps de voler jusqu’à l’abysse infernal.


« Tss. »

Ravi jeta un coup d’œil à l’humain dans ses bras qui avait perdu la vie et fit d’une voix douce :

« … Alors on va plutôt faire ça : que ton corps pourrisse dans ce paradis pourri des démons. Comme ça, tu pourras comprendre autant que moi à quel point ces démons et ces humains sont ténébreux — et alors tu comprendras que le Paradis est le seul endroit où on peut trouver le bonheur. »

Sur ce, il lâcha sa prise et regarda l’humain tomber vers le sol, comme un cerf-volant dont la ficelle était brisée. L’ange changea ensuite de direction et s’envola vers le Paradis sans la moindre hésitation.


* * *


Chi Yan se débattit et tenta d’ouvrir les yeux. Il ne sentit que de la douleur et de la faiblesse dans son corps. Son corps était douloureux, rigide et ne répondait pas, comme si tous ses os avaient été brisés et réduits en miettes. Il y avait aussi un sentiment indescriptible de nausée et de vertige dans sa cavité abdominale.

Il resta allongé un bon moment pour récupérer, avant de finalement sentir qu’il avait retrouvé un peu de forces. Il ouvrit alors les yeux et s’assit sur la surface de cuir noir en-dessous de lui, puis observa attentivement les environs.

Il se trouvait dans un petit appartement, sur un vieux canapé en cuir noir. Par endroits, le cuir avait craquelé et révélait la mousse jaune à l’intérieur. Devant le sofa se trouvait une longue table en bois avec plusieurs objets divers dessus. Sur le mur en face de la table, on pouvait voir une télévision accrochée. Cela semblait être le seul objet nouveau et de valeur de toute la pièce.


Pendant un moment, Chi Yan fut incapable de dire s’il se trouvait dans le monde des humains ou bien encore à Démonville.

Mais il eut très vite sa réponse : sur le mur jauni derrière le canapé, il y avait plusieurs posters accrochés, de tailles différentes. On pouvait voir sur ces posters de jeunes et beaux démons habillés à la mode, donc ce devait encore être Démonville.

Il y avait une porte à gauche devant le canapé et on pouvait voir au travers de l’encadrement une chambre plus petite que le séjour. La chambre était chargée, avec un lit simple, une armoire et une petite coiffeuse. Ce n’était pas poli de regarder la chambre des autres sans leur permission, surtout que Chi Yan devina qu’il s’agissait certainement d’une chambre de fille. Il détourna donc rapidement le regard après cette prise de conscience.

À droite du mur sur lequel était accrochée la télévision, il y avait une autre porte à gauche de l’entrée. Chi Yan devina qu’il devait s’agir de la salle de bain.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

À cet instant, la propriétaire des lieux sortit de cette porte et attacha ses longs cheveux bouclés avec un ruban de cuir tout en s’approchant. Quand elle vit que Chi Yan était debout, elle leva la tête vers lui et ses lèvres s’étirèrent en un sourire.

« Yo, t’es réveillé ? Comment tu te sens ? »

Il connaissait cette femme, ou pour être plus précis, cette démone. Chi Yan regarda avec surprise la vendeuse du magasin démon s’approcher du canapé, s’asseoir et allumer la télévision d’un geste naturel. Un peu confus, il demanda :

« Je vais bien. Excusez-moi… qu’est-ce que je fais ici ? Où est Ye Yingzhi ? Je veux dire, où est l’homme qui était avec moi ?

– Je ne sais pas, tu étais tout seul quand je t’ai trouvé, » fit la vendeuse en haussant les épaules.


Elle baissa le volume de la télévision, puis se tourna vers lui. Elle parut hésiter un moment avant de désigner la direction d’où elle était venue.

« Je crois que tu ferais bien d’aller dans la salle de bain pour te passer de l’eau sur le visage. Nous en reparlerons quand tu auras les idées plus claires. »

En songeant à Ye Yingzhi, Chi Yan ne put réprimer l’anxiété dans son cœur. Il voulait désespérément savoir quelle était la situation actuelle et ce qui était arrivé à son bien-aimé. Toutefois, la vendeuse n’avait pas tort. Il avait encore l’esprit embrumé et cela ne réglerait pas le problème de rester anxieux.

Chi Yan la remercia donc et tâcha de se lever en prenant appui sur le canapé. Il se rendit dans la salle de bain en chancelant un peu.


La pièce était très petite. Il y avait à peine de la place pour caser un évier, une douche et des toilettes. Un miroir était suspendu au-dessus de l’évier. Il y avait un étendoir à linge vertical près de la douche et une jupe ornée de fleurs vives y était pendue. Chi Yan détourna aussitôt le regard avec embarras. Depuis tout petit, il n’avait eu qu’une expérience très limitée avec le sexe opposé et il n’avait jamais eu d’autres relations avant de connaître Ye Yingzhi, alors il ne savait pas très bien comment se comporter avec les filles.

Il arrêta donc de regarder partout. Il baisa la tête et se plaça devant l’évier. Puis il releva la tête et regarda sans y penser son reflet dans le miroir. Il se figea aussitôt — la personne reflétée dans le miroir était bien lui, avec le même visage et le même corps, et on ne pouvait voir aucune blessure visible de l’extérieur — mais il y avait à présent une paire de petites cornes bleu foncé au sommet de sa tête, ainsi que deux ailes de chauve-souris très petites et frêles dans son dos — c’étaient des caractéristiques de démon.


Chi Yan leva la main avec hésitation pour toucher les cornes au sommet de son crâne, puis les ailes derrière lui. Il baissa ensuite la tête et attrapa maladroitement une chose noire — c’était sa queue, une queue de démon.

Chi Yan retira sa main avec incrédulité. Il posa ses deux mains au bord de l’évier et se pencha vers le miroir accroché au mur. Le contact avec la porcelaine froide le dégrisa un peu et lui confirma avec certitude que tout ce qu’il avait vu dans le miroir n’était pas une hallucination.

Il releva les yeux pour regarder de nouveau son reflet. Ses yeux noirs étaient remplis de confusion et d’incrédulité, et les ailes noires dans son dos s’agitaient sans qu’il n’en ait conscience —

Aucun doute, il était devenu un démon.


* * *


Quand il sortit de la salle de bain, Chi Yan avait retrouvé un certain calme. Il devina que si la vendeuse lui avait spécialement demandé de se laver le visage, c’était pour qu’il voie à quoi il ressemblait désormais.

Il vit que la vendeuse regardait la télévision. Cela ressemblait à une émission de variétés avec tout plein de démons qui chantaient et dansaient. Quand elle le vit sortir, la vendeuse coupa le son et désigna l’autre bout du canapé.

« Viens t’asseoir. »

Elle s’appelait Lily. D’après son récit, elle avait trouvé Chi Yan au bas de chez elle en revenant du travail. Quand elle l’avait ramassé, il ressemblait déjà à un démon alors elle ne savait pas du tout pourquoi il s’était transformé en démon.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

« Franchement, comment tu as pu te faire capturer par cet ange ? Ce gars était scellé dans la fontaine depuis que j’ai commencé à bosser au magasin, il n’y a jamais eu de signe qu’il allait pouvoir se libérer, » demanda-t’elle avec curiosité.

Chi Yan lui raconta comment il avait sauvé l’ange, mais que ce dernier s’était subitement fâché et l’avait frappé de la lumière divine au front. Il eut un sourire amer.

« Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite. Je me souviens seulement de la lumière qui a surgi devant mes yeux, puis j’ai perdu connaissance. Je n’aurais jamais cru que les anges n’étaient pas du tout comme dans les histoires des humains. »


Quand il était petit, la dame et le directeur de l’orphelinat croyaient en Dieu, alors il avait entendu bien des histoires sur le Paradis et les anges. Bien que Chi Yan lui-même n’adhérait à aucune religion et n’avait jamais cru en l’existence des anges et des démons avant son arrivée à Démonville, il avait toujours associé de manière inconsciente les anges à la vérité, la bonté et la beauté, l’incarnation de la lumière et de la justice. Au début, il s’était inquiété de savoir si l’autre était un faux ange ou pas, mais une fois qu’il avait eu la confirmation qu’il s’agissait d’un véritable ange, il s’était défait de toute sa méfiance. Pourtant, à sa grande surprise, ce véritable ange était bien différent de ce qu’on racontait dans les histoires.

Cependant, la plupart des démons qu’il avait vus étaient aussi maléfiques et retors que dans les histoires.

Mais pas tous : Lily, qui se trouvait en face de lui, était sans doute plus douce que la plupart des humains à Démonville.


« Je crois que tu es mort, que tu as été tué par cet ange et que tu es automatiquement devenu un démon après ta mort. On ne peut pas dire que ce n’est encore jamais arrivé, mais c’est extrêmement rare. Quand tu étais inconscient, j’ai des recherches sur Enfernet Je suis assez fière de mon jeu de mots : Internet – Enfernet. (1). En général, les gens à qui ça arrive ont une sorte de lien avec les Enfers, mais cela varie d’une personne à l’autre, » fit la démone Lily.

Elle sortit un portable argenté et fit défiler l’écran, à moitié avachie sur le sofa avec sa queue dressée.

« Mais ta situation reste plutôt particulière. Il y a très peu de cas aux Enfers où tu as à la fois les ailes d’un démon supérieur et les cornes et la queue d’un démon ordinaire. J’ai donc posé la question sur le plus gros forum des Enfers et je devrais bientôt avoir des réponses. »


Elle continua de consulter son portable un moment, puis poursuivit :

« Bon, regarde, cette explication semble tenir la route. Ça dit que ta puissance ne suffit pas à atteindre le niveau d’un démon supérieur, tu n’as que le niveau d’un démon ordinaire. Voilà pourquoi tes cornes sont plutôt petites et que tu as quand même une queue. Mais tu as dû fréquenter de très près un démon supérieur avant de te transformer en démon et tu as absorbé une partie de sa puissance et de son aura, voilà comment tu as pu avoir des ailes en plus.

– Mais je ne crois pas avoir eu de lien avec les Enfers, ni même avoir fréquenté de près un démon supérieur, » murmura Chi Yan à voix basse.

Il mit sa queue dans la même position que la démone et trouva que c’était bien plus confortable. Puisque c’était désormais un fait accompli qu’il était devenu un démon, il se moquait bien d’en découvrir la cause ou les autres choses liées. Comparé à tout ça, il s’inquiétait bien plus de ce que devenait Ye Yingzhi.


« Lily, tu pourrais savoir ce qui est arrivé à Ye Yingzhi ? » demanda-t’il avec empressement.

En si peu de temps, il se sentait plus à l’aise avec la vendeuse et à présent qu’il était lui aussi devenu un démon, l’apparence de Lily, elle aussi une démone, était devenue étrangement plus naturelle.

« Il n’y a pas grand-chose à faire, à part patienter et enquêter lentement, fit Lily en continuant de consulter son portable. Je t’ai déjà dit que j’étais en train de faire du rangement dans le magasin quand j’ai appris que tu avais été tué et emporté par cet ange de la place. Il y avait plein de marchandises par terre devant le magasin, et la plupart avait déjà été récupérée par des gens, mais il restait encore une année de vie dans son flacon brisé. J’imagine donc que c’est ton ami qui a laissé tout ça dans la précipitation après avoir vu que l’ange t’avait tué et emporté. Il devait chercher le moyen de te sauver. Ce n’est pas si facile pour les humains ordinaires de quitter Démonville ou d’aller en Enfer, et il ne peut pas non plus monter directement au Paradis pour retrouver cet ange et lui régler son compte. Alors il doit encore se trouver à Démonville à l’heure qu’il est. J’ai demandé à mes amis d’ouvrir l’œil. Ce n’est pas bien grand ici, alors s’il se trouve bien toujours à Démonville, on le retrouvera bientôt. Ne t’en fais pas. »

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Chi Yan ne fut pas pour autant plus rassuré en l’écoutant. Il se leva du canapé et déclara :

« Je sors à sa recherche. »

Après tout, il était un démon désormais donc naturellement, il ne risquait plus rien à Démonville.

Lily leva les yeux vers lui d’un air démuni.

« Comme tu veux. Il y a une autre clef enterrée dans le troisième pot de fleurs à côté de la porte. Tu peux vivre ici avec moi pour le moment, tu pourras dormir sur le canapé. »

Chi Yan hocha la tête et s’apprêtait à se tourner vers la porte quand il entendit une exclamation étouffée de la part de Lily qui regardait son portable sur le canapé.

« Oh ! Par le Ciel ! C’est pas croyable ! Sa Majesté Eymer est réapparu et a déclaré… la guerre contre le Paradis ?! »


Note de Karura : Pour citer Lily : “ il ne peut pas non plus monter directement au Paradis pour retrouver cet ange et lui régler son compte”.

Ha ha ha.


Notes du chapitre :
(1) Je suis assez fière de mon jeu de mots : Internet – Enfernet.






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