Esprit Malin 179

Chapitre 179 : La maison en verre transparent


Lawrence fut assailli par une migraine en lisant le journal. Il se plaignit à Mona :

« Ces gens ont perdu la tête ou quoi ? À quoi ils peuvent bien penser ? “Substitution : sa Majesté Eymer est supposé porté disparu, un humain le remplace en public” ? Mais qui oserait se faire passer pour Eymer ? »

Mona avait aussi lu l’article et dut reconnaître que les gens qui avaient réalisé ça y avaient consacré beaucoup d’efforts. Il y avait des captures d’écran de la vidéo de l’attaque de sa Majesté Eymer au Paradis, vidéo qui avait été approuvée par Turquoise Ouest, ainsi que des photos et témoignages des différentes activités de cet humain qui servait de ‘remplaçant’ quand il avait berné un groupe d’acteurs démons au Théâtre du Diable à Démonville, et aussi des photos de lui en train de jouer au piano au Théâtre du Crépuscule Écarlate pendant son voyage aux Enfers…


Tout cela conduisait à une conclusion — l’actuel ‘sa Majesté Eymer’ de Turquoise Ouest qui prétendait emmener bientôt sa reine à Euravis pour le sommet des co-souverains n’était pas le véritable Eymer, mais un humain de Démonville employé par le gouvernement de Turquoise Ouest pour se faire passer pour leur souverain. Quant au véritable Eymer, personne ne savait où il était allé après sa victoire triomphale au Paradis.

L’argumentation était claire, les preuves abondantes et la logique était imparable. Si Mona ne savait pas que c’était impossible et n’avait pas la certitude absolue que c’était bel et bien sa Majesté Eymer en personne qu’il avait vu au Théâtre du Crépuscule Écarlate, il aurait lui-même failli croire à ce qui était écrit dans cet article.

Les choses étant ce qu’elles étaient, Mona et Lawrence partageaient le même avis sur ce genre de rumeurs : vu qu’elle était largement répandue et que son authenticité était hautement inquiétante, les gens de Turquoise Ouest allaient sûrement très vite s’en occuper.


* * *


L’intendant du palais de Turquoise Ouest avait déjà commencé à régler cette affaire. Cependant, la reine de Turquoise Ouest était inquiète après avoir vu cet article.

Ce n’était pas la première fois que Geoffrey se rendait compte que leur reine avait parfois une drôle de façon de penser — après la publication de l’article, beaucoup de démons se mirent à croire, comme la reine, que sa Majesté Eymer était un substitut et un humain. Geoffrey avait déjà trouvé d’où venait la fuite. Il était en chemin pour le bureau au palais afin de demander à son souverain comment gérer la situation, quand il apprit des gardes que le roi n’était pas dans son bureau — Le roi s’était rendu aux jardins afin d’amadouer la reine.

L’intendant démon ne put que secouer la tête, faire demi-tour et renoncer pour le moment.


Dans le jardin, Chi Yan tenait la main de Ye Yingzhi avec angoisse. Il était assis à côté de lui sur une large pierre grise.

« Yingzhi, quelqu’un a découvert que tu es humain et a répandu la nouvelle. Je pense que les gens présents au sommet qui ont des soupçons vont certainement en profiter pour attaquer. Tu as trouvé un moyen d’empêcher ça ? »

Ye Yingzhi plongea son regard dans ses yeux noirs avec le plus grand sérieux et le rassura :

« N’aie pas peur. »

Il aimait voir son amant se soucier de lui et s’inquiéter pour lui, mais il avait également de la peine pour Chi Yan et ne voulait pas le voir froncer autant les sourcils d’inquiétude.

Alors il songea à quelque chose et fit lever Chi Yan.

« Ah Yan, allons-y. Je vais t’emmener quelque part. »

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Il fit venir un carrosse royal. Les bêtes noires qui les tiraient avaient deux ailes sur les côtés et sous leurs pattes brûlaient des flammes bleu-gris. Elles partirent au galop sous la direction du cocher. Après avoir couru sur une certaine distance, elles s’envolèrent soudain et se hissèrent lentement dans le vaste ciel lointain.

Dans les contes et les légendes, cela semblait toujours très romantique et libre quand on disait que l’empereur du Ciel ou les immortels parcouraient le ciel dans un attelage de dragons ou de chevaux. Mais quand on se retrouvait pour de bon dans un carrosse fait pour seulement quatre personnes et tiré dans le ciel par quatre monstres, on se rendait seulement alors compte que ce n’était pas si merveilleux que ça.


C’était la première fois que Chi Yan expérimentait ce mode de transport. Ses ailes étaient bien trop petites pour lui permettre de voler, alors il était immanquablement un peu paniqué à l’idée de quitter la terre ferme dans un petit carrosse. Pendant la montée, il se serra contre Ye Yingzhi. Ce dernier le vit recroquevillé comme une petite caille, alors il ne put que l’envelopper de ses ailes de chauve-souris.

« Ça te fait peur. »

Le visage de Ye Yingzhi s’adoucit totalement. Il désigna son propre nez.

« Alors la prochaine fois, je volerai directement en te portant, qu’en dis-tu ? »


Chi Yan était totalement enveloppé dans les immenses ailes de Ye Yingzhi et il faisait noir comme dans un four. Après avoir entendu la suggestion de l’autre homme, il se fâcha. Il se remit assis dans le cercle des ailes, releva la tête et mordilla légèrement une aile.

« Ne dis pas n’importe quoi. Tes fausses ailes ne sont pas assez solides, alors ne t’avise pas de voler avec. »

Ye Yingzhi ne voyait pas comment lui expliquer les choses sur le coup. En songeant à leur destination, il dut prendre sur lui et renoncer tristement.

Chi Yan repoussa la base de ses ailes à l’intérieur.

« Yingzhi, pourquoi tes ailes sont soudain aussi serrées ?

– Eh bien, répondit-il lentement, tu as dit que mes ailes étaient fausses, alors elles sont vexées. »


* * *


Le carrosse finit par atterrir et s’arrêter devant un palais simple mais exquis, où la couleur dominante était le bleu-gris. Ye Yingzhi écarta ses ailes et laissa Chi Yan sortir. Il le conduisit à l’intérieur du palais.

« Ah Yan, tu te souviens de la pièce que j’ai jouée à Démonville ? fit Ye Yingzhi en tournant la tête pour regarder Chi Yan, ses yeux sombres très profonds. Il paraît qu’il y a la Fontaine Perdue dans le palais du souverain des Enfers et qu’en regardant dans la fontaine, on peut voir le monde des humains. Hé bien, c’est vrai. Voici le palais où se trouve la Fontaine Perdue qui permet de voir le monde des humains. »

Tout en parlant, il avait déjà conduit Chi Yan dans les jardins derrière le palais.


Bien que ce soit un palais, il n’y avait pas trop de gardes ou de serviteurs comme dans l’autre palais. Il n’y avait que deux gardes à l’entrée et ils saluèrent respectueusement le couple en les voyant arriver. Hormis eux, il n’y avait aucun signe de vie dans le palais, on aurait dit qu’il était abandonné.


Les jardins étaient tous aussi déserts. Ils étaient bien entretenus grâce à la magie et du coup, aucune mauvaise herbe n’avait poussé et la pelouse était bien tondue, contrairement à un jardin à l’abandon sur Terre. Le plus notable était une petite maison en verre Je ne sais pas si c’est voulu, mais le mot employé pour ‘verre’ désigne aussi l’amour entre deux hommes. (1) transparent au beau milieu des jardins, dans laquelle se trouvait une grand piano à queue noir.

Devant la maison en verre, à gauche du piano, se trouvait une fontaine d’un bleu clair limpide — les eaux étaient si bleues et ne contenaient aucune impureté, mais il se dégageait d’elles une pointe de froideur qui pouvait repousser les gens.

« Voici la Fontaine Perdue. »

Ye Yingzhi emmena dans Chi Yan dans la maison en verre et lui fit faire calmement le tour.

« Quand je me sentais seul, je restais ici à longueur de journée pour t’observer. »

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Chi Yan en resta stupéfait un moment, ne comprenant pas ce que Ye Yingzhi voulait dire par là. Cependant, ses yeux furent attirés sur le côté. Il y avait un chevalet derrière à gauche du piano, avec plusieurs pinceaux et tubes de peinture à côté. Il y avait beaucoup de tableaux achevés empilés nettement sur la table — Chi Yan put clairement voir celle du dessus : c’était un simple croquis sur une feuille et le personnage représenté était lui. Il était en train de pleurer, ses yeux étaient tristes et malheureux, tournés vers celui qui avait dessiné la scène — C’était un dessin de lui en train de pleurer, mais il était clairement plus jeune, cela datait d’environ huit ou neuf ans.

Alors bien avant qu’il ne vienne aux Enfers, quelqu’un avait peint un portrait de lui datant de sept ou huit ans.

Et Ye Yingzhi avait dit que lorsqu’il se sentait seul, il venait souvent ici pour l’observer à longueur de journée.


Dans une stupeur, Chi Yan s’approcha de la fontaine bleu clair comme un fantôme. Il se pressa sur la fine paroi de verre et regarda la fontaine dehors. Le verre refléta son corps et à travers les eaux de la fontaine, il vit clairement des tentures et des draps beiges, une lampe de chevet en forme de demi-cercle — ce décor était très familier, c’était la maison dont Ye Yingzhi et lui avaient été éloignés depuis si longtemps.

D’après la légende, on pouvait voir dans les eaux de la Fontaine Perdue l’endroit du monde des humains qu’on voulait le plus voir. Sans aucun doute, l’endroit qui lui manquait le plus, c’était leur maison à tous les deux.

« Tu te souviens de notre première rencontre ? demanda calmement Ye Yingzhi en se tenant derrière lui.

– Bien sûr que je m’en souviens. »


À l’époque, il était encore étudiant mais n’avait aucune famille pour le soutenir. Bien que l’école lui avait accordé des bourses et des allocations qui suffisaient à payer ses frais de scolarité, il devait quand même travailler durant son temps de libre et faisait des petits boulots dans l’université et hors de l’université afin de payer les factures. Un de ses boulots était barman dans un café hors du campus.

Un soir, alors qu’il rentrait du travail à vingt-trois heures et revenait au campus en vélo, il avait aperçu un homme inconscient dans une allée. L’homme était blessé à l’épaule droite. Il avait les yeux fermés et était appuyé contre le mur sur le côté, projetant une immense ombre noire sous la lumière du lampadaire. En toute raison, Chi Yan savait qu’il aurait dû appeler la police à ce moment mais dès qu’il vit le visage de cet homme, il le ramena curieusement dans le café pour soigner ses blessures. L’homme ne reprit pas connaissance. Comme Chi Yan n’était pas tranquille, il passa la nuit dans le café et quand il se réveilla le lendemain matin, l’autre homme avait disparu.


Une semaine plus tard, l’homme était réapparu devant lui et lui avait donné son nom : Ye Yingzhi.

Dans les souvenirs de Chi Yan, ce fut leur première rencontre. Plus tard, il avait quand même demandé à l’autre homme pourquoi il avait été blessé et avait perdu connaissance cette fameuse nuit. Ye Yingzhi lui avait seulement dit qu’il avait eu affaire à des ennemis. Chi Yan savait qu’il avait quelques rivaux dans son travail, alors il n’avait pas mis sa parole en doute.


Mais là, Ye Yingzhi lui raconta une toute autre histoire :

« Je ne sais plus vraiment quand ça a commencé, mais j’aimais bien m’asseoir ici et te regarder dans les eaux de la Fontaine Perdue. Au début, je me contentais de te regarder mais ensuite, cela me suffisait de moins en moins. J’ai commencé à éprouver l’envie de te rejoindre dans le monde des humains, de te laisser me connaître, de faire partie de ta vie. Je voulais rester à tes côtés durant cette vie et ensuite t’amener aux Enfers pour que tu restes à mes côtés. Mais je n’arrivais pas à me décider, j’avais peur que mon identité de démon t’effraie, je ne voulais pas que tu aies peur de moi. Alors je me suis préparé en secret une identité humaine, prêt à me présenter à toi comme un humain lorsque le moment serait venu.


« Mais je ne trouvais toujours pas le courage et je n’ai jamais vraiment osé te rejoindre. Mais un jour, un groupe d’anges et de démons rebelles qui voulaient se venger des Enfers à cause de la troisième guerre entre le Paradis et les Enfers organisèrent une tentative d’assassinat. Ils parvinrent à s’infiltrer ici mais bien entendu, ils échouèrent. Deux démons tentèrent de fuir au moyen de la Fontaine Perdue. La Fontaine Perdue est en fait un trou de ver reliant les Enfers et la Terre. Comme je l’avais réglée sur ta position, j’avais peur que ces démons ne s’échappent et ne s’en prennent à toi. Je n’osais pas non plus utiliser des sorts trop puissants, de peur de détruire la Fontaine Perdue. Alors pendant que j’essayais d’empêcher ces démons de s’enfuir, ils m’ont légèrement blessé et je suis tombé dans la fontaine pour arriver dans le monde des humains.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

 « Quand tu m’as trouvé, je n’étais pas du tout inconscient. C’est juste que je ne savais pas comment te faire face, alors j’ai fait semblant d’être évanoui et je suis parti en douce après que tu te sois endormi. Mais après t’avoir vu en vrai, après avoir été en contact avec le vrai toi, je ne pouvais plus me satisfaire de ces jours où je ne pouvais que t’observer à travers la Fontaine Perdue. Il ne me fallut donc pas bien longtemps pour me décider enfin à utiliser l’identité humaine que j’avais préparée depuis longtemps pour te rencontrer. »


Ye Yingzhi s’approcha par derrière de Chi Yan et enlaça gentiment sa taille. Il le poussa contre le verre transparent, saisit sa main gauche avec la sienne et entrelaça leurs doigts. Leurs deux silhouettes enlacées se reflétèrent vaguement sur la surface de la paroi. Ye Yingzhi s’approcha de l’oreille de Chi Yan et murmura :

« Ah Yan, je suis le démon Eymer des Enfers, je l’ai toujours été. »

Le souverain des Enfers déploya ses ailes et déposa une série de tendres baisers sur la nuque et les épaules de son bien-aimé.

Affecté, Chi Yan ferma les yeux, plissa un peu le nez et poussa un léger gémissement.


* * *


Chi Yan bailla et se gratta le nez. Il ouvrit lentement les yeux et se redressa sur ses deux coudes sur la couverture.

Il regarda autour et vit qu’il se trouvait toujours dans la maison de verre. Le ciel était complètement noir et le clair de lune brillant et pur tombait par le toit en verre transparent. Il éclairait l’homme qui était assis au piano, entourant sa silhouette de lumière. De ce fait, cet homme n’avait plus tant l’air d’un démon né de l’abîme infernal, mais plutôt d’un ange innocent qui était tombé aux Enfers. Ses dix doigts tapotaient sur les touches du piano, mais il n’osait pas faire le moindre bruit. Il avait l’air calme et le coin de ses lèvres était légèrement étiré vers le haut, comme s’il songeait à quelque chose de tendre.


Retrouvant peu à peu sa lucidité, Chi Yan se rappela vaguement de ce que l’autre homme lui avait avoué avant de le tourmenter au point de le faire s’endormir d’épuisement. C’était dommage que Chi Yan n’avait pas eu l’occasion de réagir à ce moment-là, il était encore une fois tombé dans le piège tendre de Ye Yingzhi et n’avait pas pu se défaire de son étreinte —

Tss, songea-t’il de colère, c’est vraiment ce qu’on appelle se perdre dans la luxure.


Note de Karura : Ah Yan, ce n’est ni la première, ni la dernière fois que tu vas te perdre dans la luxure !


Notes du chapitre :
(1) Je ne sais pas si c’est voulu, mais le mot employé pour ‘verre’ désigne aussi l’amour entre deux hommes.






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