Chapitre 39 : L'armoire
Chi Yan n'était pas très en forme en ce jour. Il s'arrêta après seulement un match. Il s'assit sur le côté et regarda les autres entamer un nouveau match. Après avoir prévenu Lao Yuan, il se rendit à la bibliothèque avec son sac pour emprunter des livres puis retourna dans sa chambre au campus pour récupérer des vêtements. Il revint ensuite sur le terrain de basket. Tout le monde était déjà presque parti, seul Lao Yuan l'attendait à l'ombre d'un arbre sur le bord du terrain.
En le voyant, Lao Yuan le salua puis désigna son sac rempli à ras-bord. Il fit :
« Pourquoi c'est si plein ? Tu vas te marier ? »
Chi Yan cacha son sac sur le côté.
« Ne dis pas n'importe toi. »
Lao Yuan consulta sa montre et suggéra :
« Un nouveau restaurant de fondue chinoise a ouvert après Dongmen. Apparemment c'est plutôt pas mal. J'arrête pas d'en entendre parler dans mes moments C'est une fonction de l'application Wechat, l'équivalent chinois de Facebook. (1). Essayons-le. »
Chi Yan dut refuser, embarrassé :
« … Ye Yingzhi prépare de la fondue chinoise pour ce soir et il m'a dit de revenir pour dîner. On remet ça à un autre jour ? »
Lao Yuan ne put le regarder en face.
« J'avais vu juste, tu es vraiment parti te marier, hein la Règle ? Je comprends maintenant pourquoi tu n'as pas tenu plus d'un match aujourd'hui. C'est à cause des hémorroïdes.
– Arrête tes conneries ! »
Je ne suis pas... comme tu dis, marmonna Chi Yan en lui-même.
Pendant qu'il invitait Lao Yuan au café du rez-de-chaussée de la cafétéria toute proche, il expliqua :
« J'ai vu un fantôme. Je voulais parler avec toi et voir si tu avais une solution à me proposer ?
– Tu as vu un fantôme ? J'y crois pas ! »
Lao Yuan le suivit pour demander des détails.
Il s'assirent tous les deux à l'écart dans le café et Chi Yan commanda deux cafés. Puis il raconta son expérience quand il avait vu la fille fantôme la nuit où il avait appris qu'elle avait été tuée.
Cela faisait quatre ans qu'ils étaient amis, ils avaient séché des cours ensemble, copié leurs devoirs l'un sur l'autre, joué à des jeux et avaient même révisé ensemble à la dernière minute avant un examen. Après avoir écouté toute son histoire, Lao Yuan ne pensa pas un seul instant que Chi Yan pouvait lui mentir. Il s'inquiéta et fit :
« C'est un peu difficile à régler. D'abord nous ignorons si cela relève de la science ou de la métaphysique, si tu as eu des hallucinations pour une raison ou une autre ou bien si ces choses existent bel et bien et s'en prennent à toi. »
Chi Yan murmura :
« J'espère que cela peut s'explique par la science et que j'ai simplement eu des hallucinations. »
Allez savoir à quoi Lao Yuan songea tout à coup : il se tapa la cuisse et fit :
« Au fait, ça me rappelle que j'ai un ami du collège avec qui je m'entendais très bien. Quand je l'ai revu au lycée, je l'ai entendu dire qu'il était devenu l'apprenti d'un maître qui lui enseignait à propos des dieux et fantômes. Je vais d'abord lui demander son avis. S'il peut t'aider, tant mieux, sinon il pourra toujours au moins te recommander d'autres experts. En tout cas tu n'auras pas affaire à des charlatans. »
Les gens avaient tendance à vénérer le passé et mépriser le présent. En entendant que la personne était un camarade de collège de Lao Yuan et que donc ils avaient le même âge, il ne se sentit pas rassuré. Cependant, Lao Yuan marquait un point alors il lui demanda de l'aider à prendre rendez-vous avec ce camarade. En voyant l'heure, Chi Yan se précipita ensuite vers le métro pour rentrer chez Ye Yingzhi.
Il était déjà 19:40 quand il sonna à la porte. Ye Yingzhi avait déjà fini de cuire le bouillon et il avait installé tous les plats sur la table. Après lui avoir ouvert la porte, Ye Yingzhi lui demanda d'aller se laver les mains avant de manger. Chi Yan pourrait ranger ses vêtements quand il aurait fini le repas.
La fondue chinoise de Ye Yingzhi était accompagnée d'os de bœuf qu'il avait lui-même fait mijoter. Les piments et le poivre de Sichuan qui accompagnaient les plats avaient été spécialement importés à la ville de A de la province que Sichuan-Chongqing. C'était délicieusement épicé et cela laissait un riche arrière-goût. C'était accompagné de bœuf tendre, de mouton, de crevettes fraîches, de filets de poissons, d'œufs de caille, de légumes frais, y compris des vermicelles, du jambon et autres douceurs. Il n'y avait qu'une petite portion de chaque, cela avait l'air très exquis et pourtant en quantité suffisante. Chi Yan eut bien du mal à s'arrêter de manger.
Il faisait froid en automne, c'était le temps idéal pour de la fondue chinoise. Ye Yingzhi sortit deux bières du réfrigérateur et en versa un verre pour Chi Yan et lui. La bière froide ajoutait du plaisir dans l'estomac.
Chi Yan mangea de bon cœur tout en discutant. Les monstres et fantômes qu'il avait rencontrés ces derniers temps furent temporairement mis de côté ainsi que toute son angoisse. Il mangea en compagnie de Ye Yingzhi jusqu'à vingt-deux heures sans s'en rendre compte.
Il aida Ye Yingzhi à débarrasser la table, alla prendre une douche dans la salle de bains puis passa au lave-linge les vêtements qui sentaient la fondue et la bière. Il alla ensuite vider le gros sac de vêtements qu'il avait ramené.
Bien qu'il dormait désormais dans la chambre de Ye Yingzhi, il avait laissé les vêtements qu'il avait ramenés au départ dans l'armoire de la chambre d'ami.
L'armoire était relativement d'un style ancien. Elle était en bois foncé, avait deux portes et était aussi haute qu'un homme. Elle avait une bonne texture et devait être très lourde.
Chi Yan avait encore un peu peur de cette chambre. Après être entré, il alluma tout de suite la lumière puis posa son sac sur le lit. Il alla à l'armoire et ouvrit la porte de gauche pour y accrocher ses vêtements.
Il y avait une chose rouge sang dans l'armoire, une forme mutilée qui ressemblait à peine à un être humain.
Chi Yan referma par réflexe la porte de l'armoire avec un bang. Il courut hors de la chambre, ouvrit la porte de la chambre voisine et se rua dans la salle de bain en suivant le son de l'eau qui coulait.
Il se rappela que Ye Yingzhi venait juste de monter prendre une douche.
Ye Yingzhi se trouvait encore là. Il était complètement mouillé, ses cheveux noirs et courts collaient à son visage et l'eau coulait du pommeau de douche sur tout son corps. Les gouttes d'eau reflétèrent une lueur dorée sous la lumière de la pièce.
Chi Yan ne prêta aucune attention à tout cela. Après avoir fait irruption dans la salle de bain, il courut dans les bras de Ye Yingzhi.
L'eau tiède coula sur lui, trempant ses vêtements. La température de l'eau le rappela à peine à la réalité.
Ye Yingzhi passa une main autour de sa taille pour le garder debout. Il arrêta l'eau de la douche, baissa la tête et demanda :
« Qu'y a-t'il ?
– J'ai encore vu ce genre de choses, cette fois elle n'avait plus de peau... C'est dans l'armoire de l'autre chambre, je l'ai vue dès que j'ai ouvert la porte de l'armoire... » bafouilla Chi Yan.
Il claquait encore des dents et le froid au plus profond de son cœur le faisait trembler de tout son corps.
Ye Yingzhi ne dit rien. Il lui retira simplement ses vêtements trempés et les jeta sur le meuble à côté. Il attira Chi Yan sous la douche puis fit de nouveau couler l'eau de la douche. Il augmenta la température pour que de l'eau chaude coule sur Chi Yan. Il resta sur le côté à l'observer, cependant il lui tenait la main toujours de sa main gauche afin d'éviter qu'il ne tombe. Il le rassura d'un ton tranquille :
« Tout va bien. Tu peux prendre une autre douche bien chaude ici, te détendre et laisser la malchance couler avec l'eau. Je vais aller voir dans l'autre chambre. »
Chi Yan retourna sa main pour saisir son bras.
« … Non, je viens avec. »
Comme Chi Yan n'avait pas ramené d'autres vêtements, Ye Yingzhi prit directement deux pyjamas propres de son armoire. Il en enfila un puis lança l'autre à Chi Yan. Chi Yan n'était pas aussi grand que lui alors le haut du pyjama lui allait jusqu'aux hanches et il dut rouler le bas du pantalon.
Ye Yingzhi le conduisit à côté. Il s'avança vers l'armoire, l'ouvrit puis fit à Chi Yan qui était resté sur le bas de la porte sans oser rentrer :
« Ah Yan, il n'y a rien. N'aie pas peur. »
Chi Yan songea à la scène qu'il venait de voir et ne put retenir un frisson. Il demanda avec hésitation :
« Vrai- vraiment... ?
– En, assura Ye Yingzhi. Tout va bien, n'aie pas peur. Cette armoire est un peu vieille. Je ferai appel à quelqu'un demain matin pour l'enlever et la remplacer par une nouvelle. N'aie pas peur. Je vais prendre tes affaires et les mettre dans l'armoire de ma chambre, okay ? »
Chi Yan s'approcha alors et prit le sac à dos qu'il avait laissé sur le lit. Il lança un regard empli de crainte vers la vieille armoire en bois massif brun et secoua la tête.
« … Pas la peine, j'ai juste besoin de ce sac. Il y a des affaires de rechange dedans. Je n'ai plus besoin des vêtements dans cette armoire. »
Même si Ye Yingzhi l'aidait à retirer les vêtements, il n'oserait plus les garder. En plus il n'y avait pas trop de vêtements dans l'armoire, seulement une tenue et quelques sous-vêtements qu'il avait apportés au début.
Chi Yan porta son sac et suivit Ye Yingzhi dans sa chambre. Il se jura intérieurement que plus jamais il ne mettrait les pieds dans l'autre chambre. Ye Yingzhi vida la moitié de son armoire pour lui et l'invita à y ranger ses vêtements. Il y avait également une penderie de l'autre côté de la porte. Ces deux armoires dans la chambre étaient remplies des vêtements de saison alors ce n'était pas trop plein.
Chi Yan rangea ses vêtements un par un dans l'armoire de Ye Yingzhi. Il regarda ensuite leurs vêtements qui pendaient côte à côté et n'y vit aucun problème. Ye Yingzhi s'était assis sur le lit et l'observait s'affairer. Il avait un livre sur les genoux, les sourcils incurvés. Quand Chi Yan tourna la tête vers lui, Ye Yingzhi avait la tête baissée vers le livre, comme s'il le lisait avec un air satisfait et radieux sur le visage.
Par curiosité, Chi Yan s'approcha pour voir le titre du livre. Il découvrit qu'il s'agissait de La Théorie de la Justice par Rawl John Rawl, philosophe américain du 20° s. (1). En son for intérieur, il admira Ye Yingzhi qui était bien un étudiant exemplaire du département de philosophie. Il était capable de lire ce genre de livre avec un air heureux.
Tout de suite après, Chi Yan se rendit compte d'un problème extrêmement embarrassant.
Il avait ramené la première fois une tonne de sous-vêtements de rechange alors cette fois il n'avait ramené que des vêtements et aucun autre sous-vêtements. Ceux qu'il portait là étaient trempés. Ye Yingzhi les avait retirés et mis au sale dans la salle de bain. Ils n'étaient donc pas encore lavés. Quant au reste, il se trouvait dans l'armoire hantée de l'autre chambre.
Notes de Karura :
Pensées de Ye Yingzhi en ce moment : "Ma femme a rangé ses vêtements avec les miens. Hi hi hi, il a complètement emménagé avec moi ! Happy !"
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On retiendra que Chi Yan s'est laissé déshabiller par Ye Yingzhi, y compris pour les sous-vêtements !
Notes du chapitre :
(1) C'est une fonction de l'application Wechat, l'équivalent chinois de Facebook.
(2) John Rawl, philosophe américain du 20° s.
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