Chapitre 45 : La septième personne
Chi Yan n'osa pas s'attarder trop longtemps chez son oncle. Il partit en prétextant qu'il avait du travail à la fac. Après être parti, il ne retourna évidemment pas à l'université mais se dirigea vers la maison de Ye Yingzhi et ouvrit la porte avec sa propre clef.
Il n'y avait personne dans le séjour mais une forte odeur de lait provenait de la cuisine.
Chi Yan retira ses chaussures pour mettre des savates. Il enleva son manteau puis se rendit à la cuisine. Effectivement il y vit Ye Yingzhi qui portait un pull blanc à manches longues adossé contre un placard et jouant avec son téléphone. La lumière dorée du soleil tombait sur le plan de travail blanc près de lui. Le four en-dessous fonctionnait avec un ronronnement et la douce odeur de lait émanait de lui.
Ye Yingzhi entendit ses bruits de pas puis posa son téléphone. Il leva la tête et fit :
« J'ai dit la dernière fois que je te ferai un gâteau. Comme j'avais par chance du temps libre aujourd'hui, j'ai décidé d'essayer.
– Tu n'as pas à te donner autant de mal... tu aurais pu aller dans une pâtisserie ou commander un gâteau à livrer. »
Chi Yan imaginait que c'était encore plus difficile de faire un gâteau que de cuisiner.
« Ce n'est rien, c'est beaucoup plus sûr et hygiénique de le faire soi-même que d'acheter un gâteau ailleurs. Le lait dont je me suis servi est de bien meilleure qualité qu'en magasin, fit Ye Yingzhi avant de jeter un autre coup d'œil à Chi Yan. Monte te changer, le gâteau sera bientôt cuit. »
Après s'être changé, le gâteau avait effectivement fini de cuire. C'était un simple cheese-cake mais il était bien plus léger que ceux du commerce, moins sucré et plus exquis. Normalement il aurait dû rester au réfrigérateur quelques temps mais en voyant Chi Yan, Ye Yingzhi ne put résister au plaisir de lui couper un bout et de le lui servir sur une assiette pour qu'il y goûte. Le reste fut placé au réfrigérateur pour que le gâteau prenne.
Chi Yan fit de même et coupa un petit bout de son gâteau pour le porter directement à la bouche de Ye Yingzhi. Ce ne fut qu'après qu'il se rappela des choses sérieuses et il raconta à l'autre homme ce que sa grande-tante lui avait dit à propos de cette maison.
Ye Yingzhi n'y attacha réellement aucune importance :
« Malgré les années qui sont passées, ce genre de fausses rumeurs persiste et ne fait que s'amplifier. »
Il prit un air nonchalant comme si ce n'était qu'une plaisanterie.
Le coin de ses yeux se plissa légèrement tandis qu'il regardait Chi Yan :
« Et toi, tu y crois. »
Petit idiot.
Cependant ces deux derniers mots affectueux restèrent sur le bout de sa langue.
« Mais... »
Chi Yan voulait quand même protester mais Ye Yingzhi prit un morceau de gâteau et le porta à la bouche de l'autre jeune homme.
« En plus je n'ai pas rencontré le moindre problème alors que j'habite ici depuis un moment. Et toi, tu as l'impression qu'il y a quelqu'un d'autre ici depuis que tu vis ici ? »
Chi Yan s'était déjà attendu à ce genre de réaction. En plus il venait à peine d'entendre l'histoire de sa grande-tante alors il n'avait aucun argument solide à présenter. Du coup il ne pouvait pas arguer avec Ye Yingzhi alors il renonça tout bonnement.
À cet instant le portable qu'il avait posé sur la table basse sonna soudain. Chi Yan se leva pour décrocher. Le nom de l'appelant était Gu Xixi à qui il n'avait pas pensé depuis fort longtemps.
La voix joyeuse de la jeune fille résonna à l'autre bout du fil :
« Frère Chi Yan, c'est la fête des célibataires Le 11/11, tous ces 1 se référant au fait d'être seul. (1) aujourd'hui, j'ai invité quelques amis pour dîner ce soir. Ça te dit ?
– Non, c'est bon. Amusez-vous bien. »
Il ne connaissait pas vraiment les amis de Gu Xixi alors il risquait de s'ennuyer. En plus il vivait des temps troubles, comment oserait-il sortir tard ou rester ailleurs toute la nuit ?
« Frère Chi Yan, tu as déjà quelqu'un ? C'est pour ça que tu n'es pas concerné par la fête des Célibataires ? » demanda la jeune fille sur le ton de la plaisanterie.
Chi Yan jeta un regard involontaire à Ye Yingzhi.
« Non, je suis juste avec mon colocataire... En tout cas, amusez-vous bien. Moi, je n'ai pas envie de sortir. »
Le volume du téléphone était assez fort aussi Ye Yingzhi, qui était assis à côté, put entendre clairement leur conversation. Quand il vit Chi Yan raccrocher, il fronça les sourcils et fit :
« C'est encore Gu Xixi ? Tu ferais mieux de la fréquenter le moins possible. »
Chi Yan ne comprenait pas pourquoi Ye Yingzhi semblait détester autant Gu Xixi. Bien qu'il ne soit pas très amical avec les gens, il était particulièrement froid avec elle. Toutefois Chi Yan était désormais d'accord avec lui sur ce point. Il fit simplement :
« Elle m'a invité à dîner ce soir mais j'ai refusé.
– En. »
Ce fut seulement là que Ye Yingzhi se détendit visiblement.
« Que veux-tu manger ce soir ? »
Après cela, rien de particulier ne se passa. Cependant le directeur de thèse de Chi Yan revint trois jours plus tard.
Un mensonge ne restait jamais sans conséquence. Le directeur de thèse lui assigna vraiment un travail urgent à son retour. Deux étudiants plus âgés et lui étaient responsables. À première vue, il leur faudrait au moins trois jours pour finir ce travail. Du coup Chi Yan n'eut pas d'autre choix que de retourner à la fac et ne pouvait plus rester chez Ye Yingzhi.
En apprenant la nouvelle, Chi Yan eut un peu peur. D'après Hu Xing, il y aurait encore au moins trois victimes. Pour le moment, ni Hu Xing ni la police n'avaient de piste pour trouver le meurtrier. Le seul point commun entre toutes les victimes, c'étaient qu'elles vivaient près de l'université et qu'elles étaient des personnes ordinaires qu'on pouvait contacter facilement — mais comme c'était un esprit maléfique qui avait pris leurs vies, il agissait naturellement à sa guise et au mépris de toute logique.
En plus d'après son expérience passée, les esprits vengeurs engendrés par les victimes semblaient de plus en plus forts. Ils l'approchaient de plus en plus franchement. Il craignait de se faire tuer par ces esprits vengeurs avant même de trouver l'esprit maléfique.
Chi Yan ne put que demander à Ye Yingzhi d'un ton expectatif :
« Yingzhi, mon directeur de thèse m'a donné un travail. Je dois retourner à la fac pour les prochains jours... Tu veux bien rentrer avec moi ? »
Plutôt que de lui répondre, Ye Yingzhi demanda :
« Tu veux que je rentre avec toi ? »
Chi Yan n'osait toujours pas lui parler des démons et des fantômes alors il répondit d'un ton nonchalant :
« Oui... C'est un peu triste d'être tout seul, mieux vaut être avec quelqu'un. »
Ye Yingzhi avait au départ le coude sur la table et une main sur sa joue et il levait la tête pour voir Chi Yan qui était debout devant lui. En entendant sa réponse, il posa la main, se redressa et fit :
« Entendu, je rentre avec toi. »
Mais une fois rentrés au campus, les deux jeunes hommes n'eurent naturellement plus de raison pour partager un petit lit. Ils durent dormir chacun dans leur propre lit. Cependant ils pouvaient se voir dans la chambre juste en levant les yeux, alors Chi Yan n'eut pas trop peur.
Qui aurait cru que trois jours après leur retour, Chi Yan dormait tranquillement quand il entendit soudain quelqu'un l'appeler comme s'il se trouvait juste près de son oreille :
« … Chi Yan, Chi Yan, Chi Yan... »
Chi Yan répondit par un vague En puis sentit son cœur se serrer. Il se rappela soudain qu'il avait entendu dire quelque part qu'il ne fallait pas répondre quand on entendait une voix qui vous appelait de nulle part.
Sous le choc, Chi Yan ouvrit soudain les yeux et vit une personne assise près de la tête de lit qui le regardait avec un sourire. Ses longs cheveux noirs tombaient de chaque côté de son visage, deux longs doigts fins et blancs étaient pressés contre les épaules de Chi Yan. La chose charriait une aura de mort et de terreur profonde ainsi qu'une légère odeur de poisson.
Elle fit une grimace de sourire à l'adresse de Chi Yan. Son visage était livide et étrange mais ses yeux étaient noirs comme chez un squelette — elle n'avait pas d'yeux.
Malgré sa terreur intense, Chi Yan put la reconnaître. Bien qu'il ne l'ait pas vu souvent, il connaissait cependant l'autre personne, du moins quand elle était vivante.
Chi Yan ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit comme si elle était remplie de coton. Il tenta de faire sortir deux syllabes de sa gorge :
« … Jian Ying ? »
Notes du chapitre :
(1) Le 11/11, tous ces 1 se référant au fait d'être seul.
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