Ils disent tous que j'ai vu un fantôme 2


On était en été, et pourtant il faisait froid dans le bus. Ma nuque était gelée, comme si quelque se tenait derrière moi et soufflait dessus.

« Monsieur, vous pouvez éteindre la clim ? » demandai-je avec inconfort.

Sans se retourner, le chauffeur me remballa froidement :

« Les passagers sont priés de bien se tenir et de ne pas harceler les autres. »

J'en restai sans voix. J'étais seul dans le bus et je n'avais fait que parler au conducteur. En quoi était-ce du harcèlement ? Sans parler de la sexualité, je pris ça comme une attaque personnelle.

Moi, Shen Jianguo, né le jour de la Fête Nationale, avait vécu sous le drapeau rouge et grandi parmi les brises printanières. Depuis l'enfance, j'avais été un élève exemplaire, un membre éminent de la Jeunesse Communiste et un camarade étudiant sans reproche. Le chauffeur pouvait remettre en cause mes compétences puisque je venais à peine d'entrer dans la société, mais il n'avait absolument pas le droit de critiquer ma moralité !


Je voulus me défendre à juste titre mais, après que le chauffeur ait prononcé ces mots, la sensation de froid diminua considérablement. Il avait dû éteindre la clim pour moi.

Mon cœur se radoucit. Il était très tard et le conducteur avait dû sortir pour me ramasser à l'université. Il devait être très irritable. De son point de vue, pendant que j'allais me rendre dans un quartier hanté au beau milieu de la nuit, tout ça pour du travail, et que je n'étais pas de bon poil, le chauffeur devait être en train de dormir chez lui quand on l'avait réveillé. Pas étonnant qu'il soit aussi de mauvais poil.

Ce n'était qu'une petite prise de bec. Pas la peine de m'énerver contre lui.

« Merci, monsieur, » dis-je au chauffeur en souriant.


Mais le chauffeur resta indifférent. Il se tourna pour me regarder, son visage indistinct dans la pénombre. Je ne pouvais voir que ses yeux qui reflétaient clairement la lumière.

Il eut un rire sinistre :

« Hé, hé, hé, j'espère vous revoir demain. »

Il me souhaitait de réussir à décrocher ce travail. Ce chauffeur avait l'air froid de prime abord, mais il avait bon cœur. Dommage qu'il avait plutôt mauvais caractère, ce qui mettait les gens mal à l'aise. Mais une fois que l'on apprenait à le connaître, on se rendait compte que c'était un type bien.

« Merci, » répondis-je chaleureusement.


Le chauffeur était très fiable. En dépit du brouillard, il avait roulé tranquillement et sans à-coup jusqu'au quartier de l'Autre Rive.

En descendant du bus, je dis :

« Monsieur, demain je dois retourner à la fac pour mes affaires... »

Je parlais encore que les portes se refermèrent impitoyablement et le bus démarra, ne laissant même pas un nuage de gaz d'échappement derrière lui.

Je savais que j'aurais dû me taire. Je n'avais même pas encore commencé à travailler que je demandais déjà au chauffeur de m'aider à déménager. Le véhicule d'entreprise n'avait pas pour vocation de m'aider dans mes affaires privées. Pour déménager, je n'avais qu'à faire appel à des professionnels. Mais mes finances étaient déjà bien serrées ces temps-ci. Bon, demain, je louerais un cyclo-pousse Un vélo qui tire un siège passager, comme un pousse-pousse. Utilisé en Asie pour les touristes, il peut également se louer. (1). Ça reviendrait moins cher.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Pour faire bonne impression, je portais mon unique costume, réservé aux entretiens d'embauche : une chemise, une cravate, une veste et des chaussures noires en cuir. Je me rendis au numéro 4 et fit une pause en bas pour rajuster nerveusement ma cravate, m'assurant que j'étais présentable. Puis je pris l’ascenseur.

La lumière dans l’ascenseur clignota et s'éteignit plusieurs fois. Au beau milieu de la nuit, c'était un peu flippant. La copropriété dans le quartier de l'Autre Rive avait l'air de négliger son rôle depuis que le promoteur avait été poignardé. Sur le forum que j'avais consulté, il y avait plein de gens qui se plaignaient de l'entretien de la copropriété. Apparemment, ce n'était pas des salades.


Je me morigénai intérieurement : Shen Jianguo, du nerf ! Un étudiant qui vient de finir ses études pour entrer dans le monde du travail connaît forcément des moments difficiles. C'est déjà bien d'avoir un logement de fonction, alors de quel doit je me permets de critiquer les lieux ? Quelle important si l’ascenseur n'est pas sûr ? Ce n'est que le quatrième étage. La prochaine fois, je prendrai les escaliers !

La capacité de l’ascenseur était moyenne et il était plutôt lent. Pour arriver au quatrième, il mit autant de temps qu'un autre ascenseur aurait pris pour monter dix étages. Je restai nerveux tout le temps de la montée, craignant que l’ascenseur ne se bloque en chemin.

Mais fort heureusement, il n'en fut rien. J'arrivai sans encombre au quatrième étage.


Il y avait de la lumière au numéro 404 et la porte était ouverte. Je toquai et fis poliment :

« Il y a quelqu'un ? Je suis Shen Jianguo, je postule pour le poste d'enseignant. Une dame m'a dit de venir ici pour emménager dans le logement des employés.

– C'est la principale Zhang qui vous a demandé de venir ? »

Un homme de petite taille qui portait une veste et un béret apparut.

« Venez, entrez. »

Je le suivis à l'intérieur de l'appartement 404 tout en examinant mon futur logement.

Les lumières étaient basses. On dirait que je devrais changer les ampoules dès que j'aurais eu ma paye. Ce n'était pas un bon environnement pour préparer mes cours.

Les rideaux étaient trop épais. On n'était pas bien exposé de ce côté de l'immeuble pour commencer et avec des rideaux si épais, l'atmosphère était vraiment déprimante. Il faudrait que j'en prenne des plus fins.


D'un autre côté, l'appartement était plutôt propre et spacieux. Il y avait un séjour et trois chambres. Dans le séjour, il y avait un bureau et deux chaises. Le petit homme s'assit sur l'une d'elles et me fit signe de prendre place en face.

Il était vraiment très petit, pas plus d'1m60. J'avais remarqué qu'il avait tendance à marcher sur la pointe des pieds, comme pour tenter de paraître plus grand.

Ah, je comprenais bien la souffrance d'une petite taille. Enfant, j'étais mal nourri. En 6ème, je ne mesurai qu'1m50 et j'étais maigrichon, encore plus petit que les filles. Mes camarades se moquaient souvent de moi et j'avais un complexe d'infériorité. Heureusement, je participai à une compétition qui me fit gagner une bourse scolaire. La qualité de mes repas s'en trouva améliorée. Je bus plus de lait et mangeai plus de viande et, jusqu'en 4ème, je grandis de plus de vingt centimètres. À présent, je faisais 1m78. Je regrettais un peu de ne pas avoir atteint les 1m80, mais cela restait une bonne taille pour un chinois. J'en étais satisfait.



« Vous êtes Shen Jianguo, c'est ça ? »

Le petit homme n'avait pas l'air d'aller bien. Son visage était pâle et exsangue. Il devait être épuisé d'avoir veillé si tard.

« La principale Zhang a dit que vous pouvez dormir dans la chambre principale cette nuit. Si vous êtes encore en vie demain matin, vous pourrez aller travailler.

– La principale Zhang, c'est la dame dont le numéro est 94 444 ? C'est elle qui dirige notre école privée ? En plus, il s'agit juste de dormir ici pour une nuit, que pourrait-il bien se passer ? Vous ne croyez quand même pas ces ragots sur le net comme quoi l'endroit est hanté ? » demandai-je avec un sourire insouciant.


Le petit homme me lança un regard. Je remarquai une blessure à son front et fis avec inquiétude :

« Que vous est-il arrivé au front ?

– Oh, je me suis cogné, répondit le petit homme avec raideur.

– Vous connaissez déjà mon nom, alors comment dois-je vous appeler ? » demandai-je en tendant une main amicale.

Je savais qu'il s'agissait peut-être de mon futur collègue.

Il ne me serra pas la main. Les siennes restèrent sur la table et il sourit.

« Je m'appelle Ju.

– Ju comme dans 'meuble' ou dans 'résidence' ? Ce n'est pas banal, comme nom de famille. »

Je retirai ma main un peu maladroitement. Je ne m'attendais pas à avoir affaire à un collègue peu amical dès le début.


J'avais entendu d'anciens étudiants dire que parfois, les collègues plus anciens se montraient immatures et menaient la vie dure aux plus jeunes dans les bureaux, surtout parce qu'ils avaient peur de se faire voler leur place. Ces gens agissaient de manière si puérile uniquement parce qu'ils étaient incompétents et manquaient d'assurance, et parce qu'ils croyaient que les nouveaux les menaçaient.

Je m'étais toujours juré de ne jamais me fâcher et de répondre à ces gens avec le sourire.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

L'homme me dévisagea en secouant lentement la tête.

« Aucun des deux.

– Alors c'est quel caractère ?

– C'est le ju de 'tronçonneuse'. »

Je fronçais les sourcils. Ce nom de familles faisait partie du Livre des Noms de Famille ?

« Vous faites partie d'une minorité ethnique ? » demandai-je dans le doute.

J'avais déjà eu des camarades de classe dans cette situation, et certains avaient des noms de famille très étranges qui n'apparaissaient pas dans le Livre des Noms de Famille.


Il secoua de nouveau la tête, pencha la tête et se leva lentement.

« Vous savez, j'ai toujours été petit. Les plus grands m'ont embêté depuis l'enfance. Ils me donnaient des coups de pied, me frappaient, disaient que je n'étais pas du tout un homme, m'obligeaient à baisser mon pantalon pour vérifier. Parfois, ils me faisaient avaler des sachets de lait en poudre en disant que je devais boire plus de lait pour grandir. Je manquais de m'étouffer. J'avais beau les supplier de me donner à boire, ils riaient et disaient que si je voulais boire, je pouvais boire de la pisse. »

Cela me rendit triste d'entendre ça. Je pouvais comprendre un peu pourquoi il se comportait mal avec moi. Il était traumatisé par les garçons plus grands. Son aversion envers moi n'avait rien de personnelle, cela visait un groupe de personne.

Mais je gardais espoir qu'en continuant à interagir, il se rendrait compte de qui j'étais, et je ferais tout mon possible pour l'aider à surmonter ses difficultés, faisant usage de ma propre expérience.



Je me levai et pris sa main droite dans les miennes par-dessus la table. De ma voix la plus sincère, je fis :

« Ce n'était pas votre faute, c'étaient eux les responsables ! Quel que soit l'âge ou la raison, c'est mal de tourmenter les autres !

– Je sais. »

Le visage de M. Scie Ou M. Ju. J'ai hésité entre les deux noms mais j'ai choisi la traduction de Ju, comme si c'était un surnom que lui donnait Shen Jianguo. En plus, dans le chapitre suivant, il est dit que Shen Jianguo pense que M. Scie ne lui a pas donné son vrai nom. (2) était figé, son sourire semblait un peu faux.

« Bien sûr que je n'y suis pour rien, tout était de leur faute. S'ils étaient grands, c'est parce qu'ils avaient de grandes jambes, n'est-ce pas ? Pas de problème, je n'avais qu'à leur couper les jambes !

– … »

Je restai un moment sans voix devant son air réjoui. Je n'avais pas étudié la psychologie. Je n'avais aucune expérience dans ce domaine. Je n'avais aucune idée de comment le dissuader de commettre un acte aussi extrême.



« Une grande jambe, deux grandes jambes, trois grande jambes, quatre... Tant de jambes, et si grandes. Je les ai soigneusement mesurées et coupées pour qu'ils aient tous la même taille que moi. »

M. Scie avait l'air comme ivre et il semblait plongé dans de merveilleux souvenirs.

Il y avait un problème ! Je lâchai sa main et, l'air de rien, mis la main dans ma poche pour appeler la police.

« Quand j'ai scié leurs jambes, leurs cris étaient un délice à entendre, comme les bruits de la nature. J'ai sauté du haut de l'immeuble au milieu de ces cris magnifiques. Ce fut le plus beau jour de ma vie. »

M. Scie se leva et désigna son front.

« En sautant, je me suis blessé à la tête. Ce ne serait pas convenable d'enlever mon chapeau et de vous montrer.

– M. Scie, vous avez déjà songé à consulter un psychiatre ? »

J'avais trouvé mon téléphone ! Je le déverrouillai rapidement avant d'essayer de composer le 110 sans regarder. Dans cette situation, un smartphone n'était pas aussi pratique qu'un téléphone avec clavier. Je ne pouvais pas trouver les touches sur l'écran tactile.



M. Scie poursuivit :

« Vous n'êtes pas trop grand, mais vous avez de longues jambes. J'aime bien vos jambes. Vous ne voulez pas me laisser vous les couper ?

– Bien sûr que non ! » refusai-je fermement en reculant lentement.

M. Scie était aussi debout. Il leva sa main gauche, qui était resté cachée sous le bureau. Il tenait une tronçonneuse.

« Alors je vais devoir user de la force. Détendez-vous, cela ne vous fera pas mal. »

Il s'avança lentement vers moi.

Je le fixai sans ciller, n'osant pas détourner les yeux, essayant de me tenir prêt pour une attaque surprise. Il avança et je continuai à reculer, jusqu'à ce que je sois dos au mur. Un courant d'air frais me rappela que je me trouvais près de la porte, alors je commençai à glisser dans cette direction.


M. Scie ne semblait pas pressé de m'attaquer. Il se tenait sur la pointe des pieds, se lécha les lèvres et me regarda tâtonner pour trouver la poignée de la porte, avant de l'enclencher.

La poignée ne bougea pas. Il avait dû verrouiller la porte à un moment ou à un autre !

« Tu ne peux pas sortir, dit-il en démarrant sa tronçonneuse dans un bruit assourdissant qui rompit le silence de la nuit. Sois un gentil garçon. Donne-moi tes jambes et je te laisserai t'en aller.

– Si je vous donne mes jambes, comment je ferai pour m'en aller ? »

Je n'avais plus aucun moyen de m'échapper. Je me jetai alors sur lui et lui saisis le poignet dans l'espoir de lui arracher sa tronçonneuse.



Notes de chapitre :
(1) Un vélo qui tire un siège passager, comme un pousse-pousse. Utilisé en Asie pour les touristes, il peut également se louer.
(2) Ou M. Ju. J'ai hésité entre les deux noms mais j'ai choisi la traduction de Ju, comme si c'était un surnom que lui donnait Shen Jianguo. En plus, dans le chapitre suivant, il est dit que Shen Jianguo pense que M. Scie ne lui a pas donné son vrai nom.






Commentaires :


:

:

Pour insérer des émojis dans le message, appuyez sur la touche Windows et ; de votre clavier (pour Windows 10).

Derniers chapitres parus :
La Renaissance du Suprême Immortel 447 et 448
Lanterne 52
La Renaissance du Suprême Immortel 445 et 446

Planning des mises à jour :
Dimanche tous les quinze jours : Lanterne : le reflet d’une fleur de pêcher
La Renaissance du Suprême Immortel
Le Prince Solitaire