Ils disent tous que j'ai vu un fantôme 22



C'était presque l'heure de la leçon en effet, et je me sentis pressé. Je me souvins de la fois où Xiao Ning avait littéralement couru à mon secours en pleine nuit. Je pouvais lui faire confiance.

Alors je lui donnai le conseil suivant :

« S'il va trop loin, n'hésite pas à appeler la police. Ne te laisse pas entraîner dans un combat sinon il pourrait porter plainte contre toi. »

Baissant les yeux vers les asticots morts par terre, j'ajoutai :

« Si cet insecticide n'est pas dangereux pour les gens, utilise-le autant qu'il le faudra. Tu dois tuer tous ces vers !

– Ne t'en fais pas. »

Le visage de Ning Tiance exprimait son sérieux et sa gravité. Il était vraiment digne de confiance.


Xiao Ning se dressa entre nous et Tian Bowen avec ses vers. J'emmenai Duan Youlian et le professeur Liu aux escaliers de secours afin d'éviter Tian Bowen. Quelques vers rampèrent jusqu'à nous. J'allais lever le pied pour les écraser quand les insectes grimpèrent sur l'imperméable de Duan Youlian et se noyèrent dans l'eau qui le recouvrait.

« Bien joué, Xiao Duan ! » la félicitai-je.

Xiao Duan n'avait pas encore secoué son imperméable pour éliminer l'eau. Quand j'avais coupé ses ongles dans le bus, une partie de l'eau m'avait trempé et j'en ressentais encore le froid. En fait, j'avais voulu lui enlever son imperméable pour le secouer mais j'avais eu peur qu'elle ne porte rien en dessous alors je n'avais pas osé agir.

Même si les femmes ne m'intéressaient pas, j'étais un homme après tout, qui plus est déterminé à me comporter en gentleman. Naturellement, je ne pouvais pas aller retirer les vêtements des filles.


Tous les trois, nous arrivâmes rapidement en classe. Elle était déjà remplie d'élèves. Je les comptai rapidement : il y en avait toujours vingt-trois. Tian Bowen était parti mais Duan Youlian était revenue, ce qui faisait que le nombre n'avait pas changé.

Mu Huaitong était vraiment une élève sérieuse. Comme la dernière fois, elle était assise au premier rang à la table du milieu, me regardant fixement avec le menton posé sur sa main.

Quand elle vit Duan Youlian, son sourire se figea. Mu Huaitong se tourna vers le professeur Liu et fit :

« Pourquoi elle est de retour ? »

Xiao Duan semblait vraiment avoir des problèmes de relations. Tian Bowen ne comptait pas, il était lui-même un élève exclu qui était resté uniquement pour tourmenter les autres élèves. C'était excusable que Xiao Duan ne s'entende pas bien avec lui. Mais en ce qui concernait Mu Huaitong...

Duan Youlian ne répondit pas. Elle s'assit juste à côté de Mu Huaitong. L'eau dégoulina d'elle, se répandant jusqu'à effleurer les chaussures rouges à talon haut de Mu Huaitong. Cette dernière hurla et bondit pour éviter l'eau. Elle lança à Duan Youlian :

« Dégage de là ! »


Mu Huaitong aimait la propreté. En voyant l'eau, elle eut si peur qu'elle agrippa ses cheveux. Ses longs, longs cheveux noirs se mirent à flotter autour d'elle comme chargés d'électricité statique. Ils tentèrent de s'enrouler autour de Duan Youlian mais, au contact de l'eau sur son imperméable, l'humidité dissolut l'électricité statique et les cheveux retombèrent doucement.

Avant de commencer à faire cours, je devais tout d'abord établir des relations harmonieuses entre ma nouvelle élève et les autres. Le professeur Liu s'était recroquevillé dans un coin, observant de loin comme s'il ne voulait pas se retrouver mêlé à une bagarre de filles.

Mais je ne pouvais pas laisser ma salle de classe se transformer en champ de bataille pour un crêpage de chignon. Je m'interposai entre les deux, saisis les cheveux de Mu Huaitong et les rassemblai.

« Qui a un élastique ? Si je t'attache les cheveux, il n'y aura pas d'électricité statique. »


Mu Huaitong parut sur le point d'éclater en sanglot. Ses yeux étaient injectés de sang. Elle me lança un regard et fit :

« Vous oseriez m'attacher les cheveux ?

– Tes cheveux sont longs et magnifiques mais s'ils sont trop longs, ils vont te gêner pour voir et suivre le cours, répondis-je. Quand une fille a de si longs cheveux, ce n'est pas plus joli de les attacher en une belle coiffure ? Et si je t'amenai de la laque la prochaine fois ? »

En entendant parler de laque, Mu Huaitong trembla de tout son corps et noua docilement ses cheveux en une natte. D'un geste adroit, elle en attacha le bout avec une mèche afin que la natte ne se défasse pas.

« Brave petite, fis-je en hochant la tête de satisfaction, avant de me tourner vers Duan Youlian. Xiao Duan, on est en classe et il ne risque pas de pleuvoir ici. Tu peux enlever ton imperméable ? Il est si mouillé que cela va déconcentrer les autres élèves. »

Duan Youlian partit d'un rire méprisant et fit :

« Liu Shishun !

– J'arrive, » répondit aussitôt le professeur Liu.


Le professeur Liu sortit une grande bouteille d'eau de je ne sais où, contenant environ un litre. Duan Youlian prit la bouteille entre ses doigts pâles, ouvrit le bouchon et en versa le contenu sur sa tête.

« J'aime m'asperger d'eau. Vous allez faire quoi ? »

Duan Youlian s'approcha de moi, son visage exprimant de la malveillance.

« Vous vous croyez fort. Vous pouvez me couper les ongles mais pouvez-vous retirer l'eau qui est sur moi ? Après m'avoir frappée jusqu'à ce que je perde connaissance, ils m'ont jeté à l'eau. J'étais encore vivante. L'eau est entrée dans mes oreilles, mon nez, mes yeux et ma bouche. Mon estomac et mes poumons ont été remplis par l'eau de la rivière. Vous pouvez retirer l'eau qui est en moi ? »

Ah, Xiao Duan avait aussi une histoire tragique.

L'eau de son corps avait coulé sur mes vêtements, et j'avais de plus en plus froid. J'eus l'impression que ce n'était plus l'été mais le cœur d'un hiver morne.

À mon avis, le cœur de Xiao Duan était si glacial qu'elle m'avait transmis cette sensation de froid.

Bien qu'un professeur devait soigner son image devant les élèves, face à une Xiao Duan marquée par le chagrin, je devais agir.


En général, cela me donnait soif de parler longtemps, alors j'avais pris une bouteille de coca avec moi. Je la sortis de mon sac d'un air décidé, l'ouvris et la versai sur ma tête. Le coca poisseux coula le long de mon visage. Je tendis la langue pour me lécher les lèvres. Il avait bon goût malgré tout.

La boisson gazeuse pétilla sur ma tête. Je fis à Xiao Duan :

« Je ne peux pas revenir en arrière pour te sauver mais je peux te tenir compagnie. »

Mon cœur était résolu. Je n'avais qu'une seule pensée en tête : même si Xiao Duan dégoulinait d'eau, je ne pouvais pas la repousser. Elle se tenait déjà au bord du précipice et le moindre signe de dégoût suffirait à la pousser dans l'abîme. Mais si je lui tendais la main, je pouvais encore la ramener.

Ma conviction ferme me réchauffa. Alors que ma température corporelle augmentait, mes vêtements séchèrent peu à peu.


Le coca dégoulinant sur ma tête, je m'avançai vers Duan Youlian mais elle recula de quelques pas et secoua la tête.

« Non, c'est faux. Le monde entier me méprise. Vous faites seulement semblant. »

Je lui répondis avec sincérité :

« Si je ne faisais que te croiser dans la rue, je pourrais me dire ceci : comment cette fille peut-elle être aussi mal soignée ? Mais aujourd'hui je suis ton professeur et tu es mon élève. En tant que professeur, jamais je ne mépriserai un élève. »

Je lui tendis la main. Elle la fixa un moment avant de dire calmement :

« Qui irait vous serrer la main quand elle est couverte de coca ? »

Puis Duan Youlian détourna les yeux et alla s'asseoir à côté du professeur Liu. Elle sortit même le cahier à un yuan que je lui avais donné.


Les autres élèves n'avaient pas dit un mot. Ils avaient observé toute la scène attentivement.

Je gagnai l'estrade, un peu embarrassé, et fis :

« Malgré tout ce qui vient de se passer, nous devons faire cours. Que tout le monde applaudisse pour accueillir Duan Youlian qui revient dans notre groupe. »

Il y eut quelques applaudissements dans la salle.

Mu Huaitong, avec sa longue natte, posa son menton sur sa main et me regarda. Avec un sourire, elle fit :

« Le professeur Shen est très mignon quand il est trempé.

– Ahem, ce n'est pas bien de taquiner son professeur. »

Je fouillai dans mes poches. Je n'avais plus de mouchoirs. C'était gênant de faire cours alors que j'étais trempé.


Ce fut alors que Ning Tiance fit son entrée dans la classe.

Dès qu'il entra, l'atmosphère s'alourdit de nouveau. Je le présentai sans attendre :

« Les enfants, voici Ning Tiance. Il... Bien qu'il ait déjà fini ses études et qu'il a commencé à travailler, il est désireux d'apprendre. Il assistera à mes cours sur son temps libre. Il ne vous dérangera pas. J'espère que vous allez tous bien vous entendre.

– Humph, il est là sur son temps libre ou bien pour travailler ? »

Les manières de Mu Huaitong étaient tout sauf amicales.

Je ne savais pas comment expliquer les choses. Après tout, j'avais fait venir Xiao Ning en classe pour un motif purement personnel. Heureusement que le professeur Liu était présent, il se leva pour aider Ning Tiance à éclaircir la situation.

« Ning Tianshi... Ning Tiance est quelqu'un de bien. Il m'a sauvé il y a quelques jours. Il n'est pas une de ces personnes vieux-jeu. »

Le professeur Liu avait un certain statut parmi les élèves. Après son intervention, ils ne protestèrent plus.

Mu Huaitong se contenta de renifler de dérision.


« Comment va Tian Bowen ? » m'enquis-je.

Ning Tiance fit d'un ton léger :

« Il ne reviendra plus.

– Et les vers ? »

Ning Tiance secoua la bombe d'insecticide vide.

« Tous morts.

– Tu n'as rien fait d'illégal ? »

Je n'en étais pas certain. Xiao Ning était quelqu'un de bien à la base, mais il pouvait parfois agir de façon irresponsable. Je l'avais déjà vu sauter par-dessus un mur à l'école de la Bienveillance et casser les portes vitrées du centre-commercial avec une brique. Il ressemblait un peu à un chevalier dans les roman de wuxia Le genre Arts Martiaux. (1) : il avait le cœur chevaleresque mais ne s'attardait pas sur les détails.

« Ce n'est pas le cas, assura Ning Tiance en secouant la tête. Ne t'en fais pas. »

En le voyant si sûr de lui, je ne pouvais continuer à l'interroger. Je ne pus que refouler mes doutes. Après les cours, je demanderais à la principale Zhang. Elle connaissait du monde. Elle serait en mesure de savoir ce qui était arrivé à Tian Bowen.


Après avoir indiqué une place à Ning Tiance dans un coin près de l'estrade, je me tournai vers les élèves pour démarrer mon cours mais Ning Tiance me rappela :

« Attends. »

Je regardai par-dessus mon épaule. Il eut un soupir impuissant.

« Comment tu t'es retrouvé recouvert de coca ? »

Il prit un mouchoir en tissu et me ressuya le visage et les cheveux. Bien que ce soit encore un peu collant, cela n'aurait plus trop d'impact sur mon image pendant le cours.

Vingt-trois élèves plus un professeur Liu, cela faisait quarante-huit yeux braqués sur nous mais je n'étais même pas en état de ressentir de l'embarras. Je n'avais conscience que du beau visage concentré de Xiao Ning.

Il était si gentil...

Mon cœur en était profondément ému.

Je ne savais pas quand viendrait le jour où je pourrais dire à mes élèves : voici Ning Tiance, le petit-ami de votre professeur, qui est venu me chercher après le travail.


Pendant qu'il ressuyait mon visage, ses doigt effleurèrent ma joue. Ils étaient si chauds.

« Tu t'es déjà réchauffé ? »

Il tâta mes vêtements et s'exclama avec émerveillement :

« Et tes vêtements sont déjà secs ?

– Bien sûr ! répondis-je en me tapant fièrement le torse du poing. Je te l'ai déjà dit : ma chaleur corporelle suffit pour évaporer l'eau. Inutile de t'en faire.

– Je n'ai vraiment pas besoin de m'inquiéter, pas vrai ? fit-il en souriant et en secouant la tête. J'ai cru que tu étais en danger cette fois. Mais au final tu restes toi-même.

– C'est exact. Je n'ai presque jamais eu de rhume de toute ma vie. »

Xiao Ning en faisait vraiment trop. En quoi était-ce dangereux d'attraper un rhume ?


Après avoir été nettoyé, je revins à ma seconde leçon avec le cœur agité : comment établir une vision du monde correcte.

Aujourd'hui, je comptais parler d'un premier point essentiel : la nécessité d'apprendre. C'était capital pour établir une attitude positive envers l'apprentissage et pour s'armer avec des connaissances abondantes.

« Ce n'est qu'en augmentant notre source de connaissances que nous pouvons former notre propre système théorique et expliquer les choses que nous rencontrons grâce à la science plutôt qu'avec des illusions de notre cru. Je vais prendre mon propre exemple. Vous vous habillez de façon très libérée et avant-gardiste. Attention, je ne dis pas que vous êtes mal habillés. Nous n'avons pas d'uniforme dans notre classe. Tant que vous êtes un minimum décents et que vous ne choquez pas les autres, vous pouvez même vous habiller comme une momie, comme votre camarade ici présent. Ce que je veux dire, c'est qu'un autre que moi pourrait vous prendre pour des fantômes. Mais comme j'ai étudié pendant des années et que je peux voir le monde correctement et scientifiquement au moyen de la chimie, la philosophie, la psychologie ainsi que d'autres matières, je ne serai pas influencé par les lieux communs et ainsi biaisé contre vous.


« Tout cela pour vous prouver, mes chers élèves, que vous devez apprendre le plus possible. Conservez cette attitude et montrez-vous compréhensifs envers les autres. Après le cours, je vous recommanderai des livres. Celui qui est intéressé pourra les lire. »

Après que je leur ai recommandé La Sagesse de la Vie Un livre d'Arthur Schopenhauer publié en 1851 qui explique comment mettre de l'ordre dans sa vie en se débarrassant de l'irrationnel. (2) entre autres livres, j'annonçai la fin de la leçon.



La parole à l'auteur :

Professeur Shen : C'est justement grâce à mon amour de l'apprentissage et de la connaissance que je ne vous prends pas pour des fantômes, alors tout le monde doit travailler dur !

Les élèves : On aurait préféré que vous croyiez aux fantômes !




Notes du chapitre :
(1) Le genre Arts Martiaux.
(2) Un livre d'Arthur Schopenhauer publié en 1851 qui explique comment mettre de l'ordre dans sa vie en se débarrassant de l'irrationnel.






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