
On dit que le sang relie les doigts au cœur mais je ne sentis aucune douleur. Mes yeux étaient rivés sur les lèvres de Ning Tiance. Il venait vraiment de mettre mon doigt dans sa bouche et de le mordre en plein jour, juste comme ça.
C'était trop, trop embarrassant !
Quand il eut fini, Ning Tiance vit mon expression sidérée. Il prit un pansement de son sac de courses et le mit à mon doigt. Tandis qu'il baissait les yeux sur mon doigt, je vis ses longs, longs cils trembler légèrement, comme de minuscules peignes qui effleuraient directement mon cœur.
« Pardon, me fit Xiao Ning. J'ai l'habitude de me mordre le doigt quand je dessine des sceaux. J'ai oublié que nous pouvions aller à la pharmacie prendre une aiguille pour ça. Cela n'aurait pas donné une si grande blessure. »
Il avait l'air parfaitement sérieux alors je ne pouvais douter de lui. J'agitai la main.
« C'est bon, c'est bon. Je suis coriace. Ça va guérir en un rien de temps. Mais c'est quoi comme recette secrète ? Est-ce le fait de mélanger du sang et de l'insecticide en multiplie les effets ? Je suis plutôt littéraire, je m'y connais pas beaucoup en chimie. Il y a un principe scientifique là-dessous ? »
Ning Tiance fronça les sourcils au mot "chimie". Il fit :
« Je crois me rappeler... en 4ème, on a fait une expérience de chimie sur la combustion du magnésium... »
Bien que Xiao Ning ait grandi dans la secte de Maoshan, il semblait avoir suivi les neuf années d'école obligatoire.
Aucun de nous ne s'y connaissait vraiment en chimie. Nous nous regardâmes un moment avant de décider tacitement d'un commun accord de ne plus en parler.
« Je pense que c'est comme quand on met du fromage dans un attrape-souris, hein ? fis-je. Les moustiques aiment sucer le sang ou manger de la nourriture moisie, pas vrai ? En utilisant du sang pour les attirer, cela peut améliorer l'efficacité de l'insecticide ?
– C'est à peu près ça, répondit vaguement Ning Tiance. Le sang du majeur convient le mieux, c'est le sang du cœur.
– Alors comme ça, ta secte de Maoshan utilise un mélange d'insecticide et de sang pour éloigner les moustiques. J'imagine que la montagne est plutôt vaste. Vous n'utilisez pas trop de sang ? »
Je m'inquiétais un peu pour la santé de Xiao Ning.
« Pas nécessairement. Nous avons plutôt un encens spécial, expliqua Xiao Ning. C'est la recette secrète de notre secte. Seul le chef de secte peut la transmettre. Comme je n'ai pas encore fini mon apprentissage, je n'ai pas le droit de la connaître. »
Xiao Ning et moi nous flânâmes joyeusement le reste de la journée. Il acheta plusieurs vêtements dans les boutiques du centre commercial. Au départ je voulus payer mais en voyant les prix, je me ravisai discrètement. Pour le moment, je n'avais que quinze mille yuan en banque. Si ces quinze mille yuan avaient pu payer ces vêtements, je les aurais volontiers donnés sans me soucier de dépenser tout mon argent. Mais le prix était bien au-dessus de mes moyens.
En fin de compte, ce fut Xiao Ning qui m'offrit des vêtements. Il dit qu'il était désolé d'avoir déchiré ma veste à l'école de la Bienveillance et qu'il voulait compenser avec ces vêtements. J'eus beau lui dire que ce n'était pas nécessaire mais Xiao Ning avait déjà payé avec ses propres articles. Il dit que son Shifu lui avait donné une carte de crédit quand il avait quitté la secte. Il ne savait pas combien il y avait dessus mais il ne s'était jamais retrouvé à court d'argent.
Sans un mot, je pris les vêtements offerts par Ning Tiance et retournai au 404 avec l'insecticide.
De retour dans ma chambre, je notai que le cahier était tombé par terre. J'avais ouvert la fenêtre avant de partir. Le vent avait dû le faire tomber.
Heureusement que j'avais balayé avant de partir. Le cahier n'était pas sale. Sinon, le professeur Liu se serait encore mis dans tous ses états.
Le rendez-vous d'aujourd'hui m'avait laissé un sentiment de frustration. Je me répétais sans cesse que je devais aider Xiao Ning à renoncer à ses idées dépassées pour être en phase avec le monde moderne mais en réalité, la science était aussi pauvre que moi, tandis que la superstition était aussi riche que Xiao Ning.
Dans son livre Das Kapital, Marx disait : "la base économique détermine la superstructure". Cette phrase décrivait le mieux l'essence du monde. Même si je répugnais à le reconnaître, c'était bien la réalité. J'étais pauvre et Xiao Ning était riche ; nous n'étions pas égaux. Je n'avais aucun moyen de le convaincre de renoncer à ses croyances.
Si je voulais agir en accord avec mes principes, je devais travailler dur pour atteindre le niveau de Ning Tiance.
Demain, je préparerais mon CV à envoyer à la société de Xia Jin afin d'avoir un travail à temps partiel. Le département des ventes était en charge des événements promotionnels, de la publicité et de la prospection. Mon domaine d'étude n'avait rien à voir avec ça mais le marketing permettait d'accumuler rapidement de l'argent. Tant que je travaillais bien, même en tant que stagiaire, je pouvais gagner un bonus. Le seul problème, c'était que j'allais devoir travailler dur mais heureusement j'étais fort et je n'avais pas froid aux yeux. Cela ne poserait pas trop de problèmes.
Je continuai à y songer puis finis par m'endormir en oubliant de fermer la porte de la chambre. Un peu plus tard, je fus réveillé par un bruit tout à côté de moi.
J'ouvris les yeux et vis le professeur Liu avec un masque accroupi juste à mon chevet, faisant quelque chose que je ne pouvais voir. Cela me donna vraiment un coup de frayeur !
Je sursautai et allumai la lumière au chevet. La chambre s'illumina. Je pus voir distinctement le professeur Liu à côté du lit, la main posé sur le cahier que j'avais laissé près de mon oreiller.
« P-professeur Liu, on est en pleine nuit, qu'est-ce que vous faites ? »
Heureusement que je n'étais pas du genre peureux. Je n'avais eu peur qu'un moment. Quelque d'autre aurait pu faire une crise cardiaque.
Bien que le masque recouvrait la partie inférieure du visage du professeur Liu, je pus lire l'embarras dans ses yeux. Il garda la main posée sur le cahier et fit :
« Je... je voulais juste jeter un coup d'œil à mon cahier pendant la nuit. »
Le professeur Liu tenait vraiment à ce cahier. N'était-ce pas injuste de ma part de le garder ? Mais c'était lui qui me l'avait donné. S'il l'aimait tant que ça, pourquoi l'avoir offert ?
Il n'osait sans doute pas aborder le sujet alors ce devait être à moi de revenir sur son engagement.
« En fait, professeur Liu, je voulais vous dire, ce cahier est vraiment trop précieux. À chaque page, on peut sentir sa valeur antique. Si quelqu'un comme moi le transporte n'importe comment, il pourrait facilement être endommagé. Alors... Et si je vous le rendais ? proposai-je un peu maladroitement.
– Bien sûr, pas de problème ! accepta le professeur Liu en serrant vite le cahier dans ses bras. En fait, il faut l'entretenir régulièrement. C'est pour ça que je me suis glissé ici au milieu de la nuit.
– J'ai déjà appliqué de l'huile de protection aujourd'hui et je l'ai posé à plat au soleil. Le papier est ancien et ne supporte pas les rayons du soleil mais après avoir huilé le cuir, c'est bien de le mettre un peu à sécher.
– Vous-vous-vous... Oui, merci, mais je dois encore faire quelque chose. »
Je me réjouis de le voir ému aux larmes. Moi, Shen Jianguo, étais un professeur compréhensif. Plus tard, je deviendrais quelqu'un d'encore plus attentionné !
En me levant pour aller boire, je vis que le professeur Liu avait posé son cahier et appliquait soigneusement de la crème de nuit sur la couverture. Le professeur Liu semblait être quelqu'un de très économe : plutôt que de jeter un pot de crème vide, il l'avait rempli d'huile pour cuir afin de le réutiliser. Non, non, c'est bien de la crème de nuit ! (1)
« Xiao Ming est de retour ? lui demandai-je en buvant de l'eau.
– Il est déjà parti, répondit le professeur Liu avec un soupir. Il a enfin fait de gros progrès après que je l'ai convaincu hier soir et il a accepté d'aller se faire soigner. Une fois son traitement fini, il pourra aller dans une école normale.
– Et ça va coûter cher ? »
Je me souvins que la mère de Tan Xiaoming était partie et que son père était mort de problèmes cardiaques. À ma connaissance, il n'avait plus de famille.
« Ne vous en faites pas pour ça. La principale Zhang trouvera bien une solution. Il n'y a plus que nous deux au 404, de nouveau. Vous pouvez constater que la planche de lit de Xiao Ming a été enlevée. »
Le professeur Liu ouvrit la porte de la chambre de Tan Xiaoming. Dedans il n'y avait plus que le lit et les toilettes que j'avais achetées pour Yuanyuan.
Je sentis que le professeur Liu était un peu déprimé alors je tentai de le réconforter :
« Ce n'est pas la peine d'être triste. L'élève Tan est parti pour recevoir une meilleure éducation. C'est normal d'être affecté par son départ mais nous devrions plutôt nous réjouir pour lui.
– Ce n'est pas pour lui que je m'inquiète. Il est jeune, il récupérera facilement... Je pense plutôt à moi. »
Bien que le professeur Liu portait un masque, il ne pouvait cacher la détresse dans son regard.
« Quand est-ce ce que ces jours prendront fin pour moi... ? »
À ces mots, il ne put s'empêcher de verser quelques larmes. Je commençais à me sentir triste également.
Le professeur Liu devait être dans la quarantaine. À son âge, il n'avait pas encore fondé de famille ou percé dans sa carrière. Il vivait dans un appartement de fonction, coincé avec un jeune diplômé comme moi. Il devait sûrement souhaiter avoir son propre foyer ici, dans la ville de H.
Je n'avais aucun moyen de le réconforter puisque moi-même n'avais pas non plus trouvé d'endroit où m'installer.
J'avais vraiment le moral à zéro. Le professeur Liu fit soudain :
« La principale Zhang vient de me dire que vous auriez cours demain. Je peux venir vous voir ?
– Bien sûr, pas de problème. Je suis impatient d'avoir vos impressions, professeur Liu, » répondis-je joyeusement.
Le professeur Liu avait une riche expérience. Je me sentais honoré qu'il veuille bien assister à mes cours.
Le professeur Liu soupira.
« Je n'oserais pas faire de critique. Je m'inquiète juste parce que si vous n'avez plus le cahier, les élèves risquent de poser problème... Ah, je m'inquiète sûrement pour rien. »
Après avoir discuté encore un peu, j'avais les yeux qui se fermaient tous seuls. Je saluai le professeur Liu et retournai dans ma chambre pour dormir. Avant de me coucher, je consultai mon portable. Il y avait effectivement un message de la principale Zhang. Je devais faire cours dans la salle multimédia du vieux campus de l'École Normale À la base, les Écoles Normales en Chine étaient l'équivalent de nos Inspé (institut de formation des professeurs). La plupart enseigne différentes matières à présent (2) de la ville de H à minuit, la nuit suivante.
En tant qu'étudiant de la ville de H, je connaissais bien ce vieux campus. Même s'il était toujours en service, il n'y avait plus d'étudiants là-bas.
D'après les rumeurs, le vieux campus de l'École Normale était bâti sur un cimetière. Avant la construction de l'école, un maître céleste fut invité et déclara que l'endroit était chargé d'énergie Yin ; une école remplie d'énergie vitale devait donc être bâtie dessus afin de contrebalancer l'énergie Yin. D'après ce raisonnement, il aurait mieux valu mettre la faculté de technologie là. Les filières technologiques comptaient plus d'hommes en étudiant, donc auraient fourni plus d'énergie Yang pour limiter l'énergie Yin des tombes. Cependant, ce fut une École Normale qui fut établi là avec une majorité d'étudiantes.
Depuis que l'École Normale avait ouvert, il y avait eu constamment des rumeurs de fantômes. L'École était très connue pour ça dans la ville de H.
Qui plus est, le taux de suicide des élèves de l'École Normale était le plus élevé des facultés de la ville de H. On voyait souvent les hélicoptères rouges du SAMU survoler le lac artificiel au centre du campus.
Plus tard, alors que toutes les grandes universités élargissaient leurs listes d'inscription, les vieux campus ne furent plus adaptés au nombre d'étudiants à loger. L'École Normale construisit un nouveau campus en banlieue et y transféra progressivement ses étudiants. Le nombre de suicides diminua en conséquence.
Les autres facultés qui avaient bâti de nouveaux campus utilisaient tout de même encore les anciens mais l'École Normale avait radicalement déménagé. Il n'y avait plus d'étudiants dans ce campus désormais. J'avais entendu dire que le vieux site allait être vendu à un lycée professionnel avec une majorité de garçons. Le projet était actuellement en discussion.
Cette fois en tout cas, le lieu du cours était vraiment une agréable surprise. Entre les écoles abandonnées et les hôpitaux fermés, je m'étais peu à peu habitué à faire cours dans des endroits déserts et en ruines. Mais c'était différent pour l'ancien site de l'École Normale. Le campus était toujours entretenu puisqu'ils voulaient le vendre à un bon prix. Les installations pour projeter les cours dans la salle multimédia seraient donc toujours utilisables.
J'allais enfin pouvoir me servir du Powerpoint que j'avais fait !
(Partie 3)
Quant à ces rumeurs disant que l'École Normale serait hantée, je ne les avais jamais prises au sérieux.
J'ai été à cette faculté une fois. Dans le dortoir des filles, pour tout vous dire. Je m'y suis glissé par une fenêtre au beau milieu de la nuit.
En fait, voilà ce qui s'est passé : j'avais un camarade de chambre plus jeune qui avait sa copine à l'École Normale. Tous les soirs, il restait à discuter avec elle sur WeChat une bonne partie de la nuit, caché sous les couvertures et gloussant. Si vous voulez mon avis, il était plus effrayant que n'importe quel fantôme.
Un jour subitement, mon camarade déclara que le dortoir de sa copine était hanté. Toutes les nuits, quelqu'un faisait du bruit dans le couloirs comme s'il faisait rebondir un ballon. C'était très effrayant. Les filles n'osaient pas aller voir alors elles ne pouvaient que subir cet horrible bruit toute la nuit et elles étaient au bord de l'effondrement à force de ne plus dormir. Sa petite-amie manifestait déjà des signes inquiétants de dépression.
Je ricanai à l'idée d'un fantôme. Il s'agissait clairement de quelqu'un qui faisait semblant d'être un fantôme pour perturber leur sommeil. La seule chose à faire, c'était de se dresser courageusement et d'y mettre un terme. Si j'étais à leur place, je me serais précipité dans le couloir pour cogner ce petit rigolo depuis longtemps.
À cela, mon camarade de chambre répondit que dans ce cas, nous irions ensemble demain soir au dortoir des filles de l'École Normale pour voir si c'était vraiment un fantôme ou bien quelqu'un qui faisait une blague.
Puisqu'il y tenait tant, nous irions. De toute façon, comme j'étais gay, je serais aussi calme dans le dortoir des filles que si je faisais de la méditation.
Ces filles devaient vraiment être effrayées : elles acceptèrent de laisser entrer deux garçons. Leur chambre se trouvait au troisième étage du dortoir. Elles nouèrent les tentures pour nous faire une corde et qu'on puisse grimper. À l'époque, j'étais en parfaite condition physique à cause de ce senior que je voulais draguer, aussi je montai la corde en un éclair. Mon camarade n'y parvint pas : je dus le tirer jusqu'en haut en fin de compte.
À minuit tapante, on commença à entendre réellement le bruit d'un ballon qui rebondissait. Mon camarade monta sur une chaise pour regarder à travers la petite fenêtre au-dessus de la porte. Il dit que le couloir était complètement vide. C'était effrayant.
Je le trouvai parfaitement inutile. Puisqu'il ne pouvait pas voir l'autre personne, cela voulait dire qu'elle devait se trouver juste en-dessous de la petite fenêtre ! Le seul angle mort, c'était juste devant la porte en-dessous de la fenêtre.
Cette fois, mon camarade se mit à genoux et regarda par la fente en-dessous de la porte. Après un seul coup d'œil, il se mit à hurler, se jeta dans les bras de sa copine en pleurant et il se fit même un peu dessus.
Quand on lui demanda ce qu'il avait vu, mon camarade dit qu'il avait vu une paire d'yeux rouge sang. Sur ce, sa copine et lui se serrèrent l'un contre l'autre et gémirent comme un couple de canards mandarins Ces animaux représentent la fidélité conjugale en Chine. (3) en difficulté.
Je ne pouvais plus endurer ce spectacle. Ignorant les protestations des autres, j'allai ouvrir la porte.
Aussitôt la porte ouverte, je vis une fille qui faisait le poirier devant la porte, sa tête cognant régulièrement le sol. Comme elle était restée trop longtemps la tête en bas, son visage était pourpre et ses yeux injectés de sang.
Les filles du dortoir se massèrent ensemble et se mirent à pleurer, criant au fantôme et affirmant qu'elles allaient toutes mourir ce soir.
Je n'en pouvais plus de les voir se faire peur ainsi. Je saisis la fille par les pieds, la soulevai et fis usage de ma super force pour la remettre à l'endroit.
Je la poussai contre le mur du couloir et fis d'un ton furieux :
« Pourquoi tu fais semblant d'être un fantôme et que tu effraies les gens comme ça ?
– Je ne fais pas semblant, me répondit-elle. J'avais la tête en bas quand j'ai sauté du toit alors je suis coincée comme ça dans la mort. »
Quelle menteuse. Ne venais-je pas de la remettre debout ?
Je la disputai :
« Si tu veux faire le poirier pour avoir plus de force dans les bras, c'est ton problème. J'approuve totalement, le sport rend les gens heureux. Mais tu ne peux pas pratiquer devant le dortoir des autres au beau milieu de la nuit. Je ne dirai rien pour cette fois mais si cela se reproduit, tu peux être sûre que j'irai le signaler à l'université. Pour la santé physique et mentale des étudiantes, tu risques de te faire exclure définitivement. Tu as travaillé dur pour entrer dans cette faculté, tes parents espèrent que tu fasses quelque chose de ta vie. Tu crois qu'ils seront contents si tu te fais renvoyer ? »
Elle se mit à pleurer.
En la voyant aussi pitoyable, je lui demandai où se trouvait sa chambre et proposai de la raccompagner. Elle secoua la tête et me dit que ce n'était pas nécessaire ; maintenant qu'elle se tenait de nouveau debout, elle n'avait plus à faire le poirier tout le temps. Elle pouvait partir toute seule.
Puis elle se tourna lentement et s'en alla.
Quand je revins dans la chambre, toutes les filles me lançaient des regards d'adoration. La copine de mon camarade le repoussa d'un coup de pied et vint me prendre le bras chaleureusement, en disant :
« Tu es vraiment incroyable. Tu peux même exorciser les fantômes. Je me sens vraiment en sécurité avec toi.
– Où ça, un fantôme ? C'est seulement une étudiante stressée qui s'amuse à faire peur aux autres pour se sentir mieux. »
Maintenant que le problème était résolu, je ne pouvais plus rester dans le dortoir des filles. Je ramassai mon camarade dont les jambes étaient toutes ramollies, le mis sur mon dos et le redescendis par le même chemin qu'à notre arrivée, renonçant à tout mérite ou gloire.
Les conséquences de cet incident furent que mon camarade et sa copine rompirent à la vitesse de l'éclair cette nuit-là. L'ex-copine de mon camarade m'envoya aussitôt un SMS pour me demander de sortir avec elle, cependant je refusai à juste titre puisque mon cœur était toujours focalisé sur le senior.
L'endroit prévu pour le cours m'avait rappelé ces événements du passé. C'était plutôt intéressant, presque comme si je pouvais retourner à l'université.
Dans l'immédiat, j'envoyai les coordonnées et l'horaire à Ning Tiance et suggérai qu'il prenne le bus scolaire avec moi pour s'y rendre.
Une fois de plus, Xiao Ning n'était pas encore couché, attendant de mes nouvelles :
[Dis-moi tout sur ton bus scolaire.]
Il commençait à s'intéresser à moi ! Cela commençait par m'accompagner en cours pour connaître mon mode de vie et maintenant il demandait même des détails sur mon moyen de transport. Mon cœur se mit à chanter.
Je fus si excité que je lui racontai tout par message vocal, de la première à la dernière fois où j'avais pris le bus, quand le conducteur avait exprimé de la compassion envers Tan Xiaoming. Le but de la manœuvre était de lui faire comprendre implicitement mon orientation sexuelle. Si même le chauffeur de bus avait pu s'en rendre compte, Xiao Ning ne devrait-il pas être capable de le réaliser encore plus vite ?
Mais Xiao Ning se concentra sur autre chose :
[Donne-moi plus de détails sur le comportement anormal de Xia Jin lorsqu'il t'a fait des avances.]
Ah ah, il devait être jaloux ! Depuis qu'il m'avait touché dans l'ascenseur, je savais que Xiao Ning avait des sentiments pour moi. Mes muscles du torse étaient très fermes ; je ne m'étais donc pas trompé !
Après avoir entendu mon récit, le statut de Xiao Ning indiquait qu'il était en train d'écrire mais il n'envoya rien. J'attendis jusqu'à presque tomber endormi, puis reçus enfin un messager très bref :
[Je ne saurais dire si le directeur Xia a de la chance ou pas d'avoir un ami comme toi.]
Je fixai ces mots un long moment sans pouvoir décider si c'était un compliment ou une critique. Au final, je m'endormis.
Le lendemain, je pris mon CV et me rendis à la compagnie de Xia Jin pour un entretien. Je fus calme et ouvert d'esprit, indiquant que même si j'avais un doctorat, je n'avais pas suffisamment d'expérience professionnelle donc j'étais prêt à accepter d'être pris comme stagiaire et de rester dans la compagnie pour apprendre. J'espérais qu'ils pourraient me donner cette chance.
Bien entendu en voyant ma sincérité, ils acceptèrent. Je fus affecté au département des ventes avec un salaire mensuel de base de huit cents yuan plus des bonus selon mes performances. Malgré ce salaire très bas, c'était tout de même un grand pas en avant pour moi.
Quand on débutait dans un nouveau travail, on devait parler moins et en faire plus, observer et étudier en silence, être discret et correct.
Je me tins à ce principe tout au long de la journée, mémorisant les points essentiels des produits de notre compagnie. Heureusement durant mes études d'économie, il y avait de nombreuses matières où on devait tout retenir par cœur donc j'avais une excellente capacité de mémorisation. Je maîtrisai 80 à 90 % des points essentiels dès le premier jour.
Mon chef de service se nommait Lu Guangxi. Il était plus jeune que moi et il avait les meilleurs résultats de toute la compagnie. À l'âge de seulement vingt-cinq ans, son salaire annuel s'élevait déjà à un million de yuan.
Je n'en fus pas envieux. En fait, les revenus de Lu Guangxi me donnèrent plus de confiance.
La semaine, quand il n'y avait pas d'événements organisés, les bureaux fermaient en général à 18 h, et les commerciaux à 21 h. Quant à moi, quand j'aurais plus tard des déplacements à faire, mes horaires seraient relativement souples.
Une fois rentré, je relus soigneusement le plan des cours que j'avais préparé. À 23:30, le professeur Liu m'attendait à la porte.
Le professeur Liu préférait porter un costume Zhongshan et ce vêtement semblait spécialement fait pour son tempérament. Avec son air raffiné et studieux de la République, il lui allait bien mieux qu'un costume occidental et des chaussures en cuir.
L'hôtel de Ning Tiance était loin de chez moi. Il ne lui fut donc pas possible de prendre le bus scolaire. À mon réveil ce matin, j'avais reçu un message disant qu'il me retrouverait devant le vieux campus de l'École Normale. Nous n'allions donc pas passer un moment seuls entre nous dans le bus scolaire.
Il s'était mis à pleuvoir à la tombée de la nuit. Le professeur Liu se tint sous la pluie avec un parapluie en papier, une vision charmante de l'ancien monde. Quant à moi, j'estimai que je n'avais pas besoin de parapluie. Un peu de pluie, je pouvais la bloquer avec la tête ; un parapluie serait inutile. Le professeur Liu m'invita à partager le parapluie mais je refusai. La pluie était fine et plutôt agréable.
Le chauffeur fut ponctuel, comme toujours. Nous avions à peine attendu une minute qu'il apparut à l'entrée du quartier. Quand je montai dans le bus avec le professeur Liu, ce dernier prit un air choqué. Il fit :
« Les passagers... Non, pourquoi tous les sièges sont devenus verts ? Ils étaient toujours rouges avant ! »
Le conducteur nous lança un regard et fit de sa voix calme habituelle :
« Ils préfèrent encore marcher. Ils disent que c'est bon pour la santé. En tout cas, c'est bien mieux que de se faire réduire l'âme en miettes. »
Le professeur Liu inspira profondément. Après un long moment, il parvint à dire :
« Et maintenant il ne reste plus que vous. Vous devez encore conduire le bus chaque nuit. Cela ne doit pas être aisé. »
Le chauffeur soupira.
« Pour vous non plus. Je ne suis que le cocher. Votre position est pire.
– Ah, ainsi va la vie. »
Le professeur Liu secoua la tête.
En les écoutant, je me dis qu'ils parlaient du fait de travailler de nuit. Le conducteur pouvait se reposer un peu après nous avoir déposés à l'école mais le professeur Liu et moi devions faire cours en pleine nuit. Le professeur Liu étant plus âgé que moi, c'était encore plus dur pour lui.
Nous avions tous des problèmes mais si cela servait à sauver des élèves comme Tan Xiaoming, je les supporterais avec joie.
« Il y a une nouvelle élève aujourd'hui. Elle ne sait pas très bien où se trouve l'école alors je vais faire un petit détour pour la ramasser, nous informa le chauffeur.
– Oh, la principale Zhang accepte encore des nouveaux élèves ? fit le professeur Liu d'un ton choqué. Elle n'avait pas dit qu'il n'y aurait que cette classe ? »
Il semblait y avoir une histoire cachée derrière tout ça. S'il n'y avait qu'une seule classe, est-ce que la principale Zhang allait fermer l'école après la fin de leurs études ? Que m'arriverait-il alors ? Je perdrais mon emploi ?
Je fis comme si je ne faisais pas attention mais en fait je tendis l'oreille pour écouter.
« Ce n'est pas vraiment une nouvelle élève, juste une que l'on a récupérée, expliqua le chauffeur. Elle s'était enfuie et ne retrouvait plus le chemin de l'école. La principale Zhang l'a récemment retrouvée et s'est arrangée pour qu'elle reprenne les cours. Après avoir erré pendant toutes ces années, j'ignore dans quel état elle est actuellement.
– Ce n'est pas sain d'errer trop longtemps... commenta le professeur Liu en secouant la tête avec anxiété. Sans personne pour veiller sur elle, je crains que... »
Je hochai la tête sans qu'ils ne me voient. La majorité de nos élèves avaient des troubles psychologiques mais pas au point de devoir se faire interner. Le but de cette école était de les guider pour qu'ils retrouvent une vie normale. Cette élève s'était apparemment perdue. Son état mental était déjà fragile au départ, et sans la protection de l'école...
Hélas, même moi ne pouvais prédire son état actuel.
J'étais en train d'y songer quand le chauffeur arrêta le bus. Les portes s'ouvrirent. Le bruit de la pluie nous parvint de l'extérieur. Cela semblait s'être aggravé...
Une personne portant un imperméable dont la capuche masquait le visage monta dans le bus. Elle n'était pas bien grande, environ 1,55 m. Son manteau dégoulinait. Très vite, une flaque se forma sur le plancher du bus.
Une fois dans le bus, elle regarda autour d'elle puis s'avança droit vers moi. Le professeur Liu parut nerveux tout à coup. Il courut devant moi pour intercepter l'élève.
« Duan Youlian, tu ferais mieux de t'asseoir à côté de moi. »
Elle redressa la tête et sa capuche retomba sur ses épaules, dévoilant un visage pâle et ordinaire.
« Pourquoi y a-t'il un étranger ici ? »
(Partie 4)
Je ne pouvais guère compter sur le professeur Liu pour jouer les médiateurs. Je me levai et tendis une main amicale vers Duan Youlian en disant chaleureusement :
« Bonsoir, élève Duan, je suis le nouveau professeur, Shen Jianguo. Je suis impatient d'avoir tes impressions. »
Duan Youlian me fixa du regard. Elle poussa le professeur Liu d'un coup qui l'envoya littéralement voler à l'autre bout du bus, tout au fond. À quel point était-elle forte ? Elle devait avoir énormément souffert pendant qu'elle errait à l'extérieur.
Au lieu de me tendre sa main, elle se rapprocha de moi et renifla mon cou. Elle répéta ses paroles précédentes :
« Pourquoi y a-t'il un étranger ici ? »
Le chauffeur fit comme si de rien n'était et se concentra sur sa conduite. Après avoir été repoussé, le professeur Liu ne bougeait plus ; il restait allongé, faisant le mort.
« L'école manquait de professeurs, alors la principale Zhang a posté une petite annonce en ligne. J'ai un doctorat en Éducation Idéologique et Politique. J'ai envoyé mon CV et la principale Zhang m'a embauché comme professeur dans ton école. Pour le moment, je n'ai fait cours qu'une fois. Si tu veux, je peux te donner des cours particuliers de rattrapage. Pour aujourd'hui, on va poursuivre ce que nous avons commencé lors du premier cours. S'il y a quelque chose que tu ne comprends pas, n'oublie pas de le noter. »
Duan Youlian semblait avoir du mal à communiquer normalement, néanmoins je devais avoir une conversation normale avec elle, dans le pur esprit de l'enseignement. Même si elle ne comprenait pas tout aujourd'hui, après quelques explications supplémentaires, elle finirait par comprendre peu à peu.
« L'odeur d'un vivant... »
Elle se rapprocha davantage de moi, ses yeux fixes m'observant avec une étrange expression.
« Je me doute que tu n'as pas de cahier. Par chance, j'ai un nouveau cahier sur moi aujourd'hui, alors je te l'offre. »
Je sortis un fin cahier à un yuan de mon sac, pris un stylo à deux yuans pour écrire son nom dessus, puis lui tendis le tout.
Elle n'était sans doute pas en mesure de prendre des notes mais c'était un petit geste de ma part en tant que pauvre professeur.
Elle ne fit pas mine de prendre le cahier ou le stylo. Son regard se posa sur le cahier et elle le fixa, la tête penchée sur le côté.
Je gardai les mains levées, attendant qu'elle prenne mes cadeaux. Je voulais que cette nouvelle élève voie ma sincérité afin qu'elle m'ouvre son cœur et m'accepte.
Peut-être que ma sincérité finit par la toucher. La main de Duan Youlian surgit de son imperméable mais au lieu de prendre le cahier, elle visa ma tête et se mit à hurler.
J'eus droit à une bonne vue. Oh mon dieu, ses ongles faisaient au moins dix centimètres de long. Bien que couverts de vernis rouge, je pouvais tout de même distinguer un peu de saleté noire sous les ongles. Ce n'était pas du tout hygiénique. Depuis combien de temps ne s'était-elle pas coupé les ongles ?
Elle tenta de s'en prendre à mes yeux avec ses ongles, plutôt agressivement.
Je saisis rapidement ses poignets et la pressai de toutes mes forces dans le premier siège venu. Elle se mit à hurler quand je la touchai, comme si je venais de commettre un acte ignoble.
Avait-elle une aversion envers le contact physique avec un homme ? Elle avait d'abord refusé de me serrer la main et maintenant elle se montrait agressive envers moi, un homme, hurlant quand je la touchais.
Je fis de mon mieux pour la calmer.
« N'aie pas peur, je suis quelqu'un de bien. Je ne te ferai aucun mal. Au pire... au pire, je vais juste te couper les ongles. Ils ne sont pas du tout hygiéniques. »
Sur ces mots, je pris le porte-clefs accroché à ma ceinture. J'avais toujours sur moi des mini-ciseaux et un coupe-ongle sur mon porte-clefs, ce qui était bien pratique quand il me fallait ces outils de base.
Duan Youlian n'avait que la peau sur les os et ses poignets étaient très fins. Je pus tenir les deux d'une main et manier le coupe-ongle de l'autre afin de m'attaquer à l'ongle de son pouce.
Un ongle rouge sang tomba à terre. Le chauffeur pila d'un coup et le bus tout entier fut violemment secoué. Duan Youlian en profita pour tenter de se libérer. Heureusement, j'avais calé mon pied à temps contre le plus proche garde-corps sinon j'aurais volé vers le chauffeur.
« Monsieur, que se passe-t'il ? »
Au milieu du chaos, je n'en oubliai pas de me montrer poli envers le chauffeur.
« Rien, me répondit-il. J'ai eu peur en vous voyant couper les ongles. »
Je pouvais le comprendre. J'avais aussi été effrayé par des ongles aussi longs.
À cause de l'inertie de ce freinage, le professeur Liu avait glissé jusqu'à moi. Il ramassa l'ongle coupé et jeta un regard angoissé à Duan Youlian.
« N'ayez pas peur, professeur Liu, fis-je pour le rassurer. Ce sera rapide. »
Brandissant le coupe-ongle, je coupai rapidement les ongles de Duan Youlian un par un. En moins de cinq minutes, ses ongles étaient devenus courts et propres.
Au début, Duan Youlian continuait de crier. Après que j'eus finis la première main, elle se tut. Le professeur Liu par contre hoquetait à chaque fois que je coupais un ongle. Il était vraiment trop agité.
Quand j'eus coupé les dix ongles, Duan Youlian s'était complètement calmée et restait assise sans bouger. Je posai le cahier sur ses genoux et fis doucement :
« Tu n'as pas besoin d'ongles pointus pour te protéger. C'est ton professeur qui te protégera. »
Le professeur Liu ramassa les ongles un par un et les tendit à Duan Youlian, ses deux mains tremblantes.
« L-laissez-la les garder en souvenir. »
Duan Youlian ne fit pas un geste alors je mis les ongles entre les pages du cahier.
Cette fois elle prit enfin le cahier, le tint contre elle et regarda par la fenêtre d'un air vague la pluie qui tombait.
« Je m'appelle Shen Jianguo. Tu peux m'appeler professeur Shen, fis-je avec enthousiasme.
– Professeur... Shen ? répéta-t'elle.
– Oui, c'est bien ça. »
Joyeusement, je fis un rapide clin d'œil au professeur Liu. Cette élève commençait déjà à redevenir normale. Bientôt elle parviendrait à parler correctement !
Le professeur Liu s'assit à côté de Duan Youlian et fit pour la consoler :
« Accepte ton sort. Tu aurais dû te douter qu'il y aurait des conséquences quand tu as décidé de revenir en classe.
– Mais... pourquoi ? » demanda Duan Youlian.
Allez savoir pourquoi, le professeur Liu se mit à pleurer. Il devait certainement être très peiné pour Duan Youlian. Il ressuya ses larmes et fit :
« Qu'est-ce que j'en sais ? »
Je ne comprenais pas ce dont ils parlaient. Ce devait être un événement passé que je ne pouvais connaître.
Heureusement, grâce au professeur Liu, Duan Youlian s'adoucit peu à peu et parut moins féroce.
Le bus scolaire arriva à minuit devant l'École Normale, toujours à l'heure. Dès que je descendis, je vis Ning Tiance qui attendait un parapluie à la main, vêtu de sa tenue jaune. Il avait l'air magnifique. La pluie nocturne ajoutait une touche de mystère à sa beauté.
Je courus me réfugier sous son parapluie mais n'osai pas trop m'approcher de lui. En luttant contre Duan Youlian tantôt, l'eau de son imperméable m'avait complètement trempé. J'étais dans un triste état.
Xiao Ning remarqua l'eau sur moi et se renfrogna.
« D'où vient cette eau ? Ta température corporelle est trop basse. Comment peux-tu te présenter ainsi devant tes élèves ?
– Ce n'est rien, fis-je avec indifférence. J'ai été trempé par un peu d'eau à cause de l'imperméable de Duan Youlian. Cela ne va pas tarder à s'évaporer grâce à ma chaleur corporelle ! »
Le regard de Ning Tiance se fit soudain acéré. Il se tourna vers Duan Youlian et Li Shishun, qui se tenaient ensemble.
Je fis les présentations.
« Voici Liu Shishun, il s'occupe de moi depuis que j'ai commencé mon travail. Et là, c'est Duan Youlian, une nouvelle élève. Elle a peur des étrangers. »
De l'autre côté, je fis :
« Voici Ning Tiance, un disciple de la secte de Maoshan et un Maître Céleste. Il est venu écouter mon cours. La principale Zhang est d'accord. »
Le visage de Duan Youlian se déforma. Elle recula de deux pas comme si elle voulait retourner dans le bus. Mais le chauffeur ne s'était pas attardé dans les parages après que nous soyons descendus, alors elle n'avait aucun moyen de s'enfuir.
Le professeur Liu, cependant, salua avec ferveur Ning Tiance de la tête et fit :
« Merci infiniment pour votre aide l'autre jour, Ning Tianshi.
– Ce n'était rien, »
Xiao Ning inclina légèrement la tête en retour.
Ils échangèrent un regard pendant un moment mais ne dirent rien de plus. C'était comme s'ils avaient une sorte d'entente tacite.
« Vous vous êtes déjà rencontrés ? demandai-je à Xiao Ning.
– Une fois, par hasard. »
Ning Tiance n'ajouta rien de plus. J'avais l'impression qu'il y avait une autre histoire derrière tout ça que je comprenais pas.
Duan Youlian n'aimait décidément pas les contacts avec des étrangers. Elle tenta de s'enfuir en courant mais le professeur Liu la retint.
« Ah, où pourrais-tu t'enfuir ? soupira-t'il. Tu n'as plus tes ongles ; où que tu ailles, tu seras à la merci des âmes solitaires et des fantômes errants. Tu ferais mieux de rester avec la principale Zhang. Au moins en classe, personne ne fera de bêtises. Et il y a le professeur Shen...
— Les ongles ? releva Ning Tiance en fronçant les sourcils.
– Oh, ses ongles étaient vraiment trop longs alors je les lui ai coupés. »
Je ne fis pas mention de la scène dangereuse où j'avais failli me faire griffer par ces ongles.
« Tu les as coupés ?
– Exactement, j'ai un très bon coupe-ongle. »
Je pris mon porte-clefs pour le montrer à Ning Tiance.
Il le prit pour l'examiner et commenta :
« Cela fait longtemps que tu t'en sers.
– Oui, depuis la fin du collège. Cela doit faire dix ans. Au départ il était très aiguisé. J'étais plutôt maladroit et je me suis coupé plusieurs fois avec, fis-je d'un ton penaud.
– Alors c'est un bon outil. Tu fais bien de le garder sur toi. »
Xiao Ning me rendit mon porte-clefs. Le coupe-ongle était encore chaud après qu'il l'ait touché. Cela réchauffa mes doigts gelés.
Après que le professeur Liu l'ait raisonnée, Duan Youlian paraissait au moins prête à nous suivre en classe.
Je connaissais bien le campus de l'École Normale et je nous conduisis rapidement au bâtiment où aurait lieu le cours.
Contrairement aux deux autres emplacements abandonnés, le bâtiment de cours de l'École Normale était en bon état. On pouvait activer la lumière par la voix dans le hall d'entrée et les couloirs s'illuminaient dès qu'on les empruntait. Il n'y avait pas besoin de monter les escaliers avec une lampe-torche à pile.
Dès que la lumière s'alluma au palier du premier étage, nous vîmes Tian Bowen qui se tenait là en nous fixant froidement.
En voyant Duan Youlian, il eut un sourire mauvais.
« Tiens tiens, si ce n'est pas Xiao Lian. Comme t'as fait pour revenir ? »
Il remonta ses manches, ce qui dévoila une longue cicatrice sur son bras.
« Tu m'as laissé ce souvenir la dernière fois. Cela a fait très mal. Je t'attendais depuis longtemps. »
La dernière fois ? Je me plaçai aussitôt devant Duan Youlian et fis à Tian Bowen :
« Tu t'es disputé avec Xiao Duan ? Tu t'en es pris à elle ?
– Regardez un peu ma cicatrice, c'est elle qui s'en est pris à moi ! Mais je ne me suis pas laissé faire. Mes petits chéris ont bien rampé partout sur elle. »
À ces mots, une pile de vers dodus tombèrent de ses manches.
J'eus envie de vomir rien qu'en les voyant. Duan Youlian devait vraiment avoir été horrifiée de les avoir partout sur elle. Cela avait dû la traumatiser.
Le professeur Liu n'aimait pas non plus Tian Bowen. Il me fit :
« Si Xiao Duan a quitté l'école, c'est à cause d'une bagarre avec lui. Après ça la principale Zhang a renvoyé Tian Bowen mais il n'est jamais parti et il a lancé ses asticots sur moi. C'était dégoûtant ! »
C'était complètement inadmissible. Je protégeai Xiao Duan et lui assurai :
« Ne t'en fais pas, je vais te venger. »
Puis je sortis rapidement la bombe d'insecticide de mon sac et pulvérisai les bras de Tian Bowen avec.
Au moment où je sortis l'insecticide, Xiao Ning ouvrit son parapluie afin de protéger le professeur Liu et Duan Youlian du produit.
Au début, Tian Bowen ricana.
« Que peut faire votre misérable insecticide contre moi ? Mes chéris sont... »
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase : ses vers se tortillèrent et moururent.
Son visage changea d'expression. Il saisit ses cheveux à pleines poignées et se mit à hurler :
« C'est quoi ça ? Comment ça peut tuer mes insectes tueurs ? »
Xiao Ning me prit la bombe d'insecticide des mains d'un air grave et nous fit :
« Allez vite en cours. Inutile de rester, je me charge du reste. »
La parole à l'auteur :
PS : J'ai été assez explicite dans ce que j'ai écrit, alors comment ça se fait que vous n'ayez pas tous deviné que le professeur Liu est un livre de peau humaine ? La couverture du cahier est faite à partir de sa propre peau. Le professeur Liu est un fantôme qui date de l'ère de la République Avant 1949 (4) et il n'a pas eu une vie joyeuse.
Passons en revue les colocataires du professeur Shen : premièrement le fantôme scieur de jambes, GG Good Game : utilisé dans les jeux vidéos quand on a perdu un combat. (5) ; deuxièmement Li Yuanyuan, a préféré choisir de se transcender ; troisièmement le fantôme du robinet, n'a pas pu supporter de saigner autant et a quitté ce monde ; quatrièmement Tan Xiaoming; a préféré choisir de se transcender.
Hé, le professeur Liu est toujours là.
Professeur Liu : Appliquez de la crème hydratante sur du cuir fantôme. La peau humaine a besoin de lotion. Est-ce que vous comprenez la notion de lotion ?!!
Mini-théâtre de Karura :
Tian Bowen : À l'attaque, mes redoutables vers de sang ! Ha ha ha ! (bis)
Le professeur Shen les pulvérise calmement.
Tian Bowen : w(゚Д゚)w (bis)
Pauvre Tian Bowen...
Notes du chapitre :
(1) Non, non, c'est bien de la crème de nuit !
(2) À la base, les Écoles Normales en Chine étaient l'équivalent de nos Inspé (institut de formation des professeurs). La plupart enseigne différentes matières à présent.
(3) Ces animaux représentent la fidélité conjugale en Chine.
(4) Avant 1949
(5) Good Game : utilisé dans les jeux vidéos quand on a perdu un combat.
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