Ils disent tous que j'ai vu un fantôme 7


Cette fois, le bus n'était pas du tout froid. C'était très confortable.

Le chauffeur ne parla pas et, dans la pénombre, je m'assoupis sur mon siège. Pendant mon sommeil, je sentis vaguement une bouffée d'air autour de moi. Quand j'ouvris les yeux, un peu confus, j'eus l'impression que le vent froid tourbillonnait loin de moi. Allez savoir comment le conducteur avait réglé la clim, c'était un souffle de vent très particulier.

Je somnolai durant tout le trajet jusqu'à l'école de la Bienveillance. Le chauffeur arrêta le bus et me fit :

« Descendez. Le cours dure en général deux heures. Je viendrai vous récupérer à deux heures du matin. Je vous attendrai jusqu'à cinq heures au plus tard. Si vous n'êtes pas revenu d'ici là... »

Le chauffeur me lança un regard très sérieux, ses yeux luisant dans la nuit.


Je réagis rapidement :

« Vous n'avez pas besoin de m'attendre jusqu'à cinq heures, monsieur. C'est déjà bien assez dur comme ça de travailler en pleine nuit. Si j'ai cinq minutes de retard, vous pourrez rentrer chez vous vous reposer. Je louerai un vélo pour rentrer. On est en été, les nuits sont agréables. Cela me fera de l'exercice. »

Mais le chauffeur m'ignora et répéta avec obstination :

« Je vous attendrai jusqu'à cinq heures du matin. J'espère que vous pourrez sortir. »

C'était vraiment un collègue consciencieux et généreux. En tant que nouvel employé, je voulais le prendre en exemple et devenir un professeur sérieux et responsable.

Dès que je descendis du bus, le chauffeur démarra et partit sans même laisser un nuage de pot d'échappement. Il était vraiment efficace.


Je levai la tête pour contempler mon futur lieu de travail. L'école primaire de la Bienveillance avait fermé depuis trois ans. Vu de l'extérieur, l'endroit avait l'air triste. Le portail était recouvert de poussière et de toiles d'araignée. De toute évidence, cela faisait longtemps que personne n'était venu ici.

Face à la porte fermée, je m'inquiétai de savoir comment entrer dans l'école. Puisque la principale Zhang avait loué une salle de classe, n'aurait-elle pas pu aussi engager un portier ?

Voyant l'heure de mon cours approcher, je sortis mon portable pour envoyer un message à la principale Zhang :

[Le portail de l'école de la Bienveillance est fermé. Comment je fais pour entrer ?]

La principale devait avoir guetté des nouvelles de son nouvel employé. Elle répondit aussitôt :

[Le côté est, une petite porte.]

Puis elle ajouta un autre message :

[Les élèves sont très indisciplinés et risquent de faire semblant d'être des fantômes pour vous effrayer. Tout ira bien si vous ne montrez pas votre peur.]

Aucun risque que j'ai peur de ce genre de facéties. Quand j'étais élève, les autres garçons faisaient souvent des blagues pour effrayer les gens.


Je courus rapidement du côté est avec mon sac sur le dos. Je vis en effet une petite porte rouge ouverte. On aurait dit que la peinture n'avait même pas eu le temps de sécher. Je pris un mouchoir de mon sac et m'en servis pour ouvrir la porte, afin de ne pas me salir les mains avec la peinture.

Ce fut facile de trouver la salle n° 4 de la troisième année. C'était le seul endroit de l'école où il y avait de la lumière. Je la repérai aussitôt que je levai les yeux.

En pensant que les élèves devaient déjà m'attendre, je ressentis de l'urgence et me précipitai à l'intérieur. Les portes automatiques s'ouvrirent pour me laisser passer.

Le hall d'entrée et le couloir étaient dans l'obscurité. La salle n°4 de la troisième année se trouvait au quatrième étage. Je ne pris pas le risque de marcher trop vite dans le noir. Je pris d'abord mon téléphone pour activer la lampe de poche et éclairer les escaliers. Seulement ensuite, je montai.


Chaque fois que j'arrivais à un palier, je prenais soin d'éclairer tout l'escalier afin de m'assurer de mon chemin avant de reprendre mon ascension. À mi-chemin entre le troisième et le quatrième étage, je vis quelque chose dans le coin de l'escalier. La lampe de poche n'était pas assez puissante pour que je puisse voir clairement. Je montai donc et vis une robe rouge.

Oh non, c'était une jeune fille vêtue d'une robe rouge.

Elle avait de longs cheveux noirs détachés qui recouvraient son visage, et sa robe était très longue. Au départ, je n'avais vu que le rouge éclatant dans l'obscurité, ce qui m'avait fait penser à tort qu'il n'y avait qu'une robe dans le recoin.

Au milieu de la nuit, une école abandonnée, un couloir sombre et une robe rouge dans un coin. On aurait vraiment dit une histoire de fantômes. Quelqu'un de plus timide que moi en aurait pleuré de terreur.


Je rejoignis la fille et demandai :

« Tu es une de mes élèves pour le cours de ce soir ? »

Les cheveux de la fille continuaient à lui cacher le visage. Elle répondit doucement :

« Oui. »

Si je n'avais pas déjà rencontré Li Yuanyuan, j'aurais pu croire que c'était encore une fille bizarre.

En songeant à M. Scie et Li Yuanyuan, je me dis que les élèves de cette école n'avaient vraiment pas une vie facile. Ils n'aimaient probablement pas sortir et parler aux gens. Je n'obligeai pas la fille à repousser ses cheveux.

« Je suis le professeur pour ce soir, Shen Jianguo. Tu peux m'appeler professeur Shen. Pourquoi tu n'es pas dans la classe au lieu de rester assise ici toute seule ? Tu n'as pas peur ? »

La fille secoua la tête. Ses longs cheveux noirs ondulèrent en cascade.

En voyant ses magnifiques cheveux, j'en conçus de l'envie. Ils étaient si épais qu'avec eux, aucun risque de calvitie. Je me touchai le front. Ces derniers jours, j'avais dû me coucher tard. Ce serait le week-end demain. J'espérais que la principale Zhang pourrait me prévoir quelques cours durant le jour afin que je m'habitue à ces horaires et que je me repose pour sauver mes cheveux qui s'éclaircissaient.


« Si tu n'as pas peur, tu devrais venir en cours. »

Elle ne répondit rien mais tendit la main vers moi. En contraste avec ses longs cheveux noirs, sa main était très blanche et brillait presque dans l'obscurité.

De longs cheveux noirs raides, une peau pâle, une silhouette fine. Cette élève réunissait les trois critères de beauté.

« Tu as peur de ne pas y voir clair ? »

Je pris la main de la fille sans me poser de question.

« Regarde où tu mets les pieds. Fais attention. »

Je la conduisis en haut des escaliers. Elle me suivit. Cependant, arrivée à la dernière marche, elle fit soudain à voix basse :

« Professeur, vous avez compté les marches en montant ?

– J'étais trop pressé d'arriver. Comment aurais-je eu le temps de compter ? »

Je voulus poursuivre mon chemin mais la fille ne bougea pas. Elle était plutôt forte. Je la tirai par la main, sans parvenir à la faire bouger. Elle resta sur la dernière marche.

« Professeur, moi j'ai compté, fit-elle avec entêtement. Tous les autres niveaux n'ont que douze marches. Ici, si vous en comptez treize, vous verrez un fantôme.

– En général, le dernier étage est toujours un peu plus haut, hein ? C'est normal qu'il y ait un peu plus de marches mais cela pose problème à ceux qui ont des TOC. J'avais un ami à la fac qui ne supportait pas quand un escalier avait une marche de plus que les autres. »


En l'écoutant, je compris pourquoi elle s'était arrêtée au palier après le troisième étage. Elle souffrait sûrement d'un trouble obsessionnel compulsif sévère. Les autres escaliers avaient douze marches et comme celui-ci en avait treize, cela la perturbait alors elle ne voulait pas monter.

Que faire ? Elle n'aimait pas ça, je ne pouvais donc pas la forcer à grimper mais d'un autre côté, les élèves m'attendaient dans la salle de classe.

« Écoute, si tu ne veux pas monter, je peux te porter pour la dernière marche, si tu me fais confiance, suggérai-je.

– Ha ha. »

Elle rit, sûrement qu'elle ne me faisait pas confiance. Après tout, les hommes et les femmes devaient garder leurs distances. De plus, c'était une très jolie fille et j'étais un homme ; j'avais l'air de vouloir profiter d'elle.


Derrière moi, elle fit :

« Professeur, regardez mes yeux. »

Naturellement, je me retournai. Je vis alors des yeux rouges au milieu de ses cheveux noirs.

Je regardai de plus près, hochai la tête et fis :

« Tes lentilles colorées sont très jolies, et cela va bien avec ta robe. »

C'est vraiment un TOC : elle devait portait aussi des vêtements parfaitement coordonnés. Je baissai les yeux vers ses chaussures, une paire d'escarpins rouges à talons hauts, très raffinés. Je continuai à la complimenter :

« Tes chaussures aussi sont très belles. Mais nous devons monter le plus vite possible : les élèves attendent. Ce ne serait pas bien d'arriver en retard aujourd'hui. Je sais que c'est difficile pour toi de franchir cette treizième marche. »

J'avançai une autre suggestion plausible :

« Et si on descendait et qu'on recomptait à partir de la seconde marche ? Du coup, on arrivait à douze. »

Beaucoup de gens atteints de TOC avaient conscience de leur problème mais ne pouvaient se défaire de leur gêne. Dans ces circonstances, cela pouvait les aider de leur fournir une raison de se convaincre.


« … »

Après quelques secondes de silence, elle demanda :

« Professeur, vous n'avez pas peur de moi ? »

Voilà qui était intéressant. Tard la nuit, une jolie femme et un jeune homme plein de vigueur. C'était vraiment moi qui devais avoir peur ?

Une pensée me frappa soudain : elle n'avait cessé de cacher son visage avec ses cheveux. Se pouvait-il qu'elle ait une difformité sur son visage qui la conduisait à penser que je pourrais avoir peur d'elle ?

C'était plus que possible.

« Je n'ai pas peur, affirmai-je sérieusement. Je n'ai pas peur, peu importe à quoi tu ressembles.

– Même si je ressemble à ça ? »

Elle leva brusquement la tête. Un coup de vent surgit de nulle part pour balayer ses magnifiques cheveux longs et révéler un visage sanglant.

Elle ouvrit la bouche et tira la langue, l'enroulant directement autour de mon cou.

C'était vraiment bien joué. J'aurais presque pu croire que c'était un fantôme si la principale Zhang ne m'avait pas averti à l'avance.


Je saisis la langue et demandai avec curiosité :

« Où as-tu acheté ça ? On jurerait une vraie. »

Sur ce, je tirai fort sur la fausse langue et l'arrachai de sa bouche. Elle était vraiment bien faite. La fille cria lorsque la langue fut arrachée. Elle recula et trébucha, emportée par son élan, et je la rattrapai aussitôt pour qu'elle ne tombe pas dans les escaliers.

Quand je la ramenai contre moi, elle se cogna contre mon torse et le sang de son maquillage déteignit sur ma nouvelle chemise blanche.

Pour mon premier jour, afin de faire bonne impression devant les élèves, j'avais acheté une nouvelle chemise et mis mon costume et des chaussures en cuir pour faire cours, mais avant même de faire un pas en classe, la chemise blanche était fichue.

Mon cœur se serra en songeant au prix où je l'avais payée.

Cela pouvait-il compter comme un accident de travail ? Est-ce que la principale Zhang pourrait me rembourser ma chemise, sans parler des toilettes ?


« Désolé, je n'ai pas l'intention de profiter de toi. J'ai eu peur que tu ne tombes. »

Je la relâchai rapidement, pris une lingette pour le visage de mon sac et la lui tendis en disant :

« Va te nettoyer le visage. Tu es si jolie. Trop de maquillage, ce n'est pas bon pour ta peau.

– Ce n'est pas du maquillage. »

Elle leva la tête pour me montrer son visage sanglant.

« Je marchais sur les rails, vêtue de rouge. Le train est passé. Je fus couverte de sang, pas seulement mon visage, tout mon corps.

– D'accord, d'accord, » acquiesçai-je pour lui faire plaisir tout en ressuyant son visage avec une autre lingette.

C'était très réaliste. Ça avait la même odeur que le sang.


Après avoir utilisé une lingette sèche, je sortis une lingette humide pour la nettoyer à nouveau. Le vrai visage de la fille apparut enfin. C'était effectivement une très jolie fille, avec de grands yeux, la peau pâle, un nez fin et un visage en forme de pêche. Elle devait avoir dix-sept ou dix-huit ans.

Elle me regarda sans un mot pendant que je nettoyais son visage, ses yeux avec les lentilles rouges manifestant une pointe d'émotion.

« Vous me faites penser à l'employé des pompes funèbres qui a recousu mon corps et m'a fait belle. J'étais à ses côtés pendant ce temps et je lui en fus très reconnaissante. »

La voix de la jeune fille était de nouveau calme.

Bien que ses mots n'aient aucun sens, je ne pus que la suivre dans son délire et demander :

« Pourquoi tu as voulu te suicider en te jetant sous un train ?

– J'étais enceinte, fit-elle en touchant son ventre. Non seulement il a refusé de le reconnaître, mais il m'a battue et m'a fait perdre le bébé. J'ai raté l'examen d'entrée à l'université. Tout le monde savait que j'avais fait une fausse-couche. Je ne pouvais plus continuer à vivre ainsi. »


Pas étonnant qu'elle se soit inscrite dans l'école de la principale Zhang et qu'elle ait attendu de faire peur au nouveau professeur homme dans la nuit. Elle devait sûrement en vouloir aux hommes.

Je ressentis de la peine pour cette pauvre fille. Elle était si jeune. Elle n'avait pas encore eu le temps d'apprendre à se protéger et s'apprécier lorsqu'elle rencontra quelqu'un qui n'avait pas pu la chérir et qui lui avait fait aussi mal.

Je tendis la main, constatai qu'elle ne réagissait pas et caressai ses longs cheveux.

« Rien au monde n'est insurmontable. Quand tu crois que le ciel te tombe sur la tête, c'est en fait le début d'une nouvelle vie. »


J'allais rajouter d'autres mots d'encouragement quand soudain, un rayon de lumière dorée apparut. Une épée en bois surgit de nulle part, dirigée droit vers la fille.

Je saisis rapidement la fille pour la placer derrière moi. Quand l'épée de bois toucha mes vêtements, elle rebondit aussitôt. La lumière dorée brilla au-dessus de ma tête. Un jeune homme en tunique jaune surgit de l'ombre et pointa son épée en bois vers la jeune fille dans mon dos. Il fit :

« Tu fais à nouveau le mal, vile créature !

– ??? »

Je saisis l'épée en bois du jeune homme et le reconnus : c'était le professionnel qui avait emmené M. Scie l'autre jour. Je lui demandai franchement :

« Vous vous êtes trompé de film ou quoi ?? »


La parole à l'auteur : C'est la seconde apparition du gong.


Petit théâtre dans le bus :

Les passages, invisibles à l'œil nu, se penchent au-dessus de M. Shen pour murmurer :

« Le vieux Liu dit que lui et Yuanyuan vivent avec une brute qui s'en prend tous les jours aux fantômes. Il parlait donc de cet homme.

– Il paraît qu'il a tué le fantôme scieur de jambes.

– On doit lui réserver une place. Je peux rester debout aujourd'hui !

– Oh, il a ouvert les yeux ! Courez vite ! Il va nous attraper si on ne s'enfuit pas. Yuanyuan a tenté de s'enfuir hier mais il l'a quand même rattrapée. Quel dommage. »

Le professeur Shen ouvrit les yeux et aperçut le vent yin qui s'éloignait. Il crut simplement que la clim était un peu particulière.






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