Ils disent tous que j'ai vu un fantôme 9


Ce fut un peu éreintant de faire dix kilomètres à vélo au milieu de la nuit. Je dormis jusqu'à plus dix heures passées. Je vérifiai alors mon portable et vis un message de la principale Zhang, plus un appel manqué d'un de mes colocataires de la fac.

Le message de la principale Zhang disait ceci :

[Votre prochain cours aura lieu à minuit dans trois jours. Je vous enverrai le sujet à aborder et l'adresse un jour avant. Passez ce temps à préparer votre cours. Votre salaire ne sera pas amputé. En plus, j'ai appris que vous aviez abîmé vos vêtements hier. Je rembourserai tous vos frais à la fin du mois, et chaque mois ensuite.]

Ce message répondait à toutes mes questions. Après y avoir réfléchi un bon moment, je répondis par un simple "OK."


Cette école privée comptait de nombreuses anomalies, les horaires des cours étaient inhumains, les élèves étaient pénibles, les collègues jouaient avec des tronçonneuses et dormaient dans la salle de bain — rien de tout cela n'était un problème. Ce qui comptait, c'était que je ne faisais que peu d'heures, le salaire était élevé, le logement inclus et qu'il n'était pas nécessaire de pointer.

Si j'enseignais à chaque fois de minuit à deux heures du matin, je pouvais prendre un second travail à mi-temps en journée.

La principale Zhang était une dame si gentille et attentionnée. Quel dommage qu'elle soit à l'étranger. Si jamais elle revenait en Chine un jour, il faudrait que je l'invite à dîner afin de la remercier pour tout ce qu'elle avait fait pour moi.


Après avoir répondu au message de la principale Zhang, je rappelai mon ancien colocataire.

« Bonjour, fit Xia Jin à l'autre bout de fil, c'est bien Shen Jianguo ?

– C'est moi. Je n'ai pas changé de numéro, » répondis-je.

Xia Jin échangea les dernières nouvelles avec moi puis demanda :

« Au centre commercial, on organise un événement promotionnel ce week-end. Nous avons besoin d'extras. Tu as le temps ce week-end ? Ça te dit de te faire un peu d'argent en plus ?

– Bien sûr, acceptai-je aussitôt.

– Parfait, à huit heure samedi matin, au centre commercial XX. Il y en a pour deux jours. Tu risques de bosser jusqu'à minuit à chaque fois. »

Je réfléchis aux deux jours suivants. On était vendredi aujourd'hui, et le prochain cours n'aurait lieu que lundi. Les deux travails n'empiéteraient pas l'un sur l'autre, donc je pus assurer :

« Pas de problème ! »


Xia Jin et moi avons partagé la même chambre à la fac la première année. Il avait étudié le management en entreprise. Après son diplôme, il ne se lança pas dans un doctorat mais débuta aussitôt sa carrière. Trois ans plus tard, alors que j'obtenais mon doctorat, il était déjà directeur des ressources humaines dans un grand centre commercial. Il travaillait très dur mais son salaire annuel en valait la peine.

Au cours de ces années, chaque fois qu'il avait besoin d'extras, il faisait appel à moi. Il savait que j'avais besoin d'argent et m'aidait volontiers à en gagner. Après tout ce temps, je m'y étais fait et j'étais devenu un travailleur qualifié, tout en accumulant de l'expérience.

Puisque je savais que j'allais gagner de l'argent en plus ce week-end et que la principale Zhang allait payer pour mes vêtements, je me sentis très heureux. Je sortis de ma chambre pour aller me laver, le pas léger.


Pour ne pas changer, mes deux colocataires ne se trouvaient pas dans leurs chambres. La disposition de la chambre de Liu Shishun était exactement la même que la veille, tandis que celle de Li Yuanyuan s'était agrémentée d'un toilette. La perruque qui avait traîné sur le lit la veille se trouvait maintenant dans les toilettes.

Je ne comprenais vraiment pas l'attachement de Li Yuanyuan pour les WC. Comment une fille pouvait-elle avoir un fétichisme aussi tordu ? Pourquoi la principale Zhang n'envisageait-elle pas de recruter un autre professeur en psychologie ?

En fait, je voulais discuter avec Li Yuanyuan de ce problème. Naturellement, je respectais les préférences de chacun. Tout comme mon amour de l'argent, c'était un passe-temps comme un autre d'aimer dormir sur les toilettes. Tant que ce n'était pas un problème psychologique, il n'y avait rien d'autre à dire.

Malheureusement, cette nuit, je m'endormis trop tôt et n'eus pas l'occasion de voir mes deux colocataires, qui étaient occupés à travailler le jour et qui ne rentraient que tard le soir.


* * *


Le samedi matin, je pris un vélo pour me rendre au centre commercial, comme d'habitude. Xia Jin nous expliqua rapidement notre travail, à moi et aux autres extras, avant de partir préparer l'événement.

Je dus enfiler un lourd costume d'ours en peluche pour racoler les clients, distribuer des prospectus et aider les promoteurs à offrir des cadeaux. Je ne chômai pas de la journée.

À six ou sept heures du soir, le personnel invité par le centre commercial arrêta le travail et je pus enfin faire une pause pour respirer et m'asseoir par terre.

Ce fut à ce moment que des gamins m'entourèrent. Ils me frappèrent sur la tête. Vu l'épaisseur de la tête du costume, je ne sentis rien mais ce ne fut pas agréable pour autant. J'étais très fatigué et je n'avais pas du tout envie de jouer avec des enfants, alors je me levai pour me trouver un endroit au calme.

Mais les enfants continuèrent à me poursuivre et me donnèrent même des coups de pied aux fesses. Qui sait où se trouvaient leurs parents ? Ils n'intervinrent pas pour arrêter leurs enfants.


Je ne pouvais pas courir bien vite avec ce costume. Alors que j'étais sur le point d'enlever la tête et de sermonner les enfants, j'entendis une voix familière derrière moi :

« Arrêtez. Il y a quelqu'un dans ce costume. Il est fatigué de sa journée de travail, alors ne l'embêtez pas. »

Je levai les yeux et vis Ning Tiance.

Il portait des vêtements normaux aujourd'hui : un T-shirt blanc, un jeans foncé et des baskets blanches. Il avait l'air jeune et propre sur lui. C'était tout à fait mon genre d'homme, très beau.

Quand les enfants virent qu'un adulte intervenait, ils s'enfuirent vite pour éviter la punition. Je penchai la tête sur le côté pour regarder Ning Tiance. Il avait bien meilleure allure dans ces vêtements. Il avait de très longues jambes. Pourquoi fallait-il qu'il suive la voie des superstitions féodales ?


Ning Tiance tapota mon bras en peluche et me consola :

« Les enfants n'y comprennent rien. Ne vous laissez pas décourager par eux. »

Quel brave garçon, ne pus-je m'empêcher de penser.

Je voulus retirer la tête du costume et le remercier mais, en resongeant aux événements de la veille, je me sentis embarrassé de révéler mon identité. Alors je pris plutôt un bonbon de la poche du costume et le mis dans sa main.

J'avais goûté en secret à ces bonbons pendant ma pause. Ils étaient délicieux, alors je m'en étais gardés en cas de fatigue. C'était un travail physique que de porter un tel costume, alors une dose de sucre n'était pas du luxe.

Après que Ning Tiance prit le bonbon, je le remerciai en pressant mon poing contre ma paume et il eut un léger sourire.

« Merci. »

Puis il déballa le bonbon, le mit dans la bouche et me fit :

« C'est délicieux. »


Des vêtements normaux accompagnés de son visage franc et souriant, cela le rendait vraiment très beau.

Il y avait quelque chose de spécial chez Ning Tiance. Même vêtu simplement, il semblait irradier de l'intérieur.

Après avoir jeté l'emballage du bonbon dans une poubelle, il hocha la tête dans ma direction et s'en alla. Je le suivis du regard, agitant la grosse patte de l'ours en peluche pour le saluer.

Il ne se retourna pas. Il ne me vit pas lui faire au revoir de la main.

Je me sentis un peu bizarre. Je m'assis par terre en me tenant la tête entre les mains et en réfléchissant intensément jusqu'à ce qu'un agent vienne m'informer que la foule du soir allait arriver et que je devais me tenir à l'entrée pour attirer les clients, alors je me levai et cessai mes réflexions.



* * *


Le centre commercial avait du succès. Le nombre de clients ne se mit à décroître qu'après vingt-deux heures. Le centre commercial ferma ses portes à vingt-trois heures et les employés temporaires partirent. Je restais aider Xia Jin à remettre de l'ordre. Il me payait toujours les heures supplémentaires.

Il n'était pas loin de minuit lorsque nous terminâmes le travail du jour, éreintés. Nous devrions reprendre à huit heures du matin.

Mon regard tomba sur les cheveux de Xia Jin qui se clairsemaient, et j'eus un pincement au cœur. Un jour, moi aussi je ressemblerais à cela.

Nous étions bien trop fatigués pour évoquer le bon vieux temps. Nous nous rendîmes aux toilettes. Pendant qu'on se lavait les mains, nous entendîmes le bruit de la chasse d'eau dans les toilettes des dames juste à côté. Il ne semblait pas y avoir quelqu'un, on aurait plutôt dit que cela coulait.


En tant que DRH, Xia Jin était très consciencieux. Il se rendit bravement dans les toilettes des dames pour vérifier. Je l'attendis à la porte.

Quelques secondes plus tard, j'entendis un bruit sourd et Xia Jin hurla.

Je voulus entrer voir ce qui lui était arrivé mais me retins : et s'il était tombé sur une femme ?

Alors je restai à la porte et criai :

« Tout va bien, Xia Jin ?

– Un fantôme, un fantôme, un fantôme ! »

Ses cris devenaient de plus en plus désespérés.

Je me ruai à l'intérieur et vis Xia Jin assis par terre, son pantalon hors de prix imbibé d'eau. Même si ce n'était pas mon pantalon, je compatis.

Sans crainte, je l'aidai à se lever et lui demandai :

« Où ça un fantôme ? Je vais aller voir. Les fantômes n'existent pas, c'est quelqu'un qui te joue un tour !

– Non... j'ai vraiment vu la tête d'une femme qui sortait des toilettes ! »

Les jambes de Xia Jin tremblaient et il s'appuyait contre moi de tout son poids.

Une tête de femme qui sortait des toilettes... Où est-ce que j'avais déjà entendu ça ?


Je laissai Xia Jin s'adosser contre le mur et allai ouvrir les portes des box.

« Ne fais pas ça... balbutia Xia Jin. Elle n'est pas sortie, filons vite d'ici... »

Il n'eut pas fini de parler qu'un coup de vent referma la porte des toilettes des femmes. Xia Jin en perdit l'équilibre et se laissa glisser contre le mur jusque par terre.

Comment pouvait-il être aussi trouillard ?

« Ce n'est qu'un courant d'air. Il y a des fenêtres ouvertes partout en été, n'est-ce pas normal d'avoir un courant d'air ? »

Je posai la main sur une clenche.

« Mais notre centre commercial est totalement clos, sauf les escaliers des sorties de secours. Même les toilettes ont la clim ! »

Xia Jin éclata en sanglots.

« Tu as vu une fenêtre ici ?

– Alors c'est la clim qui est réglée trop fort. J'ai déjà vu ça. La clim du bus que je prends fait parfois comme un tourbillon. C'est plutôt intéressant. »


Tout en parlant, j'ouvris chaque box tour à tour.

Arrivé au dernier, la porte semblait fermée de l'intérieur. Après m'être assuré que ce n'était pas un placard, je toquai à la porte.

« Il y a quelqu'un ? Le centre commercial va fermer. Si vous êtes là-dedans, sortez tout de suite.

– Tout-tout à l'heure... la tête de cette femme, elle— elle est sortie de ce WC. Comment-comment il peut être fermé maintenant ? »

Xia Jin était si effrayé qu'il ne pouvait plus parler correctement.

« Ce doit être la responsable de cette blague. Elle a pris peur en nous voyant venir et maintenant, elle n'ose plus sortir. »

Je continuai à toquer.

« Madame... non, je ne sais pas si vous êtes un homme ou une femme. Vous qui êtes là-dedans, si vous recommencez, nous appellerons la police. Ouvrez vite la porte ! »



Bang, bang ! Je cognai contre la porte de toutes mes forces, en parlant très fort. Quand on avait affaire à des criminels, la seule chose à faire était d'agir comme si on était plus fort qu'eux. Xia Jin et moi étions deux hommes forts. Même s'il y avait réellement plusieurs criminels, nous avions largement la force de les retenir. En plus, le toilette n'était pas bien grand alors ils ne pouvaient pas être plus de deux à l'intérieur.

Je n'avais pas peur des maniaques détraqués qui brandissaient des tronçonneuses. Je n'allais certainement pas avoir peur d'un petit rigolo qui jouait aux fantômes dans les WC.

« Si vous ne sortez pas, je vais enfoncer la porte. »

Je reculai d'un pas et levai la jambe, prêt à frapper. C'est alors que j'entendis une voix familière derrière la porte.

« Arrêtez, je vais sortir. »

La porte du box s'ouvrit lentement, très lentement. Xia Jin inspira brusquement, effrayé.


Une fille aux cheveux courts et vêtue d'une robe blanche se tenait dans les toilettes, les yeux fixés sur moi. En le voyant, je sentis la colère m'envahir.

« Li Yuanyuan ! Je vous ai déjà acheté les toilettes que vous aimez tant. Si vous tenez tant que ça à dormir dans une salle de bain, rentrons et discutons-en. Pourquoi vous faites peur aux gens ici ? »

Éberlué, Xia Jin demanda :

« Tu la connais ? Rentrer ? C'est ta copine ? »

Ses trois questions étaient si énervantes qu'elles me provoquèrent des maux de ventre. Je m'expliquai rapidement :

« Bien sûr que non. C'est ma colocataire, nous partageons le même appartement. Elle a une manie bizarre : elle aime dormir dans la salle de bain. »

En même temps, je me souvins que Liu Shishun m'avait dit que Li Yuanyuan aimait entrer en douce chez les gens au milieu de la nuit et finissait par se faire battre. À l'époque, j'avais compati avec Li Yuanyuan. Maintenant que je la voyais faire, je comprenais pourquoi elle finissait toujours par se faire frapper.


« Xia Jin, c'est juste... une excentrique. Rends-moi service et ne porte pas plainte contre elle. Je vais la ramener chez nous. »

J'exigeai de Li Yuanyuan qu'elle vienne s'excuser devant Xia Jin.

Li Yuanyuan ne dit pas un mot. Elle s'inclina bien bas en face de Xia Jin.

Ce dernier agita la main, se tapa le torse et fit :

« Tant que ce n'est pas un fantôme. Je te laisse t'occuper d'elle. Ne la laisse pas revenir chez nous. S'il y a des rumeurs de fantômes, ce ne sera pas bon pour le centre commercial.

– Oui, oui, je vais avoir une sérieuse discussion avec elle quand nous serons rentrés. »



La parole à l'auteur :

Li Yuanyuan : Je ne peux plus vivre dans les WC à l'appartement parce qu'on a tiré la chasse d'eau sur moi. Je voulais me trouver un autre endroit pour dormir mais j'ai encore croisé cette brute de Shen. Ma vie est dure.

Professeur Shen : Heureusement que j'ai croisé la même colocataire aujourd'hui, sinon elle vagabonderait et se ferait encore frapper.








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