Chapitre 54 : L’histoire sombre de Zhou Hui
Sur la Terre Pure, dans le palais des Nuages d’Or et de l’Eau Émeraude.
Le Phénix ouvrit les portes du palais qui faisaient plusieurs zhangs de haut, puis il s’avança sur le palier doré incrusté de jade. Devant lui se trouvait une salle extrêmement haute et vaste, recouverte de dalles dorées. Au fond, il y avait des statues de Bouddhas souriants ou furieux, arborant des expressions différentes. Leurs silhouettes dorées étaient majestueuses et immenses, s’élançant vers le ciel.
Rien qu’à les regarder, ces grandes statues sévères émettant une lueur dorée qui s’étendait à perte de vue faisaient extrêmement peur aux gens, donnant l’impression que si on ne s’agenouillait pas tout de suite pour se convertir de tout son cœur, le Vajra allait aussitôt s’abattre furieusement pour vous réduire en morceaux.
Le Phénix traversa la salle déserte et intimidante aux dalles dorées pour se tenir en face d’une des statues des Vénérables. Il alluma de l’encens et pria, puis recula d’un demi-pas.
Une lueur dorée apparut subitement devant la statue et une plateforme de lotus de plus de dix zhang de haut se dessina lentement dans le vide. Dessus trônait le Vénérable Bhaddiya qui avait les mains croisées et un air majestueux.
« Te voila finalement, Roi de Clarté Phénix. »
Le Vénérable se redressa et s’inclina légèrement.
« Je pensais que tu ne reviendrais plus jamais dans le Royaume du Ciel. J’imagine que Zhou Hui t’attend à l’extérieur ? »
Il n’employa pas les mots ‘cette bête démoniaque’ mais utilisa le nom de Zhou Hui, ce qui réchauffa un peu le regard du Phénix. Il lui rendit son salut.
« En effet. La dernière fois, à cause de la discourtoisie du roi Ashura, je n’avais pas compris les intentions du Vénérable… »
Bhaddiya agita la main pour indiquer que ce n’était pas grave.
« Alors sa majesté est revenu dans la Terre Pure pour me voir parce que tu t’es rendu compte de quelque chose d’étrange chez toi ? »
L’autre homme garda le silence un moment, comme si c’était difficile d’en parler.
« J’ai été plutôt irritable ces derniers temps et j’ai parfois des absences soudaines. Une fois, j’ai même essayé de tuer Zhou Hui… »
C’était tard dans la nuit quand ils étaient tous les deux en train de faire l’amour. Le Phénix était en transe à cause des pénétrations féroces quand tout à coup, une violente colère s’empara de son cœur sans crier gare et aussitôt, elle devint un torrent de lave qui se répandit dans ses membres et ses os, l’obligeant à rouvrir subitement les yeux.
En fait, le Phénix avait une très grande tolérance pour la douleur. Dans leur étreinte intense, il pouvait endurer la douleur la plus extrême sans pousser le moindre cri. Cependant à ce moment-là, il n’avait pas pu réprimer cette soudaine bouffée de colère, comme si quelqu’un avait subitement pris le contrôle de son corps, et il avait immédiatement repoussé Zhou Hui.
Ce dernier n’avait pas compris ce qui lui arrivait et il s’était aussitôt précipité pour le prendre dans ses bras, demandant d’une voix rauque :
« Ça fait mal ? J’y suis allé un peu trop fort ? »
Le Phénix l’avait regardé, tentant de dire quelque chose, mais il avait perdu connaissance à ce moment-là.
Quand il avait repris ses esprits, il avait vu le lit complètement retourné, la pagaille par terre et la maisonnette presque détruite. Il tenait une épée en main et Zhou Hui l’avait plaqué au sol, maintenant son poignet. Il était trempé de sueur, à tel point que ses vêtements en étaient presque gorgés.
« Que… Que s’est-il passé ? » demanda-t’il bêtement.
Ce fut alors qu’il aperçut de longues déchirures du torse de Zhou Hui à son abdomen, assez profondes pour voir l’os. Ses organes internes avaient failli sortir et du sang mélangé à des morceaux de chair arrachée recouvrait le sol.
Le Phénix se redressa subitement pour se mettre assis.
« Zhou Hui ! Que t’arrive-t’il ? Que s’est-il passé ?! »
Zhou Hui pressa une main contre sa plaie et le serra contre lui de l’autre bras. Il lui tapota le dos trempé de sueur glaciale et fit d’une voix un peu tremblante :
« Ce n’est rien, tu as juste perdu connaissance… Tout va bien, tout va bien… »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Après ça, le Phénix avait appris que lorsqu’il avait perdu connaissance, il s’était subitement mis à attaquer Zhou Hui comme un fou, avec des mouvements féroces tout en conservant un visage figé. C’était comme une marionnette contrôlée par quelqu’un et il n’avait pas du tout conscience de ce qu’il faisait.
Si Zhou Hui avait réagi un peu plus lentement, il ne serait plus qu’un cadavre à l’heure qu’il était.
Ce dernier pansa sa blessure qui mit un certain temps à guérir, mais il ne dit pas un mot. Tous les jours, il tenta par différents moyens de faire sourire le Phénix qui était abattu. Il ne semblait vraiment pas avoir pris cette histoire au sérieux. Quelques jours plus tard, il reconstruisit la maison et transporta des dizaines de troncs immenses depuis la Forêt Démoniaque Rouge fin de les couper, les scier et les assembler, tout ça pour prouver au Phénix que cette blessure était insignifiante et qu’il était pratiquement guéri.
Face à une telle performance, bien que le Phénix éprouvait toujours de la terreur dans son cœur, il parvint à rester plus ou moins calme en apparence.
Mais il y avait quelques jours, la même chose s’était de nouveau produite dans la nuit.
Le Phénix se montra vague et ne précisa pas dans quelles circonstances il avait à chaque fois perdu connaissance. Bhaddiya n’en demanda pas plus. Après un moment de silence, il fit :
« Lorsque j’ai envoyé un message demandant à sa majesté de revenir sur le mont Meru, c’était parce que je me suis souvenu d’un problème lié à ça… Si je ne me trompe pas, quand ton âme est affaiblie à un certain point, une autre personne est capable de contrôler ton esprit. »
Il ne précisa pas de qui il s’agissait, mais le Phénix comprit aussitôt. Son visage changea subitement de couleur.
« Il veut tuer Zhou Hui ? »
Bhaddiya ferma les yeux et ne répondait pas.
« Non, poursuivit le Phénix de lui-même, si Shakyamuni voulait vraiment le tuer, ce serait facile pour lui. Alors pourquoi utiliser une telle méthode ?! »
Le silence s’abattit dans la salle. Le Vénérable resta silencieux un très long moment, comme s’il voulait dire quelque chose, mais se ravisait à chaque fois.
« … Je n’en sais rien, admit-t’il finalement. J’ai pourtant pratiqué le bouddhisme pendant dix mille ans et je comprenais intimement l’esprit du Bouddha. Mais depuis qu’il s’est rendu sur le mont Buzhou pour te ramener au Trente-troisième Ciel, j’ai eu l’impression que le Bouddha semblait de plus en plus différent… »
Le Vénérable marqua une pause avant d’ajouter :
« Surtout… en ce qui te concerne, votre majesté. »
Le Phénix en resta légèrement stupéfait.
L’odeur du bois de santal dans le palais s’attardait comme des nuages invisibles. Les temples du Ciel étaient toujours colorés et somptueux. Les montagnes blanches et les eaux noires des quatre Dao du Mal ne soutenaient pas la comparaison. La modeste maison en bois de Zhou Hui sur le mont Buzhou ne méritait sans doute même pas le nom de ‘cabane’ face à un temple si riche et solennel.
Cependant, alors que le Phénix se tenait sur les dalles d’or pur qui recouvraient tout le temple, entouré par le précieux bois de santal qu’on ne trouvait que rarement en ce monde, il se sentait complètement glacé.
« Pardonne-moi d’être direct, fit gentiment Bhaddiya. Si votre majesté est tombé amoureux de ce démon supérieur, est-ce vraiment parce que tu éprouves de l’amour pour lui, ou bien est-ce parce que ce démon est hors de la causalité et qu’il est donc celui qui t’était destiné ? »
À ce moment-là, ce qui surgit dans l’esprit du Phénix, ce ne fut pas la neige éternelle et le vent dans le temple au sommet du mont Xuebao, mais la simple cabane en bois entourée de fleurs rouges dans la plaine déserte du mont Buzhou, ainsi que les étreintes passionnées et sincères malgré la douleur intense.
« Je n’en sais rien, murmura-t’il. Je ne sais… toujours pas. »
Le Vénérable regarda l’autre homme plus bas. Quelqu’un comme lui qui possédait une grande sagesse et connaissait la perfection avait toujours eu un regard empreint d’illumination et de compassion mais en cet instant, il partageait la confusion du Phénix.
« Votre majesté, si tu insistes pour rester aux Enfers, cela peut causer plus de conséquences inimaginables. Si tu te fais contrôler de nouveau, tu risques de tuer Zhou Hui. Et si ce dernier te blesse alors qu’il essaie de se défendre, il sera directement réduit en pièces par le châtiment du Ciel. »
Bhaddiya soupira et ajouta :
« Pour l’instant, tu as autant retourner sur le mont Meru pour calmer cette tempête. Si tu ne trouves vraiment pas de solution, tu peux toujours sceller tes six sens et isoler ton âme, ce qui empêchera tout contrôle externe… Qu’en dis-tu ? »
Le Phénix resta planté là un moment, l’esprit vide.
Il finit par faire dans un souffle :
« Je vais y réfléchir. »
À l’extérieur du palais des Nuages d’Or et de l’Eau Émeraude se trouvait une terrasse à neuf zhang de hauteur.
Zhou Hui était assis sur les marches en jade blanc, une main supportant sa joue tandis que l’autre était posée sur son sabre. Il regardait d’un air absent la mer de nuages plus bas.
La déesse des Monts Enneigés, vêtue d’une tunique en brocart et ses longs cheveux argentés tombant dans son dos, descendait lentement les marches. Quand elle passa à côté de Zhou Hui, elle hésita un moment. Une lueur défila dans son regard et elle demanda avec un sourire :
« Tu attends le Roi de Clarté Phénix ? »
Zhou Hui la reconnut comme étant la femme qui se tenait sur la tour le jour de la bataille. Il savait aussi qu’elle était fiancée au Phénix. Il leva paresseusement la tête.
« Qu’est-ce que tu veux ?
– Rien, je venais juste voir à quoi ressemblait le fameux démon des Enfers. »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Shakti l’examina de la tête aux pieds, ses yeux s’attardant sur ses épaules et bras musclés. Elle fit avec un sourire :
« Moi aussi, je suis déjà allée dans la Mer de Sang et je sais que seules les femmes de la tribu des Ashura sont toutes belles et attirantes, alors que la plupart des hommes sont hideux. Je ne m’attendais pas à ce qu’une bête démoniaque qui a pu cultiver jusqu’à avoir un corps humain puisse être aussi splendide… Tu as déjà vu une femme Ashura ?
– Oui, pourquoi ? »
Le ton de la déesse se fit légèrement minaudier :
« Et comment sont-elles comparées à moi ? »
Il aurait fallu être très stupide pour ne pas comprendre.
La première réaction de Zhou Hui fut de l’absurdité mais ensuite, la spéculation et la ruse innée d’une bête démoniaque lui firent penser à un stratagème des plus improbables.
« … Le Royaume des Ashuras est la terre des démons, fit-il nonchalamment. Tu es une déesse du Ciel, pourquoi te comparer à eux ? »
Shakti passa un doigt fin au coin de ses yeux. La réponse parut l’avoir énormément satisfaite car elle dévoila un sourire charmant et coquet.
« Tu es un beau parleur, pas étonnant que tu as su émouvoir le Roi de Clarté Phénix… Tu es au courant ? Tu as vraiment bon goût. L’âme du Phénix est si pure et ardente, il est vraiment parfait pour la double cultivation. Même un être céleste telle que moi est parfois jaloux de lui. »
Elle se pencha pour observer de près les yeux de l’autre homme. L’angle dévoila sa poitrine délicate qui était d’un blanc étincelant.
« À cause de ça, le mont Meru ne va pas le laisser rester trop longtemps aux Enfers. Prépare-toi — dépêche de bien pratiquer avec lui, mon beau. »
Une lueur défila dans le regard de Zhou Hui, mais elle lui adressa seulement un clin d’œil provocateur, puis se redressa et reprit son chemin.
Les sourcils de Zhou Hui tressautèrent, puis il se retourna vivement. Comme il s’y attendait, il vit que le Vénérable Bhaddiya avait disparu du temple et que le Phénix s’était retourné vers lui.
Son visage n’exprimait rien, mais il devait forcément avoir vu tout ce qui venait de se passer.
La déesse des Monts Enneigés s’avança gracieusement jusqu’aux marches du temple et s’approcha du Phénix. Elle parut lui dire quelque chose avec un sourire et ce dernier regarda Zhou Hui avant de secouer la tête.
Le visage de la déesse ne changea pas d’expression et elle continua de le persuader avec un sourire. Après une demi-tasse de thé, le Phénix finit par acquiescer et lui répondre brièvement. Puis il s’éloigna d’elle pour sortir du temple.
Zhou Hui regarda derrière le Phénix et il se trouvait que Shakti le regardait, révélant un sourire rempli d’assurance, sexy et provocateur.
« Je ne faisais que… »
Zhou Hui s’empressa de s’expliquer, mais il fut interrompu par le Phénix :
« Il se peut que je vais devoir retourner sur le mont Meru. »
Zhou Hui entraperçut la déesse des Monts Enneigés qui se trouvait non loin et son expression se modifia légèrement.
« Pourquoi ? »
Son inquiétude était plus qu’évidente, mais le Phénix était bien trop préoccupé pour remarquer sa réaction.
« … Il y a certaines choses sur le mont Meru… fit-il doucement. Je dois les régler avant de pouvoir retourner aux Enfers. »
Beaucoup de choses se produisirent pendant cette année où le Phénix retourna sur le mont Meru.
En fait, pour quelqu’un comme lui capable de méditer pendant des centaines d’années, il n’y avait que peu de différence entre un jour et une année. Le temps était quelque chose de confus mais statique pour lui. Il perdait souvent toute notion du temps quand il méditait. Après tout, il vivait seul dans le temple alors même s’il ne se montrait pas pendant cent, voire même mille ans, personne ne remarquerait son absence.
Cependant pour Zhou Hui, les signes de forces hostiles et toutes les absurdités de cette année restèrent profondément gravées dans son esprit.
Ce fut cette année-là que se produisit l’aventure entre la déesse des Monts Enneigés et lui. Il parvint rapidement au résultat désiré : Shakti demanda à son frère d’annuler ses fiançailles avec le Roi de Clarté Phénix pour pouvoir épouser le démon de la Mer de Sang.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Avant que Trailokya n’ait eu le temps de se mettre en colère, la nouvelle se répandit dans tout le Trente-troisième Ciel et le roi de Clarté Phénix envoya impudemment son Véritable Feu depuis le sommet du glacier afin de réduire en cendres le temple de Shakti.
— Cela dépassa l’imagination de tout le monde.
Le Roi de Clarté Phénix, qui avait toujours vécu dans la zone interdite au sommet du mont Xuebao et qui ne s’était manifesté que pour vider les Enfers, cet être légendaire qui était aussi silencieux, ferme, indifférent et impitoyable que le glacier éternel et qui souvent ne disait pas un mot pendant des centaines ou des milliers d’années, cet homme s’était en fait mis en colère pour cette histoire et avait anéanti par les flammes sans dire un mot le temple qui symbolisait le statut de la déesse des Monts Enneigés au Ciel.
Après ça, le Phénix descendit de nouveau du mont Meru et quitta pour de bon le Trente-troisième Ciel.
D’après les rumeurs, quand le Roi de Clarté Phénix partit, Trailokya et sa sœur s’interposèrent sur son chemin au niveau de la mer d’argent du continent Pūrvavhideha Un des quatre continents situé à l’est du mont Meru selon la mythologie bouddhiste. (1). À ce moment, la mer était embrumée et une lueur argentée brillait de partout. Le Phénix s’arrêta sur un lotus et fit face au Troisième Roi de Clarté et à la déesse des Monts Enneigés. Trailokya lui demanda sèchement :
« Qu’est-ce que vous avez l’intention de faire ? »
Zhou Hui fit un pas vers lui, mais le Phénix leva une main pour l’arrêter.
« Ça ne te regarde pas, » répliqua-t’il.
Quand il prononça ces mots, son visage était glacial et sans expression. Zhou Hui se figea aussitôt et fit d’un ton implorant :
« Je… »
— Shakti avait les yeux fixés sur Zhou Hui et elle éprouvait une certaine fureur. Jamais de toute la vie elle n’aurait pu imaginer que cet homme splendide et froid pouvait autant changer d’attitude devant le Phénix. On aurait carrément dit une autre personne !
Trailokya sentit la menace et s’interposa aussitôt pour empêcher sa sœur d’intervenir. Refoulant sa colère avec du mal, il regarda le Phénix droit dans les yeux :
« Phénix ! Tu as brûlé le temple de Shakti sans la moindre autorisation. Je suis venu te demander des explications. Tu crois que puisque ton temple du Phénix se trouve dans la zone interdite, nous autres, les Cinq Rois de Clarté du bouddhisme tantrique, ne pourrons pas le brûler en représailles, c’est ça ?! »
Zhou Hui voulut parler de nouveau, mais le Phénix l’interrompit encore :
« C’est bien ça, ah.
– Toi — !
– Je l’ai brûlé, et alors ? »
Le Phénix parlait sans la moindre retenue, ce qui était totalement différent de son comportement taciturne en temps normal.
Trailokya se sentit humilié face à Zhou Hui, ce qui le rendit d’autant plus furieux un bon moment. Il fit d’un ton en colère :
« Tu as quitté le mont Meru sans permission et tu as détruit le temple des Monts Enneigés. Cette affaire ne va pas se régler comme ça ! Si tu persistes à défier la volonté du Ciel et du Bouddha, les choses vont mal se finir aujourd’hui !
– — Oh, et comment ça va mal se finir ? »
Trailokya réfléchit un moment avant de faire :
« Si tu ne retournes pas tout de suite au mont Meru pour implorer humblement le pardon de Bouddha pour ton crime, je peux aussi faire s’abattre la foudre du ciel. Quand la mer argentée sera complètement dévastée, ne viens pas te plaindre ensuite — »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Une légère lueur moqueuse défila dans les yeux du Phénix.
Il tendit la main et aussitôt, le ciel se couvrit de nuages noirs, des éclairs apparurent et la surface de la mer s’assombrit soudain, prenant la couleur profonde du sang. Le cri du phénix antique résonna depuis la mer jusque dans le monde entier et une immense ombre noire émergea lentement des eaux, provoquant un terrifiant grondement sourd.
« Vraiment ? » demanda le Phénix.
Des lignes noires apparurent sur sa peau pâle, comme si des chaînes magiques ondulaient sur son corps et ses yeux se mirent à briller d’une lueur turquoise. C’était à la fois splendide et terrifiant.
Zhou Hui ne l’avait encore jamais vu ainsi. Il ne put s’empêcher d’arborer une expression de stupéfaction qu’il ne put cacher.
Le Troisième Roi de Clarté recula d’un pas.
« Ton-ton apparence extrêmement maléfique… murmura-t’il, l’incrédulité palpable dans sa voix. Tu as perdu la tête, tu oses invoquer ton apparence extrêmement maléfique… !
– Je me suis montré tolérant pendant trop longtemps, alors vous pensez tous que je suis faible et que vous pouvez prendre sans retenue ce qui m’appartient… »
Le Phénix redressa la tête. Ses longs cheveux se défirent de son ruban sous l’effet du vent violent et son ample tunique voleta comme des ailes. Des éclairs s’abattirent du ciel, provoquant d’immenses vagues dans la mer à leurs pieds. D’innombrables lignes électriques bleu clair ondulèrent dans l’eau argentée comme autant de petits serpents, recouvrant aussitôt toute la mer.
« Ce que j’ai mérité, ajouta le Phénix en redressant légèrement le menton et avec une expression résolue sur le visage, c’est à moi. »
Il tendit la main pour pointer devant lui. Trailokya ramena aussitôt en arrière la déesse des Monts Enneigés —
Mais il était déjà trop tard. L’éclair suivit la direction indiquée comme un féroce dragon de lumière, déferlant telle la marée !
Le Roi de Clarté Phénix avait pris son apparence extrêmement maléfique et avait vaincu le Troisième Roi de Clarté au-dessus de la mer orientale du continent Pūrvavhideha. Le tsunami ainsi provoqué avait même ébranlé le pied du mont Meru qui se trouvait à des milliers de li.
Puis le Phénix avait quitté le Trente-troisième Ciel pour regagner de nouveau le mont Buzhou des Enfers.
Quand le Phénix retourna dans la maison sur le mont Buzhou, il avait retrouvé son calme. Sa tunique blanche était complètement trempée par l’eau de mer. Elle s’était emmêlée avec les cheveux noirs et collait sur son corps, le faisait paraître encore plus frêle, avec les os des épaules visibles.
Il s’assit sur le lit en repliant les jambes devant lui, immobile comme une statue de glace qui était splendide, mais sans vie.
Zhou Hui lui tendit des vêtements propres, mais il ne réagit pas du tout. Zhou Hui lui retira alors gentiment ses habits mouillés. Le Phénix se laissa faire et enfila les vêtements secs docilement et en silence.
C’était la tunique grise de Zhou Hui qui semblait particulièrement large sur lui. Le col était béant, dévoilant une clavicule très proéminente. Zhou Hui ressuya lentement les cheveux de l’autre homme avec un linge sec, faisant très attention à ne pas tirer sur les cheveux. Il demanda :
« Ça fait mal ? »
Le Phénix secoua la tête.
« Tu… Tu n’as rien à me dire ? »
Le Phénix garda le silence un long moment. Alors que Zhou Hui pensait qu’il ne lui parlerait plus, il l’entendit demander gentiment :
« Est-ce que tu aimes Shakti ? »
Zhou Hui posa le linge et s’agenouilla devant le Phénix. Il leva les yeux vers lui et fit d’un ton très sérieux :
« J’ai fait ça pour que tu ne puisses pas l’épouser. C’est toi que j’aime, je ne voulais pas que tu retournes pour de bon au Ciel… »
Le coin des yeux du Phénix était très long et légèrement étiré vers le haut. Ses yeux semblaient très brillants quand ils bougeaient mais quand il regardait fixement quelque chose en silence, il était souvent très concentré, comme si rien d’autre n’existait au monde hormis ce qu’il regardait en cet instant.
Il n’y avait pas d’air hautain, pas de lueur meurtrière.
Un tel regard pouvait facilement faire oublier aux gens qu’il avait déjà vidé la Mer de Sang, piétiné les Enfers et abattu d’une seule flèche le grand Roi Ashura. Les gens pouvaient facilement se noyer dans un regard si calme et concentré, comme si même leurs âmes allaient se faire aspirer.
Zhou Hui le regarda attentivement, tenant ses mains mouillées, aussi solennel que lorsqu’il l’avait demandé en mariage ce fameux jour. Il s’enquit :
« Tu… est-ce que tu m’aimes, votre majesté ? »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Est-ce que je t’aime ? songea le Phénix. Combien de temps cette chose qu’on appelle amour peut durer dans cette sombre réalité chaotique ?
Un puissant sentiment d’impuissance l’envahit soudain, comme le fatalisme qui n’avait cessé de le poursuivre comme une ombre dans son destin solitaire jour après jour, avant qu’il ne rencontre Zhou Hui.
Il ferma doucement les yeux.
Il s’était montré impulsif en dévoilant son apparence maléfique à Shakti alors que Zhou Hui était présent. Une fois calmé, il avait voulu tester l’opinion de son compagnon à ce sujet mais à présent, il estimait que ce n’était pas du tout nécessaire.
Zhou Hui observait attentivement son expression et ne put finalement s’empêcher de demander :
« Tu as encore des sentiments pour la déesse des Monts Enneigés ? Si c’est le cas, je peux aller tout de suite sur le mont Meru pour —
— … Non, fit doucement le Phénix avant de marquer une pause. Ce n’est pas la peine. »
De toute façon… Tu ne seras pas à moi pour toujours, songea-t’il.
Le Phénix abandonna finalement le long processus de cultiver son esprit. Une fois de retour sur le mont Buzhou, il commença à utiliser la méthode de sceller ses six sens pour résister au contrôle mental provenant du ciel incolore.
Ce fut une période dont Zhou Hui ne supportait pas de se souvenir pendant très longtemps.
Ce n’était pas que le Phénix était comme un cadavre, n’ayant plus aucune communication avec lui. En fait, c’était le plus souvent au lit qu’il scellait ses six sens. Bien que son esprit était toujours là, il était en transe, comme une poupée soumise que Zhou Hui pouvait manipuler à sa guise.
Il ne dit rien à ce sujet, mais ça le mettait vraiment très mal à l’aise.
Il ne savait pas pourquoi le Phénix avait accepté de l’épouser, pourquoi il avait quitté le temple au sommet de la montagne pour le suivre dans les quatre Dao du Mal, endurant la vie chaotique, ardente et sombre dans la Mer de Sang des Enfers pour lui. Tout comme actuellement, il ne comprenait pas pourquoi le Phénix préférait sceller ses sens et endurer sans un mot et docilement sa proximité pourtant clairement malvenue.
La seule chose qui le consolait, c’était que le Phénix appréciait toujours son étreinte et était encore plus avide qu’avant de leurs rapports intimes.
Parfois, quand il le regardait dormir avec les yeux fermés, Zhou Hui osait même parfois s’imaginer que le Phénix voulait vraiment rester à ses côtés. C’était comme s’il chérissait même la moindre douleur qu’il lui apportait.
Contre toute attente, l’apparence extrêmement maléfique du Phénix dans la mer orientale du continent Pūrvavhideha ne provoqua pas la foudre et le châtiment céleste. Cela ne fit même pas frémir l’eau.
Après que Trailokya soit retourné sur le mont Meru avec sa sœur, c’était comme si cet incident avait été subitement étouffé. Personne n’en parla.
Cependant, Zhou Hui n’était pas naïf au point de croire que cette histoire était terminée — Il était même prêt à voyager à travers le monde avec le Phénix dorénavant. Mais quand il se renseigna prudemment sur ce que pensait son compagnon, il eut l’impression que le Phénix ne se souciait pas vraiment du genre de châtiment divin qu’il risquait d’encourir.
Il n’en avait vraiment rien à faire.
Pendant très longtemps par la suite, Zhou Hui avait l’impression que le Phénix ne prêtait que très peu d’attention à ce qui l’entourait, comme s’il n’avait aucun intérêt particulier et était uniquement plongé dans son petit monde secret et calme. Zhou Hui en fut confus, puis fâché. Il tenta d’extirper le Phénix de son monde intérieur par des moyens très intenses, voire même violents, mais la situation ne fit que s’améliorer un peu, sans résoudre fondamentalement le problème.
— Quand il essayait de se rappeler quand ça avait commencé, c’était cette situation qui lui revenait en mémoire.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Après cette brève explosion, les émotions du Phénix étaient rapidement redevenues des cendres froides. On aurait dit que cette éruption avait consumé toute son ardeur et que le peu qui en restait — s’il en restait — était soigneusement caché au plus profond de son cœur, là où personne ne pouvait la voir.
« Que le châtiment arrive. »
Face aux interrogations incessantes de Zhou Hui, le Phénix avait juste baissé les yeux et fait :
« Au pire, même si j’en meurs, je peux toujours atteindre le Nirvana, alors… ça n’a pas d’importance. »
Cependant, Zhou Hui ne pouvait pas envisager cette situation avec autant de désinvolture.
Après le Nirvana, le Phénix redeviendrait un œuf de jade, naîtrait et grandirait de nouveau. Par contre, toute sa vie précédente deviendrait cendres et il risquait de ne pas reconnaître Zhou Hui.
Alors il protégea le Phénix de près. Que l’autre soit en transe ou lucide, Zhou Hui le gardait à ses côtés et partait aussitôt à sa recherche dès qu’il le perdait de vue, comme s’il craignait que le Phénix allait disparaître un jour et ne plus jamais revenir.
Le Phénix ne s’opposa pas à ça. Il restait souvent assis sous le porche près de la porte, la tête penchée, observant Zhou Hui s’affairer. Ses yeux suivaient tranquillement l’autre et souvent, il passait la journée à le regarder.
Zhou Hui s’inquiétait que le Phénix se lasse de cette vie. Après tout, le ciel des Enfers était toujours sombre et l’air âcre. Le mont Buzhou était proche de la Mer de Sang, alors il y avait souvent des bêtes démoniaques hideuses et grotesques qui grimpaient dans la montagne, des morceaux de chair ensanglantée dans la gueule. Toutefois, le Phénix était indifférent à tout ça. Il était uniquement attentif quand il regardait Zhou Hui, comme s’il était vraiment très intéressé par tout ce que l’autre faisait.
Une fois, Zhou Hui avait abattu un chevreuil et était en train de le faire rôtir. Le Phénix était assis à côté de lui, son menton sur une main. Au bout d’un moment, il demanda tout à coup :
« Pourquoi tu ne manges pas ta viande crue ? »
Zhou Hui était au fond une bête démoniaque et elles se nourrissaient toutes exclusivement de viande crue. Mais si on mangeait de trop, une forte odeur de sang finissait par exsuder de son corps en permanence un peu comme de la rouille, ce qui était très désagréable. À partir du moment où le Phénix était venu vivre sur le mont Buzhou, Zhou Hui avait appris à faire du feu et à manger de la viande cuite comme un humain.
« J’ai toujours cuit ma viande, mentit-il. Manger de la viande crue, il n’y a que les bêtes démoniaques de plus bas niveau qui font ça ! »
Le Phénix émit un léger oh et hocha la tête.
Il regarda la viande crue qui tournait sur la broche au-dessus du feu, semblant un peu intrigué. Zhou Hui se rappela que l’autre homme n’avait rien bu ou mangé depuis son arrivée sur le mont Buzhou. Il s’inquiéta subitement un peu et demanda :
« Tu veux goûter ? »
Le Phénix prit un air hésitant.
« La viande de chevreuil est vraiment très tendre, ça va aller. Goûte un peu. Si tu n’arrives pas à l’avaler, tu n’auras qu’à la recracher. »
Zhou Hui choisit la partie la plus tendre du ventre du chevreuil, un mélange de gras et de viande maigre, coupa un petit morceau avec un couteau et le lui tendit. Le Phénix ne le prit pas avec sa main mais renifla la viande, comme s’il n’arrivait pas à s’y faire. Après un long moment d’hésitation, il tenta de prendre le morceau de viande en bouche avec ses dents.
L’instant d’après, il recracha la viande, recouvrit vivement sa bouche et enfouit sa tête entre ses genoux.
Zhou Hui se précipita à ses côtés, grimaçant, puis il alla lui chercher de l’eau pour qu’il se rince la bouche. Cependant, le Phénix secoua la tête pour refuser, le visage rouge. Il fallut un long moment pour le goût disparaisse de sa bouche. Il contempla ensuite le morceau de viande par terre et fit d’un ton attristé :
« Désolé, je n’y arrive pas… »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Le cœur de Zhou Hui se serra subitement, mais il ne dit rien. Il se pencha en avant pour déposer un baiser sur les cheveux du Phénix.
Il est temps de quitter les Enfers, songea-t’il.
Cependant, cela faisait longtemps qu’il vivait là et en partir n’allait pas pouvoir s’accomplir en quelques jours. Le plus compliqué, c’était que l’environnement du royaume des Fantômes ou des Bêtes Démoniaques était encore pire que les Enfers. Le monde des humains connaissait le chaos et ses habitants vivaient dans la misère. Le royaume des Ashuras n’accepterait jamais une bête démoniaque qui avait cultivé pour obtenir un corps humain, ce qui était une première dans l’histoire. Pour le moment, il n’y avait qu’un seul endroit où aller.
— Le royaume du Ciel.
Il existait beaucoup de fissures spatio-temporelles à la frontière entre le royaume du Ciel et les quatre Dao du Mal. Par exemple, le niveau le plus bas du Trente-troisième Ciel, le Ciel Azur, était désert en dehors du Palais Céleste, ce qui en faisait un bon endroit pour se cacher.
Zhou Hui prit alors la décision d’aller vivre au nord du Ciel Azur et le Phénix accepta sans la moindre hésitation.
En repensant plus tard à ce déménagement, ce serait le premier pas pour le compromis entre Zhou Hui et le Dao du Ciel, alors ça n’avait pas été une mauvaise idée. Par contre, Zhou Hui l’avait rapidement regretté sur le coup car à l’époque, ça avait failli provoquer la mort du Phénix.
— En effet, Shakti, la déesse des Monts Enneigés, n’avait pas tarder à les suivre.
Notes du chapitre :
(1) Un des quatre continents situé à l’est du mont Meru selon la mythologie bouddhiste.
Commentaires :