Chapitre 88 — Héros : Tu me crois ?
Après la rébellion du Second Ciel, le gouverneur ne voulut pas rester plus longtemps et donna aussitôt l'ordre d'aller au Troisième Ciel. Quand ils étaient arrivés, il n'y avait eu que des ténèbres et quand ils repartirent, il y eut en plus le silence. En voyant le ciel lumineux du Troisième Ciel, Du Ze poussa inconsciemment un soupir de soulagement et les ténèbres dans son cœur se dissipèrent un peu. Bien que le Troisième Ciel ne soit pas très lumineux, au moins il n'était pas dans un état aussi catastrophique que le Second Ciel.
Il faisait déjà nuit lorsque le convoi arriva à la capitale du Troisième Ciel. À cause des événements d'aujourd'hui, personne n'était d'humeur à discuter. Après avoir été accueillis devant le palais par l'Archonte local, ils allèrent se reposer chacun de leur côté. Avant de se coucher, Du Ze essayait encore de comprendre les paroles de Xiu à la fin de la rébellion. Bien que lui-même n'avait rien trouvé, le seigneur Meng semblait avoir trouvé le moyen de passer le niveau. Xiu ne s'était pas expliqué et Du Ze n'avait pas posé de question. Le lecteur adorable et stupide avait toujours eu confiance en le QI de son héros, alors si le seigneur Meng avait dit qu'ils allaient bientôt pouvoir sortir de là, c'était qu'ils allaient assurément sortir de cette simulation dans moins de cinq jours.
Le lendemain, le gouverneur prit place sur le trône sans rien dire. Tout le monde pouvait percevoir sa fureur virulente. L'Archonte du Troisième Ciel s'agenouilla et ne dit rien. Non seulement il n'avait aucun cadeau à offrir aux supérieurs mais il avait également échoué à rassembler la quantité de lumière qu'il devait transmettre.
« Vous deux — »
Contre toute attente, le gouverneur ne démit pas l'Archonte de ses fonctions mais s'adressa subitement à Xiu et Éric.
« Aujourd'hui, vous irez récolter la lumière qui manque. »
Lorsque Xiu et Éric regardèrent dans sa direction, il grommela et fit :
« C'est votre travail à la base.
– Non !
– Bien. »
Les deux réponses radicalement différentes résonnèrent dans la grande salle. Éric lança un regard perplexe et étonné à Xiu qui avait accepté. Xiu ignora le regard furieux du jeune homme et demanda au gouverneur d'un ton impérieux qui était presque un ordre :
« Donnez-moi la permission d'extraire complètement les éléments de lumière.
– Entendu. »
Le gouverneur accepta très vite puis sentit qu'il avait été trop prompt. Il toussota et ajouta :
« Tous les éléments de lumière que tu percevras devront m'être remis. »
Xiu sourit et ses yeux écarlates parurent émettre du sang.
« Bien entendu. »
Après avoir obtenu la permission, Xiu prit Du Ze pour partir mais Éric s'interposa. L'Enfant Sacré avait une expression des plus glaciales. Il se tint devant Xiu et demanda :
« Que comptes-tu faire ? »
Xiu lâcha un ricanement et son ombre se mit à se tordre et s'élargir jusqu'à devenir géante. Le dragon argenté plaça Du Ze sur son dos et ouvrit ses larges ailes avant de baisser les yeux sur Éric à ses pieds. Dans son ombre, l'Enfant Sacré avait l'air minuscule et même pitoyable.
« Ce que je comptes faire, tu ne le sais pas déjà ?
– ! »
Éric leva le bras pour se protéger du vent violent. Quand il l'abaissa, le dragon argenté s'était déjà envolé dieu sait où avec le jeune homme aux cheveux noirs.
Les habitants d'un village furent expulsés. Ils se rassemblèrent à l'extérieur et contemplèrent avec horreur et crainte les soldats verser de la poudre autour de leurs demeures. Les trois mages entonnèrent les incantations et la lumière remplit à coffre à vue d'œil. Au même moment, un nuage de ténèbres se répandit sur le village comme de l'encre noire, transformant cet endroit en zone morte où plus aucune créature ne pouvait survivre.
Du Ze observa tout cela en silence. C'était le cinquième village dont ils avaient totalement extrait la lumière. Ils avaient déjà depuis longtemps récolté la quantité exigée par le gouverneur, pourtant Xiu n'était pas revenu au palais mais avait continué à faire avancer les hommes de l'Archonte. En voyant de plus en plus d'éléments de lumière entre leurs mains, Du Ze fut confus : peu importe la quantité qu'ils collectaient, de toute façon tous ces éléments de lumières devaient être donnés au gouverneur, cela n'améliorerait donc absolument pas leurs qualifications.
Qu'est-ce que le seigneur Meng comptait faire au juste ?
Les mages cessèrent leur incantations et les soldats soulevèrent le coffre rempli de lumière avant de se mettre en route vers leur prochaine destination. Les villageois laissés pour compte regardèrent avec hébétude leur foyer désormais enveloppé dans les ténèbres. Dépossédés de tout, ils semblaient avoir perdu l'envie de vivre et d'avoir un avenir. Après avoir erré sur place un moment, la plupart d'entre eux se mirent à suivre les mages et les soldats. Ces gens n'étaient pas les premiers. Ils rejoignirent rapidement les groupes de ceux qui avaient également perdu leur foyer plus tôt. La foule grandit peu à peu et les sentiments étouffés se déchaînèrent peu à peu dans le silence.
Quand on était opprimé à l'extrême, il ne restait plus que la résistance.
Du Ze vit bientôt de nouveau l'aile coupée en deux qui était le symbole de la déchéance. Quand le septième village fut détruit, les habitants qui avaient perdu leurs demeures n'en purent plus et levèrent leur main gauche l'un après l'autre. Le dos des mains fut gravé du symbole de l'aile coupée et les gens devinrent déchus. Ils ramassèrent des houes ou des bâtons et encerclèrent le régiment de soldats et de mages. Du Ze se tenait à côté de Xiu. Il tourna légèrement la tête sur le côté et vit le jeune homme aux cheveux argentés et aux yeux rouges sourire largement comme s'il avait enfin récolté les fruits corrompus qu'il cultivait depuis longtemps.
Xiu entonna un sort dans le langage magique de dragon. Un immense cercle magique gris apparut dans le ciel sombre, recouvrant toutes les têtes. Voyant que la situation se présentait mal, les déchus tentèrent de percer les défenses des soldats et mages afin d'attaquer Xiu. Le cercle magique se mit à tourner lentement et de la lumière jaillit du centre pour se répandre vers la périphérie. Avant que le premier déchu qui avait pris d'assaut la ligne de défense n'ait eu le temps de se réjouir, il se fit frapper par un rayon gris et son corps fut aussitôt annihilé.
Une sorte de pluie grise tomba du ciel et d'innombrables rayons de lumière gris surgirent du cercle magique, illuminant les visages furieux et horrifiés des déchus. Chaque rayon de lumière pouvait immédiatement ôter la vie à un déchu. Face à un pouvoir si absolu, ces déchus qui étaient autrefois des villageois n'avaient aucune chance de résister. Ils perdirent encore plus rapidement que les morts-vivants du Second Ciel. Leurs yeux se remplirent de larmes. Ils avaient été opprimés depuis si longtemps qu'ils avaient été prêts à devenir déchus et à mourir, cependant ils n'avaient même pas ébranlé leurs supérieurs.
« Arrête ça ! »
Un rugissement retentit par-delà le champ de bataille. Xiu leva les yeux et vit Éric qui les avait finalement rejoints. Le jeune homme sauta de son cheval qui était à bout de souffle. Son torse s'agitait violemment à cause de la colère ou de l'essoufflement. Les soldats s'écartèrent aussitôt pour laisser passer le second inspecteur afin que Xiu et Éric puissent se faire face.
Éric prit une profonde inspiration et refoula temporairement la colère dans son cœur.
« Donne-moi une bonne raison pour laquelle tu fais ça. »
Le cercle magique tournait toujours lentement dans les airs. Sous la lumière grise, le visage de Xiu était indéchiffrable. Il ne répondit pas ou plutôt il ignora complètement Éric. Quand le dernier déchu hurla et se fit absorber par la lumière grise, les yeux d'Éric étaient remplis d'une furie sans limite. Sa voix passa de faible à forte, rugissant presque :
« Pourquoi tu les tues ?!
– As-tu oublié que toi aussi, tu es un candidat de la Tour Divine ? »
Comparé à l'agitation d'Éric, la voix de Xiu était d'un calme presque cruel. Le dragon aux cheveux argentés et aux yeux rouges désigna avec nonchalance un endroit inconnu dans le vide. Son sourire paraissait extrêmement bizarre et indéchiffrable sous la lumière grise.
« Les règles dictées par la Tour Divine... tu ne les comprends toujours pas. »
Le script prévu par la Tour Divine pour les candidats était très simple : chaque niveau était bâti selon les caractéristiques et les talents de chaque race. Les démons devaient être cruels, les morts-vivants devaient être maléfiques, les humains devaient être égoïstes, les dragons devaient être cupides, les elfes devaient être indifférents, les Hommes Bêtes devaient être violents et les gnomes devaient être zélés et quant à la dernière race, celle des anges, ils abandonnèrent leur humilité donc ils devinrent arrogants.
Une lueur de perplexité apparut dans les yeux d'Éric mais sa vive indignation l'emporta vite sur la confusion.
« Alors tu ignores tout bonnement la vie des autres ? Tout ça pour arriver au sommet de la Tour Divine ?!
– C'est comme l'a dit son Excellence le gouverneur, ah, ricana Xiu. S'ils meurent, qu'est-ce que cela peut me faire ? »
Ces deux personnes qui ripostaient du tac au tac rendirent Du Ze aussi hébété que s'il était en train de lire "Sang Mêlé" : le héros qui volait l'État et blessait constamment les gens et le rival qui sauvait constamment les autres. Ils se tenaient chacun d'un côté des ténèbres et de la lumière, représentant clairement le mal et le bien.
Éric lança un regard lourd à Xiu et sembla estimer qu'il avait fait une grosse erreur — il tentait de raisonner avec l'hérésie. L'Enfant Sacré détourna donc les yeux et la silhouette de Du Ze se refléta dans les yeux vert foncé.
« Messager de Dieu, est-ce aussi ce que vous pensez... ? »
Dès qu'Éric impliqua Du Ze, Xiu perdit son sourire comme si on venait de toucher son écaille inverse et il prit un air agressif. Éric n'eut absolument pas peur du regard dangereux de Xiu et regarda résolument Du Ze, comme s'il voulait que le jeune homme aux cheveux noirs fasse un choix :
« Vous pensez qu'il a raison ? »
Du Ze ne put s'empêcher de se tourner vers Xiu et se rendit compte que ce dernier avait aussi les yeux fixés sur lui. L'autre homme n'expliqua rien et fit seulement :
« Tu me crois ? »
Deux personnes, deux choix. N'importe qui avec un mode de pensée normal dirait que c'était la position d'Éric qui était juste. De plus Du Ze n'avait jamais approuvé l'approche cruelle et inhumaine de Xiu dans "Sang Mêlé". Les yeux de Du Ze firent des allers-retours entre Xiu et Éric. En fait, il pouvait faire le choix le plus correct sans même avoir à y réfléchir.
« Je te crois. »
Du Ze parlait toujours très lentement de manière à prononcer clairement chaque mot, alors il sembla particulièrement sérieux et solennel en cet instant, comme s'il prononçait un serment pour la vie. Il regarda ensuite Éric, qui était stupéfait, et répéta à nouveau comme pour répondre à l'Enfant Sacré :
« Je crois en Xiu. »
— Le Éric en face de lui était toujours le Éric de "Sang Mêlé" mais le Xiu à ses côtés n'était plus le Xiu de "Sang Mêlé". C'était suffisant.
Les yeux d'Éric se remplirent de déception et d'incompréhension. Xiu étouffa un léger soupir puis il souleva soudain Du Ze en le serrant contre lui, comme s'il tentait d'absorber celui qu'il aimait plus que tout dans sa chair et son sang.
« Allons-y. »
Du Ze se hâta de ressaisir le dōjinshi qui avait failli glisser de sa main et rata sa meilleure occasion de refuser. Porté par Xiu qui le serrait fort, un certain adorable idiot tenait son dōjinshi d'un air figé et ne savait pas où regarder. Sa ligne de vue s'égara vers l'arrière et Du Ze découvrit qu'Éric, qui avait été laissé en arrière, n'était pas resté sur place mais les suivait en silence.
Dans le nouveau bourg, les habitants eurent beau tous s'agenouiller et supplier, ils se firent expulser par les soldats et virent leurs maisons se faire engouffrer par les ténèbres. Du Ze commença à comprendre alors les intentions de Xiu : cet homme obligeait tout le monde à devenir déchu et à se révolter contre les anges — il voulait détruire tous les anges, y compris le gouverneur. Si le gouverneur qui était le plus qualifié mourait, Xiu serait le meilleur candidat pour devenir le nouveau gouverneur.
La fin était prévisible et le processus fut effectivement sanglant. Les pleurs des habitants résonnèrent dans les ténèbres. Du Ze ne put s'empêcher de regarder Éric. L'Enfant Sacré blond se tenait en bordure de la ville. Il saignait du poing à force de le serrer : quand les gens s'étaient agenouillés pour supplier, quand les soldats les avaient expulsé et quand les mages avaient entonné le sort, Éric semblait savoir qu'il ne pouvait pas empêcher tout cela alors il avait gardé le silence.
Mais Éric allait-il renoncer comme ça ? —
Une lumière apparut entre le ciel nuageux et la terre. Les habitants qui étaient à genoux levèrent la tête avec stupéfaction. Une plume de lumière tomba doucement sur la petite ville couverte par les ténèbres. Elle n'était pas aveuglante mais luisait d'une lumière douce et brillante qui trancha incontestablement les ténèbres et fondit en elles. Xiu tourna brusquement la tête et les pupilles rouge sang fixèrent Éric, le responsable de tout cela. Tandis que la plume fondait, la lumière revint dans la ville. Tous les habitants furent agréablement surpris. Ils se prosternèrent de nouveau, cette fois de gratitude.
« Merci, merci infiniment ! »
Les gens levèrent des yeux remplis de révérence vers l'Enfant Sacré, leurs visages rougis par l'excitation.
« Vous êtes vraiment l'incarnation du dieu de la Lumière ! »
Les lèvres d'Éric qui étaient pincées jusque là se détendirent enfin pour révéler un sourire brillant.
« Je n'ai fait que ce qui était juste. »
Du Ze eut seulement l'impression que son cœur se faisait tordre par des tenailles et qu'il était endolori par la douleur. Le Éric en face de lui était nimbé de lumière, ses cheveux blonds en devenaient particulièrement radieux, beaux et lumineux — tout comme celui qu'était cet homme autrefois. Même s'il savait que les agissements d'Éric allaient entraver le plan de Xiu, Du Ze ne voulait pas du tout nier le Éric actuel. Ce serait comme nier l'ancien Xiu qui était prêt à se blesser pour les autres.
Cependant celui qui niait le Éric actuel et aussi le Xiu d'autrefois n'était autre que le Xiu actuel.
« Tu crois vraiment que tu peux les sauver comme ça ? Qu'ils te seront vraiment reconnaissants ? »
Xiu fixa Éric dans la lumière et le sourire sur son visage était un peu plus froid que lorsqu'il ne souriait pas.
« J'ai toujours pensé que tu étais seulement naïf, mais je n'aurais jamais cru qu'en plus tu étais stupide. »
Les paroles de Xiu furent tel un vent glacial qui s'engouffra dans les vêtements de Du Ze et le glaça jusqu'aux os. Chaque mot prononcé n'était pas pour se moquer d'Éric mais plutôt pour se moquer de son ancien lui.
— Xiu, pourquoi tu es si gentil avec tout le monde ?
– J'ai simplement fait ce qui était juste.
– Tu crois vraiment que si tu les sauves, ils t'en seront vraiment reconnaissants ?
Xiu disait cela à Éric et à son ancien lui, qui était très stupide.
Éric et Xiu se regardèrent. Avec Éric qui se tenait dans la lumière, on aurait dit que les ombres autour de Xiu étaient particulièrement sombres.
« Tu es vraiment pathétique, fit Éric. À tes yeux, tout le monde est hideux. Tu ne fais confiance à personne, tu ne te soucies que de toi-même, c'est vraiment pitoyable. »
Les émotions dans la poitrine de Du Ze allaient bientôt exploser. Du Ze aurait voulut dire à Éric à quel point l'homme qu'il accusait avait autrefois purement cru en la bonté, que même s'il s'était fait trahir par ceux qu'il avait sauvés, il choisissait encore d'y croire, voilà pourquoi il avait encore plus souffert ; ce genre de souffrance n'avait cessé de s'accumuler jusqu'au moment où il fut aux portes de la mort et qu'il n'eut plus la possibilité de croire en les autres.
Du Ze fut interrompu par le rire de Xiu avant de pouvoir dire tout ça. Le rire de l'autre homme était très joyeux et son visage avait un air insolent et sans scrupule.
« Éric, fit Xiu en usant de son prénom pour la première fois. Tu découvriras bientôt qui est vraiment pitoyable ici.
« Il y a un autre point sur lequel tu te trompes. »
Xiu ne se défendit pas personnellement mais rectifia seulement un point :
« Il y a quelqu'un qui croit en moi même si je ne me soucie pas de moi-même. »
Xiu serra Du Ze dans ses bras, embrassa ses cheveux noirs et ses yeux se remplirent d'un profond attachement.
« Je ne veux ça que pour cette personne, rien de plus. »
Éric détourna les yeux involontairement mais sentit aussitôt que c'était une attitude de fuite qui était presque un aveu de défaite.
Les soldats de l'Archonte regardèrent les deux inspecteurs qui semblaient avoir fini de parler alors l'un des mages vint demander à Xiu la suite des événements.
« Votre Excellence, allons-nous rentrer ou continuer ? »
Puisque le sort pour extraire les éléments de lumière ne pouvait pas être utilisé deux fois sur le même zone en si peu de temps, Xiu jeta un regard à la ville sauvée par Éric puis ordonna de se rendre au prochain endroit. Sans surprise, Éric continua à les suivre et utiliser ses plumes de lumière pour éliminer les ténèbres après chaque collecte complète. Du Ze sentit manifestement que l'humeur de Xiu s'assombrissait au fur et à mesure. Comme ils étaient dans le même camp, Éric ne pouvait pas arrêter Xiu et de même Xiu ne pouvait pas empêcher les agissements d'Éric. Non seulement les agissements d'Éric ennuyaient suprêmement Xiu mais ils entravaient son plan. En raison du comportement de rédemption d'Éric, non seulement les gens ne ressentaient pas de haine envers les anges mais en plus ils étaient remplis de gratitude envers eux — surtout Éric.
Fschhh —
Les soldats en tête s'agitèrent soudain et la brigade toute entière s'immobilisa. Du Ze sentit l'odeur de rouille du sang. Il vit deux soldats s'approcher en transportant un mage. Une flèche avait transpercé la gorge du mage qui était visiblement mort suite à une attaque.
« Votre Excellence, nous ne pouvons plus avancer, firent les deux mages survivants qui s'appuyaient l'un sur l'autre, le visage pâle. Il y a un repaire de bandits féroces devant nous ! »
Xiu était de mauvaise humeur en ce moment. Il regarda la ville construite à flanc de montagne un peu plus loin. Il y avait non seulement des postes de contrôle mais aussi des patrouilleurs sur les murailles. À première vue, la cité était tout sauf amicale.
« Inutile d'expulser les habitants, procédez simplement à l'extraction totale.
– Mais... »
Le mage éprouva soudain des difficultés à parler et après avoir répété "mais" un long moment, il trouva enfin une raison et fit aussitôt :
« Mais il vont résister... »
Un immense cercle magique gris se déplia dans le ciel et Xiu fixa le mage.
« Il y a un problème ? »
Observé par ces yeux sanglants, le mage courut exécuter les ordres de Xiu en manquant de se pisser dessus de frayeur. Les soldats restèrent hors de portée des archers et répandirent la poudre à la périphérie de la ville. La sentinelle d'un poste de contrôle fut pétrifiée en voyant l'immense cercle magique qui était apparu dans le ciel. Quand il vit les soldats ennemis commencer à encercler leur ville avec de la poudre, il sonna immédiatement l'alerte. Du Ze vit les portes de la ville s'ouvrir rapidement et un groupe de bandits armés surgit de l'intérieur. Cependant avant même d'avoir fait quelques pas, ils se firent toucher par la lumière grise du cercle magique et disparurent sans laisser de trace.
Apparemment la mort de ce groupe fut si rapide que les ennemis ne surent comment réagir. Un autre groupe de bandits se rua hors de la cité et se fit à nouveau éliminer par la lumière grise. Ensuite, que ce soit des gens ordinaires ou des combattants, du moment qu'ils couraient hors de la cité, ils se firent tous cibler par le cercle magique dans le ciel et désintégrer par la lumière grise. Bientôt plus personne n'osa quitter la ville et même les portes furent refermées après de nombreux sacrifices.
Une fois la poudre répandue, les mages entonnèrent le sort. Comme l'un d'eux était mort, les deux mages restants eurent un peu de mal à lancer ce sort. Tandis que la lumière était collectée, les ténèbres se répandirent lentement dans la ville comme de l'eau. On entendit plusieurs cris d'horreur dans la ville alors que les ténèbres coulaient dans les maisons. Cependant personne n'ouvrit les portes de la ville pour s'enfuir. Ces bandits semblaient préférer mourir chez eux plutôt que d'exposer leur cadavre en pleine nature. L'agitation en ville s'accrût. Du Ze pouvait imaginer les gens paniquer à l'intérieur : avec le flot de ténèbres, les gens avaient de moins en moins de place dans la ville pour se mettre à l'abri et il y avait de plus en plus de monde. Ils ne pouvaient donc que regarder les ténèbres les encercler jusqu'à les engloutir.
À ce moment, Xiu fit soudain :
« Pourquoi tu ne les sauves pas, eux ? »
Éric parut surpris que Xiu lui parle soudainement et il ne réagit pas tout de suite. Xiu désigna la ville où on pouvait entendre les cris et suggéra d'un ton apparemment sérieux :
« Pourquoi tu ne les sauves pas ? Comme tu as fait avant ? »
Suite aux paroles de Xiu, tous les regards se posèrent sur Éric. Du Ze examina les plumes de lumière d'Éric. En comptant la ville précédente, ils avaient déjà visités trois villes donc il ne restait plus à Éric que trois plumes et demi. Si Éric le voulait, il aurait pu prendre une plume pour disperser les ténèbres de cette ville et sauver les bandits.
Voyant qu'Éric ne faisait pas mine de bouger, Xiu ne fut pas du tout surpris et éclata de rire.
« Tu ne veux pas les sauver parce que c'est un groupe de bandits. »
Ce devait être normalement une question rhétorique mais Xiu l'avait dit sur le ton d'une affirmation. L'attitude de Xiu ne plut pas à Éric mais il ne nia pas pour autant ses paroles :
« Ils ont choisi d'être des pécheurs alors ils doivent être punis en conséquence.
– Tu as dû grandir dans le temple de la Lumière, fit Xiu avec un sourire narquois. Ces gens ont dû t'inculquer ça : il n'y a que le bien absolu et le mal absolu en ce monde. Les gens du peuple représentent le bien et le temple représente le bien, alors ils sont tous bons et méritent d'être protégés ; les bandits représentent le mal et les hérésies représentent le mal, alors ils sont tous mauvais et méritent d'être punis. »
Éric voulut réfuter mais perdit ses mots au moment où il ouvrit la bouche. Bien que la description de Xiu soit extrême, il ne pouvait rien y trouver de contestable. Éric, qui avait été choisi depuis tout petit pour être un Enfant Sacré, avait effectivement toujours vécu dans le temple de la Lumière. Il avait été inspiré par les écritures sacrées et son guide était le pape qui était de bonne moralité et réputation. Il avait grandi dans le temple et pensait que les bandits féroces qui s'en prenaient au peuple, troublaient les affaires du gouvernement et volaient dans les maisons devaient être punis. Où était le mal dans tout ça ?
« Viens voir. »
Xiu héla soudain un soldat et désigna la ville qui devenait peu à peu silencieuse. Il demanda :
« Depuis combien de temps ces gens se sont accaparés les lieux ?
– Votre Excellence, après le dernier passage du gouverneur, ils se sont emparés de la cité. L'Archonte a envoyé des troupes à plusieurs reprises mais ils furent incapables de les déloger de là.
– Pourquoi ? Ils ne sont pas si forts que ça.
– Les civils autour les protègent, fit le soldat avant de marquer une pause. Et en plus à cause de la rébellion. »
Éric contempla le soldat d'un air ahuri, comme s'il ne pouvait pas comprendre ce que disait l'autre. Xiu avait l'air calme et demanda au soldat de poursuivre.
« Ces infâmes bandits s'attaquent souvent à nous, nous empêchent d'extraire la lumière des environs et ils vont même jusqu'à voler la lumière collectée afin de la redistribuer aux villages environnants. Beaucoup de gens les ont rejoints, y compris le fils de l'Archonte. Voilà pourquoi notre seigneur n'a pas eu le cœur de les éliminer et n'a pas osé rapporter la situation à son Excellence.
– S'en prendre au peuple, troubler les affaires du gouvernement, voler dans les maisons... »
La voix de Xiu n'était ni forte ni basse mais chaque mot transperça le cœur d'Éric.
« Tu as raison, ce sont effectivement d'infâmes bandits qui méritent d'être punis. »
Éric écarquilla les yeux et les croyances qu'il nourrissait depuis longtemps furent en cet instant tel un rocher solide qui se fissurait soudain. Bien que ce ne soit pas une grande fissure, elle se répandit sur tout le rocher telle une toile d'araignée. Il vit sa propre ombre dans les yeux de Xiu et elle était écarlate de sang de la tête aux pieds.
« Il n'y a aucune différence entre toi et les anges, fit cet homme. Quelle arrogance de classer ainsi les gens de manière aussi tranchée. »
La parole à l'auteur :
Héros : Tu me crois ?
Lecteur (répond dans la seconde) : Non, je ne te crois pas.
Auteur : Pourquoi ?
Lecteur : Il a dit qu'il me laisserait être dessus ce soir. Qui irait croire ça, ah ?!
Héros (souriant) : Je vais t'y faire croire.
Lecteur : (?Д?≡?д?) !?
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