Le Prince Solitaire Alternative 5.2 partie 4

Partie 4


Kurojū, huitième mois de l'année 2454


Une fois de retour à Kurojū, la grande urgence fut de soigner le bras de Haruni. Tomuki avait déjà informé leur père de la gravité de son état, alors le Second Prince n'eut aucune chance d'y réchapper. Les médecins défilèrent, examinèrent son bras sous toutes les coutures, mais parvinrent au même constat : à la moindre infection, il faudrait amputer. La nouvelle plongea Tegami dans la consternation.

« Il est hors de question que mon fils perde son bras ! Ce n'est encore qu'un enfant ! »

Haruni, pour sa part, semblait résigné.

« Ce n'est que le bras gauche. Heureusement que je suis droitier. »

Il était bien le seul à prendre ça à la légère.


L'appel fut donc lancé dans toutes les provinces. L'Empereur promettait une récompense phénoménale à celui qui pourrait guérir son fils cadet sans avoir à lui couper le bras. Cela donna lieu à un nouveau défilé de personnages en tout genre. Naturellement, quelques escrocs se mêlèrent au lot. Les Dieux surveillèrent cela attentivement et empêchèrent ces gens malhonnêtes d'aggraver l'état de Leur descendant. Dès que l'un d'eux s'approchait pour proposer une méthode farfelue — envelopper le bras dans de l'or fondu, boire des infusions de roche, se nourrir uniquement de lézards puisqu'ils pouvaient régénérer leur queue, etc. — les Dieux S'agitaient et indiquaient à Haruni de faire chasser ce charlatan.


Un mois plus tard, toujours sans traitement valable et avec une infection qui avait commencé à se déclarer, Haruni eut la surprise de voir Kuji se présenter devant lui. Le moine était retourné à Myūjin deux ans après que Haruni ait repris sa place au palais, étant donné que ce dernier n'avait plus besoin de lui et que Kuji souhaitait retourner à la vie monastique.

« Votre Altesse, fit le moine en se prosternant, votre humble serviteur a peut-être une solution pour soigner votre bras. »

Haruni l'écouta mais quand ce dernier exposa son idée de vers, il attendit que les Dieux Se manifestent pour signaler une escroquerie, bien que cela le décevait profondément de la part du moine qui s'était occupé de lui depuis sa naissance. Cependant à sa grande surprise, les Dieux restèrent muets.

« Un problème ? s'enquit mentalement l'adolescent. C'est tellement absurde que Vous en restez sans voix ?

– … Ce n'est pas une arnaque, c'est sérieux, » finirent-Ils par répondre.

Haruni fronça les sourcils. En général, les Dieux refusaient de lui dévoiler l'avenir directement mais là, Ils l'avaient fait indirectement : en ne protestant pas devant ce traitement des plus particuliers, cela voulait dire que c'était la clé de sa guérison.


Kuji fut extatique quand le Second Prince accepta. Il fallut ensuite convaincre l'Empereur, ce qui fut nettement plus compliqué. Haruni finit par utiliser l'argument des Dieux pour obtenir son accord. Puis il y eut le côté pratique à régler : dans un premier temps, Kuji avait recommandé que le traitement se fasse à Myūjin pour plus de tranquillité. Haruni refusa catégoriquement : il ne voulait plus retourner au temple à cause de ses mauvais souvenirs. En plus, il y avait toujours le problème de Dekita. Tomuki s'était curieusement lié d'amitié avec Manoru, le fils de Tadeoru, et ce jeune homme semblait nettement plus raisonnable que son père. Du coup, il y avait la possibilité de destituer Tadeoru pour mettre son fils à la tête de la province. Ce ne serait pas facile, voilà pourquoi Haruni tenait à participer aux discussions et à l'élaboration des stratégies. Vu qu'il avait amplement contribué à la victoire de la plaine de Mara, les Conseillers étaient plus enclins à l'écouter.


Haruni passa donc l'année suivante entre son traitement et la gestion de la guerre contre Dekita. Cela ne lui laissa guère le temps pour ses autres activités. Seiryū resta à ses côtés tout du long, même lorsque l'humeur de l'adolescent était massacrante à cause de la lenteur de sa guérison.

« Kenshirō n'est pas jaloux que tu passes toutes tes journées avec moi ? » demanda une fois Haruni d'un ton taquin.

Seiryū prit un air compliqué.

« J'ai mis fin à notre cour il y a deux mois.

Pourquoi ? C'est un gentil garçon et il n'arrête pas de dire que vous êtes faits l'un pour l'autre. »

Seiryū retint un soupir. Il ne savait pas si Haruni faisait semblant de ne pas connaître ses sentiments ou bien s'il croyait sincèrement que le Firal était passé à autre chose.

« J'ai beaucoup d'affection pour lui, reconnut-il, mais j'ai besoin d'explorer d'autres relations avant de me faire une idée de mes sentiments. »

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Haruni acquiesça, ce qui n'avait pas été la réaction de Kenshirō. Ce dernier n'avait pas hésité à accuser Seiryū d'avoir des vues sur le Second Prince.

« Tu te débarrasses de moi avant qu'il ne soit en âge d'être courtisé ! avait-il vivement lancé.

Ce ne sera que dans cinq ans, s'était défendu le Firal. Je m'y prendrais drôlement à l'avance !

Je sais que tu veux le courtiser ! Ça fait des années que je le sais !

C'est vrai, mais cela n'a rien à voir avec ma décision. »

La dispute avait duré bien longtemps et s'était achevée avec le départ furieux de Kenshirō. De toute manière, Seiryū avait fait son choix. Lorsque Haruni serait rétabli, il accepterait d'autres cours en attendant les quarante-cinq ans du Second Prince. Quoi qu'il arrive, il avait fermement l'intention d'être la première cour de l'adolescent. Cet objectif n'avait pas changé.


~*~


En 2457, Tetsuō et Yatsu s'installèrent à la Cour pour une période de quatre ans, comme l'avait promis l'Empereur le jour où Mitsuhide avait été invité au palais avec Yama. Haruni à présent complètement rétabli, était à la fois impatient et anxieux de revoir les deux garçons. Il craignait qu'ils ne le reconnaissent à force de le côtoyer tous les jours mais en même temps, il ne pouvait pas non plus les éviter ! Outre le fait que Tomuki et Seiryū étaient amis avec eux, Haruni avait envie de passer du temps avec eux, même sous cette autre identité. Il avait déjà eu l'occasion de leur parler lors du dernier Tournoi Impérial, quoique brièvement. S'il ne pouvait plus être le père de Yatsu, alors pourquoi ne pas devenir son ami ?


Seiryū l'écouta avec compassion.

« Quoi que tu décides, je te soutiendrai, déclara-t'il sans surprise. Mais… je ne comprends toujours pas pourquoi tu ne veux pas leur dire la vérité. Qu'est-ce qui t'en empêche ? »

Haruni plissa les yeux, songeur. Oui, qu'est-ce qui l'en empêchait ? Au départ, il s'était abstenu car il ne pouvait pas quitter Kurojū ; cela n'aurait donc causé que des tourments inutiles. S'il révélait à présent son identité, la situation serait nettement moins problématique. Pourtant, il hésitait encore.

« Comment pourraient-ils me croire ? fit-il avec ironie.

Je me porterai garant de ton histoire. Et puis, même si tu ne dis rien, ils vont finir par se rendre compte de la ressemblance. »


C'était précisément une des craintes de l'adolescent.

« Ah, parce que je me comporte un peu trop comme Yama ? »

Le Firal éclata de rire.

« Complètement ! Heureusement que personne au palais ne connaissait bien Yama, sinon ils auraient eu des doutes depuis longtemps. »

Cela laissa Haruni quelque peu sceptique. Kaname était censée bien le connaître, pourtant elle n'avait jamais paru faire le rapprochement entre Yama et lui. Avec Tetsuō et Yatsu, Haruni avait plus peur de se trahir par un mot ou un geste. Finalement, il décida d'attendre. Si les deux jeunes gens remarquaient quelque chose et lui en parlaient, il aviserait à ce moment.


~*~


À leur arrivée, Yatsu et Tetsuō s'intégrèrent très vite et naturellement dans le cercle d'amis du Premier Prince. Haruni n'aurait donc vraiment pas pu les éviter ! Ils étaient un peu moins à l'aise avec lui, ce qui était normal vu qu'ils n'avaient pas eu l'occasion de le fréquenter sur une longue période. Cependant, ils se montrèrent amicaux et à sa demande, ils passèrent vite au registre amical. Ce fut plutôt à Haruni de se montrer prudent dans leurs échanges afin de ne pas se trahir. Et ce ne fut pas facile pour lui. À chaque fois qu'il voyait son fils, désormais bien grand, il avait envie de le serrer dans ses bras. Yatsu avait été sa raison de vivre à une période de sa vie où il n'envisageait plus aucun avenir. Même si à présent Haruni avait d'autres raisons de vivre, son attachement pour Yatsu restait invariable. Cela finit par intriguer Tetsuō, puis par l'inquiéter.

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Il finit par se confier à Seiryū en privé :

« Seiryū, tu n'as pas constaté quelque chose de bizarre chez Haruni ? »

Le Firal lui lança un regard prudent.

« Qu'est-ce que tu veux dire ?

Je crois que… Ah, c'est sûrement moi qui me fais des idées, pourtant… »

Nerveux, Seiryū attendit que son ami dévoile sa pensée.

« Je crois que Haruni a des sentiments particuliers pour Yatsu ! »

Seiryū ne put s'empêcher de rire à cette idée. Au contraire, Tetsuō était mortellement sérieux et il se hérissa un peu à cause de la réaction bien légère de son ami.

« Désolé, finit par dire Seiryū. Cela dit, je comprends pourquoi tu t'imagines ça.

Haruni se comporte de façon très affectueuse avec Yatsu, ce n'est pas mon imagination ! protesta son ami.

Ce n'est que de l'affection, rien de plus. »


Dubitatif, Tetsuō dévisagea l'autre jeune homme. Il savait que Seiryū était amoureux de Haruni suite à ses confidences lorsqu'ils s'étaient vus à Hanajū au moment de l'épidémie. Et même sans cela, il aurait fallu être aveugle pour ne pas se rendre compte des sentiments du Firal ! Du coup, la nonchalance de ce dernier à la mention d'un rival potentiel était plus que déconcertante.

« Ils se connaissent à peine ! s'étonna Tetsuō. Comment pourrait-il y avoir de l'affection entre eux ? »

Seiryū ne pouvait pas lui révéler la vérité, cette décision revenait à Haruni seul.

« Quand deux personnes sont faites pour s'entendre… commença-t'il.

Raison de plus pour redouter que cette affection se transformer en quelque chose de plus profond ! s'écria Tetsuō.

Haruni le regarde uniquement comme un enfant.

Je n'ai pas oublié qu'il a sauvé Yatsu de l'épidémie, mais ce n'est pas une raison ! »

Seiryū eut un léger sourire. Les craintes de Tetsuō semblaient infondées de son point de vus, mais uniquement parce qu'il savait que Haruni voyait Yatsu comme son fils et rien d'autre.


« Écoute, même si tu avais raison, Yatsu et toi serez rentrés à Hanajū bien avant que Yatsu soit en âge d'être courtisé.

Si Haruni veut lui faire une demande de cour, il pourra venir chez nous et refaire venir Yatsu ici. »

Tetsuō semblait vraiment y avoir soigneusement réfléchi et la situation n'offrait guère d'espoir de son point de vue. Son ami soupira.

« Ils ont sept ans de différence, c'est bien ça ?

Oui, mais ce n'est pas énorme.

Ça me suffira, crois-moi. »

Interloqué, Tetsuō fixa l'autre jeune homme qui arborait un sourire entendu.

« Quand Yatsu aura quarante-cinq ans, Haruni sera déjà pris dans une relation sérieuse. »

Comprenant ce que Seiryū voulait dire, Tetsuō rit de soulagement.

« Alors je m'en remets à toi, » lui fit-il.

Seiryū hocha la tête avec assurance.


~*~


En 2460, au matin du cinquième jour du septième mois, Seiryū se leva avant le soleil pour se précipiter au terrain d'entraînement. Fidèle à ses habitudes, Haruni pratiquait le sabre de bon matin, même le jour de son anniversaire. En voyant le Firal arriver, il termina son mouvement, puis l'accueillit d'un sourire.

« Seiryū, c'est rare que tu te lèves si tôt. »

Seiryū préférait dormir un peu plus le matin, sans excès. C'était Haruni qui était bien trop matinal ! Cette fois cependant, le Firal n'avait pas pu fermer l'œil de toute la nuit, tant il était impatient. Il fallait dire que ça faisait seize ans qu'il attendait ce jour.

« Je voulais être le premier à te souhaiter un bon anniversaire, » fit-il d'un ton doux.

Haruni s'abstint de lui dire que ses propres servants avaient été les premiers, et ce dès son réveil. Il ne voulait pas gâcher le plaisir de son ami.

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Le jeune homme lui tendit une boîte noire laquée.

« Les cadeaux sont prévus pour ce soir, nota Haruni.

Celui-ci n'est pas pour l'anniversaire, » expliqua Seiryū.

Même s'il s'était mentalement préparé à cet instant des milliers de fois, il sentit ses mains trembler. La gorge sèche, il se lança :

« Tu sais que je t'admire énormément, et ce dès notre première rencontre. Je n'ai jamais ressenti ça pour personne, alors je souhaiterais te courtiser, Haruni. »

Il vit le Second Prince plisser le front, puis comprendre pourquoi les mots étaient familiers. Seiryū avait volontairement repris les mêmes termes que lors de sa demande de cour à Yama. Même si tant de choses avaient changé pour eux depuis ce jour lointain, ses sentiments restaient les mêmes.


Haruni ne répondit pas tout de suite et garda son air soucieux. Cela finit par inquiéter Seiryū. Il était pourtant certain que l'autre jeune homme avait des sentiments pour lui. Ils n'en avaient pas parlé ouvertement, mais l'attitude de Haruni à son égard, les quelques baisers échangés dans des situations spécifiques, tout cela laissait suggérer une profonde affection. Le sourire de Seiryū se ternit un peu face à ses doutes. Tout à coup, Haruni prit la boîte sans un mot. Seiryū ne put plus se taire et essaya de plaisanter pour détendre l'atmosphère.

« Si tu prends mon cadeau, ça veut dire que tu l'acceptes…

Oui, je le sais maintenant, » répliqua Haruni avec un brin d'agacement.

Il n'en dit pas plus et ouvrit la boîte. Seiryū en resta bouche bée. Cela voulait donc dire qu'il acceptait la cour ? Ou pas ? Pourquoi fallait-il que Haruni le torture à nouveau ?!


Pendant que Seiryū souffrait un calvaire mental, Haruni découvrit le cadeau de cour : un magnifique ornement pour cheveux argentés et serti d'une émeraude. Il soupira.

« Je préférais la boucle de ceinture. »

Avec le temps, il était parvenu à retrouver un style vestimentaire plus discret et ses cheveux étaient coiffés le plus simplement possible, sans ornement.

« Sauf que cette fois, il est inutile de se montrer discrets, » répondit Seiryū, toujours dans l'incertitude.

Le Second Prince contempla l'ornement un long moment avant de se résoudre à le mettre dans ses longs cheveux noirs. Le cœur de Seiryū s'accéléra.


Une fois le bijou en place, Haruni fixa le Firal sans rien dire. Ce dernier plissa le front.

« Tu… tu ne m'as toujours pas dit si tu acceptais ma cour, lui rappela-t'il nerveusement.

Ce n'est pas évident ? » fit Haruni en roulant des yeux.

La réponse rassura grandement Seiryū, pourtant…

« J'aimerais quand même t'entendre me le dire.

J'accepte ta cour, Seiryū, » concéda le jeune homme avec un brin d'agacement.

Et pour que Seiryū ne trouve plus rien à redire, il conclut l'accord en déposant un baiser sur sa joue. Il arrivait à présent au niveau du nez du jeune homme, bien loin de l'enfant chétif d'autrefois. Les traits juvéniles de son visage s'étaient affinés, laissant deviner la promesse d'un adulte splendide. Seiryū n'en avait jamais douté et il pouvait aisément voir l'homme que deviendrait Haruni, quelqu'un d'encore plus extraordinaire que l'avait été Yama. Son cœur gonfla de joie à l'idée qu'il serait à ses côtés.


Seiryū prit la main de son prétendant et entremêla leurs doigts. Il pouvait enfin laisser ses sentiments s'exprimer au grand jour, goûtant la joie de les voir partagés. De ce fait, le palais tout entier fut au courant de leur cour dans la matinée. Cela dit, ce n'était guère une surprise. Tegami et Kenryū se félicitèrent mutuellement : les clans Kakurō et Inugami seraient liés pour une génération de plus. L'avenir promettait d'être radieux.


Fin


Note de Karura : Voilà ma plus longue Alternative, si longue que j'ai dû la partager en deux. Cela a commencé par la première cour de Seiryū et cela se termine par la première cour de Haruni, comme une symétrie ou un écho.

Dans les Alternatives, je conserve les événements majeurs mais je les ré-écris dans des situations différentes. Peut-on parler de fanfictions de ma propre œuvre ? Je dirais que oui. Je ne peux pas renier mon passé de fanficeuse après tout ! 😉

Est-ce que Seiryū et Haruni vont finir par être en cour dans l'histoire principale ? Bien sûr que oui, rassurez-vous, mais ce ne sera pas si simple que ça !


L'histoire principale reprend avec ce qui sera la partie la plus mouvementée. Seiryū va souffrir mentalement, mais ça va l'aider à voir plus clair au niveau de ses sentiments. Quant à Haruni… il reste Haruni 😅.

Courage, Seiryū !







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