Chapitre Neuf : L'invocation
Kurojū, deuxième mois de l’année 2458
La fissure se prolongeait en un tunnel qui conduisait à tout un réseau de tunnels souterrains. Haruni éclaira devant eux d'une pensée. Il vit que les tunnels semblaient naturels et, plus important encore, vides. Pour le moment en tout cas.
« Comme c'est pratique, » songea Seiryū devant les petites sphères enflammées qui leu procuraient de la lumière.
C'était nettement plus commode qu'une torche !
« Restez sur vos gardes, lui murmura Haruni.
– Oui, vot… mon p… »
Étrangement, les mots avaient du mal à sortir. Le Second Prince ne prêta pas attention à ses bafouillis et lui intima le silence. Seiryū le suivit, guettant les ombres. Il se demanda si ce ne serait pas mieux qu'il ouvre le chemin, sauf que le danger pouvait également survenir de l'arrière. Du coup, il était sans doute préférable qu'il garde Haruni en vue.
Le tunnel déboucha sur une grotte de taille moyenne. Seiryū se figea, les mains crispées sur son sabre. Des dizaines de corps étaient entassés à même le sol, intacts à première vue. Une odeur infecte empestait les lieux.
« Des Abominations ? » chuchota-t'il.
Haruni plissa les yeux avant de s'avancer. Seiryū tenta de le retenir, mais l'adolescent fut plus rapide que lui et s'approcha des corps sans crainte.
« Ils sont morts depuis un moment, fit-il après examen.
– Oui, mais… c'est comme ça que naissent les Abominations, non ? Ils s'emparent des morts et… »
Haruni secoua la tête.
« Ces corps sont en décomposition. Les vampires n'occupent que des cadavres fraîchement décédés.
– Vous êtes sûr ? s'étonna Seiryū. Comment vous…
– Continuons, » le coupa l'adolescent.
Dubitatif, Seiryū garda quand même les yeux fixés sur les cadavres pendant qu'ils rejoignaient un autre tunnel, guettant le moindre mouvement de leur part.
« Quand vous affrontez des vampires, conseilla Haruni à voix basse, coupez-leur la tête. C'est utile aussi de trancher leurs membres. Ils ne ressentent pas la douleur, leur cœur ne bat plus, alors le mieux est de restreindre leurs mouvements. »
Le Firal écouta attentivement, notant l'assurance dans la voix de l'adolescent. C'était comme si ce genre de situation ne lui était pas inconnu. Seiryū était intrigué, mais les questions devraient attendre. À l'approche de la seconde caverne, ils entendirent des bruits et des sons rauques. Haruni leva la main pour que Seiryū s'arrête et il éteignit les flammes, sauf la plus proche d'eux — autrement, ils auraient été dans le noir total.
« Tomuki est là-bas ? demanda-t'il mentalement aux Dieux.
– Encore plus loin. »
Haruni jura mentalement.
« On doit avancer, fit-il à Seiryū.
– Comment faire ? » demanda ce dernier avec de grands yeux effarés.
Ils pouvaient deviner au bruit que les vampires devant eux étaient nombreux. Ils n'étaient que deux avec leurs sabres et un arc. C'était du suicide ! Même Haruni en avait conscience. Il se mordit les lèvres et maudit son impuissance : dans son ancien corps, cela aurait été un jeu d'enfant de vaincre ces vampires nouveaux nés !
« Une diversion, » suggéra-t'il soudain.
Il avait repéré un renfoncement dans la paroi du tunnel qu'ils venaient d'emprunter et cela lui donna tout à coup une idée.
« Dès qu'ils commenceront à nous poursuivre, on revient sur nos pas pour nous cacher dans le renfoncement, expliqua-t'il succinctement à son compagnon.
– S'ils nous trouvent, nous serons coincés, objecta Seiryū.
– Ils fonctionnent encore à l'instinct, argua Haruni. Et vous n'aviez pas promis de m'obéir sans discuter ? »
Seiryū referma la bouche, penaud. Cependant, si c'était pour que Haruni se mette en danger, il était hors de question qu'il se taise !
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Le Second Prince n'attendit pas son approbation pour avancer jusqu'à l'entrée de la caverne. Il envoya juste une boule de feu pour éclairer un peu… et croisa une vingtaine de regards rouges. Sans attendre leur réaction, il tourna les talons et se mit à courir.
« Allez-y ! » cria-t'il à Seiryū.
Les vampires se lancèrent à leur poursuite après un certain temps de réaction. Ils étaient censés être plus rapides que les deux jeunes gens, sauf que leurs mouvements manquaient encore de coordination. C'était ce sur quoi Haruni avait compté. Il éclaira tout autour d'eux et lorsque le renfoncement fut en vue, il masqua la vue des vampires avec un mur de flammes, le temps que Seiryū et lui se cachent tous les deux dans l'ouverture. La cachette était étroite, mais suffisante pour eux deux. Haruni dispersa aussitôt le mur de feu pour le placer contre la paroi des côtés afin de recouvrir leur cachette. Les vampires ne réfléchirent guère et reprirent leur route une fois l'obstacle disparu. Une grosse partie d'entre eux passèrent devant les deux jeunes gens bien cachés.
Haruni avait également lancé des boules de feu plus loin afin de faire croire aux vampires qu'ils avaient continué à s'enfuir. Il ignorait si son stratagème allait réellement fonctionner. Seiryū voulut soupirer à cause de la chaleur suffocante dans ce lieu clos avec le mur de flammes qui en protégeait l'entrée. Haruni posa une main sur sa bouche pour l'empêcher de faire du bruit : il restait des vampires près d'eux. Ceux-là semblaient plus éveillés que les autres et pressentaient un piège, surtout que le feu ne s'était pas encore éteint contre la paroi. Haruni ne pouvait pas voir à travers les flammes, mais il sentait leur présence grâce aux ombres projetées. Il perçut qu'un des vampire se tenait juste devant eux et fixait le feu avec méfiance. Tout à coup, il tendit la main pour le traverser !
« Mm-mm ! » s'écria Seiryū en voyant les doigts griffus franchir leur protection.
Haruni retira sa main et saisit son sabre pour le planter dans la tête du vampire, devinant sa position à partir du bras visible. Ils virent le membre se crisper, puis s'effondrer. Malheureusement, cela attira l'attention des autres vampires à la traîne : ils se rassemblèrent autour de leur camarade tombé et s'agitèrent. La crainte de Seiryū se réalisa : ils étaient coincés ! Un autre vampire se risqua à avancer dans les flammes et connut le même sort que le premier. Cela excita davantage les autres qui se massèrent à l'entrée du renfoncement. Ils ne craignaient même plus le feu ! Seiryū vit sa dernière heure arriver et il serra son sabre. Quitte à mourir, il allait en emporter le plus possible avec lui !
« Fuyez, mon prince ! lança-t'il sans hésitation. Je vais faire diversion ! »
Mais même sa bonne intention ne se réaliserait pas : il n'y avait aucun échappatoire possible en ce lieu.
Haruni ne l'entendit même pas, accaparé par les Dieux.
« Retire tes flammes, Nous allons te protéger ! firent-Ils.
– Et Tomuki ? s'inquiéta-t'il aussitôt.
– … Nous maintiendrons les deux barrières autant que possible. »
Haruni n'eut pas d'autre choix que d'accepter. Seiryū fut effaré de voir les flammes disparaître. Avant qu'il ne proteste, elles furent remplacées par un mur d'ombre plus efficace : les vampires ne pouvaient plus le franchir. Cependant, ils arrivaient à entrapercevoir leurs deux proies à l'intérieur, alors ils n'allaient pas renoncer comme ça. Ils continuèrent de se presser contre la protection qui tenait bon.
« Nous sommes… sauvés ? demanda le Firal, les mains toujours crispées sur son sabre.
– En sursis, » rectifia Haruni.
Ces vampires-là ne craignaient pas le feu, donc il ne pouvait plus faire diversion. De plus, le mur d'ombre était infranchissable des deux côtés, sinon il aurait pu tuer les créatures une par une comme il l'avait fait pour les deux premières. Ils étaient donc coincés et le temps ne jouait pas en leur faveur.
« Si certains des nôtres ont pu s'échapper, fit Seiryū pour se redonner espoir, ils vont donner l'alerte. Ah, mais nous sommes loin du palais ou d'une caserne…
– L'Empereur est prévenu depuis que les vampires sont apparus, » l'informa Haruni.
Devant son regard sidéré, il expliqua :
« Les Dieux l'ont averti. Les renforts sont en route, sauf qu'il sera trop tard d'ici à ce qu'ils arrivent !
– Oui, c'est vrai qu'il y a une journée de route…
– Trois heures, le contredit Haruni, quand on ne traîne pas. »
Seiryū voulut sourire, mais la peine l'envahit. Dire qu'hier encore, ils étaient tous ensemble à flâner et à deviser gaiement à cheval. Il y avait une heure encore, ils étaient tous en vie… Les corps horriblement dévorés apparurent dans son esprit et il s'adossa contre la paroi rocheuse, les jambes faibles tout à coup.
« Ils sont morts, sanglota-t'il. Par les Dieux, comment ça a pu se produire ? »
Haruni se dit que c'était une question fort intéressante et qu'il ferait tout pour trouver le ou les responsables de ce désastre. Mais d'abord, il devait sauver son frère.
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« Vous tenez le coup ? » demanda-t'il aux Dieux.
Il pouvait sentir Leur énergie fluctuer fragilement.
« Plus très longtemps, » reconnurent-Ils.
Haruni frappa la paroi du poing, impuissant. Cela lui valut un regard interrogateur de la part de Seiryū.
« La barrière va lâcher avant que les secours n'arrivent, expliqua-t'il amèrement.
– Tomuki est protégé lui aussi ? »
Haruni acquiesça. Seiryū continua d'un ton hésitant :
« Alors… si juste l'un de vous était protégé, la barrière pourrait tenir jusqu'à l'arrivée de la garde ? »
Haruni y avait songé, bien évidemment, et s'il avait été seul, il n'aurait pas hésité un seul instant à retirer cette barrière et affronter les vampires afin que son frère survive. Cependant, il ne pouvait pas condamner Seiryū à une mort certaine.
« Mon… mon prince, j'accepterai votre décision quelle qu'elle soit, » assura Seiryū en hésitant encore sur l'appellation.
Haruni ne réagit qu'à ses derniers mots.
« Vous pensez encore que je vais sacrifier mon frère pour sauver ma vie ? lança-t'il agressivement.
– Non ! s'écria Seiryū, interdit.
– Ma décision est que Tomuki doit vivre.
– Je… »
Le Firal déglutit, mais n'eut pas le temps de répondre : les Dieux objectèrent aussitôt.
« Si tu meurs, Nous ne pourrons plus protéger ton frère ! N'oublie pas que Nous agissons uniquement à travers toi !
– Fait chier ! jura Haruni sans retenue.
– V… Votre Altesse ?
– Les Dieux ont besoin de moi en vie pour maintenir les barrières. Tant pis, on reste comme ça. »
Seiryū inspira avant de se lancer, tout en sachant que cela n'allait pas plaire à l'adolescent :
« Dans ce cas… le mieux à faire serait…
– Fermez-la ! » rétorqua Haruni, devinant ce qu'il allait dire.
Seiryū endura le refus sévère. Il finissait pas être habitué à la violence verbale de l'adolescent à force de la subir. Cela ne l'empêcherait pas de dire ce qui devait l'être.
« C'est votre vie qu'il faut sauver ! » fit-il.
Haruni lui jeta un regard furieux, à deux doigts de le frapper, puis il éclata d'un rire moqueur :
« Voyez-vous ça ! Et qui essaie de sauver sa vie en sacrifiant Tomuki, là ?!
– Ma vie n'a aucune importance ! répliqua Seiryū. Ce qui compte, c'est qu'au moins un des deux princes s'en sorte, peu importe lequel !
– Si, c'est important, déclara Haruni. Tomuki ne doit absolument pas mourir car c'est lui qui va devenir empereur. Il n'y a pas d'autre possibilité ! »
Les yeux verts de Seiryū le fixèrent tristement.
« Si, vous. »
Ce fut comme s'il avait frappé l'adolescent.
« Très drôle ! siffla Haruni entre ses dents. Personne ne veut du bâtard Hikari sur le trône, moi encore moins que les autres !
– Ne dites pas ça, mon pr…
– D'ici à ce qu'on m'accuse d'avoir provoqué ça ! »
Seiryū referma la bouche en pâlissant. C'était plus que probable, pourtant…
« Il faudrait être très vicieux pour insinuer que vous auriez pu invoquer ces Abominations, » déclara-t'il en tâchant de paraître convaincant.
L'adolescent le fixa un moment, ses yeux dorés écarquillés, puis son expression passa de désespérée à déterminée.
« Il y a un vampire que je peux invoquer, marmonna-t'il.
– De quoi ? » demanda Seiryū, pensant avoir mal entendu.
Haruni l'ignora pour se concentrer sur les Dieux. Naturellement, Ils avaient suivi le cours de ses pensées.
« Hors de question ! répliquèrent-Ils. Tu ne maîtrises pas totalement les ombres pour ça. Tu vas…
– Avec Votre aide, j'y arriverai, » rétorqua-t'il.
Il perdit patience en sentant Leur réticence. Jamais, jamais il ne deviendrait empereur. Plutôt mourir avec Tomuki et laisser la lignée des Kakurō s'éteindre pour de bon, que les Dieux le veuillent ou non ! Bon sang, il y avait une chance de les sauver tous les deux, si les Dieux voulaient bien y mettre du Leur !
« Je vais le faire de toute façon, alors autant m'aider ! fit-il à voix haute sans s'en rendre compte.
– M-mon prince ? » s'enquit Seiryū, confus.
Sans lui prêter attention, Haruni concentra toute l'énergie des ténèbres en lui, un pouvoir qu'il maîtrisait encore difficilement malgré son entraînement avec les Dieux depuis la guérison de Yatsu. Il fallait dire aussi que là, il allait l'employer à très grande échelle.
« Attends ! » lancèrent les Dieux en mêlant Leur volonté à la sienne.
Cela renforça son contrôle sur les ténèbres. Il évoqua l'image de la personne dont il avait besoin, se remémorant son visage, sa voix et sa présence. Il lança un appel :
« Hakurō, viens ! »
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Dans le tunnel à quelques pas d'eux, un portail de ténèbres s'ouvrit, semblable à ceux qu'utilisaient les Hikaru — sauf que les leurs étaient basés sur la lumière. Haruni sentit son énergie se faire aspirer à une vitesse inquiétante, malgré le soutien des Dieux. Pendant ce temps, Seiryū retint un cri d'effroi en voyant leur protection disparaître d'un coup ! De plus, la sphère de feu qui les éclairait avait dramatiquement faibli. Le Firal brandit son sabre et tua les deux vampires les plus proches. Malheureusement, son sabre resta coincé dans le crâne du second, tandis que les autres Abominations se pressaient vers leur cachette qui n'en était plus une. Voyant leur dernière heure arriver, Seiryū se tourna vers Haruni qui avait les yeux fermés, concentré sur son invocation. Il le prit dans ses bras afin de le protéger le plus longtemps possible, même quelques secondes… Le Firal entendit des grognements et des bruits de déchirements. Il sentit ensuite un souffle de vent et le silence se fit. Comme rien ne venait, il se risqua à ouvrir les yeux, surpris d'être toujours en vie. Il relâcha son étreinte sur le Second Prince et se retourna pour découvrir les corps inertes des vampires dans la pénombre. Il cligna stupidement des yeux. Que s'était-il passé ?
« Ils sont… morts ? songea-t'il. Mais qui les a tués ? »
Il sentit tout à coup Haruni chanceler et il ramena son attention sur lui.
« Mon prince, vous allez bien ? » s'enquit-il avec angoisse.
Le visage de l'adolescent était d'une pâleur extrême et il respirait avec difficulté. Les yeux dorés mi-clos étaient plus brillants que jamais dans la presque-obscurité qui les entourait. La boule de feu qui les éclairait vacillait, tout comme le contrôle de Haruni sur cet élément.
« Que s'est-il passé ? » demanda Seiryū en voulant l'aider à s'asseoir.
Haruni repoussa ses mains et s'adossa contre la paroi.
« J'ai fait venir… quelqu'un pour nous aider, expliqua-t'il laborieusement.
– Qui ça ? »
L'adolescent secoua la tête, soit parce qu'il ne voulait pas répondre ou parce qu'il n'avait pas la force de parler. Seiryū se risqua à poser une autre question cruciale :
« Tomuki ?
– Sauvé, » répondit Haruni avec un air soulagé.
Pas un instant Seiryū ne mit sa parole en doute et il se réjouit à son tour, bien qu'il avait beaucoup de questions en tête. Il y eut soudain un autre souffle de vent et le Firal sentit une forte douleur à la tête… avant de sombrer dans l'inconscience.
Haruni lança un regard surpris à Hakurō tandis que ce dernier allongeait délicatement Seiryū au sol.
« Pourquoi tu… as fait ça ? demanda-t'il, encore essoufflé.
– Je ne veux pas que le fils de Kenryū me voit ainsi, » répondit le vampire avec une expression compliquée sur le visage.
Haruni ne dit rien : il pouvait comprendre, vu les liens d'autrefois entre Hakurō et Kenryū. Il observa plutôt le vampire et constata des blessures, ainsi que sa tenue déchirée et couverte de sang. Hakurō suivit son regard et eut un sourire d'auto-dérision.
« Même si c'étaient des nouveaux-nés, ils venaient de boire du sang humain. Ça rend plus fort que le sang d'animal ou de Vite.
– Ça… va ?
– Ce n'est pas pour moi que tu dois t'inquiéter, » répondit le vampire avec assurance.
Hakurō se limitait au sang animal et seulement de temps en temps il s'autorisait du sang de Vite, uniquement des volontaires des villages qu'il protégeait avec les siens dans les Pialles. Vu cette condition, il avait dû avoir du mal à venir à bout de vampires fraîchement rassasiés.
« Emmène-moi… Tomuki…
– Je vais vous ramener à la surface, vous serez bien mieux. Éteins-moi ce feu, économise plutôt tes forces. »
En toute confiance, Haruni fit disparaître la boule de feu et se retrouva plongé dans le noir. Il sentit des bras le soulever, puis un fort souffle de vent… et la lumière du jour. Hakurō le déposa délicatement contre un arbre de la clairière, juste à côté de la fissure. Puis, usant de la vitesse des vampires, il repartit dans les tunnels récupérer Seiryū, et ensuite Tomuki. Haruni sentit un grand poids se retirer de ses épaules à la vue de son frère. Hakurō le déposa près de lui. Tomuki était inconscient et saignait par endroits, mais il n'avait rien de grave. Par contre, son visage exprimait une grande frayeur et il poussait de faibles gémissements, malgré son état d'inconscience. Haruni lui prit la main, tentant de l'apaiser.
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Hakurō disparut et revint presque aussitôt avec une autre personne inconsciente : Manoru.
« Il était avec Tomuki, expliqua Hakurō. Il est dans un sale état. »
En effet, le Fieur arborait d'horribles blessures car on aurait dit que les vampires avaient commencé à le dévorer.
« J'ai vu pleins de morts aux alentours, continua Hakurō, sans parler de ces tunnels… Bon sang, que s'est-il passé ?!
– Les Dieux… ne t'ont rien dit ? s'étonna Haruni.
– Seulement que vous étiez en danger à cause de vampires. Puis j'ai été aspiré par un tunnel sombre et je t'ai vu avec Kikuchi.
– C'est… Seiryū maintenant.
– Ah. »
Un sourire se dessina sur les lèvres du vampires.
« Je préfère son nom d'adolescent, va savoir pourquoi ! »
La raison en était évidente : Kenryū avait nommé son fils ainsi en mémoire de Hakurō, dont c'était le nom d'enfant. Harutō avait été son nom d'adulte, d'où le choix de Tegami pour ses fils : Chiharu et Haruni.
« C'est bon de se sentir regretté. »
Le ton se voulait léger, quoiqu'une pointe de tristesse en ressortait.
Haruni avait repris son souffle mais restait affaibli. Il aurait été incapable de se lever. Il put néanmoins raconter à Hakurō ce qui s'était passé. Ce dernier garda un air sombre tout au long du récit.
« Ce serait un… accident ? » demanda-t'il avec incrédulité.
Les deux princes avaient failli mourir aujourd'hui et ce ne serait qu'une malheureuse coïncidence ? Haruni haussa les épaules.
« Le tremblement de terre est d'origine naturelle. Quant aux vampires… Ça, c'est intentionnel. »
Hakurō capta son regard.
« Tu veux dire que quelqu'un a voulu créer des vampires ? Dans quel but ?
– Curiosité ? Expérience ? Envie de se créer une armée redoutable et invincible ? Va savoir. Mais je compte bien enquêter là-dessus, sois-en sûr.
– Ce n'est pas ton rôle, critiqua le vampire. Laisse faire Kenryū, il est capable de bien gérer cette affaire et je sais qu'il fera tout pour découvrir le responsable. »
Haruni le regarda avec circonspection. Si Hakurō faisait entièrement confiance au général, ce n'était pas son cas.
« Il s'y connaît en vampires ? argua-t'il.
– Non, mais tu peux l'aider.
– Ah, comme s'il allait accepter ! »
Le vampire prit un air attristé.
« Kenryū a de l'honneur, fit-il, et il n'y a pas plus dévoué que lui envers la famille impériale.
– Je sais, c'est justement pour ça qu'il se méfie de moi. Il me considère comme un agent des Hikari.
– Ah, c'est vrai qu'il est parfois trop soupçonneux.
– Je ferais pareil à sa place. »
Il sentit soudain quelque chose dans les ombres et fronça les sourcils.
« Les gardes ne vont pas tarder à arriver. Ils ont fait vite ! Hakurō, tu… »
Il se tut soudain car le vampire venait de poser un doigt sur sa bouche, un grand sourire aux lèvres.
« Qu'est-ce que je t'ai dit la dernière fois ?
– Hein ?
– Comment je t'ai dit de m'appeler si on se revoyait ? »
L'adolescent se rappela soudain et prit un air contrarié qui ravit le vampire. Haruni détestait ça, mais force lui était de constater son erreur.
« Mon oncle, marmonna-t'il.
– Je n'ai rien entendu, le nargua Hakurō, son sourire s'élargissant.
– Mon oncle ! » cria Haruni, agacé.
Le vampire éclata de rire, tandis que l'adolescent détournait la tête, rouge d'embarras.
« Allez, ne fais pas cette tête ! renchérit Hakurō en lui ébouriffant les cheveux. Mon adorable neveu.
– Ça t'amuse, pas vrai ? lança Haruni en attrapant sa main.
– Tu me connais ! »
Effectivement, Hakurō avait toujours adoré taquiner les gens. Haruni en avait souvent fait les frais à Kagejū.
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« Plus sérieusement, reprit-il, tu peux rester un peu dans les environs ? De toute façon, je ne suis pas en état de rouvrir tout de suite un portail pour te renvoyer chez toi.
– Je ne te laisserai pas recommencer de toute manière, rétorqua Hakurō.
– Nous non plus ! renchérirent les Dieux.
– Il faudra bien que je te renvoie chez toi, objecta Haruni en fronçant les sourcils.
– Je rentrerai par mes propres moyens, assura le vampire. Ce sera moins dangereux pour toi.
– Et pour toi ?
– Je ne risque rien. Je ne m'approcherai pas des zones peuplées et personne ne me verra passer. »
Avec la vitesse et l'endurance des vampires, Hakurō n'aurait qu'une semaine de voyage pour regagner les Monts de l'Est.
« Puisque tu comptes vraiment mener ton enquête, je vais rester pour t'aider.
– Merci, Hakurō.
– Ttt-tt, qu'est-ce que j'ai dit ? »
L'adolescent ne ronchonna pas cette fois et lui sourit avec gratitude.
« Merci, mon oncle. »
Le cœur du vampire fondit devant cette scène. Il ne résista pas et serra son neveu contre lui. Jamais il n'aurait pensé avoir cette chance et ce bonheur, même si les circonstances étaient tragiques. Haruni se retrouva coincé dans les bras du vampire et pressé contre son torse.
« Tu es drôlement plus petit, dis donc, » nota Hakurō, un sourire taquin aux lèvres.
Dans son ancien corps, Haruni le dépassait d'une bonne tête et demie. Là, il devait lui arriver au menton, pas plus.
« Je n'ai pas encore fini ma croissance ! répliqua Haruni, vexé comme tout.
– Ne te fais pas d'illusion, on n'a jamais été très grands dans la famille. »
Haruni marmonna une réplique bien sentie entre les dents.
Hakurō lui ébouriffa de nouveau les cheveux avec affection, puis le lâcha enfin. Son ouïe plus fine que celle d'un humain avait capté le bruit de chevaux au galop.
« Ils arrivent, fit-il. Je vais me trouver une cachette.
– Dès que tu peux, explore ces tunnels et cherche une entrée naturelle. Le responsable doit avoir un accès. Quand il aura vent de ce qui s'est passé, il viendra forcément voir les dégâts.
– Entendu, je le guetterai.
– Je te rejoindrai dès que possible.
– Tu crois que ton père va te laisser ressortir après ça ? » s'étonna Hakurō qui se mettait à la place de son petit frère.
Haruni eut un sourire.
« Tu me connais ! »
Le vampire plaignit son frère de tout son cœur. Il disparut en un souffle de vent. Haruni soupira lourdement en posant les yeux sur Tomuki et Seiryū, toujours inconscients. Il allait falloir expliquer tous ces morts.
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