Chapitre Quinze : Le faiseur de vampires
Village de Maka, deuxième mois de l’année 2458
Le village de Maka comptait environ trois cents habitants. La proximité de la forêt avait permis le développement des bûcherons et des menuisiers. Le village semblait prospère, quoique modestement. Contrairement à ses habitudes, Haruni se présenta à visage découvert tandis que Hakurō restait dans les bois, explorant les alentours en quête d'indices. Dès que les villageois aperçurent le Second Prince, ils se prosternèrent devant lui, interrompant leurs activités. Même les plus jeunes enfants furent poussés au sol par leurs parents, sans comprendre ce qui se passait. On n'offensait pas le fils des Dieux !
« Gloire à son Altesse, firent les villageois. Que son Altesse vive mille fois mille ans !
– Non, pitié, » songea Haruni en réprimant un sourire devant ce salut officiel.
Un silence plana ensuite sans que personne ne bouge. L'adolescent soupira et fit :
« Vous pouvez vous relever. »
Cependant comme à chaque fois qu'il disait ça, les gens n'obéirent pas tout de suite et il dut insister.
« Je viens juste… prendre de l'eau pour mon cheval et faire une courte halte, ajouta-t'il en descendant de sa monture.
– C'est trop d'honneur, votre Altesse ! répondit un homme dans la centaine passée, sûrement le chef. Notre misérable village se souviendra longtemps de votre visite !
– Mmm, j'espère qu'ils ne vont pas changer le nom du village en mon honneur ! »
Les récits de Hakurō l'avaient marqué. Il avait bien fait de voyager incognito auparavant !
Le chef du village prit les choses en main, quoiqu'il semblait très intimidé par la présence du Second Prince.
« Hiro, emmène la noble monture de son Altesse et va puiser de l'eau fraîche ! Mina, va préparer du thé et des brioches au soja pour son Altesse ! Vous autres, ne restez pas plantés là bêtement. Son Altesse n'a pas à subir vos regards. Retournez travailler ! »
Haruni se retint de protester devant le ton un peu sec. Il pouvait sentir la nervosité de chacun. Le chef du village se tourna ensuite vers lui avec un grand sourire et en se frottant les mains de manière servile.
« Votre Altesse, ma misérable demeure vous est ouverte. Vous pouvez rester aussi longtemps que vous le désirez. N'hésitez pas à me demander quoi que ce soit ! »
Haruni le remercia, ce qui sembla le mettre encore plus mal à l'aise.
Plutôt que de s'enfermer dans la demeure du chef, Haruni préféra s'installer à l'auberge qui avait des tables à l'extérieur et qui se trouvait au centre du village. Il voulait observer les villageois dans leurs activités. De ce fait, ces derniers ne purent résister à l'envie de le regarder subrepticement. La scène n'avait donc rien de naturel et de détendu.
« Votre Altesse est en promenade ? s'enquit le chef du village pour meubler la conversation.
– En quelque sorte. J'ai rendu visite au seigneur Mitōkoro ce matin et je viens maintenant flâner dans les environs. »
À la mention de leur seigneur, les villageois marmonnèrent entre eux. Cela n'avait rien de surprenant, toutefois Haruni guetta des signes de nervosité supplémentaire.
« Dis-moi, reprit-il à l'adresse du chef, y a-t'il eu des incidents curieux ces derniers temps ?
– Des incidents curieux ? répéta le vieil homme, confus.
– Des choses étranges, inhabituelles ? »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Le chef réfléchit, son visage trahissant son incompréhension.
« Je ne vois rien, votre Altesse. Notre village est paisible, il ne se passe pas grand-chose.
– Mmm. Tu es au courant de ce qui s'est produit il y a trois jours dans la forêt ?
– Il… C'est le jour où la terre a tremblé, c'est ça ? »
Évidemment, un petit village comme celui-ci n'avait pas des nouvelles régulières, même d'un événement si proche. Haruni expliqua en prenant soin de parler assez fort :
« Mon frère, des amis et moi avons été attaqués lors d'une partie de chasse… par des vampires. »
Il obtint l'effet désiré : les gens poussèrent des cris sans se soucier de montrer qu'ils étaient en train d'écouter attentivement et ils implorèrent les Dieux de les protéger. Le chef pâlit et déglutit.
« Et hum… que s'est-il passé ensuite ?
– Sur un groupe de trente personnes, nous ne sommes que trois à avoir survécu.
– Par les Dieux ! S-son Altesse le Premier Prince est-il sain et sauf ?
– Oui.
– Loués soient les Dieux ! »
Haruni attendit la question la plus évidente, mais elle ne vint pas. Cela accrut ses soupçons.
« En examinant ensuite les lieux, nous avons découvert une cinquantaine de cadavres cachés dans des tunnels souterrains.
– Les victimes de Abominations ? demanda bêtement le chef.
– Non, la matière première pour les créer. »
Les gens murmurèrent de plus belle autour d'eux. Étrangement, cela ne semblait pas faire partie du savoir commun que les vampire provenaient des gens morts. Haruni ne pouvait guère blâmer la culture de l'Empire : lui-même n'avait entendu parler des vampires que dans les Pialles.
« Un vampire, c'est une âme qui s'empare d'un corps mort récemment, révéla-t'il. Quelqu'un a donc volontairement rassemblé des corps dans ce but. »
Le chef pâlit encore plus.
« Ce… c'est… Vous pensez que quelqu'un est responsable des Abominations ?
– J'en suis certain et c'est pour ça que je parcours la région. Je cherche la vérité, non seulement pour mes camarades qui sont morts dans d'atroces souffrances, mais aussi pour les familles de ces gens décédés dont le corps a servi à un mal terrible.
– Que… que voulez-vous dire ? » balbutia le chef dans le silence de mort qui s'ensuivit.
Haruni reprit une gorgée de thé avant de répondre. On pouvait entendre les oiseaux gazouiller autour. Tout le monde retenait son souffle.
« Hé bien, autant de corps rassemblés au même endroit, ça ne se fait pas tout seul. J'imagine que le responsable a dû les voler… ou les acheter. »
Le chef aurait bien encore pâli, mais son visage ne pouvait pas être plus blanc que ça. Il bafouilla :
« C-c-c'est… c'est impensable ! Je n'ose pas imaginer qu'on pourrait vendre une dépouille et la priver ainsi du rite des funérailles ! Ah, seul le plus vil des plus vils en serait capable !
– Ou quelqu'un qui a désespérément besoin d'argent, » ajouta Haruni d'un ton neutre.
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Voyant que l'adolescent semblait trouver ça normal, le chef en perdit ses mots.
« Bref, si l'un de vous a des informations, je suis évidemment prêt à vous récompenser.
– Je… ne… Votre Altesse, notre misérable village n'a rien à avoir avec ces horreurs, soyez-en sûr ! »
Haruni lui adressa un sourire indéchiffrable.
« Je n'accuse personne, voyons. Je cherche simplement à connaître la vérité. En tout cas, merci pour le thé. Je vais reprendre ma route à présent. »
Confus, le chef s'inclina de plus belle et l'escorta jusqu'à sa monture. Haruni pouvait sentir un malaise chez bon nombre de villageois qu'il croisa, ainsi que de la honte dans leurs regards. Il semblait qu'une bonne partie du village était impliquée, cependant est-ce que quelqu'un allait oser révéler la vérité ? Pas en public, en tout cas !
De ce fait, Haruni s'était à peine éloigné du village qu'il entendit des bruits de pas derrière lui. En se retournant, il découvrit un couple qui irradiait la peur et la honte.
« V-votre Altesse, fit l'homme en se prosternant, suivi de son épouse.
– Relevez-vous, soupira Haruni. Vous avez quelque chose à me dire ? »
Les époux échangèrent des regards paniqués. Leur allure tremblante faisait peine à voir, cependant Haruni se força à la patience. C'était à eux de se décider à parler, ça ne servirait à rien de les brusquer. Cela lui rappela ses années en tant que Templier, à la recherche d'hérétiques. Les gens voulaient se confesser et libérer leur conscience de ce poids tout en redoutant de se faire juger en retour. Ils devaient trouver en eux la force de combattre leur peur et leur honte.
« C'est … je… Ce que vous avez dit que les Abominations… c'est vrai ? »
Un autre noble se serait offusqué qu'un misérable villageois mette sa parole en doute. Haruni, lui, sentit chez cet homme le besoin de se faire rassurer.
« C'est vrai. Les vampires ont besoin d'un cadavre pour revenir à la vie. »
La femme étouffa un gémissement en plaquant une main sur sa bouche. L'époux parut davantage accablé.
« Et les… corps qui ont été trouvés, que sont-il devenus ?
– Ils ont été brûlés convenablement. »
L'homme ferma les yeux et adressa une prière de reconnaissance envers les Dieux. Il passa un bras autour de l'épaule de son épouse pour la réconforter avant de se décider à avouer :
« L'automne dernier, le père de ma femme est décédé. On… avait entendu des rumeurs sur un homme qui proposait de l'argent pour des corps dans les environs. Je me doutais que certains de mes voisins avaient déjà accepté ce marché. Je ne… je ne pensais pas que je ferais la même chose, mais… Les récoltes ont été difficiles l'an dernier et on avait besoin d'argent pour survivre. Alors on… j'ai pris contact avec cet homme et j'ai vendu le corps de mon beau-père. »
Quand on commençait à avouer ses fautes, le début était laborieux mais ensuite, les mots coulaient d'eux-mêmes. S'attendant à un jugement sévère, l'homme baissa la tête. Au bout d'un moment, étonné de n'obtenir aucune réaction de la part du Second Prince, il releva de nouveau les yeux.
« Tu as le nom de cet homme ? s'enquit plutôt l'adolescent. À quoi il ressemble ? »
Le villageois lui donna un nom et une description sommaire. Pour le nom, Haruni se doutait que ce n'était certainement pas le vrai. Par contre, la description physique lui fut très utile. Haruni sortit donc une petite bourse de sa tunique. En la voyant, l'homme paniqua et agita les mains devant lui.
« Votre Altesse, non ! Je ne… je ne mérite pas cet argent !
– Allons, tu m'as apporté des renseignements utiles et j'ai dit qu'il y avait une récompense pour ça.
– Mais je suis un criminel, j'ai participé à cet acte ignoble ! »
La femme prit la main de son époux et fit
« Kato, tu n'es pas le seul fautif. Moi aussi, je…
– Hana, tais-toi ! la coupa-t'il. Ne l'écoutez pas, votre Altesse, je suis le seul coupable ! »
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Haruni s'était douté depuis le début que l'épouse était également au courant, bien que son mari avait toujours parlé uniquement de lui-même. Pour autant, ce n'étaient pas ces coupables-là qu'il cherchait. Sentant leur profond sentiment de culpabilité, il répondit instinctivement comme il l'aurait fait en tant que prêtre :
« Tu ne savais pas ce qui allait se produire. Ta seule faute est de ne pas avoir accordé à ton beau-père les rites funéraires. Et je pense que tu le regrettes sincèrement.
– Oui, votre Altesse ! s'écria l'homme avec un sanglot dans la voix. De tout mon cœur !
– Alors tu décideras toi-même de ton châtiment. »
Les larmes coulèrent sur les joues des deux époux qui se prosternèrent de nouveau en le remerciant. Haruni soupira et rangea sa bourse, sachant qu'ils la refuseraient fermement. Il reprit son chemin.
Un peu plus loin, Hakurō le rejoignit, un sourire entendu aux lèvres.
« Toi, tu as tiré quelque chose de leur histoire. Mais quoi ? »
Haruni eut un sourire identique.
« L'homme qui a acheté les corps, c'est un servant de dame Hidona, la sœur du seigneur Mitōkoro.
– Comment tu le sais ? s'étonna son oncle.
– Je l'ai aperçu quand le servant m'a conduit dans la chambre d'ami et ensuite au déjeuner, j'ai vu un servant de dame Hidona porter une tunique aux mêmes couleurs.
– Tu te souviens de tout ça ? »
L'adolescent le fixa sans comprendre sa surprise. Pour lui, c'était naturel. Hakurō s'étonna de son excellente mémoire, un fait qu'il avait déjà pu constater à Kagejū, mais aussi du fait que Haruni ne s'en rendait pas compte.
« Alors c'est elle qui crée des vampires ? préféra-t'il demander.
– Peut-être. Elle aide, en tout cas. Hakurō, j'ai besoin que tu retournes rapidement à leur domaine et que tu guettes le moindre déplacement. Ma visite de ce matin a dû les affoler, ils vont forcément agir. »
L'affaire était si sérieux que pour une fois, le vampire n'exigea pas qu'il l'appelle 'mon oncle'.
« Qu'est-ce que tu espères ?
– Le général Kenryū a déjà dû s'arrêter chez eux pour me chercher et à présent, ses hommes fouillent sûrement la forêt aux alentours. Alors il y a deux possibilités : soit le faiseur de vampires a déjà effacé toutes ses traces les jours précédents et il est trop tard ; soit il va paniquer à cause de la garde impériale et il va se rendre en urgence sur les lieux. Si c'est le cas, tu dois le suivre.
– Et toi ?
– Je vais te rejoindre, mais je serai plus lent à cheval.
– Sottises ! Laisse ce cheval ici, je vais te porter ! »
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Haruni parut curieusement réticent, ce dont son oncle se rendit compte.
« C'est que… c'est le cheval de mon père, je ne peux pas l'abandonner.
– Attache-le quelque part, on reviendra le chercher !
– Oui, mais si… si les gardes le trouvent et rapportent la nouvelle à mon père, il va s'imaginer que…
– Que ? »
Haruni baissa la tête.
« … Que je me suis rompu le cou en tombant de cheval. »
Hakurō ne fit pas tout de suite le lien avec sa propre mort, étant donné qu'il évitait d'y penser depuis des décennies. Quand il comprit, il plissa le front.
« C'est une de ses plus grandes craintes, ajouta Haruni, et il… je ne veux pas l'accabler davantage.
– Je comprends, fit simplement Hakurō. J'y vais. Rejoins-moi vite et sois prudent.
– Toi aussi, mon oncle. »
Le vampire lui sourit avant de disparaître dans un souffle de vent. Haruni soupira lourdement et lança sa monture au galop en direction du domaine qu'il avait quitté dans la matinée.
En chemin, Haruni ne rencontra aucun garde, ce qui lui parut curieux : est-ce que Kenryū l’attendait plutôt chez le seigneur Mitōkoro ou bien était-il retourné sur les lieux de l’attaque en pensant l’y trouver ? Haruni aurait peut-être dû préciser à ses hôtes qu’il resterait dans les environs après les avoir quittés, pour qu’ils le transmettent au général. Ça lui avait pourtant semblé évident. Bon, ce qui était fait était fait. Haruni fit trotter son cheval en périphérie du domaine, déployant les ombres pour retrouver son oncle. Il perçut une autre présence et se tendit, une main sur son sabre.
« Qui va là ? lança-t’il en direction de l’autre personne.
– Votre Altesse, de grâce, je ne vous veux aucun mal. »
Un homme sortit de derrière un arbre, vêtu comme un servant, et s’inclina devant lui.
« J’ai un message de la part de ma maîtresse.
– Dame Hidona ? » hasarda-t’il.
Les lèvres du servant s’étirèrent en un mince sourire. Ce n’était pas lui que le villageois avait décrit, mais puisqu’il était au service de Hidona, il devait être tout aussi impliqué. Haruni ne relâcha donc pas sa vigilance.
« Parle, ordonna-t’il.
– Ma maîtresse souhaiterait s’entretenir en privé avec vous. Elle vous demande de la rejoindre dans un pavillon de chasse non loin. Je vais vous guider. »
Le Second Prince haussa un sourcil : ça sentait le piège à plein nez ! Cependant s’il voulait obtenir la vérité, il devait prendre ce risque.
« Comment ta maîtresse pouvait être sûre que je reviendrais ? s’enquit-il.
– Ce n’est pas une femme ordinaire, votre Altesse.
– Soit, je te suis. »
Il était hors de question de tourner le dos à cet homme. De plus, Haruni allait continuer à chercher des présences autour d’eux, au cas où une embuscade l’attendait.
Le pavillon ne se trouvait qu’à trente minutes au nord du domaine. Le bâtiment était entouré d’un mur d’enceinte et semblait désert. Dame Hidona attendait dans la cour, sans signe de servant autour d’elle. Vêtue d'une tunique de chasse plus pratique pour se déplacer, ses longs cheveux violets étaient retenus en une tresse. Elle avait une allure bien moins sophistiquée et féminine que lors du déjeuner dans la demeure de son frère. Elle eut un large sourire en voyant arriver le Second Prince.
« Votre Altesse, l’accueillit-elle en s’inclinant, je suis honorée que vous ayez accepté mon invitation.
– Je pense que nous pouvons nous passer de ces formalités à ce stade, dame Hidona, » fit Haruni en descendant de cheval.
Le servant qui l’avait conduit en ces lieux resta en arrière pour fermer les portes. Haruni haussa un sourcil, mais ne commenta pas. Quand il ramena son regard sur la femme, elle l’examinait attentivement de ses yeux bleus profonds.
« J’imagine que vous avez deviné que j’étais impliquée, reconnut-elle directement.
– J’ai découvert qu’un de vos servants achetait des cadavres dans un village proche, acquiesça-t’il.
– Vous êtes brillant, c’est de famille. Savez-vous que j’ai bien connu votre tante ? »
Il devina aussitôt qu’elle parlait des Hikari.
« J’ignorais que Kinohime avait une sœur…
– Le seigneur Shumē a eu plusieurs enfants, mais que des filles, à son plus grand regret.
– J’imagine. Votre intérêt pour les vampires vient donc des Hikari ? »
Hidona eut un léger rire.
« Non, en fait… Ce fut par hasard. »
L’adolescent plissa le front. Encore un hasard ?
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Hidona soupira et prit un air mélancolique et se mit à jouer machinalement avec sa tresse.
« J’ai été mariée autrefois, tout de suite à ma majorité. À ma première grossesse, j’ai fait une fausse couche. Folle de douleur, je ne pouvais pas me séparer de mon bébé presque formé. Je l’ai gardé dans mes bras pendant plusieurs jours, hurlant et me débattant dès que les servants cherchaient à me le reprendre. Mon époux a aussi essayé de me l’arracher, mais je l’ai griffé au visage jusqu’à laisser une marque. Il s’est alors désintéressé de mon sort. Soudain au milieu de la nuit, mon bébé s’est mis à bouger dans mes bras. »
Haruni écarquilla les yeux, horrifié et fasciné malgré lui. La femme continua son récit :
« J’ai pensé que les Dieux avaient exaucé mes prières et l’avaient ramené à la vie. Comme il gémissait, j’ai voulu lui donner le sein… sauf que ce n’était pas mon lait qu’il voulait, c’était mon sang. Bah, je n’étais pas une mauvaise mère, alors je lui ai donné ce dont il avait besoin. En voyant ses yeux à peine ouverts devenir rouges, j’ai compris ce qu’il était devenu… Mais ça m’était égal. Mon fils était revenu d’entre les morts, je n’allais pas faire la difficile ! »
Ce n’était pas ça du tout : une autre âme s’était emparée de ce corps récemment décédé. Haruni se demanda lequel des deux était le plus à plaindre : Hidona qui avait cru à la résurrection de son enfant, ou bien l’âme qui s’était retrouvée coincée dans un corps de nourrisson ?
« Mes servant ont été terrifiés, évidemment. J’ai dû les menacer et les acheter pour qu’ils se taisent et éloignent mon époux et les médecins qu’il m’envoyait. J’ai organisé de fausses funérailles pour qu’on me laisse tranquille, puis j’ai été répudiée et renvoyée chez mon père. Peu m’importait cette humiliation, du moment que je pouvais garder mon fils près de moi. »
Elle se tourna vers le pavillon.
« C’est ici que je me suis occupée de lui en secret, fit-elle, son visage s’ornant d’un air mélancolique.
– Combien de temps a-t’il survécu ? » s’enquit Haruni.
Elle fit la moue, une lueur de contrariété passant dans ses yeux bleus.
« Six mois. Il a cessé de vouloir se nourrir au bout d’un mois, mais je l’ai forcé à boire du sang. Après six mois, il s’est immobilisé. J’ai attendu de nouveau mais hélas, le miracle ne s’est plus reproduit. »
Haruni compatit avec l’âme forcée de rester six mois dans un tel corps. Finalement, lui-même avait eu beaucoup de chance !
« Pourquoi avoir continué à créer des vampires ? » demanda-t’il.
Si la première fois était excusable puisqu’il s’agissait d’un accident, ce n’était guère le cas pour les autres fois.
« Pourquoi pas ? répliqua Hidona avec un sourire d’auto-dérision. Que me restait-il à espérer, moi, une femme répudiée par mon époux ? Votre grand-père s’est montré intéressé par mes travaux et m’a soutenue discrètement. »
Hum, elle parlait très certainement de Shumē. Cela n’étonna absolument pas Haruni.
« Le problème n’a pas été de créer des vampires, mais de les dresser. Je voulais constituer ma force armée afin de régner sur mon propre domaine. Le seigneur Shumē m’a promis tout ça si je réussissais. Malheureusement, le clan Hikari a été anéanti quelques années plus tard.
– Ça ne vous a pas empêché de continuer.
– Je n’ai besoin de personne ! répliqua-t’elle avec un sourire féroce.
– Pourquoi vous me racontez tout ça ? demanda-t’il alors.
– C’est bien ce que vous êtes venu savoir, non ?
– Oui, mais vous venez de reconnaître vos crimes. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Elle éclata de rire.
« Avez-vous des preuves ? Ce sera ma parole contre la vôtre et que je sache, vous n'avez pas une excellente réputation à la capitale. »
Il ne pouvait guère arguer contre ce fait. Par contre, pour ce qui était des preuves…
« Ma preuve, c'est ce pavillon et surtout ce que contient cette réserve au fond. »
Grâce à son pouvoir des ombres, il avait senti dès le début des présences dans ce bâtiment. Dame Hidona se contenta de sourire et garda le silence.
« La garde impériale n'est pas loin, poursuivit-il, et je n'ai qu'à donner un signal pour qu'ils arrivent.
– Oh, vous voulez parler des soldats qui étaient à votre recherche tout à l'heure ? Je crains fort de les avoir envoyés au sud, loin d'ici. »
Cela expliquait l'absence de soldats aux alentours. Haruni fronça les sourcils, voyant son plan contrarié. Pour autant, il n'était pas dans une impasse.
« Vous n'avez toujours pas répondu à ma question, reprit-il pour gagner du temps. Pourquoi vous m'avez tout avoué aussi facilement ?
– C'est un échange de bon procédé : à vous maintenant de me raconter votre expérience. »
Il haussa les sourcils, perplexe.
« Quelle expérience ?
– Vous n'avez pas besoin de faire semblant avec moi, assura-t'elle. Il y avait plus de cinquante vampires dans les tunnels de la forêt de Saki, pourtant ils sont tous morts. Personne n'aurait pu les éliminer.
– Je n'étais pas seul, reconnut Haruni. Nos gardes se sont battus courageusement.
– Peuh ! Je n'y crois pas un seul instant ! Si vous en savez aussi long sur les vampires, c'est bien parce que vous vous y intéressez, comme moi. Vous voulez aussi vous créer une armée invincible pour prendre le pouvoir ! »
Haruni soupira : encore une qui le croyait prêt à tout pour monter sur le trône. Était-ce si dur de comprendre que ça ne l'intéressait pas du tout ? Que devait-il faire pour convaincre les gens ?
« J'en sais long sur les vampires, reconnut-il, mais pas pour les raisons que vous pensez. Dans les Monts de l'Est, il y a des Vites qui les chassent. Ce sont eux qui…
– Des Vites qui peuvent tuer des vampires ? le coupa-t'elle. Vous vous moquez de moi !
– Non, c'est la vérité. »
Elle prit un air écœuré et cracha :
« Ah ! Dire que je pensais que nous aurions pu coopérer… Tant pis pour vous ! »
Elle prit un sifflet accroché à sa ceinture et souffla dedans. Un grondement animal se fit entendre sur le côté. Haruni eut à peine le temps de se tourner qu'un vampire se ruait déjà sur lui, la salive coulant au coin de sa bouche. L'adolescent ne paniqua pas et effectivement, à quelques pas de lui, le vampire fut subitement immobilisé par les ombres qui clouèrent ses pieds au sol. Le visage de Hidona s'illumina de compréhension.
« La magie, fit-elle songeuse. Vous avez donc bien hérité du don des Hikari. Je comprends mieux à présent.
– Les Hikari n'étaient pas les seuls magiciens, » soupira-t'il.
Dans son esprit, les Dieux le pressèrent d'éliminer le vampire qu'Ils retenaient.
« Notre énergie est au plus bas, dépêche-toi !
– Tenez encore un instant, » Leur demanda-t'il.
Il adressa un sourire à la femme et désigna le vampire immobilisé.
« Vous tenez à lui ou bien je peux le tuer ?
– J'en ai d'autres, » répliqua-t'elle.
Pourtant, elle siffla de nouveau, le son un peu plus grave, et le vampire se calma. Prudemment, Haruni relâcha les ombres. Il observa le visage du vampire, guettant le moindre signe de conscience. Les vampires de Kagejū devenaient civilisés après quelques jours de nourriture régulière. Hidona était-elle parvenue au même résultat ? En songeant au sifflet qu'elle utilisait, il comprit que non.
« Vous les dressez comme des chiens, réalisa-t'il.
– Oui, ça m'assure de leur fidélité.
– N'en soyez pas si sûre, les chiens finissent toujours par mordre la main de leur maître.
– Qu'est-ce que vous racontez ? Les chiens restent loyaux à leur maître, même au-delà de la mort ! »
Haruni lui jeta un regard d'incompréhension. Était-ce encore un problème de différence culturelle ? Il pensait pourtant en avoir fini avec ça.
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« Hum, en tout cas, en les traitant comme des animaux, vous les rendez plus faibles.
– Plus faibles, vraiment ? »
Une lueur rusée défila dans ses yeux bleus. Elle porta de nouveau le sifflet à sa bouche, émettant plusieurs notes aiguës. Cette fois, ce furent plusieurs grondements qui lui répondirent. Haruni vit plus d'une centaine de vampires sortir de la réserve. Quand il avait senti leur présence grâce aux ombres, il n'avait pas pu déterminer leur nombre exact, tant il y en avait. Il n'aurait pas cru qu'ils pourraient être aussi nombreux !
« Où est Hakurō ? deamnda-t'il aux Dieux en sentant la panique le gagner.
– Nous ne pouvons pas…
– Oh, ça va ! Vous êtes complètement inutiles ! »
Bien qu'offensés, Ils ne répondirent pas puisque ce n'était guère le moment.
« Montrez-moi la magie qui a tué cinquante vampires, exigea Hidona. Je veux vous voir à l'œuvre.
– Hum… Ils sont plus de cinquante, là, argua-t'il.
– Je vous promets que dès que vous en aurez tué cinquante, je rappellerai les autres.
– Vous le jurez sur les Dieux ? essaya-t'il.
– Ça ne servirait à rien, intervinrent ces derniers. Nous n'avons vraiment plus assez de forces pour intervenir.
– Alors taisez-Vous et laissez-moi réfléchir ! » Leur intima-t'il rudement.
Hidona partit d'un grand éclat de rire.
« Les Dieux ? Ah, vous et moi sommes les ennemis des Dieux !
– Pas moi, » rectifa-t'il.
Elle crut à de l’ironie. Se saisissant à nouveau du sifflet, elle émit deux notes et en réponse, cinq vampires se ruèrent sur l’adolescent. Il dégaina son sabre. Comme elle l’avait déjà vu à l’œuvre, il n’hésita pas à user de sa magie du feu. Si les vampires avaient été conscients, ça n’aurait aucune chance de fonctionner mais vu leur condition primitive, peut-être qu’ils auraient instinctivement peur…
« Vous êtes plein de surprise ! » s’écria Hidona, ravie.
Le feu fit son effet, bien que temporairement. Haruni décapita sans tarder les cinq vampires un par un. Il lança également une boule de feu dans le ciel dans le même mouvement, espérant attirer l’attention de Hakurō ou des gardes impériaux… même s’ils étaient loin, bernés par Hidona.
La femme ne réagit pas à cette manœuvre, contemplant plutôt les cadavres au pied de l’adolescent.
« Hum, c’est différent de ce à quoi je m’attendais. Pouvez-vous brûler des vampires ? s’enquit-elle. Je n’ai jamais essayé. D’un autre côté, vous l’auriez fait au lieu d’utiliser votre sabre si c’était possible. »
Elle était complètement folle, mais pas stupide. Les mains de Haruni se resserrèrent sur son sabre.
« Il y a autre chose, poursuivit-elle en lui lançant un regard avide. Vous allez me le montrer, que vous le vouliez ou non ! »
Elle siffla à nouveau, dirigeant tous les vampires contre lui. Les notes aiguës et stridentes furent vite noyées sous les grondements féroces. Haruni intensifia ses flammes, dressant un mur autour de lui. Ce n’était pas dans le but d’arrêter les vampires — ces derniers allaient vite comprendre qu’ils ne risquaient rien — mais plutôt pour alerter sur sa position.
Il sentit un souffle de vent avec soulagement et Hakurō apparut à ses côtés, ayant décapité une dizaine de vampires pour se frayer un chemin.
« Mon oncle ! » accueillit-il avec soulagement.
Hakurō ne dit rien, mais lança un regard mauvais à Hidona plus loin. Cette dernière arborait un air stupéfait. Soudain, elle éclata de rire.
« Vous avez transformé le prince Kodotaro en vampire ?! s’imagina-t’elle. Non, vous n’étiez pas encore né… Ce serait Shumē ? Et vous avez repris la suite ? Vous et moi, nous sommes vraiment pareils !
– C’est faux, il y a une énorme différence entre nous, répliqua Haruni.
– Oh, et laquelle ?
– Je doute que vous pourrez comprendre. Mon vampire est mille fois supérieur aux vôtres. »
Le vampire en question lui lança un regard en coin, interloqué, mais Haruni lui fit discrètement signe de ne rien dire.
« Alors il n’aura aucun mal à les tuer, renchérit la femme.
– Aucun, » poursuivit l’adolescent.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Hakurō sentit une goutte de sueur couler sur son front — ce qui lui était rarement arrivé depuis qu’il était devenu vampire. Son neveu le croyait invincible ou quoi ? Il avait déjà eu du mal contre la cinquantaine de vampires nouveaux nés dans les tunnels et là, il allait en combattre deux cents expérimentés ! Ce n’était pas pour lui-même qu’il s’en faisait. Après tout, il était déjà allé à l’encontre des lois de la nature et son existence était une abomination. Peu lui importait de mourir pour de bon, du moment que Haruni s’en sortait sain et sauf. Cependant, il ne pouvait même pas garantir ça. De son côté, Hidona fut ravie du défi que le Second Prince venait de lui lancer. De nature joueuse, elle pouvait enfin être elle-même devant quelqu’un. Le rôle de sœur impossible à marier l’écœurait profondément, encore plus depuis que sa cadette rayonnait à cause de son propre mariage à venir. Voilà pourquoi elle n’avait pas tué l’adolescent tout de suite et qu’elle avait partagé son histoire avec lui. Elle cherchait quelqu’un qui la comprendrait et pourrait admirer son ingéniosité.
« Qu’est-ce qui vous rend si sûr de vous ? demanda-t’elle en souriant.
– Vous avez dressé vos vampires comme des chiens, les rendant inférieurs aux humains. Mon vampire n’est pas dressé… »
Il tendit tout à coup ses sabres long et moyen à Hakurō qui comprit son intention.
« … Il est humain. »
À présent armé, Hakurō se sentait nettement plus confiant ! Le hic, c’était qu’il laisserait Haruni sans autre protection que son sabre court, mais aucun des deux n’avait le choix. Il se lança au combat, ou plutôt à l’abattage. Hidona déchanta vite en voyant les sabres trancher des têtes à une allure vertigineuse. Haruni aida son oncle en dressant des flammes pour tenir une partie des vampires à distance et lui permettre ainsi d’éliminer les petits groupes. Ça restait pourtant ardu d’éliminer tous leurs adversaires. Haruni jeta un coup d’œil en direction de Hidona qui gardait les yeux fixés sur le massacre.
« Non, gémit-elle faiblement. Mes enfants… mes enfants ! »
Elle tendit les mains vers eux, les larmes coulant sur ses joues. Il y eut soudain un éclair de lumière devant elle et elle baissa les yeux, confuse. Haruni venait de trancher la cordelette qui retenait le sifflet à sa ceinture et avait récupéré l’objet.
« Que… » commença-t’elle.
Haruni ne perdit pas son temps à lui répondre et siffla la même note qu’elle avait utilisée pour calmer le premier vampire qu’elle avait lancé contre lui. Cependant comme ils étaient plusieurs, il répéta la note puisqu’elle avait fait de même pour les pousser à l’attaquer. Il ne faisait que deviner le code qu’elle utilisait, usant à la fois de sa logique et de son oreille musicale.
Les vampires se figèrent aussitôt dans un bel ensemble avant de se redresser. Hakurō les observa d’un air médusé, les deux sabres couverts de sang dans les mains. Hidona réagit et tenta de reprendre le sifflet, mais Haruni le détruisit en le jetant par terre et en marchant dessus d’un pas sec. Furieuse, elle se tourna vers ses ‘enfants’ et leur hurla :
« Qu’est-ce que vous faites ?! Attaquez-les ! Obéissez-moi, je suis votre maîtresse ! »
Ce fut alors qu’elle se rendit compte de l’erreur qu’elle avait commise : elle les avait dressés à obéir au sifflet, pas à elle. Dès que Haruni s’était emparé du sifflet, il lui avait pris le contrôle.
« Vous avez raison, dame Hidona, commenta l’adolescent en souriant. Les chiens restent effectivement loyaux à leur maître. Dommage que ce ne soit pas vous.
– Espèce de sale petit bâtard ! » s’écria-t’elle en se ruant vers lui, prête à le déchiqueter à main nue.
Hakurō s’interposa et brandit un sabre contre sa gorge. La lame était complètement émoussée après autant d’os tranchés, mais elle restait pointue au bout.
« Ne le touche pas, pauvre démente, » la menaça-t’il.
Elle perdit toute velléité en l’entendant.
« T-tu… tu… tu parles ?! s’écria-t’elle, ébahie. Un vampire ne parle pas !
– Vous ne connaissez donc rien aux vampires, » soupira Haruni.
Ça ébranla son esprit déjà bien fragile. Elle tomba à genoux, emplie de désespoir.
« Tu arriveras à tuer les autres ? demanda Haruni à son oncle, ne prêtant plus attention à elle.
– Ils ne bougent plus, ça va être un jeu d’enfant.
– Alors vas-y. Je pense que le général Kenryū ne va plus tarder… J’espère.
– Ça ira avec elle ? » s’inquiéta Hakurō en désignant Hidona.
Haruni acquiesça.
« Elle a perdu la volonté de se battre. »
Le vampire fronça les sourcils, pas entièrement rassuré. Il insista pour rendre le sabre moyen à son neveu pour qu’il puisse se protéger. Haruni accepta en roulant des yeux.
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Bientôt, on n’entendit plus que le sifflement de la lame et le bruit sourd des têtes qui roulaient au sol. Même face à ce danger, les vampires ne bronchèrent pas et se laissèrent docilement décapiter. Quel que soit le dressage que leur avait fait subir Hidona, ça les avait privé de toute volonté et même de l’instinct basique de survie. Hakurō en frissonna d’épouvante. Pendant ce temps, Haruni s’était avancé vers la porte de la cour et après avoir sondé les environs avec les ombres, il l’ouvrit. Le servant de Hidona entra aussitôt, pensant que c’était sa maîtresse qui en avait fini avec le Second Prince. Il comprit son erreur en voyant l’adolescent le menacer de son sabre.
« À genoux, ordonna-t’il, et baisse la tête ! »
Épouvanté, l’homme s’exécuta aussitôt, implorant pour sa vie.
« Votre Altesse, je vous en supplie ! C’est ma maîtresse qui m’a forcé à lui obéir ! Je n’y suis pour rien !
– Silence ! » fit Haruni en frappant sa tête avec la poignée du sabre.
Le servant fut assommé et tomba au sol. Haruni déchira la tunique de l’homme pour lui attacher les pieds et les mains, avant de refermer la porte de la cour. Puis il rejoignit son oncle qui venait de finir ses exécutions.
« C’était… perturbant, commenta-t’il. Que vas-tu faire de lui ?
– Il va pouvoir me dire si Hidona avait d’autres endroits avec des vampires comme celui-ci et s’il y a d’autres lieux où ils ont rassemblé des corps. Il parlera plus facilement qu’elle. »
Le regard de l’adolescent se posa sur la femme plus loin qui avait saisi l’une des têtes de vampire et la tenait serrée contre lui, comme un bébé qu’elle berçait. Son esprit avait complètement basculé dans la folie… ou peut-être qu’il s’y trouvait déjà depuis des années, depuis la mort de son enfant.
« On ne doit pas la laisser en vie, fit Hakurō en fronçant les sourcils. Elle m’a vu et elle t’a aussi vu utiliser la magie.
– Elle doit être jugée pour ses crimes, argua Haruni, les yeux toujours rivés sur Hidona.
– Mais si elle parle de nous… »
L’adolescent se tourna vers lui et l’interrompit :
« Qui la croira ? Surtout dans son état. »
C’était un bon argument, sauf que Hakurō préférait éliminer le moindre risque. Puisqu’elle finirait exécutée quoi qu’il arrive, pourquoi perdre du temps et se mettre en danger inutilement ?
« Les familles des victimes doivent pouvoir la regarder dans les yeux et assister à son exécution, argua Haruni. Ça ne les consolera pas, mais ça leur apportera peut-être un peu de paix. »
Touché, Hakurō soupira et renonça.
« J’espère que tu as raison, mon garçon, » fit-il.
Il y eut soudain un bruit de chevaux de l’autre côté du mur et on frappa lourdement à la porte close de la cour.
« Au nom de l’Empereur, ouvrez ! »
Haruni retint un sourire ironique : la garde impériale arrivait enfin… quand tout était fini. Quelle efficacité !
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Hakurō devina ses pensées et lui jeta un regard désapprobateur.
« Tu ne leur a pas vraiment laissé de chance.
– Bah, je me débrouille mieux tout seul.
– Tout seul ? rétorqua le vampire en croisant les bras.
– Avec quelqu’un qui me connaît vraiment et en qui je peux avoir totalement confiance, rectifia l’adolescent. Merci pour tout, mon oncle. »
Malgré lui, Hakurō sourit.
« Je ne suis pas encore parti, tu sais. Je vais rester jusqu’à ce que je sois certain qu’il n’y ait plus de vampires en préparation quelque part.
– Ne pars pas sans me dire au revoir, en tout cas.
– Bien sûr ! »
Il disparut rapidement. Haruni soupira, puis il alla ouvrir aux soldats avant qu’ils n’enfoncent la porte. Il allait encore devoir fournir des explications compliquées.
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