Le Prince Solitaire 7 16

Chapitre Seize : Récompense


Aux alentours de la forêt de Saki, deuxième mois de l’année 2458


Quand Kenryū avait appris qu’il avait manqué le Second Prince de peu chez le seigneur Mitōkoro, il sentit que ce sale gosse se payait à nouveau sa tête.

« Merci pour votre aide, seigneur Mitōkoro, fit-il en masquant son irritation. Le Second Prince aurait-il mentionné où il comptait ensuite se rendre ?

Ma foi… Non, je ne crois pas. »

Ça aurait été trop beau, évidemment ! Kenryū salua le seigneur et remonta sur son cheval, le visage ombrageux. À la sortie de la cour cependant, un servant les héla.

« Général !

Que veux-tu ? fit sèchement Kenryū.

C’est moi qui ai eu l’honneur d’apporter sa monture à son Altesse. Je l’ai entendu parler de la plaine de Kaku, au sud.

Parler ? À qui parlait-il ? »

Le servant prit un air confus.

« Oh… à lui-même, me semble-t’il. »


Dubitatif, Kenryū reprit son chemin, suivi par ses hommes. Quand ils se furent éloignés de la demeure, il s’arrêta de nouveau.

« Dix hommes vont se rendre dans la plaine de Kaku à la recherche de son Altesse. Le reste va surveiller les allées et venues de cette demeure.

Général ? s’enquit un de ses commandants.

Je ne crois pas une seule seconde à ce qu’a dit ce servant, affirma Kenryū, ses yeux saphir plissés. Le Second Prince n’aurait pas mentionné sa destination comme ça, par hasard. Il était intéressé par cette famille, il ne doit donc pas être bien loin !

Oui, général. À vos ordres, général ! »

Deux heures après, un soldat rapporta avoir vu un carrosse quitter la demeure en direction du nord.

« Deux gardes le suivent, précisa le soldat.

Qui est à bord ?

L’une des sœurs du seigneur Mitōkoro. »

Kenryū haussa un sourcil. Une femme ? Ce ne devait pas être bien important.

« Continuez la surveillance, » ordonna-t’il.

Le soldat s’inclina et retourna à son poste.


Une heure après, des flammes dans le ciel attirèrent leur attention.

« C’est au nord, » marmonna Kenryū.

Cela pouvait-il avoir un lien avec le carrosse qui était parti plus tôt ? En tout cas, il fallait s’y rendre. En chemin, ils croisèrent également le seigneur Mitōkoro et ses homems.

« C’est peut-être un feu de forêt, fit le seigneur après des saluts. Il faut éviter qu’il se propage !

Nous vous aiderons.

Merci, général Kenryū. Hâtons-nous ! »

Cependant, plus ils se rapprochaient, plus la thèse de l’incendie était à écarter : il n’y avait aucune odeur de brûlé dans l’air, aucune fumée et les animaux n’étaient pas en train de fuir. Les hommes finirent par arriver près d’un bâtiment bordé d’une enceinte. Le feu avait disparu depuis un moment, alors il n’étaient pas certains que ça provenait de là.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

« Quel est cet endroit ? s’enquit Kenryū, suspicieux.

C’est un pavillon de chasse. Il ne sert plus beaucoup depuis que mon frère est parti de la maison. »

L’un des gardes impériaux repéra pourtant des traces de roues récentes. D’autres soldats contournèrent le mur et découvrirent le carrosse en question, vide, mais aussi…

« Le cheval de l’Empereur ! » s’exclama Kenryū en reconnaissant aussitôt l’animal.

Ça acheva de confondre Mitōkoro.

« L’Em… Sa Majesté est là ? Et il y a aussi notre carrosse ?

Non, c’est le Second Prince qui a volé la monture de son père, » répondit Kenryū en faisant signe à ses hommes de descendre de cheval.

Puisque les portes étaient fermées, ça voulait dire que le Second Prince se trouvait à l’intérieur. Quant aux flammes qu’ils avaient vues… allez savoir d’où ça provenait !


Les soldats tentèrent d’ouvrir les portes, mais elles étaient verrouillées de l’intérieur. Kenryū sentit que quelques chose n’allait pas. Il fit un signe de tête à son commandant.

« Au nom de l’Empereur, ouvrez ! » cria ce dernier.

Ils attendirent un moment et juste lorsque Kenryū était sur le point d’ordonner qu’on défonce les portes, celles-ci s’ouvrirent lentement dans un léger grincement. Les gardes brandirent leurs sabres, s’attendant au pire.

« Général Kenryū, fit le Second Prince avec un sourire, comme c’est aimable à vous de vous être déplacé jusqu’ici ! »

Le ton jovial acheva d’user la patience du général. Il s’avança et ouvrit les portes en grand. Le spectacle qu’il découvrit le laissant pantois. Derrière lui, les soldats murmurèrent, pétrifiés. La vue de tous ces corps était plus que perturbante, d’autant qu’une grande partie d’entre eux était alignée comme s’il y avait eu une exécution.


« Que… » commença Kenryū en ramenant son regard sur le Second Prince.

Ce faisant, il nota le sabre que l’adolescent tenait en main : la lame était ébréchée en plusieurs endroits et aussi couverte de sang. Le seule façon pour que ça se produise… Kenryū regarda à nouveau les corps décapités. Il devait en y avoir au moins deux cents…

« Hidona ! » s'écria soudain Mitōkoro qui avait aperçu sa sœur plus loin.

Il se rua vers elle, mais la femme hurla à son approche.

« Va-t'en ! Laisse-moi avec mon bébé ! Tu ne me le prendras plus ! »

Tous purent voir ce qu'elle tenait dans les bras et ils en furent horrifiés.

« Par les Dieux, que s'est-il passé ici ?! fit Kenryū, éberlué.

C'est cette femme qui a créé les vampires qui nous ont attaqués il y a trois jours, et aussi ceux que vous voyez ici.

Une femme ? » releva le général, son ton exprimant son incrédulité.

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Haruni lui lança un regard réprobateur.

« Ah, ne sous-estimez jamais les femmes. Elles peuvent être encore plus féroces que les hommes. Voici un de ses servants, fit-il en désignant un homme attaché et inconscient, adossé contre le mur. Il faudra l'interroger à son réveil pour savoir s'il n'y a pas d'autres vampires dans les environs. »

Sauf que Kenryū n'en était pas encore à ce point.

« Pourquoi une femme aurait-elle voulu créer des vampires ?

Elle a dit qu'elle voulait une armée invincible. »

Comme le général tiquait encore, Haruni soupira et fit :

« Bon, autant tout vous raconter depuis le début… »


Son récit, même s'il apporta beaucoup de réponses, souleva aussi énormément d'interrogations. L'implication des Hikari, bien que lointaine, ne surprit guère Kenryū. Par contre, il soupçonna que le Second Prince était plus impliqué dans cette affaire qu'il ne l'avouait.

« Et vous avez découvert ça par hasard  ? insinua-t'il.

Pas par hasard. Je vous ai expliqué ce qui m'a amené à la soupçonner.

Ma sœur, intervint Mitōkoro qui avait écouté et était anéanti, n'était pas bien… depuis qu'elle a été… répudiée par son époux. Elle quittait souvent notre demeure. Je croyais que c'était pour faire des achats en ville ou que sais-je. Jamais je n'aurais imaginé que… une telle chose… depuis des années ! »

C'était un choc immense pour lui.


Kenryū fronça les sourcils.

« Seigneur Mitōkoro, nous allons devoir emmener votre sœur à Kurojū pour qu'elle soit interrogée…

Et tous ses servants aussi, intervint Haruni.

Et tous ses servants. Vous pouvez venir la représenter.

Je… Oui, bien sûr ! Il s'agit de l'honneur de ma famille !

Bien, nous vous attendons demain à la première heure. Vous comprendrez que c'est une affaire bien trop grave pour que nous la repoussions.

Je comprends, général Kenryū. Que… que devons-nous faire de ces… Abominations ? »

Il n'osa pas se retourner pour voir les cadavres.

« Dites à vos hommes de les rassembler et de les brûler.

Je le ferai. Et ce maudit pavillon brûlera avec !

Si vous le permettez, mes hommes fouilleront d'abord les lieux.

Ah ? Oui, bien sûr ! »

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Cela rassura Haruni : Hidona avait peut-être laissé des documents ou d'autres traces qui prouveraient bien qu'elle était la coupable. Kenryū avait bien réagi.

« Hakurō ne mentait pas en disant qu'il est compétent, » songea-t'il.

Le général aux cheveux d'automne lui jeta un regard polaire.

« Votre Altesse, je vous ramène sur-le-champ à Kurojū. Vous n'imaginez pas à quel point l'Empereur est furieux contre vous !

Je n'ai aucun doute à ce sujet, » fit Haruni avec un sourire d'auto-dérision.

Kenryū prit ça pour de la désinvolture et sa colère s'accrût.

« Vous n'avez pas une once de piété filiale, honte à vous ! » le sermonna-t'il.

Haruni ne répliqua pas, sachant que ce serait inutile. Il endura ainsi les réprimandes du général tout au long du trajet.


~*~


C'était la fin de la journée quand ils arrivèrent au palais. Haruni en fut surpris : en à peine quelques heures, il avait trouvé qui avait créé les vampires et il l'avait mis hors d'état de nuire.

« J'ai eu de la chance, » se dit-il.

Non, ce n'était pas exactement de la chance : Hidona s'était dévoilée à lui parce qu'il était un Hikari et qu'elle pensait qu'il partageait ses intérêts. Donc en fin de compte, il avait réussi grâce à son lien avec le clan Hikari ? L'idée n'était pas du tout plaisante.

« Oublions ça. Ce qui compte, c'est que la vérité a été faite sur ce drame. Ça ne ramènera pas les morts, mais ça apportera un peu de paix aux vivants. »


Au palais, le comité d'accueil était très réduit. Haruni nota aussitôt la mine furieuse de son père et descendit de cheval en soupirant intérieurement. Kenryū le suivit de près, comme s'il redoutait que le Second Prince ne tente de s'enfuir à nouveau ! Le général s'inclina ensuite devant l'Empereur.

« Votre Majesté, je vous ramène le Second Prince. Nous avons aussi arrêté une femme qui pourrait avoir un lien avec l'attaque d'il y a trois jours.

Plus qu'un lien, intervint Haruni, c'est la responsable !

Humph, nous verrons après l'interrogatoire des prisonniers. »

Haruni se retint de lever les yeux au ciel. Kenryū ne le croyait toujours pas, alors même que les preuves étaient devant ses yeux.


L'adolescent se tourna vers son père dans l'intention de le saluer, mais ce dernier s'était déjà avancé vers lui pour le gifler violemment. Le son sec résonna dans le silence de la Cour. Les membres du Conseil présents détournèrent poliment le regard, mais beaucoup se réjouirent de l'humiliation du Second Prince. Tomuki prit un air peiné : il partageait l'inquiétude de son père tout en déplorant l'insensibilité de son petit frère. Comment avait-il pu disparaître alors qu'ils avaient failli mourir à cause de vampires quelques jours plus tôt ? Seiryū, présent lui aussi, fut soulagé que son prince soit sain et sauf. Il avait cependant des regrets :

« Si j'avais insisté plus pour que mon serment soit reconnu, j'aurais pu l'accompagner et le protéger ! Hors de question que ça se reproduise ! »


Tegami tremblait de rage contenue.

« Tu as osé me désobéir, » lança-t'il à son cadet.

Ce dernier lui fit face, une marque rouge sur sa joue. Les yeux dorés n'exprimaient que de la résolution.

« C'est vrai, répondit-il simplement.

Tu es consigné dans tes quartiers jusqu'à nouvel ordre ! »

Haruni s'inclina sans un mot et entra dans le palais pour rejoindre ses appartements. Tomuki voulut lui dire quelque chose quand il passa près de lui, mais il se retint. La situation était déjà assez tendue comme ça, il avait l'impression que le moindre mot serait comme jeter de l'huile sur le feu.

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« Général Kenryū, fit Tegami d'un ton encore agité, vous allez me faire un rapport complet. Suivez-moi !

À vos ordres, votre Majesté. »

Kenryū se doutait qu'il n'y aurait pas que le rapport : Tegami voulait aussi une oreille compatissante pour se plaindre de son morveux de fils. Le général adressa un sourire à son propre aîné. Au moins, Seiryū ne lui avait jamais causé autant de problèmes que le prince bâtard, même durant sa période difficile après la mort de Yama. Décidément, il avait été comblé en tant que père. Maintenant, si seulement son fils pouvait trouver la personne qu'il désirait servir, ce serait parfait.


~*~


Dans ses appartements, Haruni s'était lavé et changé. Ses servants, au courant de ce qui s'était passé, se firent le plus discret possible. Des gardes se tenaient devant les portes de son pavillon, signe de son confinement. L'adolescent s'était retenu de rire en les voyant : s'il voulait s'en aller, ce ne serait pas une poignée de gardes qui l'en empêcherait ! Mais heureusement pour eux, il n'avait plus de raison de quitter le palais dans l'immédiat. Il avait accompli ce qu'il souhaitait, le reste était entre les mains de Kenryū. Même si Hidona avait perdu l'esprit, ses servants pourraient attester de ses actes. L'affaire serait donc vite jugée. Haruni aurait dû normalement se réjouir, sauf que… il ressentait un vide.


Les servants déposèrent son repas, auquel il ne toucha pas. Il préféra rester sur le porche à contempler les jardins. La nuit tomba et Haruni congédia ses servants.

« Maître, insista Haka, vous n'avez rien mangé…

J'ai bien déjeuné à midi, » répondit-il.

Connaissant leur maître, ils n'insistèrent pas mais couvrirent les plats et les laissèrent, au cas où il changerait d'avis. Enfin seul, Haruni soupira lourdement. Un bruissement à l'extérieur attira son attention. Il fut médusé de voir son oncle apparaître.

« Qu'est-ce que tu fiches ici ? l'admonesta-t'il à voix basse. Tu es fou ?

Je suis venu voir comment tu allais, répliqua calmement Hakurō. J'ai attendu que tu sois seul.

Je ne suis jamais seul ici, » gronda Haruni.


Comme pour illustrer ses propos, il sentit une présence familière se rapprocher par les jardins.

« Va-t'en vite ! » pressa-t'il le vampire.

Ce dernier refusa de bouger, un sourire aux lèvres. Haruni jura entre ses dents et se tourna pour faire face au nouveau venu, tout en tâchant de cacher son oncle derrière lui.

« Général Kafūze, je n'essayais pas de m'enfuir cette fois. Inutile de vous déplacer ! » déclara-t'il pour faire diversion.

Hakurō, qui le dépassait d'une bonne tête, baissa les yeux vers lui.

« Tu es vraiment en train d'essayer de me cacher derrière toi ? Tu as conscience que je suis bien plus grand que toi ?

Hé ! Je fais ça pour garder ton secret ! répliqua vivement l'adolescent.

Votre Altesse, le salua Kafūze d'un ton imperturbable. Prince Kodōtaro. »


Haruni dévisagea le général de l'Armée de l'Ombre avec stupéfaction.

« Vous… vous n'avez pas l'air surpris… ou apeuré, nota-t'il sans comprendre.

J'avais plus ou moins envisagé cette hypothèse d'après ce que vous m'avez dit, votre Altesse. Quoi de mieux qu'un vampire pour combattre des vampires et en qui pourriez-vous avoir une confiance absolue ? La réponse était évidente et j'en ai la confirmation ce soir. »

Haruni se dit à nouveau que Kafūze était loin d'être un imbécile. C'était très rassurant. Hakurō s'avança à deux pas de l'autre homme avec son sourire habituel.

« Miroku, ça faisait longtemps.

Depuis ta mort. Et c'est Kafūze maintenant. »

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Haruni cligna des yeux et comprit quelque chose :

« Vous vous connaissiez… bien ?

Ah, Miro… Kafūze était infiltré parmi mes compagnons d'étude pour assurer ma protection. Nous sommes donc des amis d'enfance !

J'étais censé garder mes distances à l'époque, soupira Kafūze, mais dès que tu as remarqué que j'étais doué aux Pierres, tu ne m'as plus lâché !

C'est dur de trouver un bon adversaire à ce jeu, se défendit Hakurō. Je battais Kenryū tout le temps, c'était lassant à la longue ! »

Haruni arrivait très bien à visualiser son oncle au même âge que lui. Pour Kafūze, c'était un peu plus dur. Le général reprit d'ailleurs son air sérieux et toussota.

« Ne restons pas à l'extérieur, conseilla-t'il.

Venez, » enchaîna Haruni en les conduisant dans ses appartements.


Hakurō fit une drôle de tête en voyant la décoration épurée, lui qui avait connu autrement les quartiers de son petit frère.

« Tu n'as pas changé, commenta-t'il en secouant la tête.

Je préfère comme ça, » rétorqua l'adolescent.

Il se rendit à la table basse où se trouvait encore son repas intact. Hakurō eut les yeux qui se mirent à briller en voyant la nourriture.

« Je peux ? Je n'ai rien mangé depuis ce matin !

Oui, mais c'est froid, précisa Haruni, se sentant un peu gêné.

Pas grave ! »

Le vampire avait pris du sang d'animal dans la journée, mais il ne voulait pas manquer une autre occasion de goûter à la nourriture de son enfance.

« Général Kafūze, vous désirez aussi quelque chose ? demanda l'adolescent en bon hôte. Je peux dire aux servants de faire du thé.

Merci, votre Altesse, mais il vaut mieux que personne ne sache que nous sommes ici. »

Un vampire et le général de l'Armée de l'Ombre, évidemment que la discrétion était nécessaire !


Notant le regard curieux de Kafūze en direction de Hakurō qui mangeait normalement, Haruni en profita pour lui demander :

« Vous n'avez pas l'air choqué ou horrifié.

Mmm, mon métier m'en a fait voir d'autres, surtout avec vous.

Ah, désolé.

Ça rend mes journées plus intéressantes. »

Kafūze semblait vraiment avoir l'esprit très ouvert, ce qui changeait agréablement de la mentalité courant dans l'Empire de l'Aube.

« En plus, ça résout un autre mystère : le général Kenryū recevait parfois des messages anonymes qui l'informaient des manigances des Hikari. Je crois en avoir trouvé la provenance. »

Hakurō eut un léger rire entre deux bouchées.

« Bah, je ne pouvais pas complètement me détacher des affaires de l'Empire. En plus, les nouveaux vampires ont souvent des informations intéressantes.

Désormais, n'hésite plus à passer par mes Ombres.

Tu en as en poste près des Monts de l'Est ?

Pas particulièrement, mais donne-moi une ville et ce sera fait. »

Ce fut ainsi que naturellement, vampire et général des Ombres établirent un réseau de communication.


Une fois ces arrangements terminés, Kafūze se tourna vers l'adolescent :

« Votre Altesse, je venais vous voir pour que vous me racontiez ce qui s'est passé. Ça aidera à mener efficacement l'interrogatoire des prisonniers.

J'ai déjà tout raconté au général Kenryū qui a dû faire son rapport à mon père, non ?

On m'a rapporté leur conversation, en effet, mais le général n'est pas rentré dans les détails et semblait dubitatif quant à la culpabilité de la prisonnière.

Humph, tout ça parce que c'est une femme ! »

Kafūze savait qu'il n'y avait pas que ça : si le général avait ses doutes, c'était également à cause de l'implication du Second Prince. Cependant, Haruni en avait certainement déjà conscience, alors Kafūze évita d'exprimer ses doutes à voix haute.

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Haruni soupira et raconta de nouveau ce qui s'était passé, également pour Hakurō à qui il avait pas eu le temps de trop parler avant l'arrivée de la garde impériale. Les deux hommes l'écoutèrent, la mine grave.

« Même après leur mort, les Hikari continuent d'être dangereux, grommela Hakurō.

Ils avaient des activités variées, c'est le moins qu'on puisse dire, commenta simplement Haruni.

Merci pour votre aide, votre Altesse. Soyez sûr que les prisonniers confirmeront vos dires, quoi qu'il en coûte.

Demandez-leur surtout s'il n'y a pas d'autres lieux de stockages de corps ou de vampires.

Ce sera fait. »


Hakurō avait déjà fini de manger les plats froids et il avait posé les baguettes sur le bol, réfléchissant intensément.

« Haruni, proposa-t'il, il vaut mieux que je reste au cas où vous découvririez d'autres vampires.

Je ne crois pas que ce sera nécessaire. S'il y a des vampires, il auront subi le même dressage que ceux que nous avons vus. Sans Hidona pour les commander, ils seront faciles à tuer. »

Hakurō frissonna en repensant à la sinistre exécution de l'après-midi. Son cœur saignait à la pensée de toutes ces malheureuses âmes broyées et privées d'humanité. Pour lui qui s'était fixé pour but de venir en aide aux vampires et de leur rendre leur humanité, c'était terrible de songer à tous ces gens qu'il n'avait pas pu sauver.

« Et si ce sont des réserves de corps, poursuivit Haruni, il faudra juste les brûler. Ça ne présente donc pas de danger. Même les soldats sauront y faire face.

Hum, je vois. Mon neveu me chasse dès qu'il n'a plus besoin de moi, » pleurnicha Hakurō.


Comme Haruni connaissait bien le caractère de son oncle, il ne se laissa pas piéger.

« Tu dis ça, mais tu es le premier à vouloir rentrer chez toi !

Oui, chez moi, » répéta Hakurō avec un sourire doux-amer.

Bien que sa vie avait été à Kurojū et qu'il était heureux de revoir ces lieux familiers, sa mort était à Kagejū où on avait besoin de lui. Il n'était pas sans regrets, mais il avait que ça aurait été malsain pour lui de vouloir rester davantage. Tout le monde ne réagirait pas aussi bien que Kafūze à son existence. Si Tegami venait à le découvrir… ou bien Kenryū… Hakurō refusait de les faire souffrir encore une fois.

« Bon, c'est ma dernière soirée au palais et je n'ai même pas droit à un verre ? » demanda-t'il.

Haruni se leva pour commander du sake au servant de garde à la porte. Comme ce n'était pas dans ses habitudes, Doko le fixa avec étonnement et se permit de demander :

« Maître, vous êtes sûr ?

Ne discute pas. »

Le servant s'imagina qu'il voulait noyer son chagrin dans l'alcool suite à l'humiliation qu'il avait subie dans la journée, aussi s'exécuta-t'il. À quarante-deux ans, c'était toléré que Haruni puisse prendre de l'alcool, tant que ça restait raisonnable et ponctuel.


~*~

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Hakurō accueillit avec joie le sake : encore un plaisir de l'Empire qui lui avait manqué. Les montagnards distillaient bien de la liqueur, mais ça n'avait pas le même goût subtil et délicat de cet alcool de riz. Kafūze leur tint compagnie.

« À mon cher neveu, déclara Hakurō en portant un toast, qui promet de devenir un homme extraordinaire parce qu'il l'est déjà ! »

Surpris, l'adolescent tourna la tête sur le côté en rougissant légèrement.

« Bah, » marmonna-t'il en avalant une gorgée d'alcool.

Hakurō lui sourit tendrement, s'extasiant de voir son côté mignon ressurgir, vu que ça n'arrivait que rarement.

« Son Altesse a en effet plusieurs accomplissements à son actif, et ce malgré son jeune âge, » renchérit Kafūze en buvant à son tour.

Le concerné prit un air troublé.

« Des accomplissements, vraiment ? marmonna-t'il.

Allons, rien qu'aujourd'hui, tu as arrêté une femme dangereuse. Ce n'est pas rien ! »


Haruni eut un petit rire ironique. Son humeur sombre refit surface.

« Que crois-tu que les gens vont retenir d'aujourd'hui, hein ? Le Second Prince s'est fait gifler et punir par l'Empereur parce qu'il lui a désobéi. »

Hakurō grimaça, tandis que Kafūze fixait l'adolescent sans rien dire.

« Et c'est pareil à chaque fois : dès que je fais quelque chose de bien, il arrive toujours quelque chose de mal en retour et c'est ça ce que les gens retiennent.

Tu exagères sûrement, tenta de l'apaiser son oncle.

Oh, vraiment ? »

Haruni se mit à énumérer tranquillement :

« Le Tournoi Impérial : j'ai fini premier de ma catégorie et qu'est-ce que les gens ont retenu ? Mon adversaire est devenu furieux et a tenté de me tuer.

Vraiment ? » s'horrifia Hakurō.


L'adolescent hocha la tête et poursuivit :

« Dekita : j'empêche une attaque surprise à deux contre cent et qu'est-ce que les gens ont retenu ? J'ai dormi le lendemain en manquant la bataille.

Toi, dormir autant ?

Le Firal Seiryū m'avait donné un somnifère à mon insu pour que je sois soigné. »

Hakurō fronça les sourcils, perplexe, pendant que Kafūze hochait la tête en murmurant :

« C'était donc ça.

Seiryū a fait quoi ?

Ce n'est rien, j'ai dit que je ne mentionnerai plus ça. Caserne de Tomako : je réussis à me libérer et qu'est-ce que les gens ont retenu ? Je suis un affabulateur qui prétend que les Dieux sont venus à mon secours !

Tu n'as qu'à invoquer les Dieux devant la Cour. Ça devrait leur clouer le bec !

Peuh ! Certains trouveraient encore à y redire ! »


Haruni vida sa coupe et soupira lourdement.

« Alors vous voyez, je ne considère pas ça comme des accomplissements parce que ça n'en sera jamais. Il y aura toujours un événement pour contrebalancer mes efforts, comme pour revenir à l'équilibre.

Du coup, tu n'as pas la reconnaissance que tu mériterais, constata tristement Hakurō.

Heureusement dans ce cas que je ne fais pas ça pour la reconnaissance, répondit Haruni avec un sourire. Je fais ce que j'ai à faire, c'est tout. »

Kafūze et Hakurō échangèrent des regards. Un enfant qui disait ça… Non, même un home qui disait ça était admirable. Peut-être que c'était précisément pour cette raison que le destin s'acharnait contre lui, par pure jalousie ou bien par souci d'équilibre. Les deux hommes burent en silence, incapables d'apaiser les tourments du Second Prince bien qu'ils en auraient eu envie.

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Plus tard, alors que Haruni allait demander une autre carafe de sake à son servant, Hakurō en profita pour glisser à l'autre homme :

« Ce n'est pas acceptable que mon neveu ait si mauvaise réputation à la Cour, surtout après tout ce qu'il a fait et vécu ! Tu ne peux rien faire pour l'aider ?

Je fais de mon mieux ! protesta le général. Mes Ombres se chargent déjà de répandre toutes les rumeurs positives sur lui. Rien que l'autre jour, c'est le Second Prince qui a insisté auprès du Conseil pour que les soldats et les servants morts à cause de l'attaque aient droit à la même cérémonie que les nobles. J'ai fait en sorte que ça se sache. »

Hakurō acquiesça, satisfait. Cependant, Kafūze nuança :

« Son Altesse a plutôt bonne réputation parmi les soldats et le peuple. Ce sont les nobles qui le dénigrent, surtout à la Cour. Et je ne peux pas faire grand-chose contre ça.

Ces imbéciles, marmonna le vampire. J'imagine aussi que Haruni n'use pas assez de tact avec eux et qu'il est trop offensif.

Tu le connais bien, dis donc.

Il raisonne et se comporte encore comme un Vite, même après tout ce temps. J'espère qu'avec le temps, il adoucira certains traits trop abrupts de sa personnalité. »

Haruni revint sur ce avec une nouvelle carafe et la soirée se poursuivit.


~*~


Tard dans la nuit, Kafūze se retira pour laisser Haruni et son oncle se faire leurs adieux en toute tranquillité.

« Ça ira sur la route ? s'enquit l'adolescent.

Mais oui, ça ira, fit Hakurō en lui tapotant la tête. Je serai très prudent.

Mmm. »

Haruni prit tout à coup un air songeur et lui posa une question qui le taraudait :

« Dis, tu aurais dû avoir cent vingt-quatre ans là, non ?

Si tu veux insinuer que je suis vieux… commença le vampire.

Et ça fait soixante-quatre ans que tu es un vampire. Combien de temps peut vivre un vampire ? »

Hakurō réfléchit un moment.

« Je ne sais pas, reconnut-il. Je n'ai encore jamais vu de vampire “mourir” de cause naturelle. Et à ma connaissance, je suis le plus âgé. Peut-être… peut-être que nous vivons tant que notre âme en a la force, va savoir ! »


L'adolescent lui saisit la manche, la tête baissée.

« Reste en vie tant que tu le peux, murmura-t'il. Je vais voir quelque chose avec Eux.

Mmm ? Ne t'en fais pas pour moi. Quoi qu'il arrive, je ne regrette pas mon choix. »

Haruni releva la tête pour lui sourire tristement : sur ce point, ils étaient pareils.

« Sois prudent, mon oncle.

Toi aussi, mon cher neveu. »

Hakurō l'embrassa sur le front et disparut dans un souffle de vent. Haruni contempla le mur au fond des jardins et soupira. Même si les circonstances avaient été horribles, il était vraiment heureux d'avoir pu revoir son oncle, surtout qu'ils s'étaient quittés en plus ou moins mauvais termes. C'était donc une chance pour lui de remédier à ce mauvais souvenir, une chance qu'il n'aurait jamais avec Lucius…


Note de Karura : L'humeur morose et dépressive de Haruni est un contre-coup de son utilisation excessive des ombres. Pour autant, il révèle ce qu'il pense depuis longtemps.







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