Partie 4
Aux alentours de Kurojū, deuxième mois de l’année 2458
La balade prit fin bien trop tôt, mais Haruni n'était guère en situation de discuter. Seiryū le ramena dans la pièce principale et, toujours avec les gardes qui observaient attentivement, il passa de l'onguent sur sa cheville meurtrie. Il ajouta un pansement autour avant de remettre l'entrave.
« Ça devrait faire moins mal comme ça, » conclut-il avec un regard d'excuse envers son prisonnier.
Les gardes se retirèrent à ce moment et Haruni entendit quelques murmures méprisants. Seiryū les avait certainement entendus lui aussi, bien qu'il n'en montra rien, à part peut-être son visage qui se crispa un instant. Puis il se tourna vers Haruni et lui sourit comme si de rien n'était. Le Second Prince repensa au mot employé par le servant le matin : “folam”, une contraction de deux mots comme il en existait beaucoup dans la langue de l'Empire. Ça devait sûrement signifier “folle âme”, car Seiryū semblait plongé dans une illusion qu'il avait créée lui-même. Il déformait la réalité pour l'adapter à ses désirs et rien ne semblait pouvoir le tirer de ce délire.
« Il s'imagine sûrement que nous allons sortir d'ici main dans la main et que tout sera pardonné car j'aurai accepté ses sentiments, songea-t'il avec dédain. Je confirme, c'est de la folam ! »
Les servants amenèrent le thé. Seiryū s'absenta un moment et revint avec un objet long et fin enveloppé dans du tissu. Il prit place devant Haruni et posa l'objet sur la table basse, presque timidement.
« C'est pour toi, précisa-t'il inutilement.
– Un cadeau ? » s'étonna Haruni.
Depuis quand les prisonniers recevaient-ils des cadeaux de la part de leur ravisseur ? C'était de plus en plus aberrant ! Le Second Prince retira tout de même le tissu pour découvrir une longue flûte en bois blanc. Il cligna des yeux, puis cligna de nouveau.
« Vous m'offrez une flûte ?
– C'est un cadeau pour… notre premier baiser. »
Haruni se souvenait de Tomuki qui s'était vanté d'un tel cadeau lors de sa première cour.
« Mais nous ne sommes pas en cour, objecta-t'il.
– Je sais bien, mais je voulais célébrer ce moment. »
Le Second Prince roula des yeux. Si Seiryū tenait tellement à lui faire un cadeau, qu'il lui offre plutôt la clef de ses fers et un sabre ! Ses yeux dorés retombèrent sur l'instrument et il se figea de nouveau… Une minute, il connaissait cette flûte, c'était…
« La flûte de Yama ! » s'écria-t'il subitement.
Seiryū lui jeta un regard consterné.
« Comment tu peux savoir… Tu n'as pas pu la voir avant, pourtant ! »
Effectivement, cette flûte avait été empruntée par le Firal juste après la mort de Yama, avant qu'il ne soit obligé de quitter Hanajū pour rentrer avec son père. Malgré les demandes régulières de Mitsuhide, Seiryū avait toujours refusé de restituer ce précieux souvenir de Yama. Il avait aussi pris une de ces tenues.
« Je ne comprends pas pourquoi vous m'offrez cette flûte en particulier, » fit Haruni en retournant l'objet entre ses mains.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Seiryū rougit et détourna les yeux. Jamais il n'aurait pensé que Haruni reconnaîtrait l'instrument, alors il était à présent bien embêté.
« Mmm, en fait… Je voulais t'offrir un cadeau, mais je n'ai pas pris grand-chose avec moi. En plus, une flûte constitue un cadeau original pour le premier baiser et je sais que tu aimes jouer de la musique, alors je me suis dit que ça te plairait.
– D'accord, mais pour quoi vous avez pris la flûte de Yama même ici ?
– C'est un objet précieux pour moi. Je ne voulais pas le laisser. »
Il ne dévoila pas toute sa pensée. Haruni le fixa du regard un long moment et continua son interrogatoire :
« Qu'est-ce que cette flûte peut bien avoir de si précieux pour vous ? »
Pour Haruni, c'était un des cadeaux de Hakurō, donc un souvenir de lui et de son temps à Kagejū — de bons souvenirs malgré la fin abrupte. Mais qu'en était-il pour le Firal ?
« Hé bien, finit par avouer Seiryū, ce n'est un secret pour personne que Yama a été mon premier amour et…
– Hein ? Quoi ?! »
Seiryū lui lança un regard surpris. Il pensait que tout le monde à la Cour était au courant. Après tout, ses amis l'avaient plusieurs fois taquiné à ce sujet — une fois le deuil passé — et parfois même en présence du Second Prince.
« C'est ridicule ! Vous l'avez à peine connu, bon sang !
– J'ai passé quarante-neuf jours à ses côtés et j'ai vite réalisé la nature de mes sentiments.
– Mais vous n'étiez encore qu'un enfant !
– J'avais à peu près ton âge et certains sont plus mûrs que d'autres dans ce domaine, » répliqua Seiryū avec un regard appuyé.
Encore un peu incrédule, Haruni fixa la flûte avant de déclarer :
« Si elle est si précieuse pour vous, pourquoi me la donner ? »
Seiryū déglutit, mais finit par faire :
« C'est parce que mes sentiments pour toi sont plus forts que ceux pour Yama. Je ne pensais pas qu'un jour, je rencontrerais à nouveau une personne à qui je voudrais consacrer ma vie. Jusqu'à toi »
Un rire interrompit sa déclaration. Piqué au vif, Seiryū devint rouge de colère et de honte mais pour une fois, ce n'était pas de lui que riait Haruni.
« Les Dieux doivent bien rigoler en ce moment, fit-il de façon incongrue.
– Que… que veux-tu dire ?
– Vous ne pourriez pas comprendre. »
Comment aurait réagi Seiryū en apprenant que la seconde personne dont il était amoureux était en fait la même que la première ? Ça aurait sûrement renforcé sa folam.
« Au moins, se dit Haruni, il est constant dans ses goûts. »
Sans le savoir, il avait retrouvé en Haruni les mêmes qualités que possédait Yama et il avait reporté ses sentiments sur le Second Prince. Cependant, Haruni était sûr que le Firal aurait trouvé la situation totalement romantique et aurait parlé d'âmes sœurs pour les désigner. Hors de question !
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
« Tu… tu acceptes quand même mon cadeau ? » s'enquit le jeune homme.
Haruni contempla l'instrument de musique en question.
« C'est ma flûte, » affirma-t'il.
C'était la stricte vérité, toutefois Seiryū l'interpréta comme un “oui”. Il sourit.
« Tu veux bien me jouer un morceau ? »
Pour toute réponse, Haruni porta la flûte à ses lèvres et ses doigts se positionnèrent avec assurance et familiarité. Il se mit à jouer un air calme. De toute évidence, Seiryū avait entretenu l'instrument car le son était clair et les notes justes. Haruni se retrouva transporté à Kagejū, jouant pour Hakurō la nuit sur les remparts, puis à Misato, interprétant des berceuses pour endormir Yatsu, et pour finir à Hanajū, lorsqu'il jouait le soir dans les appartements de Mitsuhide… La nostalgie le prit et sa musique devint plus mélancolique.
Il continua un bon moment jusqu'à ce qu'il ait la bouche sèche et qu'il ne soit obligé de s'arrêter. Seiryū l'avait écouté sans bouger, les yeux fermés pour mieux savourer la musique. Quand Haruni cessa, il rouvrit les yeux avec un sourire extatique.
« Quand tu joues, fit-il, j'ai l'impression d'entendre ton cœur. »
Mitsuhide lui avait dit quelque chose de similaire autrefois.
« Et que dit mon cœur ? s'enquit-il.
– Que tu ressens bien plus de choses que ce que tu laisses paraître. »
Haruni n'y croyait pas. Selon lui, ce n'était que l'interprétation d'un jeune homme trop porté sur le romantisme et les sentiments.
En tout cas, il semblait que la musique avait inspiré Seiryū car il se plaça à côté de Haruni. Il lui prit la flûte des mains pour la poser sur la table basse, puis posa une main sur sa joue et se pencha pour l'embrasser. Le Second Prince garda la bouche fermée pour son plus grand déplaisir.
« S'il te plaît, » implora Seiryū en mordillant sa lèvre inférieure.
Haruni ne lui céda pas, mais ne le repoussa pas non plus. Frustré par cette attitude équivoque, le Firal fit descendre son autre main le long du bras de l'adolescent avant de presser sa cuisse, puis son aine. Il ne fit qu'effleurer l'entrejambe, mais ça suffit pour que Haruni commence à protester :
« Arrê… »
Il ne put finir par, profitant de la bouche ouverte, Seiryū réclama de nouveau ses lèvres pour un vrai baiser.
Ses mains se posèrent sur le bas du dos de Haruni et il le serra contre lui. Il ressentit de nouveau cette étrange sensation de familiarité, plus addictive que le désir pur. Il se mit à gémir de plaisir, les sons grave se répercutant contre leur baiser passionné. Il sentit Haruni se raidir, cherchant à fuir leur étreinte, mais il n'en était pas question. Même si les Dieux apparaissaient pour lui ordonner de lâcher Leur protégé, il refuserait, quitte à mourir — et il savait pourtant que ce serait une mort horrible, vu ce qu'il était advenu du commandant Gorō à la caserne de Tomako. Haruni parvint cependant à s'écarter un peu, leurs lèvres se séparant, puis il pivota pour lui tourner le dos. Ça ne découragea pas Seiryū qui le pressa de nouveau contre lui, cette fois tourné dans le même sens, avant de s'attaquer à sa nuque tandis que ses mains exploraient librement le torse de son bien-aimé.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
« Lâchez-moi ! » ordonna ce dernier, le souffle un peu court.
Il ne se rendait vraiment pas compte de l'effet de sa voix sur le Firal.
« Pas question, » répliqua Seiryū entre deux morsures sur la chair tendre.
En se débattant, Haruni heurta la table basse et la vaisselle tomba à terre dans un léger fracas. Alerté, un servant entra mais en voyant la scène, il se figea, puis recula et referma la porte coulissante sans un bruit. Le Second Prince l'avait cependant vu et il sentit la honte l'envahir, ce qui le motiva davantage à mettre fin à cette étreinte gênante.
« Arrêtez tout de suite ! » s'écria-t'il en se débattant de plus belle.
Seiryū fit une pause dans ses baisers pour nicher sa tête dans le creux de son cou, son souffle lui chatouillant l'oreille.
« Ne t'en fais pas, lui assura-t'il d'un ton amusé, je n'en veux pas toute de suite à ta virginité. Je veux juste t'offrir un peu de plaisir.
– Gardez-le, je n'en veux pas !
– Tu es sûr ? »
L'une des mains de Seiryū descendit le long du torse de Haruni pour saisir de son sexe. Le corps de l'adolescent tressaillit aussitôt.
« Ton corps me dit le contraire. »
La main caressa tendrement le renflement à travers le tissu et Seiryū sourit en le sentant durcir. Haruni, lui, serra les dents, furieux contre le Firal et contre lui-même.
« Mon corps n'a rien à dire ! » marmonna-t'il.
Il tenta de calmer son érection par la force de sa volonté mais avec l'autre jeune homme qui se pressait contre lui, son souffle chaud sur sa nuque et sa main insidieuse, c'était peine perdue.
« Tu en dois pas en vouloir à ton corps de rechercher un peu d'affection, répondit Seiryū. Je parie que tu ne lui en donnes pas beaucoup, je me trompe ?
– Ce… ce ne sont pas vos affaires !
– Bien sûr que si. Laisse-toi aller un peu, tu es toujours trop sérieux pour ton bien. »
Haruni lui indiqua le fond de sa pensée en des termes bien sentis, mais la vulgarité fit seulement rire le Firal. En gardant toujours le Second Prince serré contre lui, il repoussa les pans de la tunique blanche, défit les attaches du pantalon pour libérer le membre tendu et le caressa sur sa longueur. Haruni se crispa encore plus et, cherchant à échapper à ses mains, il se pressa davantage contre le Firal. Seiryū inspira brusquement en sentant son propre sexe se durcir, mais ce n'était pas le moment de s'occuper de lui : il voulait se consacrer uniquement à Haruni pour lui faire ressentir du plaisir. Il avait confiance en ses compétences. Après tout, aucun de ses amants ne s'était plaint de ses prestations au lit !
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Comme il n'avait pas prévu d'huile et qu'il ne souhaitait pas appeler les servants, Seiryū utilisa le pot d'onguent qui était resté à portée de main depuis le début de l'après-midi. Ça facilita le mouvement de glisse. La respiration de Haruni se fit plus hachée. Malgré le plaisir évident qu'il ressentait, ses mains cherchèrent à éloigner celles du Firal, en vain. Seiryū était complètement collé à lui, comme s'ils ne formaient plus qu'un seul être.
« Détends-toi, lui conseilla Seiryū en déposant des baisers sur sa joue. Arrête de lutter. »
Il aurait pourtant dû savoir que ce n'était pas dans la nature du Second Prince pour qui la vie était un combat permanent. C'était impossible pour Haruni de lâcher prise, même pour jouir. Cela expliquait pourquoi il avait toujours eu autant de mal avec la masturbation. Cependant, Seiryū pouvait se montrer aussi obstiné que lui et il était prêt à prendre le temps qu'il faudrait.
Il finit tout de même par s'inquiéter au bout de quinze minutes. Haruni n'avait toujours pas joui alors que son membre restait dur, ce qui devait être terriblement douloureux. Le second Prince n'avait même plus la force de se débattre et son corps reposait complètement sur celui du Firal. Il se mordait les lèvres jusqu'au sang et ses yeux clos laissaient échapper quelques larmes. Seiryū avait pourtant fait de son mieux, mais l'adolescent refusait de céder. Le Firal était partagé entre l'inquiétude, l'admiration et l'agacement. Il décida alors d'un autre angle d'attaque. Profitant de la faiblesse de Haruni, il l'allongea sur le dos face à lui, avant de se pencher pour prendre son membre dans sa bouche. Les mains de Haruni saisirent ses cheveux, mais ce n'était pas très clair s'il voulait tirer dessus pour le repousser ou bien s'y agripper. Seiryū avait bien pratiqué et expérimenté la fellation, alors il savait qu'une bouche était bien plus efficace qu'une main. Il lécha, suça, mordilla et engloutit le sexe de son bien-aimé, mettant toute son expertise à son service.
Haruni gémit de protestation, mais ne résista pas plus de cinq minutes après ça. Avec soulagement, Seiryū sentit le sperme chaud couler dans sa bouche et il l'avala sans se faire prier, obligé de tousser à un moment et de se redresser. Il se ressuya la bouche du revers de la main, contemplant le Second Prince qui était l'image même de la débauche. Quand quelqu'un se montrait distant et indifférent en permanence, c'était d'autant plus saisissant de le voir avec les yeux et les joues rougis, les larmes aux yeux et à moitié dénudé. Seiryū n'avait donc qu'une envie : se pencher pour l'embrasser, puis se glisser entre ses jambes pour le posséder pour de bon. Haruni ne serait guère en état de résister. Mais il eut pitié de l'adolescent et se dit que ça suffirait pour la journée.
Jouant avec le feu, il se pencha néanmoins sur son bien-aimé pour l'embrasser et ne rencontra aucune résistance, pour sa plus grande joie. Il défit les attaches de son propre pantalon et saisit une des mains de Haruni pour la presser contre son propre membre délaissé. Il ne lui fallut pas plus de quelques caresses pour jouir. Il prit soin d'utiliser un carré de soie pour recueillir son sperme car il ne voulait pas souiller la tenue qu'il venait d'offrir au Second Prince. Ainsi satisfait, il se rallongea sur l'adolescent, respirant l'odeur de la sueur et du sperme. Ils restèrent ainsi un long moment sans rien dire, le temps que leurs respirations reviennent à la normale. Seiryū serait volontiers resté comme ça jusqu'à la fin des temps, mais il savait que ce ne serait pas possible. Avec regret, il se redressa sur un coude et caressa du bout des doigts la joue de Haruni, sentant les larmes qui avaient séché. Puis il se pencha pour un autre baiser.
Haruni se détourna alors et le repoussa d'une main tout en se redressant. Il avait retrouvé ses forces, apparemment. Par contre, il ne croisa pas le regard du Firal. Seiryū comprit que c'était par gêne, alors il n'insista pas. Les deux jeunes gens se rhabillèrent convenablement. Lorsqu'ils furent tous les deux présentables, Seiryū appela les servants pour qu'ils débarrassent le thé. Ils entrèrent avec circonspection, parfaitement au courant des activités auxquelles leur maître venait de se livrer avec le Second Prince. Il n'y eut donc aucun commentaire sur la vaisselle à terre et la table bousculée. Ils nettoyèrent le tout efficacement et silencieusement. Malgré ça, Haruni leur tourna le dos, la tête baissée. Il était l'image même du désarroi. Seiryū ne put que le contempler.
« Il aurait dû pourtant s'y attendre, songea le Firal. Ce n'est pas faute de lui avoir déclaré mes sentiments. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Quand les servants sortirent, un silence inconfortable s'installa. Le dos tourné de Haruni rappela de mauvais souvenirs au Firal. Il se crispa et ne put endurer ça plus longtemps.
« Haruni, » appela-t'il d'une voix qu'il espérait pas trop implorante.
Le Second Prince ne réagit pas, comme s'il l'ignorait de nouveau. Seiryū se leva et fit un pas dans sa direction.
« Haruni ! »
Au moment où il allait lui saisir l'épaule, l'adolescent se défila brusquement et recula le plus loin de lui que lui permettait sa chaîne.
« Laissez-moi tranquille, marmonna Haruni. Vous n'en avez pas eu assez ?! »
Seiryū resta figé, puis pensa aussitôt :
« Non, je n'en aurai jamais assez de toi ! »
C'était bien la première fois que Haruni se montrait fragile devant lui. D'ordinaire, le Second Prince masquait la moindre faiblesse. Loin d'être déçu, Seiryū fut touché de découvrir cette autre facette de son bien-aimé. Il ne demandait qu'à partager ses souffrances et lui apporter tout le réconfort dont il pouvait avoir besoin. Il voulait se sentir utile, être spécial aux yeux de Haruni. Il voulait que l'adolescent se repose sur lui, le laisse prendre soin de lui et abandonne son armure en sa présence. Il voulait être le seul à connaître le vrai Haruni, la personne affectueuse, attentionnée et généreuse qui se cachait sous un masque d'indifférence. Il voulait tant de choses qu'il était incapable d'exprimer et son cœur se serra devant l'ampleur de ses émotions.
« Haruni, reprit-il d'un ton particulièrement doux, ne m'en veux pas, s'il te plaît. Je voulais juste te donner du plaisir, je ne pensais pas que ce serait si difficile pour toi. »
Il n'eut pas droit à une réponse, à part un reniflement dédaigneux. Mais au moins, Haruni ne l'ignorait pas.
« Tu ne devrais pas négliger ainsi les besoins de ton corps, poursuivit Seiryū. Ça nuit au bon équilibre de tes énergies. Tu ne pourras atteindre ton vrai potentiel que si ton esprit, ton cœur et ton corps sont en harmonie. »
Telle était la philosophie de l'Empire, mais Haruni n'y avait jamais vraiment adhéré. Il resté marqué par sa première éducation, celle qui vilipendait les plaisirs de la chair. C'était pour cette raison qu'il était en conflit avec son corps, lequel lui réclamait de l'attention pour la première fois. En tant que Yama, il n'avait jamais connu ce problème. Voilà pourquoi il avait bien du mal à gérer cette situation nouvelle et perturbante pour lui.
« Qu'est-ce que vous en avez à foutre de mon potentiel ?! répliqua-t'il agressivement, toujours sans se tourner vers le Firal.
– Je peux le percevoir et je ne voudrais pas le voir gâché. Je t'aime, je veux assister à ton épanouissement et te voir marquer l'Histoire. »
Plus encore, il voudrait être à ses côtés pour le soutenir, mais ce rêve s'éloignait de jour en jour. Haruni fut secoué d'un rire sans joie.
« Mon épanouissement ? releva-t'il. Vous ne manquez pas d'air…
– Haruni… »
Le Second Prince s'enferma dans un silence sombre que Seiryū respecta. Il fit tout de même apporter un bassin d'eau tiède pour que Haruni se lave le visage, ce qu'il fit machinalement. Il reprit ensuite sa position en tournant le dos à Seiryū, le regard fixé sur le mur d'en face. Seiryū, lui, ne le quitta pas des yeux, partagé entre le regret et l'envie de le prendre de nouveau dans ses bras. Est-ce que Haruni jouirait plus vite cette fois ? Est-ce qu'il apprécierait mieux leur étreinte ?
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Perdu dans ses pensées inavouables, Seiryū ne vit pas le temps passer et ne réagit que lorsqu'il entendit :
« Seiryū. »
Il tressaillit. C'était la première fois que Haruni l'appelait simplement par son prénom, sans user de son titre, et cela suffit à lui redonner de l'espoir. Il s'approcha de l'adolescent sans même y penser.
« Oui, Haruni ? » demanda-t'il en déglutissant nerveusement.
Le Second Prince se tourna vers lui et les yeux dorés étaient indéchiffrables, comme toujours. Fasciné, Seiryū se tint devant lui et attendit, le cœur battant à tout rompre. Haruni inspira profondément… puis lui envoya un coup de poing au visage assez violemment. Sonné, Seiryū vacilla. Le Second Prince posa les deux mains sur ses épaules et lui fit heurter durement le sol avant de le frapper de nouveau au visage, jusqu'à le rendre inconscient. Haruni ne perdit pas un seul instant : il saisit le bassin en céramique avant de le jeter à terre où il se brisa avec un bruit fracassant. Il saisit un morceau au moment où la porte s'ouvrit.
Un seul servant se présenta. Comme Haruni s'y était attendu, ils pensaient certainement que la même scène de l'après-midi se rejouait, donc ils ne s'inquiétaient pas du bruit. Le servant ouvrit la bouche en voyant la scène, mais Haruni pressa le morceau de céramique sur la gorge de Seiryū et fit au servant :
« Un mot, et je tranche la gorge de ton jeune maître ! »
La menace fut efficace. Haruni ordonna au servant d'entrer en refermant la porte derrière lui.
« Va chercher la clef, fit-il ensuite, et son sabre.
– Votre Altesse, je vous en conjure, ne faites pas ça !
– La clef et le sabre, » répéta simplement Haruni en éraflant la peau fragile.
Le servant pâlit en voyant une goutte de sang perler et il s'exécuta aussitôt. Il libéra le Second Prince et lui tendit l'arme. Haruni se servit de la poignée pour le frapper au visage d'un coup sec, le rendant inconscient à son tour. Il se redressa et, avec un sourire mauvais, il referma l'entrave autour de la cheville de Seiryū. Il arracha un pan de la tunique du Firal et s'en servit pour attacher et bâillonner le servant. IL remit ensuite ses bottes et, clef et sabre en main, il ouvrit les portes coulissantes menant au jardin. Le crépuscule était bien avancé et la pénombre allait l'aider à s'enfuir, à condition de pouvoir passer les gardes.
Se souvenant de son repérage de l'après-midi, il referma les portes derrière lui et se glissa dans la petite cour. Avec un mouvement d'humeur, il jeta la clef des fers le plus loin possible, bien résolu à ne plus jamais se faire enchaîner de la sorte. Son regard tomba sur sa tenue blanche et il grimaça. C'était bien trop voyant. Toutefois, il ne savait pas où se trouvaient ses affaires et il ne voulait pas perdre plus de temps que nécessaire. Il se mit en marche, se collant le plus possible au sol afin de ne pas attirer l'attention. Il espérait arriver jusqu'à la forêt. Les gardes faisaient des patrouilles régulières autour du pavillon, alors il devait seulement ne pas se faire prendre — ou bien les surprendre le premier. Il entendit soudain du bruit sur sa droite et aperçut trois soldats qui le fixaient avec stupeur. Il profita de leur hésitation pour couvrir la distance qui les séparait et il tua deux d'entre eux avant qu'ils n'aient pu complètement dégainer leurs sabres. Malheureusement, le troisième homme avait un sifflet autour du cou et il s'en servit pour donner l'alerte. Haruni lui enfonça le sabre dans le ventre, trop tard.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Le temps lui étant désormais compté, il se mit à courir directement en direction de la forêt. Il entendit des cris derrière lui, signe que les gardes se regroupaient pour se lancer à sa poursuite. Il ignora la douleur dans sa cheville meurtrie et ses jambes engourdies. Une fois sous le couvert des arbres, il aurait une chance de s'échapper. Un sifflement retentit près de son oreille et il se déporta sur le côté : une flèche se ficha dans le sol un peu plus loin, son empennage rouge encore vibrant. Haruni jura entre ses dents. Apparemment, les soldats n'auraient vraiment aucun scrupule à le tuer ! D'autres flèches suivirent et le Second Prince dut se retourner pour les repérer et tâcher de les esquiver. À l'aide du sabre, il en intercepta une paire et en évita d'autres, mais tout cela le ralentissait considérablement. Et pendant que les archers le prenaient pour cible, le reste des soldats se dirigeait vers lui.
Une vive douleur le saisit au côté droit : une flèche venait de s'y planter et une tache rouge s'élargit sur le devant de sa tunique d'un blanc pur. Il décida alors de tenter le tout pour le tout : faisant demi-tour, il reprit sa course vers les arbres. C'était son dernier espoir. Il ne courut pas tout droit, car ça aurait fait de lui une cible trop facile, mais en zigzags de façon irrégulière, dans l'espoir d'éviter le tir nourri contre lui. Il put parcourir ainsi une centaine de mètres avant de sentir une flèche dans sa jambe gauche. Il trébucha et roula à terre. Ça raviva la douleur de son autre blessure au ventre et il serra les dents pour ne pas hurler. Il se redressa tant bien que mal, le sabre toujours en main, et se tourna pour faire face aux soldats. Il lui était à présent impossible de s'enfuir, toutefois ça ne l'empêcherait pas de se défendre jusqu'au bout !
Une dizaine de soldats l'encerclèrent, leurs sabres pointés vers lui. Le chef des gardes s'avança à son tour, un rictus dédaigneux sur le visage.
« Je savais que vous alliez tenter de vous enfuir, votre Altesse, fit-il en crachant les derniers mots. Le Firal est trop tendre avec vous, il aurait dû vous briser les jambes dès le début. Vous l'avez tué ? »
Haruni nota un certain détachement dans la question. Il secoua la tête, ce qui fit renifler l'autre homme.
« Vous êtes trop tendre vous aussi. Heureusement, ce n'est pas mon cas. »
Il se tourna vers ses hommes et leur fit :
« La version officielle sera que le Second Prince a été tué dans sa tentative de fuite, un malencontreux accident. »
Aucun des soldats ne protesta. Haruni dressa son sabre, bien décidé à en emporter le plus grand nombre le plus grand nombre possible dans la mort. Cependant, il n'en aurait peut-être pas l'occasion vu que ces hommes ne semblaient pas avoir l'intention de combattre honorablement.
« Arrêtez ! » s'éleva subitement une voix furieuse.
Haruni et le chef des gardes eurent une expression identique et la même pensée : Oh non, pas lui ! Seiryū les rejoignit et son pas rapide trahissait son inquiétude. Deux servants le suivaient.
« Commandant Jikōno, merci de l'avoir intercepté. Je m'occupe de la suite.
– Comme vous vous en êtes occupé jusqu'à maintenant ? répliqua le commandant en haussant un sourcil, ne manquant pas les traces de coup au visage de son jeune maître. Il n'aurait pas dû pouvoir s'enfuir.
– Cela ne se reproduira pas, soyez-en sûr. »
Les deux hommes s'affrontèrent du regard, mais le commandant finit par céder et s'incliner raidement. Il ordonna à ses soldats de se retirer, ce qu'ils firent en grommelant leur mécontentement sans s'en cacher. Seiryū garda le visage figé malgré les commentaires peu respectueux, tandis que ses servants se lançaient des regards anxieux. En cet instant, on avait l'impression qu'ils étaient tous les prisonniers des gardes hostiles.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Une fois les soldats au loin, Seiryū lâcha un soupir et porta un regard inquiet sur Haruni :
« Lâche ce sabre, fit-il d'un ton las.
– Pas question, rétorqua ce dernier entre ses dents serrés, sa prise se raffermissant sur le sabre.
– Tu es blessé, tu as besoin de soins. Sois raisonnable, s'il te plaît. »
Mais Haruni préférait encore mourir plutôt que de se rendre, même dans son état. Seiryū secoua la tête avec un soupir, puis dégaina sa lame moyenne — puisque le Second Prince avait pris le long sabre. Il s'avança vers lui. Ce ne fut pas un combat. Haruni ne pouvait pas bouger sans que sa jambe gauche ne se dérobe sous lui, l'empêchant d'esquiver les coups. Sans compter que Seiryū était une des plus fines lames de toute l'Empire. Il ne tarda pas à faire voler le sabre des mains de l'adolescent.
« C'est terminé, rends-toi. »
Haruni serra les dents et le fixa d'un air de défi :
« Vous feriez mieux de me tuer tout de suite. Si vous ne le faites pas, eux s'en chargeront.
– Je sais, admit le Firal avant de demander d'un ton peiné : Tu veux mourir à ce point ? »
Haruni fronça les sourcils. Ce n'était pas qu'il voulait mourir, mais il venait de rater sa seule occasion de s'évader, alors il était condamné. Dans ce cas, pourquoi retarder l'inéluctable ? Dans tous les cas, Seiryū n'attendit pas sa réponse et fit signe aux deux servants de soutenir le Second Prince pour le faire retourner au pavillon. Haruni n'était guère en position de se débattre. Furieux, il lança :
« Comment vous vous êtes libéré des fers, au fait ? J'ai jeté la clef !
– Tu croyais vraiment qu'il n'y avait qu'une seule clef ? » répliqua Seiryū en se tournant à moitié vers lui.
Ça tombait sous le sens. Pourtant, Haruni marmonna entre ses dents, pas du tout satisfait.
Commentaires :