Chapitre Quatorze : Un malheur pressenti
Yama se réveilla en sursaut, le cœur battant la chamade. Le temps qu'il reprenne son souffle, il chercha la cause de son réveil subit. Ce n'était pas le cauchemar usuel où il massacrait les Hikari — celui-là, il s'y était habitué à force. Dans ce rêve, il y avait... les Hikari qui entouraient un enfant. Yama n'avait pas pu distinguer son visage, il ne l'avait vu que de dos. Pourtant, il avait senti que cet enfant était lié à lui et qu'il était en danger. Même si rien d'autre ne s'était passé dans ce rêve, un sentiment d'urgence l'envahit : le danger était tout proche et il restait encore une infime chance de sauver cet enfant s'il agissait immédiatement.
L'identité de l'enfant ne faisait aucun doute pour lui : Yatsu. Et si les Hikari voulaient s'en prendre à son fils, c'était sûrement pour lui faire payer la mort des leurs et sa résistance contre eux. Ce serait bien leur genre. Et puisqu'ils étaient capables de créer un portail et qu'ils savaient que Yama et son fils se trouvaient à Hanajū, qu'est-ce qui les empêcherait de frapper à tout moment, même au beau milieu de la nuit ? Yama n'hésita alors pas un instant de plus. Il se leva, rassembla un minimum de leurs affaires, puis prit doucement Yatsu dans ses bras. Ce dernier dormait d'un sommeil profond car c'était en pleine nuit. Il se cala contre l'épaule de son père sans même ouvrir un œil. Quant aux servants, ils s'étaient retirés pour la nuit mais l'un d'eux restait à la porte, au cas où ses maîtres auraient besoin de lui. Yama décida donc de passer par les jardins pour éviter de tomber sur lui.
Yama marqua une pause au seuil de la terrasse. La situation se tendait de plus en plus à Madare. Des nouvelles de l'extérieur rapportaient que l'Armée Impériale se rassemblait de nouveau, comptant cette fois cinquante mille hommes venus de tout l'Empire de l'Aube. L'enrôlement avait également repris dans Madare et les volontaires se bousculaient plus que la première fois. De plus, d'autres nobles avaient promis de se joindre à eux dans la bataille. Malgré tout ça, les prévisions ne dépassaient pas les vingt mille hommes. La situation promettait donc d'être pire que durant leur premier combat et qui plus est, l'ennemi ne se laisserait sûrement plus surprendre par les tours de Yama — même s'il en avait de nouveaux en réserve. En résumé, ce n'était pas du tout le bon moment pour abandonner Mitsuhide, mais que pouvait-il y faire ? La sécurité de Yatsu primait sur tout le reste.
Yama finit par poser le sac contenant leurs affaires et s'approcha de la table basse où était rangé son matériel d'écriture. Jonglant avec Yatsu dans les bras, il prit le pinceau et écrivit un unique caractère : Pardon. Cela ne suffisait pas, loin de là, mais il se sentit un peu mieux après avoir fait ça. Sans un bruit, il sortit par les jardins déserts et se faufila hors du palais en évitant les rondes de nuit. Il décida de partir à pied car d'un, les écuries étaient surveillées par les palefreniers, de deux, Yama ne voulait pas voler de cheval à Mitsuhide — même si Yaji était un cadeau — et de trois, seuls les nobles ou les militaires se déplaçaient à cheval. Pour ne pas attirer inutilement l'attention, il valait mieux se montrer discret. Yama marcha tout de même d'un pas rapide, usant de sa vitesse supérieure à la normale. Cependant, il ne courut pas car il ne voulait pas réveiller Yatsu trop tôt. Il laissa vite Hanajū derrière lui et prit la direction de l'Ouest, le cœur rempli de regrets mais aussi de résolution.
Inutile de dire que Yatsu ne fut pas du tout ravi à son réveil. D'ailleurs, il ne se priva pas de le faire savoir à son père. Très bruyamment.
« Je veux rentrer à la maison ! Je veux revoir Tetsuō !!!
– Ce n'est pas possible, Yatsu. Je te l'ai déjà expliqué. »
Yama fit preuve d'une extrême patience, mais son fils n'en démordait pas. Il ne se mit pas à pleurer ou taper des poings — il était à présent trop grand pour ça — mais il avait plusieurs fois tenté d'amadouer son père par des larmes. Cela n'avait pas fonctionné.
« Mais pourquoi on doit partir ?! C'est pas juste ! »
Yama soupira.
« Si tu reste à Hanajū, tu vas courir un grand danger.
– Mais tu seras là pour me protéger, non ?
– Ce danger peut survenir à tout moment. Je ne serai pas en permanence à tes côtés, alors tu risques d'être blessé.
– On va aller où alors ? »
C'était une très bonne question à laquelle Yama n'avait pas eu le temps de réfléchir vraiment jusque là. Il comptait vaguement quitter Madare et trouver un village loin des combats pour confier Yatsu à une famille. Ce serait compliqué, il en avait bien conscience, mais que pouvait-il faire d'autre ? Et avec de la chance, il pourrait revenir à Madare à temps pour la bataille contre l'Armée Impériale... Il eut soudain un rire moqueur : la dernière fois qu'il s'était dit ça, il n'avait pas pu rejoindre les Templiers à temps. Pendant qu'il avait protégeait Kaname et Chiharu, ses frères s'étaient fait massacrer sans qu'il n'en ait eu conscience. Ce serait stupide de croire que les choses seraient différentes cette fois.
« Mitsuhide, songea-t'il tristement. Je regrette vraiment. Il faut croire que je suis condamné à trahir les gens qui croient en moi. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Voyant l'humeur morose de son père, Yatsu insista :
« Toi aussi, tu ne veux pas partir ! Oncle Mitsuhide te manque, hein ? Alors pourquoi on ne rentre pas ?
– Ta sécurité passe avant tout, répondit-il fermement. Tu es mon fils et je ferai tout pour te protéger. »
Yatsu pouvait difficilement objecter à ça.
« Tu peux me détester, poursuivit Yama. Je comprendrais.
– Je ne te déteste pas, marmonna son fils. Je suis juste triste. »
Yama en fut à la fois soulagé et peiné.
Le murmure d'un ruisseau capta son attention et il décida d'y faire une pause. Ils marchaient depuis deux jours déjà à un bon rythme. Autant que possible, Yama portait son fils afin d'aller plus vite, mais ils devaient quand même ralentir près des villes et villages afin de ne pas attirer l'attention. Yama comptait travers la frontière avec Murōki, bien qu'elle soit surveillée. Il savait que deux voyageurs passeraient facilement inaperçus. Ensuite... il verrait bien.
Yatsu but au bord du ruisseau sans un mot. Yama retira sa capuche bleu foncé et s'assit sur un rocher, songeur.
« Tu sais, Yatsu, fit-il soudain, j'ai déjà dû quitter plein d'endroits que j'aimais.
– Six fois, je sais. Tu me l'as déjà dit. »
Le garçon lui lança un regard boudeur.
« Maintenant, ça fait sept fois. »
Yama acquiesça tristement.
« Ce n'est certainement pas le genre de vie que je souhaite pour toi, mais je veux que tu vives. C'est le plus important.
– À quoi ça sert de vivre si c'est pour être tout seul ? »
La question le surprit. Son fils commençait vraiment à grandir et à sortir de l'enfance.
« Qui a dit que tu serais seul ?
– Je ne verrai plus Tetsuō, et c'est mon meilleur ami ! Et toi... tu ne seras pas toujours là, hein ?
– C'est vrai, reconnut-il d'un ton qui se voulait naturel. Je suis un Vite, tu sais, alors il ne me reste plus très longtemps à vivre. »
Le garçon parut au bord des larmes. Il avait toujours refusé d'accepter la mort prochaine de son père et n'aimait pas qu'il en parle.
« Mais Tetsuō m'a dit que les Vites pouvaient vivre jusqu'à soixante-dix ans, s'obstina-t'il. Tu n'as pas encore cet âge, alors tu n'es pas si vieux !
– Ce n'est pas de vieillesse que je vais mourir.
– Alors de quoi ?! »
Yama prit un air embêté.
« C'est... parce que mon heure sera venue. »
Le garçon lui tourna le dos, fâché.
« Tu vois, toi aussi tu vas me laisser tout seul. Je vais finir tout seul, sans personne !
– Mais non, tenta-t'il de le réconforter. Tu es encore jeune, tu vas rencontrer plein d'autres personnes qui seront tes amis. La... la première fois que j'ai dû quitter un ami cher, j'ai été triste pendant bien longtemps. Mais depuis, j'ai eu d'autres amis. »
Cela parut faire réfléchir le garçon.
« Alors tu n'es plus triste du tout ? Et tu as oublié ton premier ami ?
– Bien sûr que non, assura Yama. Mais ça fait moins mal avec le temps. Et si j'étais resté, je n'aurais pas connu d'autres personnes... et je ne t'aurais jamais connu non plus. »
Yatsu se mordit les lèvres. Il n'imaginait pas une vie sans son père, alors cela le fit réfléchir. Yama conclut avec un sourire doux-amer :
« Alors ce qui fait mal sur le coup n'est pas forcément mauvais. La vie est compliquée, et personne ne sait où elle nous mènera. »
Le garçon n'était pas encore assez mûr pour comprendre ça, mais il parut se résigner. Pour la millième fois depuis son départ, Yama se demanda s'il avait pris la bonne décision.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
La traversée de la frontière ne leur posa pas de problème, comme l'avait prévu Yama. Après tout, seules les grandes routes étaient surveillées, pas les chemins de forêt où aucune armée ne pouvait passer. Et puis, un père voyageant avec son fils n'intéressait guère les soldats. Yama comptait traverser la province de Murōki pour se rendre ensuite à Awasu, une province plutôt neutre dans ce conflit. Yatsu y serait en sécurité.
Un matin, alors qu'ils suivaient la route de Daikojū, ils croisèrent deux cavaliers : une femme et un jeune adolescent, tous deux revêtus d'une longue cape sombre de voyage et la capuche baissée. C'étaient forcément des nobles puisqu'ils voyageaient à cheval. Yama se poussa donc sur le côté de la route pour les laisser passer, mais ils s'arrêtèrent à son niveau.
« Hé, toi, fit le garçon dans le registre supérieur formel, est-ce bien la route qui mène à Madare ?
– C'est bien ça, jeune seigneur, répondit Yama en adoptant le registre inférieur formel, comme s'il n'était qu'un simple paysan.
– Tu sais à combien de jours nous sommes de la frontière ?
– À cheval, je dirais bien deux jours.
– Merci. »
Le remerciement était optionnel, de même que la pièce d'argent qu'il lui lança. Cela prouvait que c'était un jeune garçon poli même envers ses inférieurs, et qui n'avait pas vraiment conscience de la valeur d'une pièce d'argent.
L'adolescent se tourna vers sa compagne de voyage et ils se remirent en route. Yama les regarda s'éloigner, ses sourcils froncés. Yatsu tira sur sa manche.
« Papa, ça va ?
– Oui, Yatsu. C'est juste... j'ai juste eu une drôle d'impression avec eux. »
Il fixa les ombres, mais les Diables s'étaient mystérieusement tus depuis son départ de Madare. Si Yama avait apprécié la quiétude, il commençait à présent à nourrir d'horribles doutes.
« Papa ? »
Son fils le regardait d'un air confus et inquiet. Yama secoua la tête en souriant.
« Ce n'est rien. Reprenons notre route. »
Trente minutes plus tard, ce furent plusieurs cavaliers qui déboulèrent d'en face. Yama se tendit en reconnaissant l'uniforme des soldats de Murōki : avait-il été repéré ?
« Yatsu, fit-il à voix basse, à mon signal, tu cours dans la forêt sans t'arrêter.
– Mais toi...
– Je te retrouverai, ne t'en fais pas. »
Le garçon s'agrippa à sa main, mais ne put rien dire de plus car les cavaliers arrivaient. Ils s'arrêtèrent à leur niveau et l'un d'eux les toisa :
« Toi ! fit-il dans le registre supérieur informel, donc méprisant. Tu as vu passer deux voyageurs ? Un adolescent et une femme, tous les deux à cheval. »
Yama fut aussitôt rassuré : les soldats n'en avaient pas après lui. C'étaient les deux voyageurs qu'ils avaient rencontrés plus tôt qu'ils recherchaient. Par contre, il aurait bien aimé pouvoir mentir afin d'éviter aux deux recherchés d'avoir des ennuis. Il ne savait pas ce qu'ils avaient fait, mais ils ne lui avaient pas paru être des criminels ou des gens dangereux. Hélas, il devait respecter ses vœux.
« Je les ai vus, seigneur, fit-il à contrecœur.
– Il y a combien de temps ?
– Trente minutes environ. »
Le soldat prit un air réjoui.
« Parfait ! lança-t'il à ses compagnons. On va pouvoir les rattraper avant les autres. À nous la récompense ! »
Sans un autre regard, les soldats repartirent dans un nuage de poussière.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Yama les regarda s'éloigner, la mine sombre.
« Papa, ils vont leur faire du mal, tu crois ? s'inquiéta Yatsu à côté de lui.
– Ce ne sont pas leurs amis, en tout cas, » répondit-il.
Le garçon tritura sa cape bleu foncé, ses yeux violets anxieux.
« Tu ne vas pas les aider ?
– Nous avons nos propres problèmes, Yatsu, soupira-t'il. Ce n'est pas toujours bon de se mêler des affaires des autres.
– Mais... »
Yama ne le laissa pas finir et reprit la route de Daikojū, tirant un Yatsu réticent derrière lui.
« Mais papa, fit tout de même le petit, c'est un garçon et sa maman ! Imagine s'ils tuent la maman et que le garçon se retrouve tout seul, comme... »
Yama s'arrêta net, paralysé. Il se tourna lentement vers son fils et le vit tout tremblant, les yeux remplis de larmes. Yatsu projetait ce qui lui était arrivé sur ces deux voyageurs, et la culpabilité de Yama se réveilla. Il n'avait jamais osé avouer au garçon qu'il aurait pu sauver sa mère à l'époque, mais qu'il s'y était refusé. Un instant d'égoïsme avait coûté cher à Yatsu. Après, Yama s'était rendu compte que la femme était déjà grièvement blessée et n'aurait certainement pas survécu, quoi qu'il eut fait. Cependant, elle aurait peut-être eu le temps de lui donner son nom et celui de Yatsu avant de rendre l'âme... Ce regret le hanterait longtemps, ainsi que la honte qui l'accompagnait. Sans le savoir, Yatsu avait touché la corde sensible.
Yama fit brusquement demi-tour. Il souleva son fils de terre et se mit à courir très vite.
« Tu resteras caché le temps que je te le dise ! » lui ordonna-t'il.
Yatsu acquiesça avec soulagement.
« Je savais que tu ne les abandonnerais pas ! » s'écria-t'il, ravi.
Yama n'était pas du tout dans le même état d'esprit. Il avait l'impression qu'un piège était en train de se refermer sur lui, mais il ignorait la décision à prendre pour s'en échapper. En fait, il avait l'impression que tout ce qu'il faisait, que ce soit consciemment ou pas, ne faisait que le rapprocher inexorablement de ce piège.
À cette vitesse surhumaine, il ne leur fallut pas longtemps pour rattraper les soldats qui venaient juste d'intercepter leurs proies. Yama plaça vite son fils dans les buissons un peu avant avec leurs affaires, ne prenant que son sabre. Il parcourut ensuite la distance restante et fut soulagé de voir qu'il n'était pas trop tard. Les deux voyageurs étaient encerclés et l'adolescent avait tiré son sabre, se postant devant la femme afin de la protéger. Les soldats ricanèrent, amusés par cette résistance pitoyable.
« Rendez-vous, sinon vous risquez de vous blesser ! conseilla le commandant. Vous valez plus cher vivants que morts. »
Pour toute réponse, l'adolescent prit un air féroce qui ne fit qu'augmenter l'hilarité de ses ennemis. Les choses allaient rapidement dégénérer.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
« Hé ! » lança Yama derrière eux.
Surpris, les soldats se retournèrent et le commandant prit un air perplexe en le reconnaissant.
« Mais... ! Tu es ce paysan de tout à l'heure. Comment tu... ? »
Sans lui laisser le temps de dire un mot de plus, Yama passa à l'attaque. Confus, les soldats perdirent un temps précieux à réagir, ce qui coûta la vie à un tiers d'entre eux. Il fallait dire que Yama attaquait pour tuer, ses coups étaient donc nets, précis et mortels. Les soldats restants tentèrent de résister mais, bien qu'ils soient à cheval et plus nombreux, ils tombèrent les uns après les autres.
Pendant ce temps, le commandant avait réagi plus vite que ses hommes. Ils s'était déjà avancé vers les voyageurs et avait commencé à se battre contre l'adolescent. Ce dernier se défendait honorablement et vaillamment, cependant le commandant était plus expérimenté et rusé : il blessa le cheval plutôt que son adversaire. La monture finit par se cabrer, éjectant son cavalier. La femme se retrouvait désormais sans protection... Enfin, pas tout à fait, puisqu'elle dégaina un sabre court. Le commandant éclata d'un rire moqueur et s'avança vers elle. Il se figea soudain, les yeux écarquillés, puis baissa la tête et vit une pointe de sabre dépasser de son torse. Incrédule, il leva les mains alors qu'une fleur de sang était en train d'éclore sur le devant de sa tunique. Dans un râle d'indignation, il tomba de sa monture et ne se releva plus.
C'était Yama qui, voyant le danger, était intervenu en lançant son sabre. Cependant, il se retrouvait à présent désarmé face à encore trois soldats. Loin de s'affoler, il virevolta autour des sabres qui tentaient de le transpercer. Un soldat un peu trop audacieux se pencha de trop dans son attaque et Yama le saisit par le bras et le tira pour le faire tomber. Il s'empara de son sabre et put ensuite achever tous les soldats restants sans difficulté. Il balaya la clairière du regard pour s'assurer qu'il n'avait manqué personne. Constatant qu'ils étaient tranquilles, il poussa un soupir de soulagement.
La femme, quant à elle, se précipita vers l'adolescent qui était toujours à terre après sa chute de cheval.
« Kikuchi ! s'écria-t'elle, affolée. Tu vas bien ?!
– Juste des égratignures, rien de grave, » assura l'adolescent avec un sourire crispé.
Yama put cependant constater de loin qu'il avait une vilaine entaille au bras. Il s'avança, causant un mouvement de surprise de la part des deux voyageurs, et se pencha à son tour sur le blessé.
« La coupure est profonde. Ça risque de s'infecter, nota-t'il. Vous avez des herbes ? »
Il se tourna pour croiser le regard de la femme qui l'observait avec attention. Elle avait conservé sa capuche rabattue, aussi ne put-il voir que des yeux bleus et un visage doux. La femme secoua la tête. Yama soupira et se releva.
« Je reviens, » fit-il sans donner plus d'explications.
Il se dirigea vers l'endroit où il avait laissé son fils. Il n'eut même pas le temps de l'appeler que ce dernier avait déjà surgi des buissons pour passer les bras autour de sa taille.
« Papa ! Tu vas bien ? Tu as pu sauver le garçon et sa maman ?
– Oui, ils vont bien, » fit-il en lui caressant les cheveux.
Il récupéra le sac contenant leurs affaires, dont des herbes médicinales, et retourna à la clairière avec son fils. Les deux voyageurs n'avaient pas bougé et ils étaient en train de discuter vivement. À son arrivée, ils le contemplèrent, médusés. Yatsu ne cacha pas sa joie en les voyant sains et saufs. Yama sortit une bourse de son sac et la tendit à la femme.
« Tenez. Vous y trouverez de quoi soigner votre garçon. »
Elle ne fit pourtant pas mine de prendre le sac et garda les yeux rivés sur lui.
« C'est toi que nous avons croisé plus tôt, n'est-ce pas ? » demanda-t'elle avec suspicion.
Il acquiesça et elle fronça davantage les sourcils.
« Pourquoi tu nous as aidés ? »
C'était une question parfaitement légitime, mais l'explication serait bien trop longue.
« C'était la bonne chose à faire, » fit-il simplement.
Cela ne suffit pas à la femme, sans surprise, cependant Yama n'était guère enclin à discuter. Il referma son sac et prit son fils par la main.
« Soyez prudents, leur conseilla-t'il. J'ai entendu le commandant dire qu'il y avait d'autres hommes à votre poursuite. »
Il reprit la route, lorsque...
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
« Attendez ! »
C'était l'adolescent. Il s'était relevé et, une main sur son bras blessé, il courait vers lui. Sa capuche retomba dans le mouvement et elle révéla de longs cheveux couleur d'automne retenus en plusieurs tresses, des yeux d'un vert profond et un visage qui sortait peu à peu de l'enfance. C'était presque un jeune homme, en fait.
« Vous nous avez sauvés, merci infiniment ! » fit-il en s'inclinant devant lui et en s'adressant avec lui avec plus de respect.
Son visage était clairement marqué par la fatigue. Cela devait faire un moment qu'ils étaient sur les routes, poursuivis qui plus est. Yama fronça les sourcils tandis que la situation lui apparut subitement avec une clarté stupéfiante. Était-ce encore un coup des Diables ? Ils avaient été terriblement discrets depuis son départ de Madare. Cela ne pouvait que cacher quelque chose. En tout cas, il était encore plus partagé à présent sur ce qu'il devait faire.
« S'il vous plaît, reprit l'adolescent en attirant de nouveau son attention, vous voulez bien nous escorter jusqu'à la frontière ? Je sais que c'est beaucoup vous demander, mais...
– Un instant, » le coupa-t'il subitement.
L'adolescent en resta bouche bée. Yama lui tourna le dos pour s'éloigner un peu avec Yatsu. Là, il s'agenouilla pour se mettre à sa hauteur et soupira.
« Yatsu, je sais que tu es encore jeune, mais...
– Je ne suis plus un enfant, répliqua son fils d'un ton vexé. J'ai seize ans ! »
Cela amena un léger sourire sur les lèvres de l'homme.
« C'est vrai, alors tu es assez grand pour commencer à prendre tes propres décisions. »
Il inspira un grand coup et se lança :
« Je... je vais accompagner ces gens jusqu'à Hanajū. Tu peux soit...
– Je rentre avec toi ! s'écria aussitôt Yatsu sans lui laisser le temps de finir.
– Attends, n'oublie pas que tu seras en danger là-bas ! »
Le garçon secoua la tête et fit d'un ton résolu :
« Ce n'est pas grave ! Je veux rester avec toi, Tetsuō, oncle Mitsuhide et tous les autres, même si c'est dangereux ! »
Soucieux, Yama plissa le front.
« Tu es sûr ? Je ne pourrai peut-être pas te protéger de ce danger... »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Yatsu secoua de nouveau la tête, si vigoureusement qu'il faillit en avoir le tournis.
« Sûr, sûr sûr ! » affirma-t'il.
Son père lui sourit un peu tristement, avant de le prendre dans ses bras et de le serrer fort contre lui.
« Je t'aime, mon fils, lui murmura-t'il à l'oreille. C'est grâce à toi que j'ai vécu jusque là. Alors je ferai tout pour que tu aies un avenir radieux.
– Je t'aime aussi, papa, » répondit le garçon en passant les bras autour de son cou.
Yama l'embrassa sur la joue, puis se releva.
Il retourna avec Yatsu auprès des voyageurs, qui n'avaient pas entendu grand-chose de leur conversation. Il fixa l'adolescent qui était anxieux, puis hocha la tête.
« Nous venons avec vous, » déclara-t'il.
Un sourire de soulagement se dessina sur les lèvres de l'adolescent, tandis que la femme était plus réservée.
« Pouvons-nous connaître ton nom ? demanda-t'elle avec méfiance.
– Seulement si vous me donnez le vôtre, » répliqua-t'il simplement.
Comme il s'y attendait, cela la fit taire. Elle se tourna vers son compagnon de voyage et ils chuchotèrent rapidement. Finalement, elle s'éloigna pour récupérer sa monture. L'adolescent s'inclina de nouveau respectueusement devant Yama.
« Merci infiniment ! fit-il. Vous serez largement récompensé, cela va de soit...
– Je ne veux rien, » marmonna-t'il.
Une fois de plus, il n'avait pu échapper à son destin. Et pendant que Yatsu était tout heureux de rentrer, il ne pouvait que s'inquiéter de l'accueil que lui réserverait Mitsuhide après sa désertion.
Commentaires :