Chapitre Dix-Neuf : Rivalités
Yama se força à se calmer le temps qu'il arrive au terrain d'entraînement du palais où l'attendait Kikuchi. Il ne souhaitait pas s'énerver une fois encore sur l'adolescent alors qu'il n'y était pour rien ! Mais les Diables ne le lâchaient plus, exigeant qu'il admette enfin la vérité.
« Laissez-moi ! leur fit-il, excédé. Je... je vais réfléchir à tout ça, d'accord ? Mais j'ai besoin de temps !
– Nous n'avons plus beaucoup de temps ! protestèrent-ils. Tu ne pourras jamais atteindre Myūjin une fois l'Armée Impériale en route !
– Je ne partirai plus dans la précipitation ! » argua-t'il.
Cela les fit enfin taire, et Yama put rejoindre le fils de Kenryū qui l'attendait avec une impatience manifeste.
L'adolescent eut un grand sourire à son arrivée. Tiko, le servant de Yama, était déjà là aussi en tenant le sabre de son maître.
« Ah, général Yama ! J'ai cru que vous m'aviez oublié !
– Les discussions ont pris un peu plus de temps que prévu, » expliqua-t'il, le visage encore un peu sombre.
Kikuchi prit soudain un air boudeur qui le fit curieusement ressembler à Yatsu, pourtant bien plus jeune.
« J'aurais pu rester, vous savez, fit-il. Je ne suis presque plus un enfant, je vais bientôt avoir quarante-cinq ans !
– Ah oui ? répondit Yama un peu distraitement. Et dans combien de temps ?
– Dans cinq ans ! »
Yama le fixa en silence un moment.
« Alors... pour l'instant, tu n'as que quarante ans ?
– Euh... oui. »
Yama secoua la tête en souriant.
« Tu sais qu'on a le même âge ?
– Hein ? Vraiment ? »
Le général acquiesça. La différence entre un Vite et un Autre était vraiment importante. À quarante ans, Yama était un adulte accompli et s'il avait vécu une vie normale, il ne tarderait sans doute plus à avoir son premier petit-enfant. Au contraire à quarante ans, Kikuchi était seulement en pleine adolescence et avait encore toute la vie devant lui.
Loin de toutes ces considérations, Kikuchi était simplement ravi de ce lien entre eux.
« Et c'est quand votre anniversaire ? Ne me dites pas qu'on est nés le même jour, ça voudrait dire que nous étions destinés à nous rencontrer ! »
Ignorant les étoiles dans les yeux de l'adolescent, Yama répondit :
« Je fête mon anniversaire le douzième jour du quatrième mois.
– Ah, dommage, je suis né le troisième jour du premier mois. »
La coïncidence aurait été vraiment troublante autrement !
Kikuchi tendit alors un sabre en bois à Yama qui le fixa avec perplexité.
« Qu'est-ce que tu veux que je fasse de ça ?
– C'est pour le duel, expliqua l'adolescent. Ce serait trop dangereux d'utiliser de vrais sabres. »
Yama soupira en secouant la tête.
« Kikuchi, fit-il d'un ton moralisateur, tu viens de me dire que tu n'étais plus un enfant, pourtant tu me proposes un jouet.
– Mais, rougit l'adolescent, embarrassé.
– Quand tu as affronté ce soldat à Murōki, tu t'es bien rendu compte de ce qu'était un vrai combat, non ? Alors tu dois à présent te préparer à d'autres affrontements de ce genre, et cela commence par utiliser un vrai sabre en toutes circonstances. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Kikuchi releva soudain la tête et se défendit vivement :
« Je sais me servir de mon sabre, mon père m'enseigne depuis ma plus tendre enfance ! Mais je ne veux pas risquer de vous blesser, c'est tout ! »
Yama se retint d'éclater de rire, car cela aurait vexé l'adolescent bien susceptible à la base.
« Je te garantis que tu ne risques pas de me blesser, déclara-t'il.
– Vous êtes sûr ? Vous ne vous fâcherez pas si ça arrive ? »
Yama roula des yeux. Ah, encore cette histoire d'emportement. Aux yeux de l'adolescent, il devait passer pour quelqu'un avec un très mauvais caractère.
« Oui, je te le promets. »
Ainsi rassuré, Kikuchi reposa les deux sabres d'entraînement. Le servant Tiko leur tendit leurs sabres et Kikuchi dégaina le sien. Il fit face à Yama et le salua dans les règles, imité par le général.
« Ah, on ne fait pas les postures, précisa Yama. Juste un combat. »
Kikuchi acquiesça. Il lança sa première attaque, mais Yama ne fit aucun geste pour se défendre. Dès que l'adolescent s'en rendit compte, il stoppa son sabre bien loin de son adversaire.
« Qu'est-ce que vous faites ? s'écria-t'il, paniqué. J'aurais pu vous blesser !
– Non, parce que tu n'étais pas en train d'attaquer pour de vrai, le réprimanda Yama. Vas-y sans hésiter. N'oublie pas que j'ai déjà affronté ton père ! »
Kikuchi attaqua cette fois avec ardeur et Yama para le coup. Il laissa son jeune adversaire mener les attaques afin d'observer sa technique. Kenryū avait bien formé son fils, en effet. Il manquait évidemment d'expérience mais avec le temps, il serait redoutable. Yama finit par passer à l'attaque — doucement mais pas trop, pour en pas vexer l'adolescent. Ils échangèrent des passes pendant une bonne demi-heure avant d'arrêter.
« Bravo, le félicita-t'il, tu fais honneur à ton père.
– Merci ! s'écria Kikuchi, le visage rouge et ruisselant à cause de l'effort. Vous aussi, vous êtes très fort. C'est comme l'avait dit mon père ! »
L'adolescent prit une serviette pour se ressuyer le visage. Yama déclina celle qu'il lui tendit d'abord, il n'en avait pas besoin.
« Je suis bien content d'être venu à Madare, fit Kikuchi en s'asseyant ensuite sur le banc près du terrain. J'ai pu vous rencontrer et vous êtes très différent de ce que l'on dit de vous à Kurojū !
– Laisse-moi deviner, fit Yama avec un sourire amusé. On dit que je suis un Vite ignare, incapable de tenir un sabre... oh, et hirsute.
– C'est bien ça ! confirma Kikuchi en s'esclaffant.
– Je présume qu'il n'y a pas un mot sur le fait que je puisse tuer les Hikari ? »
Le rire du Firal s'éteignit.
« Non, ce... ce serait impensable. Mon père a bien tenté d'en parler à l'Empereur, mais ce dernier n'y a pas cru.
– Le contraire m'aurait étonné, » soupira Yama.
Les Hikari avaient passé des décennies à se bâtir leur réputation d'invincibilité et de toute puissance, cela n'allait pas s'effondrer comme ça sur des ouïes-dires.
« Bon, fit Yama en brisant le silence, je dois te laisser.
– Où allez-vous ?
– Je retourne à la caserne. Nous avons des nouvelles recrues à former, et ensuite il y a réunion du conseil et... »
Il s'arrêta en voyant les yeux émeraude s'illuminer d'un coup.
« Hum... tu veux venir ? » proposa-t'il.
L'adolescent se retint visiblement de sauter de joie.
« Si... si cela ne vous importune pas, général Yama, » fit-il poliment.
Yama secoua la tête. L'adolescent s'empressa de ranger les sabres d'entraînement et courut presque à sa suite.
Durant la séance du conseil — à laquelle Kikuchi fut également autorisé à participer — les autres membres acceptèrent sans broncher cette histoire de mission secrète, bien trop éberlués par la présence de l'Impératrice. Seuls Wakiro et Shimada semblèrent nourrir des soupçons mais pour le bien de Madare, ils ne protestèrent pas. Quoi qu'il en soit, le soutien de l'Impératrice fut dûment apprécié.
« Avec sa Majesté à nos côtés et notre première victoire, fit Wakiro, les nobles encore indécis devraient se ranger dans notre camp !
– Une bonne partie d'entre eux, en tout cas, tempéra Shimada. Notre cause devient de plus en plus légitime.
– Seuls les vainqueurs sont légitimes, » rappela Yama.
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Ils passèrent ensuite au bilan de l'enrôlement et se réjouirent du nombre important de soldats. Kikuchi dut malheureusement leur donner une information déplaisante :
« Mon père, le général Kenryū, m'a confié que l'Armée Impériale devrait compter plus de cinquante mille soldats, voire soixante-quinze mille.
– Nous serons encore en infériorité numérique, même en comptant nos alliés, commenta Mitsuhide en soupirant.
– Nous l'étions aussi la première fois, rappela Yama en haussant les épaules. Le nombre ne fait pas tout.
– Tu as raison. »
Ils discutèrent ensuite du lieu éventuel de la bataille. Cela ne pouvait plus être la plaine de Tode : l'Armée Impériale ne s'engagerait pas dans l'endroit où elle avait perdu la première fois.
« Je pense qu'ils choisiront un endroit plus au sud cette fois, hasarda Yama en consultant la carte de l'Empire. Ils voudront être au plus proche de Hanajū, car ils voudront nous poursuivre si nous battons en retraite.
– Il y a de nombreuses plaines le long de la frontière sud-ouest, commenta Shimada.
– Combien peuvent accueillir une bataille de cette envergure ?
– Quatre, je dirais. »
Il les désigna sur la carte.
« Il faut donc commencer à rassembler nos troupes vers le sud, fit Wakiro en se frottant le menton.
– Non, il y a Omisū au nord et je ne leur fais pas confiance. Rien ne dit qu'ils ne profiteront pas de la bataille pour tenter de nous envahir.
– Voilà qui serait contraire aux règles de la guerre ! » s'écria Mitsuhide, outragé.
Il s'attira un regard de réprobation de la part de Yama.
« Arrête de croire que les règles de la guerre s'appliquent encore, le sermonna-t'il. Et n'oublie pas ce que le saint Gugonjū nous a dit au sujet du seigneur Hiroki : il est à la solde des Hikari. On peut donc s'attendre à toutes sortes de traîtrises de sa part.
– C'est vrai... »
Il leur faudrait donc laisser des hommes au nord, déjà qu'ils n'en avaient pas beaucoup.
Le reste de la discussion concerna les vivres et les équipements. Pas un mot ne fut dit au sujet des spéculations de Yama concernant le véritable but des Hikari. D'un côté, rien ne permettait d'affirmer qu'il avait raison. De l'autre, cela ne changeait rien sur la bataille à venir et la manière de la gérer. À la sortie du conseil, Kikuchi emboîta naturellement le pas à Yama, sous les regards amusés de Kaname et Mitsuhide.
« On dirait que le Firal Kikuchi s'est rapidement attaché à Yama, commenta Mitsuhide.
– Le général Kenryū s'est montré plutôt élogieux au sujet du général Yama, ce qui est très rare de sa part. Cela a piqué la curiosité de Kikuchi.
– Aah, la jeunesse. »
Au repas du soir qu'ils prirent tous ensemble, Kikuchi était ravi de sa journée et raconta avec enthousiasme à Kaname tout ce qu'il avait fait.
« J'ai déjà suivi mon père dans ses activités, mais son travail de général n'est pas le même qu'ici. C'est impressionnant toutes les tâches que cela peut impliquer !
– Général Yama, fit Kaname en inclinant la tête vers lui, merci de vous occuper ainsi de Kikuchi.
– Ce n'est pas un problème, votre Majesté. C'est un brave garçon désireux d'aider et apprendre.
– Ah, général Yama, si vous avez un peu de temps demain, nous pourrions faire un autre duel ? J'ai encore tant de choses à apprendre pour me perfectionner ! »
Devant l'enthousiasme de l'adolescent, Yama eut un léger rire.
« Bien sûr. »
De son côté, Yatsu avait observé et écouté sans rien dire. Il bouillonnait de l'intérieur et finit par s'écrier :
« Moi aussi, je veux aider et apprendre ! »
Les regards se posèrent sur lui, fort surpris.
« Yatsu, s'enquit son père, tu veux apprendre le maniement du sabre ?
– Oui !
– Mais je croyais que cela ne t'intéressait pas. »
Le garçon se mordit les lèves, embêté un bref moment. Il se reprit aussitôt :
« Je suis un Firal moi aussi, alors je veux apprendre de toi ! »
Yama lui caressa les cheveux en souriant.
« Tu n'es pas obligé d'apprendre de moi, tu sais. Tu as le droit de suivre ta propre voie.
– Je veux apprendre ! » s'entêta le garçon.
Devant une telle obstination, Yama ne put que céder.
« Très bien, alors tu viendras avec nous demain au lieu d'aller aux leçons du matin. »
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Ravi, Yatsu lança un regard triomphant en direction de Kikuchi, qui comprit aussitôt les intentions du garçon : Yatsu était jaloux de l'attention que son père portait à un autre, alors il voulait s'immiscer. Cela aurait été attendrissant... si Kikuchi ne se sentait pas autant agacé !
« Ce petit a assez profité de son père pendant des années, il peut bien me le laisser un peu, par les Dieux ! » songea-t'il.
Il termina son bol de riz avec vexation.
« Et avec ma veine, se dit-il, il risque d'être aussi doué que son père pour le sabre. Il est hors de question qu'il me vole l'attention du général Yama ! Je vais montrer à ce petit qu'il ne fait pas le poids devant moi ! »
Rempli de détermination, il reprit un second bol de riz. Yatsu fit de même, bien décidé à ne pas perdre son père au profit de ce nouveau venu. À côté de lui, Tetsuō regarda tout ça d'un air mi-amusé, mi-soucieux.
À la fin du repas, Mitsuhide demanda à Yama de le suivre dans ses appartements. Ce dernier n'aurait pas pensé que son ami voudrait poursuivre leur habitude de passer les soirées ensemble à discuter, à cause de sa rancœur contre lui. Cela le soulagea un peu. Avec du temps, Mitsuhide finirait par lui pardonner son brusque départ. Les enfants partirent aussi pour se coucher. Teshime accompagna l'Impératrice jusqu'à ses appartements et Kaname en profita pour lui poser une question fort indiscrète :
« Dame Teshime, pardonnez ma curiosité mais... quelle est la relation exacte entre votre époux et le général Yama ? On raconte jusqu'à Kurojū qu'ils sont amants. »
L'épouse de Mitsuhide prit un air résigné.
« Cela ne m'étonne guère, commenta-t'elle. Votre Majesté, quelle est votre impression à ce sujet maintenant que vous les avez vus ?
– Hé bien... il y a clairement de l'affection entre eux, mais je ne saurais dire jusqu'où cela va.
– Alors vous en savez autant que moi. »
Kaname lui lança un regard des plus surpris. Teshime baissa un peu la tête, ses mèches violettes tombant sur son visage.
« Il n'y a rien d'officiel entre eux, précisa-t'elle. Mon époux m'a dit que les Vites ne tolèrent pas les relations entre hommes. Alors si je devais nommer leur relation, je dirais... amants du jour, en tout cas pour ce qui concerne mon époux. Quant au général Yama, c'est difficile de savoir ce qu'il pense de ce sujet.
– Cela me semble très compliqué, compatit Kaname.
– En effet. Mais en tant qu'épouse, je ne souhaite que le bonheur de mon mari. »
Kaname inclina la tête pour saluer sa dévotion.
Le lendemain matin, Yama et Yatsu retrouvèrent Kikuchi sur le terrain d'entraînement du palais. Yatsu était excité pour sa première leçon de sabre. Il avait déjà assisté aux leçons de Tetsuō mais lui-même était trop jeune pour commencer. Son père avait proposé de lui apprendre à Misato, mais Yatsu n'avait pas été intéressé à l'époque. Aujourd'hui toutefois, le sentiment de rivalité lui avait permis de surmonter ses réticences. Personne ne lui volerait son père !
« Kikuchi, fit Yama après avoir salué l'adolescent, nous ferions mieux d'utiliser des sabres d'entraînement pour Yatsu.
– Vous avez raison, général Yama, approuva Kikuchi. C'est plus adapté à un enfant. »
Yatsu serra les poings, sentant que cet adolescent plus âgé se moquait de lui.
« Non, je veux un vrai sabre ! protesta-t'il.
– Hors de question, Yatsu, fit fermement son père.
– Mais papa !
– Non ! »
Il reconnut ce ton définitif et baissa la tête, boudeur. Un ricanement bref et étouffé lui fit lever les yeux vers Kikuchi, et il fronça les sourcils en grognant un peu. Kikuchi se contenta de hausser un sourcil avec un sourire insolent. Inconscient de ces interactions, Yama choisit un sabre court en bois pour son fils et le lui tendit.
« Tiens-le bien droit devant toi, expliqua-t'il. Lève-le au-dessus de la tête et baisse-le d'un coup sec et rapide. »
C'était le premier mouvement de base.
Yatsu prit le sabre à deux mains et tâcha de se rappeler de la position de Tetsuō aux entraînements. Il abaissa le sabre très vite mais hélas, il n'arrêta pas son coup à temps, ce qui fit que le sabre heurta le genoux de sa jambe droite qui était avancée. Le garçon ne put retenir un cri de douleur et lâcha le sabre qui tomba dans un bruit sec.
« Yatsu ! Tu vas bien ? » s'écria son père en se précipitant vers lui.
Le garçon tentait de rester fort. Cependant, la douleur était trop atroce et les larmes lui montèrent aux yeux. Il se mordit les lèvres pour ne plus crier et hocha la tête. Confus, Yama ne comprenait pas pourquoi son fils refusait d'admettre la douleur.
« C'est peut-être moi qui lui donne le mauvais exemple ? » songea-t'il avec culpabilité.
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Il posa une main sur l'épaule du garçon.
« Si tu veux t'asseoir un peu, tu peux, assura-t'il.
– Non ! Je veux continuer ! s'entêta le garçon.
– Bon. Kikuchi, tu veux bien lui montrer le premier mouvement de base ?
– Avec plaisir, général Yama, » fit l'autre garçon d'un ton amusé.
D'un geste souple et naturel, le fils de Kenryū fendit l'air de son sabre en bois. Yatsu eut véritablement l'impression que l'autre venait de découper un ennemi en deux. C'était impressionnant !
« C'est bon, je vois comment faire ! » fit-il en se remettant en position — en clopinant un peu !
Il brandit son sabre et imita Kikuchi. Cette fois, il s'arrêta bien avant son genoux... mais le sabre lui échappa des mains à l'horizontale et fila sur le terrain.
« Quel mouvement intéressant, commenta Kikuchi avec du rire dans la voix. Cela combine le sabre et la lance, voilà qui est novateur ! »
Rouge de honte, Yatsu alla chercher son sabre, puis revint se mettre en position. Kikuchi fit mine de s'écarter, au cas où le sabre volerait de nouveau. Cela enragea encore plus le garçon. En trente minutes, il ne s'exerça qu'à trois mouvements de base... et les rata tous. Déçu, il s'assit sur le banc pendant que son père et Kikuchi se battaient avec de vrais sabres.
« C'est pas juste, » marmonna-t'il.
Le sabre n'était pas fait pour lui, mais il y avait bien d'autres domaines militaires où il pouvait exceller ! Il devait juste trouver lesquels !
Il accompagna ensuite son père et Kikuchi à la caserne où ils discutèrent stratégie avec les commandants.
« Général Yama, vous vous reconvertissez en professeur ? » lança Kitano avec amusement.
Yatsu regardait surtout Tsumi, bouche bée. La femme en imposait en tenue militaire, avec son sabre à la main. Pour Yatsu, les femmes étaient des mamans, alors Tsumi ne collait pas du tout à la description. Elle finit par sentir son regard insistant et sans un mot, elle baissa les yeux vers lui en prenant un air terrifiant. Yatsu retint un cri et courut se cacher derrière les jambes de son père, ratant le sourire amusé sur les lèvres de la commandante. Pour finir, il se désintéressa de la conversation. Il se trouva un coussin de sol et se cala contre le mur où il finit par s'endormir. Kikuchi ne manqua pas de le signaler à Yama qui secoua la tête avec un sourire attendri. Il posa son manteau sur son fils, telle une couverture.
Yama ne réveilla son fils qu'à l'heure du déjeuner. L'après-midi, Yatsu persista avec le tir à l'arc, mais il se coupa avec la corde dès son premier essai. L'équitation ne lui réussit pas non plus : il découvrit que les mouvements du cheval le rendaient malade, ce qui n'arrivait pourtant pas quand il montait avec son père. Dépité, il finit par demander à rentrer au palais. Yama tenta de le réconforter de son mieux.
« Ce n'est pas grave, Yatsu. Au moins, tu as essayé !
– Mais je voulais que tu sois fier de moi ! protesta le garçon, au bord des larmes.
– Je suis fier de toi, assura-t'il avec un doux sourire. Tout ce que je veux, c'est que tu trouves ta propre voie, d'accord ? »
Un peu rasséréné, Yatsu esquissa un sourire qui retomba très vite lorsque son père suggéra :
« Je dois superviser les manœuvres de l'après-midi. Kikuchi, ça ne te dérange pas de le ramener au palais ?
– Pas de souci, général Yama ! »
C'était encore plus humiliant de se faire raccompagner par son rival ! Yatsu ne pouvait cependant pas protester. Toutefois, lorsqu'ils furent seuls sur la route du palais, Yatsu leva la tête vers l'adolescent et déclara :
« Je sais ce que tu essaies de faire. Sache que je t'en empêcherai ! »
Tout en conduisant le cheval, Kikuchi baissa les yeux, un sourire innocent aux lèvres.
« J'ignore de quoi tu parles, petit.
– Tu essaies de voler mon père ! » lança directement Yatsu.
Loin de nier ou de s'offusquer, cela fit rire Kikuchi.
« Ah, ne sois pas stupide. Ton père, c'est ton père. Personne ne peut te le voler.
– Tu as très bien compris ce que je veux dire ! »
Le sourire de Kikuchi devint un peu ironique.
« Tu as peur que ton père m'aime plus que toi parce que moi, je sais manier le sabre, monter à cheval, tirer à l'arc, tout ce que doit faire un vrai Firal. C'est ça ? »
Yatsu s'agita sur la selle, piqué au vif.
« Je suis un vrai Firal ! T'es trop méchant, je vais le dire à mon père !
– Tu n'es vraiment encore qu'un enfant ! » se moqua Kikuchi.
Yatsu grogna.
« Je ne t'aime pas ! déclara-t'il fermement.
– Dommage, » répliqua tranquillement Kikuchi.
Vexé, Yatsu bouda jusqu'au palais. Là, sans même remercier l'autre Firal ou le saluer, il courut droit vers la salle d'étude et s'assit à côté de Tetsuō, sous le regard désapprobateur de maître Tonado.
« Firal Yatsu, vous n'étiez pas censé venir en cours cet après-midi. Vous en pouvez pas faire irruption comme bon vous semble. Vous avez déjà manqué une semaine entière pendant que vous étiez malade. Il serait temps de vous réinvestir dans vos études ! »
Tetsuō avait remarqué l'air bouleversé de son ami. Il fit gentiment :
« Maître Tonado, pouvons-nous faire une pause ? »
Le précepteur soupira mais s'inclina.
« Comme vous le souhaitez, jeune seigneur. »
Il quitta la pièce, laissant les deux jeunes garçons seuls.
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« Comment ça s'est passé alors ? demanda doucement Tetsuō.
– C'était horrible ! » explosa Yatsu en se jetant dans ses bras.
Il raconta tout à son ami qui l'écouta avec compassion et caressa ses cheveux. Il lui tendit ensuite un mouchoir pour qu'il sèche ses larmes.
« Ce Kikuchi a l'air très méchant, approuva-t'il.
– Je le déteste ! renchérit Yatsu.
– Allons, allons, ce n'est pas bien de dire des choses pareilles.
– Il faut absolument l'empêcher de passer du temps avec mon père ! Tu te rends compte, si mon père l'aimait plus qu'oncle Mitsuhide ? »
Le visage de Tetsuō se figea avant de prendre une expression résolue.
« Nous ne laisserons pas ça arriver. Tu peux compter sur moi, Yatsu ! »
Complètement rassuré, le garçon serra son ami dans ses bras.
Au repas du soir, Mitsuhide demanda gentiment à Yatsu comment s'étaient passées ses nouvelles leçons. Le garçon prit un air embarrassé, sous le regard moqueur de Kikuchi.
« Je... je ne suis pas très doué, reconnut-il avec embarras.
– Allons, on ne réussit pas tout du premier coup, tempéra le seigneur. Tu essaieras de nouveau un peu plus tard, quand tu auras grandi. »
Yatsu acquiesça sombrement, tandis que Kikuchi triomphait silencieusement.
« Père, fit soudain Tetsuō, moi aussi, je voudrais apprendre avec oncle Yama demain. Tu es d'accord ? »
Kikuchi s'étouffa sur une bouchée de riz. Perdus, Yama et Mitsuhide échangèrent un regard de confusion. Quant à Yatsu et Tetsuō, ils avaient tous les deux un sourire innocent.
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