Chapitre Vingt-et-un : La Fin (1)
Kaname vint voir Yama peu après le départ des troupes de Hanajū. Elle le dévisagea avec un mélange de stupeur, d'émerveillement et aussi de honte. Un des gardes lui apporta un siège et elle prit place en face du jeune homme, qui était lui-même assis sur la paillasse, dos au mur. La femme attendit que le garde s'en aille pour prendre la parole :
« J'ai été voir dame Teshime, mais le seigneur Mitsuhide m'avait devancée. Elle a reçu l'ordre de te garder enfermé jusqu'au retour de son époux.
– Est-ce qu'elle est au courant ?
– Non, il ne lui a rien dit. Cependant, elle soupçonne quelque chose de grave. »
Yama hocha la tête et demanda :
« Et les enfants ?
– Ils ne savent pas que tu es en prison. Le seigneur Mitsuhide a déclaré à tout le monde que tu as dû partir d'urgence avec les prêtres pour...
– Je sais, il m'a parlé de son mensonge. C'est mieux pour les garçons de ne rien savoir.
– Yatsu est triste parce que tu es parti sans prévenir. Quant à Kikuchi... »
Kaname eut un sourire amusé, malgré les circonstances.
« … il est déçu parce qu'il voulait t'accompagner.
– J'aurais refusé.
– Je crois qu'il était prêt à se mêler en cachette à tes soldats. Il était clairement motivé pour se battre à tes côtés !
– Ce n'est encore qu'un enfant, » soupira Yama.
Kaname se tut et le fixa un moment, avant de faire d'un ton prudent :
« Toi aussi. Tu es même encore plus jeune que lui.
– Ce n'est pas pareil, protesta l'homme. Kikuchi a été élevé en accord avec son âge. Moi, j'ai dû tout de suite me comporter comme un adulte. »
Voyant que la femme commençait à prendre un air attristé, il ajouta aussitôt :
« Allons, ce n'est pas si terrible que ça.
– Bien sûr que c'est terrible ! s'écria-t'elle. Ce qui t'est arrivé est odieux ! Les Hikari t'ont privé de ton enfance et de ta famille ! À cause d'eux, tu as dû endurer des épreuves abominables alors que tu n'es encore qu'un enfant ! »
Les larmes se mirent à couler des yeux azur. Yama baissa la tête, ne sachant que lui dire.
« Et dire que moi, j'ai... j'ai osé dire qu'il valait mieux que tu sois mort ! reprit Kaname. Oh, Iguna, comme je regrette mes paroles !
– Tu avais entièrement raison, la corrigea-t'elle d'un ton neutre. Si j'étais réellement mort à la naissance, les choses auraient été bien mieux.
– C'est vraiment ce que tu crois ? lança-t'elle subitement. Si tu étais mort, personne ne m'aurait sauvée à Metsūjū avec Chiharu.
– Sans moi, il n'y aurait pas eu d'Invasion.
– Les Hikari auraient comploté autre chose ! Et sans toi, qui aurait sauvé le seigneur Mitsuhide ? Oh, et Yatsu ? »
À la mention de son fils, Yama ne trouva plus rien à répliquer. Sans lui, Yatsu aurait péri dans les flammes. Cette action-là, il ne la regretterait jamais.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Kaname se radoucit.
« Si seulement il était possible de te rendre ces années... Mais j'y pense, ton corps est à Myūjin, pas vrai ? Tu ne pourrais pas le... le réintégrer ? »
Il ne répondit rien, ce qui lui fit comprendre que c'était possible. Elle s'anima aussitôt.
« Mais alors, pourquoi tu ne le fais pas ? Pourquoi tu...
– Parce que je serais alors un enfant sans défense, et les Hikari pourraient facilement me tuer.
– Non, c'est faux, tu aurais... »
Elle n'acheva pas, comprenant ce qu'il voulait dire. Même s'il réintégrait son corps, les Hikari ne le laisseraient jamais revenir en vie à Kurojū, et qui pourrait le protéger de ces monstres ?
Yama lui adressa un triste sourire et elle serra les poings.
« Tu mérites mille fois mieux que ça, Haruni. »
Il sentit un frisson le parcourir en entendant ce nom qui résonnait si profondément en lui.
« Comment tu m'as appelé ? demanda-t'il.
– Haruni, répéta-t'elle. C'est ton nom d'enfant.
– Je croyais qu'on ne nommait pas les enfants avant leur premier anniversaire, » commenta-t'il.
Elle eut un sourire amusé.
« C'est vrai, mais il y a une tradition dans la famille impériale : les deux frères doivent partager une racine commune. Le nom de l'aîné doit contenir Chi et le nom du cadet Ni Chi : premier et Ni : second. (1). Comme ton grand frère se nomme Chiharu, toi, c'est forcément Haruni.
– Pourquoi pas Niharu alors ? »
Toutefois, au moment où il le prononçait, il se rendit compte que la sonorité était bizarre. À choisir, il préférait donc vraiment 'Haruni'.
Kaname vit sa réaction et comprit qu'elle n'avait pas besoin de lui expliquer. Elle reprit d'un ton nostalgique :
« Tegami a choisi la racine Haru en mémoire de son grand frère. C'est donc le nom qui a été prévu pour toi, Haruni.
– Ce n'est pas mon nom, nia-t'il avec obstination.
– Mais si, c'est...
– Personne ne m'a nommé, je suis mort à la naissance. Le nom que j'ai choisi est 'Yama' et je le garderai jusqu'à ma mort, à savoir bientôt.
– Haruni, plaida-t'elle.
– Non. »
Reconnaissant le ton d'entêtement propre à la famille impériale, elle n'insista pas tout de suite.
Les ombres s'agitèrent soudain :
« Ils arrivent ! »
Yama se dressa d'un bond, faisant sursauter Kaname.
« Iguna, que... ? »
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'une vive lumière envahit la prison. Yama se couvrit les yeux et sentit une énergie incroyable se manifester. Un portail de lumière se dessina dans le vide et dix silhouettes vêtues de blancs en surgirent : les Hikari ! Kaname poussa un cri et se pressa contre la grille de la cellule derrière elle. Yama agrippa les barreaux, furieux d'être enfermé et sans arme. Le chef du groupe de Hikari ne parut pas surpris de les voir. Il jeta un regard aux alentours. Les deux gardes du palais accoururent à ce moment, alerté par le bruit.
« Tuez-les, » fit froidement le Hikari.
Ses compagnons levèrent leur bâtons et des éclairs en surgirent. Les gardes se recroquevillèrent et moururent dans un cri. Yama s'était préparé à protéger Kaname avec les ombres, mais les éclairs ne les avaient pas visés.
Les Hikari se tournèrent ensuite vers eux et un sourire cruel orna les lèvres de leur chef.
« Votre Majesté, nous sommes venus vous délivrer de ces maudits rebelles !
– Épargnez-moi vos mensonges, siffla-t'elle. Vous allez me tuer, c'est ça ?
– Au contraire, fit le Hikari avec un large sourire. Nous allons vraiment vous ramener à Kurojū saine et sauve... et en prime, nous livrerons le Vite à l'Empereur. »
Il fit signe à un de ses hommes qui fouilla les corps des gardes pour trouver les clefs de la cellule. Yama fronça les sourcils et lança :
« Vous êtes sûrs de vouloir ouvrir cette grille ? Pour l'instant, c'est la seule chose qui vous protège de moi. »
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Quelques Hikari reculèrent nerveusement à ces mots, mais leur chef ne broncha pas.
« Si nous ne revenons pas, notre seigneur Shumē fera exécuter le Premier Prince.
– Chiharu ! s'écria Kaname. Jamais vous n'oserez...
– C'est vraiment ce que vous croyez, votre Majesté ? » fit l'homme avec un sourire entendu.
Perdue, elle se tourna vers Yama pour savoir que faire. Il hocha la tête d'un air grave.
« Ils ont décidé de mettre leur plan en action, déclara-t'il. Ils n'hésiteront plus à se salir les mains. »
Kaname inspira, songeant à son fils qu'elle avait laissé seul au palais, le croyant naïvement en sécurité.
« Même un enfant voit l'évidence, votre Majesté, » railla le Hikari.
D'après ses paroles, ils avaient dû comprendre quelle était la véritable identité de Yama, mais il était impossible de savoir depuis quand ils avaient compris la vérité.
« Vous allez nous suivre tous les deux à Kurojū sans discuter et sans lutter, » ajouta le Hikari.
Yama serra les poings sur la grille, mais dut accepter. Un des Hikari ouvrit la cellule d'un air peu rassuré. Yama en sortit lentement, sous la menace vaine de plusieurs bâtons avec des éclairs qui crépitaient à la pointe. Kaname resta à ses côtés et lui prit la main.
« Iguna, murmura-t'elle.
– Reste près de moi, répondit-il sur le même ton. Je te protégerai. »
Elle acquiesça, la gorge serrée. Normalement, c'était elle qui aurait dû le protéger.
« Nous repartons, » signala le chef Hikari aux siens.
Trois d'entre eux sortirent une larme courte de leur manche, et Kaname se serra un peu plus contre Yama. Cependant, les armes ne leur étaient pas destinées : les Hikari s'ouvrirent la gorge sans un mot et le sang jaillit, d'un rouge clair. Il se répandit en larges flaques dont s'échappa rapidement une fumée sombre avec des étincelles de lumière à l'intérieur. La fumée forma un portail de lumière.
« C'est bien ainsi qu'ils procèdent, songea Yama. Ils vont même jusqu'à sacrifier les leurs afin de produire l'énergie suffisante pour créer un portail. »
En lui, les Diables s'indignèrent de la façon de faire des Hikari.
« Pressons ! » commanda le chef.
Kaname et Yama furent ainsi conduits à travers le portail, tandis que les cadavres des Hikari étaient récupérés par leurs camarades impassibles.
Yama connut un léger vertige en traversant le portail. Kaname, elle, tomba à genoux de l'autre côté. Un Hikari voulut lui saisir le bras pour la relever, mais Yama s'interposa. Le Hikari recula, apeuré. Yama tendit la main à la petite femme pour la remettre debout. Ils se trouvaient dans une grande salle opulente qui n'était pas sans rappeler le Pavillon des Banquets à Hanajū.
« C'est le Pavillon Principal de Kurojū, » lui souffla Kaname qui commençait à se remettre de ce voyage peu banal.
En effet, un siège immense se tenait au sommet de plusieurs marches, avec un autre un peu plus petit à côté, et encore trois autres plus petits sur les côtés. Un homme blond vêtu de blanc se tenait juste à côté du plus grand trône. Il se tourna vers eux à leur arrivée.
« Seigneur Shumē, » fit Kaname dont la voix était à la fois emplie de colère et de crainte.
Yama contempla calmement le Hikari qui ne le regardait pas.
« Voici donc leur seigneur, celui qui a tout manigancé » songea-t'il sans émotion particulière.
Un certain détachement l'avait envahi depuis que les Hikari avaient fait irruption dans les prisons de Hanajū : le destin était en marche et son ultime vision allait se réaliser. Le moment qu'il attendait depuis des mois allait enfin arriver et après ça, il connaîtrait la paix pour de bon.
« Votre Majesté, fit le seigneur Hikari avec une courbette moqueuse vers Kaname avant de se tourner vers Yama. Et toi, tu es donc ce Vite qui nous cause tant de problèmes. »
Le regard qu'il lança à Yama contenait un dégoût au-delà des mots. Ce dernier répliqua avec un sourire moqueur aux lèvres :
« Grand-père. »
Alors que Kaname tressaillait, le visage de Shumē se tordit de fureur.
« Amenez les fers ! » cracha-t'il.
Deux Hikari apportèrent de lourdes menottes pour les mains et des entraves pour les pieds. Elles étaient en fer massif et les chaînes faisaient bien l'épaisseur d'un gros doigt.
« Tu vas mettre ça, bâtard, ordonna Shumē. Si jamais tu résistes, je tuerai l'Impératrice et le Premier Prince sans hésiter ! »
Pour toute réponse, Yama tendit les mains. Rapidement, les Hikari lui passèrent les menottes puis le forcèrent à s'agenouiller pour entraver ses chevilles. L'ensemble était solide, il ne pouvait pas les briser, même avec sa force de semi-vampire. Les Hikari avaient vraiment pris toutes leurs précautions.
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Seulement quand Yama fut immobilisé ainsi, le seigneur Shumē se risqua à l'approcher, son bâton richement orné tapant sur le parquet à chacun de ses pas.
« Tu as survécu malgré tous nos efforts, misérable bâtard, siffla-t'il. Tu seras vraiment une gêne jusqu'au bout ! Mais aujourd'hui, nous allons enfin nous débarrasser de toi, de tes deux toi !
– Seigneur Shumē, intervint l'Impératrice, comment avez-vous osé infliger cela à un enfant ?! Vous êtes vraiment un monstre ! »
Il lui lança un regard interloqué.
« Pourquoi parlez-vous encore, votre Majesté ? Vous n'avez donc pas compris que c'en est fini de vous ? Que les femmes sont bêtes, elles ne devraient même pas avoir de langue.
– Vous... ! »
Sur un geste de Shumē, l'un des Hikari se permit de bâillonner Kaname. Elle se retrouva incapable d'émettre le moindre son et lança un regard furieux au seigneur des Hikari.
« Là, c'est beaucoup mieux, » commenta ce dernier avec un sourire moqueur.
Il se reconcentra sur Yama qui se trouvait à ses pieds et avec un sourire mauvais, il leva son bâton pour le frapper au visage.
« Arrière, sale dégénéré ! » lancèrent les Diables.
Un filament d'ombre surgit du sol et détourna le bâton. Shumē recula de quelques pas, son sourire vacillant, tandis que les autres Hikari autour agrippaient nerveusement leurs bâtons.
« Ne gaspillez pas votre énergie, marmonna Yama.
– Il ne te touchera pas ! » s'indignèrent les ombres, vindicatives.
Shumē reprit vite sa contenance.
« Mmph, ils ont encore de la ressource, on dirait. Soit, nous allons procéder comme prévu. Qu'on aille chercher l'Empereur ! »
Kaname écarquilla les yeux et l'espoir s'envahit. Cependant, Shumē se tourna vers elle pour briser son espoir.
« Je vais vous redonner la parole, votre Majesté, mais faites bien attention à ce que vous allez dire. Un mot de trop, et c'est votre fils qui en paiera les conséquences. Me suis-je bien fait comprendre ? »
Les yeux remplis de haine, elle acquiesça toutefois. Même libérée du bâillon, elle garda prudemment le silence.
« Bien, approuva le seigneur Hikari. Vous n'êtes pas si bête que ça, après tout. »
Des portes sur le côté s'ouvrirent et un Hikari annonça inutilement :
« Sa Majesté l'Empereur Tegami ! »
Malgré lui, Yama se tourna pour voir cet homme : l'Empereur, le petit frère de Hakurō, l'époux de Kaname et le père de Chiharu... ainsi que le sien. Il s'agissait d'un homme de taille moyenne, même si sa coiffure sophistiquée donnait l'impression qu'il était un peu plus grand. Le visage était finement ciselé et les traits présentaient une certaine ressemblance avec Hakurō, surtout pour le menton et la mâchoire. Quant aux yeux noirs sur fond noir... Yama eut beau contempler les ténèbres, il les trouva vides. L'Empereur n'était plus lié aux Dieux depuis bien longtemps. Il portait une riche tunique violette ornée d'un dragon noir. Il aurait été faux de dire que Yama ressentit une connexion entre eux. Pour lui, ce n'était qu'un étranger. Il y avait également une femme Hikari aux côtés de l'Empereur, vêtue encore plus richement que lui. Elle se pavanait comme si elle possédait les lieux. Au regard de haine qu'elle lui lança, il comprit aussitôt qui elle était :
« Kinohime, la concubine, la fille du seigneur Shumē, » songea-t'il.
Et sa mère, bien que cette pensée lui fasse horreur.
L'Empereur, lui, ne lui jeta aucun regard et marcha d'un pas ferme vers son trône où il s'assit. Shumē s'inclina devant lui. Kinohime s'assit sur le trône réservé normalement à l'Impératrice, ce qui fit bondir de fureur Kaname. Seule la menace qui planait sur son fils l'empêcha de commettre un esclandre.
« Votre Majesté, fit fièrement le seigneur Shumē, comme promis, je vous ai ramené l'Impératrice qui avait été enlevée par le traître Mitsuhide. »
Tegami posa un regard indifférent sur son épouse. Cette dernière tenta de lui convoyer sa détresse par les yeux, mais cela échoua lamentablement.
« Excellent, seigneur Shumē, félicita-t'il. Au moins, je peux compter sur vous, comme toujours.
– Mon clan ne vit que pour vous servir, votre Majesté. »
Comment l'Empereur pouvait-il ne pas entendre l'ironie dans ces propos, ne pas percevoir la défiance dans les saluts à peine respectueux et ne pas voir le sourire moqueur aux lèvres de Shumē ?! Soit il était aveugle, soit il était vraiment victime d'un sortilège !
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« Et qu'est-ce que ceci ? » fit Tegami en désignant Yama qui était agenouillé par terre.
Leurs regards se croisèrent un bref instant, cependant rien ne se produisit. Ce n'était pas non plus comme si Yama avait compté dessus de toute façon, mais il put sentir la déception des Diables.
« Un cadeau pour vous, votre Majesté, fit Shumē en souriant de toutes ses dents. C'est le Vite de Mitsuhide.
– Vraiment ? »
Yama eut droit cette fois à un examen plus attentif. Malgré ça, un air d'ennui se dessina sur le visage de l'Empereur.
« Il ne ressemble pas à un Vite. Et ne devait-il pas être barbu ? »
Shumē tiqua devant cette réaction inattendue. Yama se contenta de rouler des yeux : encore le sujet de sa barbe !
Le seigneur Hikari tâcha de reprendre les rênes de la conversation :
« Je... je vous garantis qu'il s'agit bien de lui, votre Majesté.
– Oh, je ne doute pas de vous, seigneur Shumē, assura Tegami en agitant la main. Je suis simplement déçu : il n'est pas du tout comme je l'avais imaginé.
– Mmm, pensez simplement à la détresse de Mitsuhide quand il recevra la dépouille de son amant juste avant la bataille. »
Un sourire cruel se dessina sur les lèvres fines de l'Empereur.
« Quelle bonne idée, approuva-t'il. Allez-y, tuez-le. »
Le seigneur Hikari ne se démonta pas.
« Je pensais vous laisser ce plaisir, votre Majesté. »
Il fit signe à un Hikari qui s'avança. L'homme s'agenouilla devant l'Empereur et lui présenta le sabre impérial.
À cet instant, Kaname ne put se retenir plus longtemps de réagir :
« Non, Tegami, tu ne peux pas... ! »
Shumē lui lança un regard d'avertissement et Kaname se mordit les lèvres, en conflit. Elle lança un regard désespéré à Yama, puis à son époux.
« Qu'y a-t'il, mon épouse ? » s'enquit Tegami d'un ton distrait.
Kaname n'osa évidemment plus dire un mot, craignant pour la vie de Chiharu. Ce fut Shumē qui répondit à sa place :
« J'ai bien peur qu'elle ne se soit amourachée de ce Vite, votre Majesté.
– Vraiment ? Bon, cela me donne une raison de plus de le tuer. »
Il se leva avec indolence et prit son sabre des mains du Hikari. Il descendit ensuite les marches pour se poster devant Yama.
« Je veux qu'il me regarde pendant que je lui ôte la vie, » commanda l'Empereur.
Une main saisit les cheveux courts pour lui relever la tête. Il se libéra d'un secousse et croisa le regard d'un noir total.
« Parle-lui ! firent les ombres à ses pieds. Dis-lui ! »
Yama constata que Tegami ne semblait même pas entendre vaguement la voix des Dieux, contrairement à Gugonjū.
« Cela ne servirait à rien, » fit-il à voix haute.
Tegami crut qu'il s'adressait à lui et il lâcha un rire bref.
« De te tuer ? Bien sûr que si, cela brisera ton Mitsuhide et il aura perdu la bataille avant même de l'avoir commencée ! »
Tegami dégaina son sabre et lâcha le fourreau. Il brandit ensuite l'arme en direction du Vite. C'était un moment d'incertitude : comment allaient réagir les Dieux ? Allaient-Ils protéger Yama en s'en prenant à Leur propre représentant, ou bien allaient-Ils laisser l'Empereur le tuer sans réagir ? Les Hikari comptaient bien sur la seconde option, mais rien n'était moins sûr. Yama pouvait sentir les Diables se révolter en lui, cherchant à se manifester non pas pour s'en prendre à Tegami mais pour lui parler à travers Yama, comme ils l'avaient fait à Kagejū. Yama s'y opposa fermement.
« Arrêtez, leur fit-il mentalement, cela ne servira à rien !
– Ça, ça le fera réagir, c'est certain !
– Et si vous avez tort, vous aurez dépensé toute notre énergie restante pour rien ! »
Cela les fit réfléchir et ils reculèrent. Yama poussa un soupir de soulagement.
Pendant ce temps, l'Empereur ne frappait toujours pas, curieusement. Ses yeux noirs ne quittaient pas le Vite, la pointe de son sabre reposait contre la poitrine de Yama au niveau du cœur, pourtant il ne faisait pas mine de vouloir le tuer. Shumē constata cela et un air de déplaisir apparut sur son visage.
« Votre Majesté, fit-il d'une voix suave, qu'attendez-vous ?
– Je... non, rien, » répondit Tegami en sursautant légèrement.
Shumē fronça les sourcils et fit claquer sa langue.
« Votre Majesté, nous avons toutes les raisons de croire que ce Vite a dirigé l'Invasion d'il y a vingt ans et qui avait pour but de tuer le Premier Prince !
– Chiharu ? s'écria Tegami en prenant un air horrifié.
– C'est exact, confirma l'autre homme en hochant la tête. C'est un crime qui mérite une mort immédiate, vous ne trouvez pas ? »
L'Empereur acquiesça en déglutissant, pourtant il ne frappait toujours pas.
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Shumē adressa alors un regard éloquent à sa fille. À contrecœur, la femme se leva de son trône usurpé et s'approcha de l'Empereur. Sans tourner les yeux vers Yama, elle posa une main sur le bras de Tegami et se pressa contre lui pour lui susurrer à l'oreille :
« Mon amour, qu'est-ce que vous attendez ? Ce n'est qu'un misérable Vite. Tuez-le, qu'on en finisse une bonne fois pour toutes. »
La prise de Tegami sur le sabre se fit subitement hésitante. Kaname y vit de l'espoir et osa s'écrier :
« Tegami, arrête, c'est ton autre fils ! »
Yama jura intérieurement : elle venait de signer l'arrêt de mort de Chiharu ! Quant à Tegami, il cligna des yeux plusieurs fois et, comme s'il sortait d'un rêve, il leva la tête vers l'Impératrice, l'air confus.
« Qu'est-ce que tu... »
Yama fit alors la seule chose à faire : il se redressa sur ses genoux et s'empala sur le sabre de l'Empereur. Ce dernier sursauta et lâcha l'arme, avant de reculer de deux pas. Yama s'effondra au sol, couché sur le côté et crachant un peu de sang. Kaname poussa un hurlement. Shumē, lui, ne cacha pas son air triomphant.
« Ça y est, le bâtard est enfin à notre merci ! Kinohime, accomplis ton devoir ! »
La concubine lui lança un regard morose.
« Le faut-il vraiment, père ? »
Shumē fit un pas dans sa direction et elle recula aussitôt, craintive. À côté d'elle, Tegami regardait ses mains tremblantes et ne faisait plus attention au reste. Kaname était tombée à genoux, en larmes, et elle ne quittait pas Yama des yeux.
« Fille indigne, siffla le seigneur des Hikari, dois-je te rappeler que tout ceci est de ta faute ? Si tu t'étais débarrassée de ton bâtard quand il était encore dans ton ventre, nous n'en serions pas là aujourd'hui !
– Il a résisté à toutes les herbes ! maugréa-t'elle. J'aurais dû me taillader le ventre pour l'en faire sortir ?
– Exactement ! répliqua impitoyablement son père. Voici l'occasion de te racheter, avant que je ne décide de ne plus avoir besoin de toi. Coupe-lui la tête, qu'il ne revienne plus jamais ! »
Kinohime semblait avoir nettement plus peur de son père que d'un bâtard mortellement blessé. Elle s'approcha du Vite et sortit une lame courte de sa manche. Elle s'agenouilla à côté de lui et brandit la lame...
Yama se redressa d'un bond et la saisit par le cou. Il la plaqua au sol d'une main tandis que l'autre retirait d'un coup sec le sabre fiché dans sa poitrine. Des yeux dorés le fixèrent avec terreur et il pouvait se voir dedans. Pour une fois, il ne chercha pas à éviter son reflet.
« Adieu, mère, » fit-il en lui tranchant la gorge.
Elle suffoqua, son corps fut agité de spasme et ses yeux se révulsèrent. N'y prêtant plus attention, Yama se releva lentement, sous les regards interloqués.
« Comment tu as pu... ? s'écria Shumē. Les entraves...
– Quoi, ça ? »
Il leva les mains d'où pendaient encore les menottes, cependant la chaîne qui les reliait avait été coupée en deux. Le fer se mit à rougir d'un coup avant de fondre comme de la glace. La même chose se produisit pour les entraves à ses chevilles.
« Le feu fait fondre l'acier, expliqua simplement Yama.
– Impossible ! Pour atteindre une telle température, il faudrait... il faudrait... »
La magie était une question de contraire : pour agir sur le feu, Yama devait puiser dans son calme intérieur et sa tranquillité. Plus il était calme, plus son contrôle se renforçait. Alors pour être en mesure de faire fondre l'acier, il devait avoir renoncé définitivement à toute émotion et toute agitation, le genre d'état qu'on atteignait souvent à l'article de la mort. Et c'était justement l'état dans lequel il se trouvait actuellement : plus rien n'avait d'importance, sauf sa mission de tuer tous les Hikari. Il n'éprouvait pas de haine envers eux, c'était une simple question d'exterminer des nuisibles. Il ignora donc le sang qui coulait en abondance sur son torse et brandit le sabre de l'Empereur. Se déplaçant très rapidement, il se mit à tuer les Hikari autour de lui.
« Sale bâtard ! » siffla Shumē qui se trouvait à distance.
Il leva son bâton et les éclairs fusèrent dans les airs. Mais son sort de lumière n'eut aucun effet sur Yama. Les ombres le protégèrent, plus fortes que jamais. Elles utilisaient leurs dernières forces ainsi que les siennes, mais cela n'avait plus d'importance désormais.
« Avec toi jusqu'à la fin, fils ! » s'écrièrent les Diables.
Même cela ne l'atteignit pas. Avec un détachement suprême, il déclara :
« C'est fini, Shumē. Tu sais ce qui va arriver, non ? »
Leurs regards se croisèrent et le seigneur Hikari pâlit. Cela confirma les soupçons de Yama que lui aussi avait eu la vision de leur fin.
« Si tu étais mort, rien de tout cela serait arrivé ! cracha Shumē.
– Si vous m'aviez laissé vivre comme je l'entendais, rien de tout cela ne serait arrivé, » contra-t'il d'une voix calme.
Shumē fut parcouru d'un rire ironique, puis il agita les mains et, utilisant le sang des siens répandu dans la salle, il créa un portail dans lequel il s'engouffra avant de le refermer aussitôt... mais il ne fut pas assez rapide ! Yama s'empressa de le suivre à la vitesse des vampires. Le portail se referma juste derrière lui.
Il ne resta plus que Kaname et Tegami dans le Pavillon Principal. La femme fut la première à réagir.
« Chiharu ! » s'écria-t'elle.
Comme Tegami lui lança un regard hébété, elle le pressa :
« Où est notre fils, Tegami ?!
– Il... Il... ses cours, je crois... »
Kaname courut aussitôt en direction du couloir, se moquant bien de l'étiquette et des bonnes manières. Tegami contempla les cadavres autour de lui et eut l'impression de sortir d'un mauvais rêve. Que s'était-il passé ? Son regard tomba sur Kinohime, dont le visage était figé en un rictus de terreur. C'était étrange, il était censé être éperdument amoureux de cette femme et pourtant, il n'éprouvait pas grand-chose en la voyant morte.
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Par contre, le visage de ce Vite lui revint en mémoire, à la fois étranger et familier.
« Adieu, mère, » avait-il dit.
Il y avait eu aussi un bourdonnement incessant et agaçant à son oreille, qui n'avait disparu qu'en même temps que cet homme. Tegami sentit que tout cela était extrêmement important, mais son esprit était si embrumé qu'il était incapable d'y réfléchir plus.
« Kaname, » appela-t'il faiblement.
Elle, elle pourrait l'aider à comprendre tout cela, il en était un certain. Il marcha donc à sa suite, titubant légèrement. Il avait bien froid, tout à coup.
Notes du chapitre :
(1) Chi : premier et Ni : second.
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