Le Prince Solitaire 5 06

Chapitre Six : Un retour mitigé


Hanajū, quatrième mois de l'année 2441


Trois semaines seulement après l'arrivée de Haruni, le général Kenryū entra à Hanajū avec cinquante soldats de la garde impériale. Il avait certainement dû partir dès l'arrivée du messager-oiseau de Mitsuhide et n'avait pas traîné sur les routes. En tout cas, il avait l'air passablement furieux.

« Ce sale gosse m'aura fait traverser tout l'Empire deux fois ! explosa-t'il en privé devant Mitsuhide.

Général Kenryū, un peu de respect, le rectifia ce dernier. Ce n'est pas la faute du Second Prince si vous l'avez manqué de peu ici. »

Kenryū marmonna quelque chose de peu agréable entre ses dents. L'arrivée de Haruni, suivi des deux autres garçons, n'améliora pas son humeur.

« Général Kenryū ! fit le prince avec un grand sourire. Comme c'est aimable à vous de vous être déplacé pour me raccompagner. Il ne fallait pas, voyons. »


Mitsuhide lança un regard réprobateur au garçon qui masqua son amusement, alors que le général donnait l'impression que de la fumée lui sortait des oreilles et du nez.

« Votre Altesse, fit-il en s'inclinant raidement. Sachez que l'Empereur est furieux contre vous ! Cela fait des semaines que nous vous recherchons à travers tout l'Empire ! Vous avez agi de manière totalement irresponsable et dangereuse. J'espère que vous en avez bien conscience ! »

Le sermon fit reculer Tetsuō et Yatsu, même s'il ne leur était pas destiné. Haruni, lui, garda le sourire.

« Désolé pour le dérangement, » fit-il simplement.

La légèreté de ses excuses ne fut pas du tout au goût de Kenryū qui serra les poings.


Avant que le général ne commette l'irréparable, Mitsuhide préféra intervenir :

« Général Kenryū, venez prendre une collation, le temps que les affaires du Second Prince soient préparées.

Nous devons partir au plus vite, répliqua sèchement l'autre homme. La route est longue.

Raison de plus pour ne pas vous précipiter. Vos hommes et vous avez bien mérité un peu de repos. »

Kenryū finit par se laisser convaincre de ne partir que le lendemain matin. Ses hommes pourraient également se reposer dans la caserne du palais, tout comme les chevaux aux écuries. Afin de se déplacer plus vite, ils n'avaient pas pris de carrosse pour le retour du Second Prince. Mitsuhide ne pouvait hélas pas leur en prêter un, étant donné qu'il n'en avait qu'un seul pour son usage, alors il faudrait que Haruni chevauche avec le général Kenryū, une perspective qui ne plaisait à aucun des deux concernés.


Pendant que les trois garçons profitaient de leur dernier après-midi ensemble, Mitsuhide reçut le général dans une salle au pavillon principal pour du thé et une bonne collation. Seul avec Mitsuhide, Kenryū ne mâcha vraiment plus ses mots.

« Un prince qui se comporte de la sorte, c'est inadmissible ! Et qu'est-ce qui lui a pris de venir jusqu'ici déjà ?!

Il est peut-être venu se faire des amis ? suggéra Mitsuhide avec l'ombre d'un sourire. Il s'est vite attaché aux garçons. »

Cela laissa le général incrédule.

« Le fils du général Yama avec un Hikari ?! Il doit pleurer dans l'autre monde !

Peut-être pas. Yama aurait certainement accordé le bénéfice du doute à cet enfant, » fit Mitsuhide d'un ton légèrement réprobateur.

Kenryū renifla.

« Je préfère rester méfiant. Cet enfant n'est pas clair, je le sens ! »

Ce qu'il sentait, ce n'était pas un complot ou de la duplicité, mais simplement le fait que Haruni avait déjà vécu toute une vie avant et ne se comportait absolument pas comme un enfant. Malheureusement, il interprétait mal à la situation et Mitsuhide ne pouvait pas le corriger.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

« Clair ou pas clair, rappela-t'il, il est le Second Prince.

Pas le Premier, les Dieux en soient loués ! »

Mitsuhide commença à comprendre un peu les raisons qui avaient poussé Haruni à s'enfuir de Kurojū : si tous le traitaient ainsi là-bas, ce n'était pas du tout vivable ! Pourtant, Haruni devait y retourner et s'imposer d'une façon ou d'une autre.

« Au fait, général Kenryū, fit-il en changeant de sujet, avez-vous reçu mon message concernant les biens que votre fils a... emportés lors de sa dernière visite ? »

'Volés' était le mot exact, mais Mitsuhide n'avait pas besoin de le dire : le général Kenryū en avait parfaitement conscience et en était le premier gêné. Ses yeux saphir s'assombrirent.

« Hum, oui, répondit-il en toussotant. Je... j'en reparlerai à Kikuchi dès mon retour. S'il était possible de lui laisser un délai, le temps qu'il fasse son deuil...

Bien sûr, accorda Mitsuhide avec compassion. Après tout, je partage sa douleur face à la perte de Yama. »


Le général ne commenta pas mais ses yeux exprimèrent une légère incrédulité. De ce qu'il constatait, le seigneur de Madare n'avait coupé qu'une simple mèche pour son ami défunt, contrairement à Kikuchi qui s'était rasé tous les cheveux. Mitsuhide ne montrait aucun signe de chagrin et de douleur, bien qu'il ait perdu son amant. C'était plus que suspect. En vérité, si Kenryū n'avait pas lui-même trouvé le corps de Yama à Shirojū, il aurait pu se poser bien des questions et soupçonner une immense machination. Après, chacun réagissait à sa manière face au deuil, mais tout de même...


« Au fait, l'Empereur vous transmet ses remerciements pour avoir accueilli son fils, fit-il pour changer de sujet.

Le Second Prince est toujours le bienvenu ici.

Vraiment  ? insinua Kenryū. Même après tout ce que les Hikari vous ont fait ?! »

Mitsuhide eut un léger sourire.

« Comme Yama, je ne jugerai pas un enfant pour les crimes de son clan. J'ai eu l'occasion de discuter avec le Second Prince et j'avoue que j'ai une très bonne opinion de lui. »

Kenryū songea alors :

« D'abord l'Impératrice et ensuite le seigneur de Madare... Comment ce garçon arrive-t'il à s'inspirer la sympathie de ceux qui ont été les plus grands ennemis des Hikari ?! »

Si le Second Prince usait de magie pour charmer les gens, alors il était clairement plus puissant que le clan Hikari au grand complet. En tout cas, cela ne fonctionnerait pas sur Kenryū !


~*~


Dans leurs appartements, Haruni supervisait la confection de ses bagages, accompagné par Yatsu. Le garçon tentait vainement de cacher sa tristesse. Il savait que Haruni devait repartir le lendemain, mais il aurait pensé qu'ils avaient encore plus de temps devant eux.

« Le général Kenryū a vraiment dû voyager à un rythme infernal pour arriver ici si tôt.

Il est comme son fils, marmonna Yatsu. Il vient te voler à moi ! »

Haruni soupira intérieurement et tendit la main pour lui caresser la tête.

« Yatsu, même si nous ne sommes pas ensemble, personne ne prendra la place que tu occupes dans mon cœur, d'accord ? Personne. »

Un peu rasséréné, le garçon lui tendit soudain deux rouleaux. Touché, Haruni ouvrit le premier et y découvrit le portrait d'un garçon... non, son portrait car il reconnut les yeux dorés et les cheveux noirs. Pour le reste, c'était le visage d'un inconnu et il ne s'y attarda guère.

« C'est très joli, merci, le félicita-t'il. Tu es vraiment doué. »

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Rouge de plaisir, Yatsu le pressa d'ouvrir le second rouleau. C'était un poème. Haruni reconnut une partie des caractères, mais dut demander à son fils de de lire à voix haute.

« Je t'ai perdu en été, tu m'as retrouvé au printemps. Si seulement toutes les saisons étaient le printemps.

Un portrait et un poème. Tu m'as déjà fait ces cadeaux-là avant.

Oui, et je te les fais à nouveau.

Je les garderai précieusement. Merci. »

Haruni serra son fils contre lui. De ses anciennes affaires, il ne prit que la carte de Hakurō et quelques livres de stratégie militaire qu'on lui avait offerts pour son anniversaire. Dans quelques temps, il pourrait enfin les lire seul. Quant à ses sabres — le sabre long offert par Hakurō et les sabres moyens et courts que Mitsuhide lui avait offerts pour compléter le jeu — ils étaient bien trop lourds pour lui et en plus, il n'aurait pas droit à de vrais sabres avant plusieurs années. Alors mieux valait les laisser à Madare. Il pourrait toujours venir les récupérer plus tard, une fois qu'il serait assez grand pour les manier.


~*~


Après une dernière soirée à Madare en compagnie de tout le monde, Haruni dut se préparer au départ. Yatsu avait insisté pour qu'ils dorment ensemble la nuit, étant donné qu'ils ne se reverraient plus avant très longtemps. Le garçon était bien trop bouleversé pour assister à son départ, alors leurs adieux se firent en privé, ce qui était bien mieux. Ensuite, tandis que Kenryū était déjà en train de rassembler ses hommes dans la cour, Mitsuhide vint lui dire au revoir et le conduisit aux écuries car il avait aussi un cadeau pour son ami : sa monture Yaji. Durant son séjour à Madare, Haruni l'avait monté à nouveau pour se promener avec Mitsuhide. Les premières fois à cheval avaient été compliquées, mais sa motivation lui avait permis de rapidement retrouver son équilibre.


« Tu es sûr ? s'enquit Haruni.

Je te l'ai offert, il est à toi. »

Comprenant que Mitsuhide ne céderait pas sur ce point, Haruni le remercia. Yaji était un cheval de race dont il avait pu apprécier les nombreuses qualités. Il serait content d'avoir une telle monture à Kurojū. Mitsuhide mit soudain un genou à terre pour le prendre dans ses bras. Il eut un léger rire.

« Ça fait bizarre de devoir m'abaisser pour ça, commenta-t'il.

Ne te moque pas ! se vexa Haruni. Attends un peu que j'ai retrouvé ma taille d'adulte, et tu verras ! »

Mitsuhide se retint de répondre : Yama avait été un géant parmi les humains, personne ne pouvait prétendre à cette taille. Mais il lui laissa ses illusions, le prenant en pitié.


« Je t'écrirai souvent pour te donner des nouvelles, promit le seigneur de Madare.

Moi aussi, même si je pense que notre correspondance sera lue. »

C'était effectivement une forte possibilité : il n'y avait aucune chance pour que l'Empereur — ou d 'autres — ne s'intéresse pas à ce que pouvaient bien se dire le Second Prince et le seigneur de Madare.

« Bah, plaisanta Mitsuhide, il faudrait déjà qu'ils arrivent à déchiffrer ton écriture ! »

La calligraphie de Haruni n'avait jamais été bonne, surtout parce qu'il ne s'appliquait pas assez.

« Si mon écriture ne te plaît pas, commença le garçon en se vexant.

Non, non, je n'ai pas dit ça, rit Mitsuhide. J'éviterai donc d'écrire des choses compromettantes. »

Les deux amis se sourirent, puis se séparèrent sur cette promesse.


~*~


Kenryū bouillonnait d'impatience dans la cour lorsque le prince arriva enfin avec ses amis. Il tiqua quand un servant amena le magnifique étalon.

« Seigneur Mitsuhide, qu'est-ce donc ?

Ah, il se trouve que j'ai offert ce cheval à son Altesse.

Ce cheval est bien trop grand pour lui ! Et son Altesse a à peine commencé ses leçons d'équitation, il lui faudrait plutôt un poney ! »

Tandis que Haruni se retenait de répliquer avec verve qu'il n'était pas un bébé, Mitsuhide parla à sa place pour apaiser la situation :

« Son Altesse a pris l'habitude de monter ce cheval le temps de son séjour ici. En plus, vous irez bien plus vite que s'il montait un poney.

Hum, son Altesse n'est absolument pas en mesure de tenir tout le trajet en chevauchant : il va monter avec moi. »

Une fois de plus, Mitsuhide parla avant que Haruni n'explose :

« Je comprends, la sécurité de son Altesse passe avant tout. Mais emmenez quand même cette monture avec vous. Son Altesse pourra s'en servir à Kurojū. »

Là, le général Kenryū ne put plus rien dire.

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Un brin vexé, Haruni refit ses adieux à Yatsu et Tetsuō. Les trois garçons se promirent de s'écrire et de se revoir au plus vite. Puis le Second Prince inclina la tête en direction de Mitsuhide :

« Seigneur Mitsuhide, fit-il d'un ton formel à cause de la présence de Kenryū, encore merci pour votre hospitalité.

Votre Altesse, vous serez toujours le bienvenu à Hanajū, » répondit Mitsuhide sur le même ton en s'inclinant.

Haruni lui adressa un sourire chaleureux, puis laissa le général Kenryū l'aider à monter sur son propre cheval. Malgré ses rudes paroles, Kenryū prêta une attention toute particulière à sa sécurité, refusant qu'il tombe de cheval et se blesse. L'homme fut toutefois un peu surpris de constater que Haruni semblait très à son aise sur le cheval.

« En route ! » annonça ensuite Kenryū avec impatience.

Le groupe quitta la cour du palais de Hanajū. Haruni se retrouva ainsi assis sur la selle devant le général Kenryū qui dirigeait sa monture. Les autres soldats se placèrent tout autour d'eux. C'était l'escorte d'un prince... ou la garde d'un prisonnier.


Les premiers temps, Kenryū ne décrocha pas un mot mais Haruni pouvait souvent sentir son regard furieux se poser sur le sommet de son crâne. Les autres gardes sentaient l'état d'esprit de leur général, alors personne ne pipait mot. Le silence ne dérangea pas Haruni ; il avait ses propres pensées pour lui tenir compagnie et l'occuper. Au bout d'une heure, le général n'y tint plus et posa la question qui lui brûlait les lèvres :

« Qu'est-ce que vous êtes venu faire à Hanajū, au juste ? »

Haruni ne sut trop comment répondre sans parler de son passé.

« J'avais envie de voir cet endroit, » biaisa-t'il.

Kenryū émit un son incrédule.

« Qu'est-ce que Hanajū a à voir avec vous ? Vous auriez plutôt dû vous rendre à Shirojū ! »

Le fief des Hikari. Haruni se hérissa inconsciemment.

« Je n'ai rien> à voir avec Shirojū. »

Le général renifla de doute.


Une autre question le tarabustait :

« Je me suis rendu à Hanajū il y a peu de temps pour vous chercher. Comment se fait-il qu'on ne vous ait pas croisé sur la route ?

Vous pensez que j'ai voyagé sur les routes ? Je ne suis pas stupide à ce point, général Kenryū. »

L'homme inspira brusquement de colère, puis grommela :

« Quand je pense que j'ai raté l'anniversaire de mon aîné pour vous chercher ! »

Il ne dit plus un mot, préférant éviter de faire un malheur. Haruni secoua la tête. Il était vrai que l'anniversaire de Kikuchi tombait le troisième jour du premier mois — comme il l'avait dit à Yama. Haruni songea alors à la différence de calendrier entre les humains et les Vites : les humains comptaient les mois à partir du Nouvel An qui était célébré au début du printemps, soit le 21 mars pour les Vites. Du coup, le troisième jour du premier mois n'était pas le 3 janvier, mais le 24 mars. C'était assez perturbant si on voulait convertir les dates, alors c'était plus simple pour Haruni de rester sur le calendrier en vigueur dans l'Empire de l'Aube.


Le soir venu, ils s'arrêtèrent à l'auberge dans un village. Malgré sa précipitation, Kenryū ménageait le Second Prince et le trajet dans la journée avait été fait à un rythme relativement tranquille. Même si Haruni avait eu envie de lui suggérer de presser le rythme, il s'était dit ensuite qu'il n'était pas non plus trop pressé de rentrer, alors il se plia aux instructions du général. Kenryū fit tout de suite monter le garçon dans la chambre avec le visage caché, afin de ne pas créer de tumulte. Haruni dut manger dans la chambre, surveillé en permanence.

« Si vous voulez prendre un bain, l'informa Kenryū, il faudra le faire sans servant.

Pas pour ce soir, » répondit Haruni.

Il semblait que le général tenait vraiment à le ramener en bonne santé et reposé à la capitale. Pour le reste de leur voyage, il ne fut pas toujours possible de s'arrêter dans une auberge. Haruni ne se plaignait pas une seule fois, même quand ils dormaient à la belle étoile. Cela n'aurait rien changé, de toute manière.


~*~


Ce fut ainsi qu'après quatre semaines, ils revinrent à Kurojū. Haruni ressentit un pincement au cœur en voyant s'élever les murs sombres du palais, mais ce n'était pas parce que l'endroit lui avait manqué, bien au contraire ! Il poussa un soupir tandis que son escorte le conduisait dans la cour principale. Des soldats et servants accoururent pour s'occuper des montures. Haruni donna l'ordre que Yaji soit conduit dans la stalle réservée au cheval du Second Prince. Le servant lança un regard peu discret au général Kenryū qui hocha sèchement la tête. Cela laissa Haruni songeur.

« Et je suis censé être la troisième personne la plus importante de l'Empire, hein ? » songea-t'il avec ironie.


Kenryū avait bien entendu prévenu à l'avance de leur arrivée, pourtant il n'y avait aucun comité pour les accueillir. D'un autre côté, ce n'était pas non plus comme s'ils revenaient d'un long voyage officiel. Sans se soucier de lui laisser le temps de se reposer ou de se rafraîchir, le général conduisit le prince dans le bureau de l'Empereur, où se trouvait également Kaname. En chemin, les murmures s'amplifièrent devant la réapparition du Second Prince. Haruni se tint la tête droite, résolu à affronter cette situation dans les meilleures conditions possibles. Dans le bureau, Kenryū salua le couple impérial.

« Votre Majesté, fit-il à l'Empereur, j'ai accompli ma mission et je vous ai ramené votre fils. »

Tegami ne quitta pas son fils des yeux, la mine sévère.

« Merci, général Kenryū. Vous pouvez disposer. »

Si le général s'offusqua de se faire rapidement congédier, il n'en montra rien et quitta la pièce, ses longs cheveux d'automne se balançant au rythme de ses pas.

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Haruni salua le couple sans un mot, leur laissant l'initiative de parler. Tegami se leva et s'approcha de lui à pas rapide. Sans le moindre mot, il gifla assez rudement. Kaname étouffa un cri.

« Comment as-tu pu faire ça ?! demanda l'Empereur, sa voix remplie d 'émotion. Plus de trois mois sans nouvelles ! Je... Nous étions morts d'inquiétude !

Je vais bien, » répondit Haruni un peu inutilement.

Tegami s'abaissa soudain pour le prendre dans ses bras. Fort surpris, le garçon le laissa faire à sa guise.

« Comment as-tu pu faire ça ? répéta Tegami d'une voix plus faible.

Vous ne voudriez pas plutôt savoir pourquoi j'ai fait ça ? » s'enquit le garçon.

L'Empereur recula d'un pas pour le regarder droit dans les yeux, troublé. Haruni attendit qu'il pose la question suggérée, mais rien ne vint. Il reprit alors :

« Dans ce cas, discutons plutôt des conditions de mon retour. »


Cela fit réagir les deux personnes présentes.

« Quelles conditions ? intervint Kaname, pressentant le pire.

Pour que j'accepte de rester à Kurojū.

Ridicule ! s'écria alors l'Empereur. C'est ce Mitsuhide qui t'a mis ces idées dans la tête, hein ?! »

Haruni se força au calme, mais qu'est-ce que c'était dur.

« Je suis capable d'avoir mes propres idées, répliqua-t'il sèchement. Et vous devriez plutôt remercier Mitsuhide : c'est lui qui m'a convaincu de revenir. Il m'a même fait prendre conscience que je m'étais mal comporté envers vous tous. »

Cela laissa Tegami sans voix, toutefois son animosité envers l'autre homme ne disparaîtrait pas du jour au lendemain. Haruni s'inclina devant eux et déclara :

« Je suis sincèrement désolé d'être parti si brusquement. Je n'ai pas songé à l'inquiétude que cela vous causerait. J'ai agi de façon égoïste et irresponsable. »


Son attitude repentante amadoua un peu Tegami, qui demanda enfin :

« Mais pourquoi tu as fait ça ?

J'étais furieux et je me sentais prisonnier, avoua le garçon. J'avais besoin de me sentir de nouveau maître de mon existence.

Et ce voyage t'a apporté ce dont tu avais besoin ? s'enquit l'Impératrice, soucieuse.

Oui, répondit-il spontanément, cela m'a fait énormément de bien sur tous les plans.

Je peux le voir, tu as l'air plus... serein.

Je me sens surtout moins frustré par ce corps. Cela me fait encore un peu bizarre par moments mais bon, je finirai par m'y faire. »

Le soulagement de Kaname fut visible et Haruni lui rendit son sourire.

« Je ne comprends toujours pas pourquoi tu veux poser des conditions, intervint l'Empereur avec perplexité. Depuis quand faut-il des conditions pour rester avec sa famille ?! »


Haruni se retint de lever les yeux au ciel.

« Le mot 'famille' n'a pas les mêmes connotations pour moi. Dans ma première famille, le père était mort et la mère était une... comment disait Banien déjà ? Une salope frigide prêt à tout pour s'emparer du pouvoir. Elle a même tenté de me tuer. Ça ne vous rappelle rien ? »

Décidément, Haruni n'avait pas eu de chance avec ses mères.

« Du coup, je me suis rapidement détaché de ce concept. Chez les Vites, le concept de liens du sang n'est pas aussi important qu'ici. On peut se choisir sa propre famille. C'est ce que j'ai fait en tant que Yama et cela m'a bien plus réussi. »

Tegami serra les dents, ne comprenant pas pourquoi son fils se raccrochait aux souvenirs d'une vie de souffrances.


Haruni parut sentir son état d'esprit et suggéra de manière raisonnable :

« Écoutez, et si vous preniez quelques jours pour réfléchir à cette idée ? Je vous ferai part de mes conditions d'ici là et nous en discuterons à tête reposée. Qu'en dites-vous ? »

L'Empereur lui lança aussitôt un regard méfiant.

« Tu veux gagner du temps pour t'enfuir à nouveau ? »

Haruni soupira ; il avait bien mérité cette suspicion.

« Je suis revenu de mon plein gré. J'aurais pu m'échapper mille fois durant le retour, mais je suis là et je tiens à arranger la situation entre nous.

Tu n'aurais pas pu t'échapper sous la surveillance de Kenryū, » rectifia Tegami.

Haruni ne put retenir un léger rire.

« Désolé, mais le général Kenryū ne me voit que comme un enfant et ne se méfie pas assez de moi. »

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Tegami grommela, pas entièrement convaincu. Kaname intervint pour apaiser la situation :

« Alors tu nous donnes ta parole de rester à Kurojū ?

Oui, le temps que nous nous mettions d'accord. »

L'Impératrice hocha la tête, elle savait que Haruni respecterait cette promesse. Elle lança un regard significatif à son époux qui céda à contrecœur.

« Soit, je veux bien te faire confiance. Tu peux regagner tes appartements mais dorénavant, tu te déplaceras toujours avec un servant, comme il sied à ta position.

Entendu, » accepta-t'il sans discuter.

L'Empereur fut agréablement surpris par sa docilité. Si seulement il pouvait être tout le temps ainsi !


Haruni les salua avant de quitter le bureau. Tegami se tourna alors vers son épouse afin de partager librement sa consternation.

« Non mais tu l'as entendu ? Il veut nous imposer des conditions pour rester ici ! C'est ahurissant !!! »

Mais Kaname avait plutôt l'air songeuse, ses yeux azur parcourus de nombreuses pensées.

« Honnêtement, je pense qu'il a bien fait de partir, fit-elle subitement.

Quoi ?! Tu ne peux quand même pas approuver son geste irresponsable et indigne !

Je n'approuve pas le fait qu'il soit parti sans prévenir, bien entendu, mais quelque part, il avait besoin de ce temps d'éloignement pour faire le point sur lui-même. »

Il contempla son épouse comme si elle venait de dire une absurdité. Elle poursuivit :

« C'est très difficile pour Haruni d'accepter cette situation incroyable. Cependant, il veut faire des efforts, alors à nous d'en faire également.

Mais des conditions... »

Tegami était vraiment bloqué là-dessus.


« Je pense que ces conditions vont surtout servir à le rassurer, nuança sa femme. Haruni a besoin d'avoir un certain contrôle sur sa vie, c'est tout. En tant que parents, c'est notre devoir de lui fournir toutes les assurances dont il a besoin pour se sentir libre et s'épanouir pleinement, tu ne crois pas ? »

Dit comme ça, cela tombait sous le sens.

« C'est à nous d'être adultes et raisonnables.

Mmph, marmonna Tegami, quand tu l'entends, il est plus adulte que nous ! »

Kaname ne pouvait le nier. Avec un doux sourire, elle répondit :

« Sur quelques points, c'est le cas. Mais dans tant d'autres domaines, c'est encore un enfant, sauf qu'il refuse de le reconnaître. Laissons-le dire et faire tant qu'il ne se met pas en danger.

Tu crois que c'est vraiment ce qu'il faut faire ? »

Elle eut un regard un peu perdu.

« Sa situation est inédite, personne ne peut nous dire quoi faire. Mais je suis sincèrement convaincue que c'est la meilleure façon de gérer notre situation. »

Tegami soupira et céda :

« Bon, je m'en remets à toi. »

Elle lui prit la main et la pressa doucement afin de le remercier et de le réconforter.


~*~


Les servants du Second Prince avaient dû être informés de son retour car à peine dans le couloir, le garçon aperçut Doko qui s'inclina devant lui.

« Petit maître, je me réjouis de votre retour. Vos affaires ont été déposées dans vos quartiers.

Merci Doko, répondit-il. Oh, et appelle-moi juste 'maître', cela suffira. »

Il n'appréciait pas le mot 'petit' qui lui rappelait à la fois son âge et sa taille. Le servant s'inclina de nouveau et lui emboîta le pas sans rien dire, suivant le garçon qui se dirigeait vers ses appartements.


Dans la cour qui menait au Pavillon Impérial, il entendit soudain un cri sur le côté :

« Haruni ! »

Il eut à peine le temps de se retourner que son frère l'avait déjà pris dans ses bras, ayant couru pour le rattraper — une attitude que Kaname n'aurait guère approuvée.

« C'est bien vrai, tu es rentré !

Hum, oui. »

Chiharu le libéra pour le fixer d'un air qui se voulait furieux, comme une imitation de leur père.

« Comment tu as pu partir comme ça sans rien dire ?

Pourquoi.

Hein ? »

Le garçon poussa un soupir.

« Arrêtez de me demander 'comment' alors que la vraie question est 'pourquoi'. »

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Chiharu prit un air confus mais passa sur le sujet.

« Je me suis fais tellement de souci ! Dire que je venais à peine d'avoir mon petit frère et il disparaissait déjà ! Tu t'es très mal comporté, je ne suis pas content de toi ! Et en plus, tu as raté l'anniversaire de Mère ! »

Le Premier Prince tentait de parler comme un adulte, mais le résultat n'était pas encore convaincant. Haruni dissimula son sourire et baissa la tête d'un air contrit.

« Je suis désolé de t'avoir inquiété.

Bah... c'est bon, n'en parlons plus. Mais tu dois me promettre de ne plus recommencer !

Promis : la prochaine fois que je partirai, je te préviendrai. »

Chiharu en resta stupéfait.

« C'est... ce... ce n'est pas ce que je voulais dire !

Je sais, » répondit Haruni en souriant.


Un peu perplexe devant son étrange petit frère, Chiharu soupira.

« Pour te faire pardonner, je veux qu'on mange ensemble ce soir.

Oui.

Et on dormira ensemble !

Entendu.

Et tu m'appelleras 'grand frère' tout le temps.

Pas question. »

Chiharu poussa un cri de protestation.

« Mais pourquoi ?!

Ça me fait vraiment trop bizarre. »

Un peu chagriné, le garçon n'insista pas et se consola avec l'idée qu'ils allaient passer du temps ensemble. Haruni était sincère en disant qu'il ne parvenait pas à l'appeler 'grand frère'. Pour lui, Chiharu resterait le petit garçon que Kaname avait porté tandis qu'ils s'enfuyaient de Metsūjū sur les routes de Towa. Chiharu dut repartir pour ses leçons mais il prit une fois encore son frère dans ses bras avant de le lâcher.

« N'oublie pas pour ce soir ! » lui lança-t'il joyeusement.

Haruni acquiesça, amusé.


De retour dans ses appartements, il contempla l'excès de meubles, de tapis et de babioles en tout genre. Il poussa un soupir : la vie lui semblait être un éternel recommencement. Il se tourna vers ses servants qui ne le quittaient pas d'un œil et annonça :

« Nous allons faire un peu de tri. »

Puisqu'il allait rester là un bon moment, autant créer un cadre qui correspondait plus à ses goûts. Les servants prirent des mines effarées en voyant les pièces de vie se vider au fur et à mesure de l'après-midi tandis que les pièces de rangement étaient remplies à craquer. Au final, il ne resta que le strict nécessaire, comme à Hanajū. Haruni se sentit enfin respirer dans ses appartements. En dépit des risques, il demanda à accrocher la carte de Hakurō dans la partie bureau. Concernant le portrait peint par Yatsu, il ne l'avait pas exposé car cela aurait le même effet que les miroirs : il ne voulait pas voir son reflet, encore plus maintenant. Par contre, il accrocha au mur le poème que lui avait écrit son fils.


~*~


En fin de journée, Haruni se dirigea vers les appartements de son frère afin qu'ils dînent ensemble comme promis. En traversant la cour qui séparait les bâtiments avec Doko, il croisa quelques officiels et des gardes qui le saluèrent respectueusement, tout en gardant leurs pensées hostiles pour eux. Haruni se dit avec fatalisme qu'il lui faudrait supporter longtemps cette hypocrisie. Au moment où il allait quitter la cour, un jeune homme se plaça sur son chemin, l'attitude clairement défiante. Un peu surpris, Haruni leva les yeux et reconnut Kikuchi. L'adolescent était revenu à la Cour depuis deux semaines. Ses cheveux n'avaient repoussé que jusqu'à ses épaules, aussi les coiffait-il en chignon. Son retour avait provoqué des rumeurs dans tout le palais, mais les gens furent plutôt compatissants en apprenant qu'il avait souffert d'un chagrin d'amour. Le nom de Yama ne fut pas mêlé à tout cela, seuls les amis de Kikuchi connaissaient l'identité de l'homme qu'il avait aimé et il se montraient compréhensifs avec lui.


Haruni avait en mémoire l'image d'un garçon souriant et amical, qui le suivait en permanence. À présent, il lui arrivait à peine au niveau du torse et Kikuchi le fixait avec méfiance, ses yeux émeraude durs. Ces changements étaient radicaux.

« Firal Kikuchi, » fit Haruni en inclinant légèrement la tête pour le saluer.

L'adolescent tiqua.

« Nous n'avons pas été présentés, répliqua-t'il sèchement.

Vous ressemblez à votre père. »

Ils avaient les mêmes cheveux de la couleur des feuilles en automne, des mentons similaires et une silhouette plutôt fine. Même si Haruni ne l'avait pas connu d'avant, il aurait fait le lien entre cet adolescent et le général Kenryū.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Doko s'avança humblement, la mine assombrie.

« Firal Kikuchi, veuillez vous incliner devant son Altesse le Second Prince. »

Son ton était mi-respectueux et mi-réprobateur. Le visage de Kikuchi s'illumina d'un sourire moqueur et il s'inclina raidement.

« Votre Altesse, » fit-il d'un ton insolent.

S'il pensait énerver Haruni, il en fut pour ses frais. Le garçon se disait seulement que l'attitude des gens pouvait changer du tout au tout. Pensant que Kikuchi n'avait rien de plus à lui dire, Haruni reprit son chemin mais l'adolescent se plaça de nouveau devant lui. Le Second Prince leva les yeux.

« Un problème ? » demanda-t'il directement.

Kikuchi tiqua de nouveau et un éclair parcourut son regard.

« Vous êtes le problème, déclara-t'il directement. Sachez que je vais vous garder à l'œil et que si vous tentez la moindre manigance, je serai là pour vous en empêcher ! Aucun Hikari ne menacera de nouveau l'Empire !

Firal Kikuchi ! » intervint Doko, atterré.

Haruni se contenta de sourire.

« Si vous avez du temps à perdre, tant mieux pour vous. »

Le fils de Kenryū serra les poings, prenant cette réponse comme de la moquerie. Il se détourna du garçon et s'éloigna vivement sans même le saluer.


Haruni soupira à son départ, tandis que son servant était bien embarrassé et rouge de colère.

« Pe... Maître, je me dois de reporter cette insolence à sa Majesté l'Impératrice !

Non, ça ira.

Mais... !

Pourquoi punir ce garçon alors qu'il est le seul à avoir l'honnêteté de me dire le fond de sa pensée ? »

Cela laissa le servant sans voix.

« Je préfère mille fois un ennemi honnête qu'un ami faux. Laisse donc. »

Doko s'inclina, bien qu'il ne pouvait pas comprendre pourquoi son maître ne voulait pas relever cette insolence alors qu'il en aurait tout à fait le droit. En fait, Haruni savait qu'il aurait réagi exactement comme Kikuchi si les rôles avaient été inversés. Et puis, il y avait aussi le fait que cet adolescent portait le deuil de Yama — c'était bien le seul à Kurojū. Avec tout cela, Haruni ne pouvait vraiment pas se fâcher contre lui.


~*~


Le lendemain matin au petit-déjeuner qu'ils prenaient tous ensemble, Chiharu raconta à ses parents d'un ton excité sa soirée avec son frère. À côté de lui, Haruni le laissait dire, se contentant d'acquiescer lorsque ce dernier lui demandait confirmation. Kaname avait un sourire attendri, tandis que Tegami enviait de nouveau le lien qui se créait peu à peu entre ses deux fils, pourtant très différents l'un de l'autre.

« Oh, et Haruni a joué de la flûte pour moi. Il est très doué ! Vous l'avez déjà entendu ? »

Kaname acquiesça, mais Tegami secoua la tête.

« Il faudra que tu joues devant Père aussi ! fit Chiharu à son frère.

Mmm.

On a aussi joué aux Pierres et il m'a battu à chaque fois ! »

Loin de se plaindre, Chiharu semblait seulement ravi du temps passé avec son frère.


De son côté, Tegami fronça les sourcils. Les Pierres étaient un jeu de stratégie assez complexe et difficile pour un enfant aussi jeune que Haruni. Il avait déjà pu jouer avec Chiharu et estimait que son aîné avait un niveau correct pour son âge. Le fait que Haruni ait pu le battre voulait dire que son niveau était excellent.

« Vraiment ? fit Tegami. J'aimerais bien voir ça. »

Tandis que Haruni lui lança un regard en coin, Chiharu battit soudain des mains.

« Hé bien, vous n'avez qu'à passer la soirée ensemble vous aussi ! Comme ça, vous pourrez jouer ! » suggéra-t'il avec candeur.

Son frère prit un air horrifié devant cette idée grotesque mais avant qu'il n'ait pu dire quoi que ce soit, Tegami le devança :

« C'est une bonne idée, Chiharu. Haruni, qu'en penses-tu ? »


Le garçon perçut la pointe d'hésitation dans sa voix, comme si l'Empereur craignait un refus — à juste titre d'ailleurs ! Toutefois, les paroles de Mitsuhide lui revinrent en mémoire, sur le fait qu'il n'avait pas laissé de chance à cette famille. Il pouvait bien faire un effort, ce n'était pas une soirée qui allait le tuer.

« Entendu, » céda-t'il.

L'Empereur afficha sa joie en l'entendant accepter. Quant à Kaname, elle adressa à Haruni un sourire de remerciement pour les efforts qu'il faisait. Et Chiharu rayonna de joie pour avoir lancé cette excellente idée. Le petit-déjeuner se termina donc dans la bonne humeur.


~*~


Dans la journée, Haruni reprit ses leçons sans grand enthousiasme, excepté pour l'entraînement au sabre. Il croisa une fois encore Kikuchi parmi les autres amis de Chiharu, qui fit la présentation — bien qu'elle soit inutile. Le Firal le salua plus poliment mais ne lui dit rien de plus. Le maître d'armes arriva à ce moment et donna ses instructions aux élèves avant de se tourner vers le Second Prince, arborant un air sévère.

« Trois mois sans entraînement, autant repartir de zéro, commenta-t'il brièvement.

Je me suis entraîné durant ce temps, maître Midaro ! » protesta Haruni, peu désireux de recommencer les postures de base qu'il connaissait par cœur.

Et ce n'était pas un mensonge puisqu'il s'était servi de son sabre à plusieurs reprises — pour tuer un lapin, écailler un poisson, etc. — et à Madare, il avait fait quelques combats amicaux contre Tetsuō afin de voir son niveau — le résultat avait été décevant.

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Cependant, Midaro le fixa avec une incrédulité manifeste. L'homme se passa une main sur le menton glabre.

« En tout cas, vous m'avez l'air un peu plus solide sur vos positions, votre Altesse. Encore un peu gringalet, néanmoins. Bon, montrez-moi donc les postures de base. »

Soulagé de pouvoir faire ses preuves, Haruni saisit un sabre d'entraînement en bois et enchaîna les postures demandées. Midaro les lui réclama soudain dans le désordre, annonçant le numéro de la posture souhaitée. Haruni s'exécuta sans erreur grâce à son excellente mémoire. Mais loin de le complimenter, le maître d'armes trouva de quoi critiquer :

« Vous effectuez les postures, certes, mais vous ne les vivez pas. Imaginez un ennemi en face de vous et combattez-le. Je dois pouvoir discerner votre adversaire rien qu'en observant vos mouvements.

Ce ne serait pas plus facile si j'avais un vrai adversaire en face de moi ? » suggéra Haruni.


La réplique ne fut pas du tout au goût du maître d'armes.

« L'art du sabre n'a rien de facile  ! Ce n'est pas avec une telle attitude que vous ferez honneur à vos ancêtres ! »

Le Second Prince roula des yeux mais n'eut pas d'autre choix que d'obéir. Cela dit, il avait déjà un adversaire imaginaire tout trouvé ! De leur côté, les autres élèves avaient discrètement observé la scène et certains cachèrent à peine leurs rires en voyant Haruni se faire ainsi rabrouer. Chiharu, lui, compatit avec son frère. Il savait que le maître Midaro était très exigeant et pointilleux sur tout ce qui concernait le sabre. Pas un élève n'avait été épargné par ses critiques sévères mais toujours justes, même Kikuchi. Ce dernier renifla simplement de mépris avant de reprendre ses propres exercices.


Après deux heures passées ainsi, Haruni avait plus que besoin de respirer. Il se rendit aux écuries pour voir si son cheval Yaji avait été bien installé. L'étalon hennit en sentant sa présence. Il était difficile de savoir s'il avait reconnu son ancien maître en lui, mais dès le moment où Haruni l'avait monté pour la première fois à Hanajū, Yaji s'était montré docile et affectueux. Ou peut-être juste qu'il appréciait d'avoir un nouveau maître.

« Tu étouffes ici toi aussi, hein ? » lui fit Haruni en lui flattant l'encolure.

Il héla donc un garçon d'écurie et ordonna que son son cheval soit sellé.


Le servant prit un air gêné.

« C'est que... Votre Altesse, nous avons reçu l'ordre de ne pas vous laisser partir à cheval. Désolé ! »

Haruni se figea.

« De qui vient cet ordre ? s'enquit-il calmement.

Du général Kenryū.

Je vois. »

Il aurait dû le deviner : après sa fugue, il était normal qu' on ne l'autorise pas à circuler librement hors du palais. C'était déjà étonnant qu'ils ne l'aient pas consigné dans ses appartements ! Bon, ce serait un autre détail à ajouter sur sa liste de conditions.


~*~


Tegami n'avait pas oublié leur rendez-vous et il choisit de se rendre dans les appartements de son fils après le dîner. Il resta quelque peu médusé par les changements apportés aux lieux, lui qui avait grandi dans ce pavillon.

« Qu'est-ce qui s'est passé ici ? demanda-t'il face à l'austérité de la pièce.

Kaname a dit que je pouvais décorer à mon goût, se défendit le garçon.

Et c'est ça, ton goût ?

Oui. »

L'Empereur secoua la tête avec désespoir.

« Haruni, en tant que Second Prince, tu ne peux pas vivre dans un tel dénuement. Imagine un peu ce que penseront les gens que tu inviteras ici ?

Je ne risque pas d'inviter grand monde.

Haruni... »


Tegami ne souhaitait pas que cela dégénère en dispute, aussi passa-t'il à un autre sujet en espérant que son fils était juste dans une phase passagère.

« J'ai un cadeau pour toi. »

Il fit signe à deux de ses servants qui entrèrent en transportant une lourde table : c'était un jeu de Pierres finement sculpté en jade.

« Merci. »

Haruni commença à se dire que les Autres faisaient des présents à la moindre occasion. Il faudrait peut-être qu'il rende la pareille mais il n'avait rien à lui, pas même de l'argent. Et il n'avait pas le talent de Yatsu pour peindre ou composer des poèmes. Il demanderait conseil à Kaname dès que possible.

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Pendant que les servants installaient la table — il y avait largement la place ! — et préparaient le thé, l'Empereur balaya la pièce du regard en tentant d'y retrouver ses souvenirs. Il vit le poème de Yatsu accroché au mur et le lut sans poser de question. Au niveau du bureau, il prit un air perplexe devant les quelques livres qui traitaient uniquement de stratégie militaire.

« Tu ne voudrais pas lire autre chose ? demanda-t'il à son fils.

Comme quoi ?

Des récits d'histoire, des contes, de la poésie... »

Haruni retint un sourire ironique.

« Pour le moment, je ne sais même pas lire ces livres-là, alors ne parlons pas des autres. »

Tegami se pinça les lèvres. Il avait vraiment tendance à oublier que son fils avait un énorme retard sur les apprentissages de base.


Il vit ensuite la carte accrochée au-dessus du bureau.

« Je peux ? » demanda-t-il par politesse en désignant l'objet.

Haruni acquiesça, quoiqu'un peu inquiet. Il n'avait pas pensé que lorsque l'Empereur viendrait dans ses quartiers, il pourrait s'intéresser à la carte de Hakurō. Que se passerait-il s'il reconnaissait l'œuvre de son frère ? Cela serait fort gênant.

« C'est une carte magnifique, commenta calmement Tegami après un long examen. Elle ne vient pas d'ici, pas vrai ?

Non c'est un cadeau.

Du seigneur Mitsuhide, je suppose ? fit l'Empereur en rétrécissant les yeux.

Non, je l'avais déjà avant. »

Tegami se tourna vers lui un moment, interrogateur, mais la question ne franchit pas ses lèvres.


Il reprit son examen de la carte en passant le bout de ses doigts sur les doubles annotations.

« Que signifient ces symboles ? demanda-t'il.

Ce sont les noms traduits en langage Vite. »

L'Empereur retira sa main, comme brûlé, et retint un commentaire déplaisant.

« Mmph. Et pourquoi le temple de Myūjin est-il souligné ?

Parce que je devais m'y rendre à la base. »

Troublé, l'homme regarda son fils.

« Tu savais donc ce qu'il y avait là-bas ? Depuis combien de temps ? »

Le garçon retint une grimace. Ce n'était pas un sujet qui promettait une soirée agréable. D'un autre côté, c'était l'une des rares fois où l'Empereur se montrait disposé à parler de sa vie d'avant.

« Bon, venez vous asseoir pour prendre le thé et je vous raconterai, » fit-il.


Tegami accepta et s'installa gracieusement, soulevant le pan de sa tunique verte et somptueuse afin de ne pas s'asseoir dessus. Haruni nota qu'il semblait avoir pris un soin particulier à son apparence, un peu comme s'il se rendait à un banquet. Lui, au contraire, était vêtu simplement et ses longs cheveux noirs étaient nattés pour ne pas l'incommoder — une coiffure réservée d'ordinaire à la nuit pour que les cheveux ne s'emmêlent pas durant le sommeil. Ils étaient vraiment différents sur ce point — et bien d'autres ! Haruni attendit que le thé soit servi et que les servants se tiennent en retrait pour répondre à la question :

« En fait, la première fois que j'ai entendu parler de Myūjin, j'avais... huit ans, fit-il après un rapide calcul.

Alors ça fait dix-sept ans que tu es au courant ? s'étonna Tegami. Pourquoi tu n'es pas revenu plus tôt ?!

Parce que je n'y ai pas cru quand on m'en a parlé, tout simplement. C'était une histoire ridicule. »


Tegami le fixa un moment sans rien dire, mais qu'aurait-il pu dire ? Même lui avait bien du mal à croire à tout ça, alors qu'il en avait la preuve irréfutable sous les yeux.

« Qui t'en avait parlé ? préféra-t'il demander.

Hum, les Di... les dieux. Indirectement. »

L'Empereur prit un air perturbé, comme à chaque fois que son fils mentionnait son lien particulier et inédit avec leurs ancêtres divins.

« Et tu ne Les as pas crus ?

Je ne savais pas qui ils étaient à l'époque. En plus, quand je suis arrivé dans l'Empire, à chaque fois que je demandais combien de fils avait l'Empereur, on me répondait toujours un seul. »

Tegami secoua tristement la tête.

« Et alors, quand as-tu été convaincu pour de bon ?

La veille de ma mort. »

Les yeux entièrement noirs prirent un air coupable à ce rappel.

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« Tu n'es pas mort, rectifia doucement Tegami.

Mon corps est mort, fit Haruni en haussant les épaules.

Ceci est ton corps.

Ce n'est pas l'impression que j'ai. »

Tegami soupira mais ne voulut pas insister.

« N'en parlons plus, décréta-t'il. Les choses sont heureusement revenues dans l'ordre. »

Haruni le fixa de nouveau avec incrédulité. L'Empereur pensait vraiment qu'on pouvait tourner la page comme ça ? Comme un mauvais rêve qu'on oubliait le matin venu ? C'était ahurissant, cependant Haruni se retint de répliquer avec virulence, tout ça pour le bien de cette seconde chance qu'il accordait à sa nouvelle existence. Tout ne pouvait pas être parfait.


Une fois le thé dégusté et après que Haruni ait joué un peu de musique à son père, ils entamèrent leur partie de Pierres. Il s'agissait en gros de poser des pierres à tour de rôle sur un damier afin de bloquer son adversaire. L'Empereur avait appris à jouer tout petit avec son grand frère et il avait un niveau honorable. Cependant, il fut rapidement mis en difficulté face à Haruni, dont le sens stratégique était hautement développé. Il put remporter la première partie de justesse, mais perdit la suivante. Cela ne le dérangea pas de perdre — Harutō avait aussi été un excellent joueur — il appréciait plutôt le temps passé en compagnie de son fils cadet. Au moins, ils ne se querellaient pas ou n'abordaient pas des sujets sensibles. À un moment, il leva les yeux du plateau et vit son fils en train de réfléchir à son prochain coup, l'air bien trop sérieux pour son âge.

« Haruni, l'appela-t'il en masquant son amusement.

Mmm ?

C'est un jeu. C'est fait pour s'amuser, alors détends-toi un peu. »

Le garçon leva ses yeux dorés sur lui.

« C'est de la stratégie, » répliqua-t'il avec le plus grand sérieux.

Cette fois, Tegami lâcha un léger rire.

« Tu te serais bien entendu avec mon grand frère. »

Haruni ne commenta pas. Il s'était effectivement bien entendu avec Hakurō sur de nombreux points.


La troisième partie s'acheva avec la victoire de Haruni. Comme la soirée était déjà bien avancée, ils ne firent pas de quatrième partie. L'Empereur se prépara à partir. Somme toute, il était très content de leur soirée : ils n'avaient pas énormément discuté mais avaient passé un agréable moment.

« Veux-tu que je te borde ? » demanda Tegami avec un sourire, s'oubliant un moment.

Le regard indigné de son fils le fit soupirer.

« Vous me prenez vraiment pour un enfant, » rétorqua Haruni.

Bien sûr, puisque c'était un enfant. Haruni était bien le seul à penser le contraire. Du coup, Tegami ne se risqua pas non plus à demander un baiser du soir.

« Bon, alors je te souhaite une bonne nuit, mon fils.

Bonne nuit. »


Tegami se tourna alors à moitié vers lui :

« Tu ne pourrais pas... »

M'appeler Père ?

Mais les mots ne franchirent pas ses lèvres, de crainte d'un refus. Haruni le fixa dans les yeux, attendant qu'il termine sa phrase, mais Tegami sourit simplement.

« Non, rien. Dors bien. »

Il quitta les appartements de son fils avec une impression mitigée. Malgré tout, il était heureux de ce temps passé avec son fils et se promit de recommencer. Sauf que cette fois, il apporterait des jeux vraiment amusants.






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