Chapitre Dix-huit : La maladie
Entre Kami et Madare, début de l'année 2450
Ils changèrent deux fois de montures avant de franchir les frontières de Madare. À chaque arrivée dans une caserne, les soldats étaient ébahis de voir le Second Prince en personne. Les commandants des casernes avaient hésité pour lui fournir vivres et montures, mais le ton sec et assuré du garçon les contraignit à obéir. Seiryū nota l'autorité dans la voix de Haruni et se dit que ni l'Empereur, ni Chiharu en paraissaient capables. Le Firal s'inquiéta tout de même de Senkō Éclair. (1), la jument que lui avait offerte l'Empereur. Haruni lui assura qu'ils reprendraient leurs chevaux au retour. À la seconde caserne qui était plus proche de la frontière de Madare, Haruni se renseigna sur la situation dans la province mais les soldats n'avaient rien entendu de particulier, hormis les vagues de fièvre.
« Qu'avez-vous en tête ? » lui demanda alors Seiryū.
Haruni ne répondit pas et donna l'ordre de se remettre en route. Seiryū le suivit avec un soupir. Il n'avait jamais autant chevauché de sa vie et surtout à un tel rythme. Même lorsque Kaname et lui avaient fui de Kurojū avec des soldats à leur poursuite, ils s'étaient davantage ménagés. Il était vrai que Haruni profitait largement de la possibilité de changer leurs montures pour les pousser à fond, mais il fallait aussi songer aux cavaliers ! Seiryū se consola en songeant qu'une fois à Hanajū, il dormirait pendant trois jours d'affilée pour se remettre de ce voyage insensé. Il faudrait au moins ça !
À leur premier arrêt dans une caserne de Madare, les nouvelles furent moins bonnes.
« Les cas de fièvre ont empiré depuis deux semaines, fit un des soldats.
– Une épidémie ?
– Non, grâce aux Dieux ! Les gens tombent malades pendant plusieurs jours et soit ils se remettent, soient ils meurent. »
Cela fit pâlir Haruni.
« Des nouvelles de Hanajū ?
– La ville a été touchée aussi. Je n'en sais pas plus. »
Haruni remercia le soldat et remonta sur une jument fraîche et dispose, sous le regard inquiet du Firal.
« Je suis sûr que Yatsu s'est rétabli, » fit-il pour le rassurer.
Cela lui valut un regard noir.
« Vous n'en savez rien, alors gardez vos vaines paroles de réconfort pour vous ! »
Seiryū secoua la tête avec fatalisme. Qu'est-ce qui lui avait pris aussi de vouloir se montrer bienveillant envers le garçon ? Ce morveux n'avait décidément aucun savoir-vivre !
En voyant la ville de Hanajū devant lui, Seiryū faillit pleurer de soulagement. Il n'en pouvait plus. Ils avaient fait le trajet en huit jours alors qu'il en fallait le triple d'ordinaire. Ils n'avaient pas eu le temps de se laver ou de faire leur toilette, du coup ils étaient dans un état lamentable. Si cela ne semblait pas déranger Haruni, Seiryū était au contraire très mal à l'aise et rêvait de prendre un bon bain bien chaud pour se débarrasser de la crasse du voyage. Heureusement, leur dur périple était enfin terminé et Seiryū allait pouvoir réaliser ses rêves de repos et de bains. Il eut cependant la décence de cacher sa bonne humeur car pour Haruni, le sort de Yatsu était encore incertain.
« Si le Firal Yatsu était mort, songea-t'il, on en aurait entendu parler aux casernes. Alors il est peut-être rétabli, ou bien encore malade. »
Il garda son opinion pour lui. En effet, Le Second Prince s'était montré de plus en plus désagréable au fil du trajet. Même si Seiryū comprenait son attitude, ce n'était pas une raison pour se montrer aussi grossier !
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Haruni leur fit contourner la ville pour se rendre directement au palais. Seiryū nota une fois de plus que le Second Prince se déplaçait avec aisance sans avoir eu une seule fois recours à une carte ou sans demander son chemin. Cela voulait dire qu'il était familier avec ce trajet, signe qu'il l'avait fait plusieurs fois.
« Impossible, se dit le Firal. À part la fois où il a fugué, il ne s'absente jamais plus d'une semaine. Cela ne lui laisse pas le temps de venir jusqu'ici ! »
C'était tout de même bien étrange. Il faudrait qu'il en parle à son père à son retour et… Ah non, il avait promis à l'Impératrice de ne rien révéler. Cela lui rappela sa propre inquiétude : est-ce que Kaname arriverait à convaincre son père de ne pas lui demander de rapport sur ce voyage ? Dans le cas contraire, Seiryū serait dans une situation des plus délicates à son retour. S'il devait choisir entre sa famille et l'Impératrice… ce serait évidemment sa famille qui l'emporterait.
D'instinct, Haruni avait commencé à prendre le chemin de l'entrée secrète du palais mais il se souvint que ce n'était pas la peine : il n'était pas en fuite cette fois, donc il pouvait entrer par les grandes portes. Arrivé là, les gardes furent un peu surpris de le voir, mais ils semblaient avoir été malgré tout avertis de sa venue. Ils se prosternèrent.
« C'est bon, fit Haruni un peu brusquement. Allez plutôt prévenir votre seigneur de ma venue. »
L'un des gardes détala pour obéir, tandis qu'un autre les guida à l'intérieur. Des servants vinrent s'occuper de leurs montures, puis il y eut un flou : les gardes ne savaient pas si une cérémonie d'accueil allait être organisée, comme c'était normalement l'usage quand une personne de haut rang se présentait au palais. Lassé de ce contretemps inutile, Haruni annonça qu'il allait à la rencontre de Mitsuhide.
« Votre Altesse, si vous voulez bien patienter un peu… » tenta de l'amadouer un des gardes.
Heureusement, Mitsuhide arriva sur ce et mit fin aux hésitations. Haruni ne dit rien et se contenta de lui lancer un regard interrogateur. L'expression défaite du visage de son ami lui apprit tout ce qu'il voulait savoir et il s'assombrit.
« Il est mort ? demanda-t'il d'une voix qui se voulait ferme mais qui tremblait un peu.
– … Non, mais son état est très grave, » répondit Mitsuhide d'un ton las.
Haruni respira de nouveau. Il n'était pas arrivé trop tard ! Pour autant, les nouvelles n'étaient pas rassurantes.
« Emmène-moi le voir, exigea-t'il, et raconte-moi tout. »
Bien que réticent, le seigneur de Madare l'invita à le suivre, sauf que Haruni prit rapidement la tête, courant presque. Mitsuhide lui expliqua que Yatsu avait été frappé par une fièvre subite, comme beaucoup de gens à Madare et également à Omisū. Jika, la fille de Mitsuhide, avait également contracté la fièvre mais avait guéri au bout de quatre jours, au grand soulagement de sa famille. D''autres personnes au palais avaient été touchées et certaines étaient hélas mortes.
« La fièvre est fatale dans un cas sur vingt environ. Les médecins ont écarté la thèse de l'épidémie car tout le monde n'est pas forcément infecté. »
Après plusieurs jours, voyant que Yatsu ne se remettait pas, Mitsuhide s'était résolu à envoyer le message à Haruni, craignant le pire. Il savait aussi que le temps que la missive arrive à Kurojū, il serait certainement trop tard. Pourtant…
« Cela fait presque trois semaines qu'il lutte contre la fièvre. Les médecins n'en reviennent pas. Malgré ça, il s'affaiblit de jour en jour et la fièvre est toujours là. »
Haruni écouta attentivement sans un mot, un peu sonné. Derrière eux, Seiryū se pinça les lèvres. Finalement, le Second Prince avait eu raison de s'inquiéter et de les hâter durant ce voyage.
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Ils arrivèrent devant les portes des quartiers de Yatsu — autrefois ceux de Yama aussi. Mitsuhide posa la main sur l'épaule de Haruni.
« Écoute, je sais que tu es venu le voir mais ce ne serait pas prudent. Si tu tombes malade à ton tour… En plus, les médecins disent qu'il est inconscient. Haruni… tu as compris que ses jours sont comptés. »
Le Second Prince tressaillit et leva ses yeux dorés vers lui, mais ce n'était pas à cause de ces derniers mots. Autre chose l'avait interloqué.
« Dis-moi qu'il y a quelqu'un avec lui, » fit-il d'un ton interrogateur.
Mitsuhide grimaça d'embarras.
« Hé bien, les médecins nous ont déconseillé de…
– Il est tout seul là-dedans ?! le coupa le garçon avec indignation.
– Les servants lui font la toilette une fois par jour quand le médecin vient l'examiner, mais sinon… »
Mitsuhide n'eut pas le temps de finir sa phrase que Haruni avait déjà repoussé sa main et avait ouvert brusquement les portes coulissantes, prenant tout le monde au dépourvu !
« Haruni, non ! » s'écria Mitsuhide en voulant le retenir.
Mais le garçon s'était déjà glissé dans les appartements. Du coup, les servants de Mitsuhide retinrent leur maître.
« Maître, vous ne pouvez pas risquer d'attraper la maladie, l'implora Tsuga.
– Reviens Haruni, l'ignora Mitsuhide. C'est trop risqué ! »
Toutefois, il aurait dû se douter que ce n'était pas ça qui ferait reculer le garçon. Haruni referma les portes sans se retourner et fit simplement :
« Je ne le laisserai pas mourir seul, Mitsuhide. Personne ne mérite de mourir seul ! »
Le seigneur se figea en entendant l'amertume dans la voix du garçon. Yama était mort à Shirojū sans aucun ami autour de lui. Avait-il ressenti à ce moment une profonde solitude et un désespoir sans fin ? Haruni n'en avait jamais parlé et Mitsuhide ne savait pas comment aborder le sujet avec lui. Mais à ces mots, il ressentit une grande honte et de la tristesse l'envahir.
« Je suis désolé, » fit-il à travers les portes closes, les larmes aux yeux.
Il n'y eut pas de réponse.
« Seigneur Mitsuhide, intervint Seiryū un peu timidement, vous n'allez quand même pas le laisser à l'intérieur ? Il risque de tomber malade à son tour ! »
Le seigneur ressuya ses larmes et se tourna vers le Firal d'un air résigné.
« Il a fait son choix. Il ne sortira pas de là sauf si j'envoie une troupe de soldats le déloger, et encore. »
Seiryū ne sut que dire, perdu. Mitsuhide se massa les tempes.
« Tsuga, ordonna-t'il à son servant, va chercher le médecin. C'est le seul qui puisse entrer en se protégeant de l'infection. Il parviendra peut-être à convaincre le Second Prince de sortir. »
Le servant s'exécuta. Mitsuhide nota alors la fatigue de Seiryū et son regard s'adoucit.
« Firal Seiryū, vous êtes épuisé. Je vais vous faire conduire à une chambre où vous pourrez vous rafraîchir et vous remettre du voyage. »
Bien qu'il était tenté d'accepter, le jeune homme se redressa fièrement.
« J'ai la responsabilité de protéger son Altesse le Second Prince, déclara-t'il d'un ton solennel. S'il est en danger, je me dois de rester jusqu'à ce qu'il soit de nouveau en sécurité. »
C'était plus par devoir qu'il agissait que par inquiétude pour Haruni.
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Mitsuhide soupira de nouveau.
« Ce n'est pas de votre faute quoi qu'il arrive, assura-t'il. Vous ne pouvez rien de plus pour le moment, alors autant aller vous reposer. »
Seiryū hésita un peu avant de se plier à ce conseil. Tandis que le servant emmenait le Firal vers les quartiers des invités, Mitsuhide se tourna de nouveau vers les portes closes et posa une main dessus, se voûtant sous le poids du chagrin et de la culpabilité.
« Haruni, pardon pour tout. Je n'ai pas su veiller sur ton fils. »
Si Yatsu venait à mourir, il ne se le pardonnerait jamais. Si Haruni attrapait la fièvre et mourait en prime, alors il n'aurait plus qu'à s'ôter la vie pour expier sa faute.
L'endroit était sombre et sentait la mort.
« C'est déjà un cercueil, » songea Haruni, la gorge serrée.
Il pouvait vaguement distinguer le lit au fond de la pièce et il s'y dirigea, évitant de trébucher sur les coussins de sol ou de se cogner à la table basse. Il trouva une lanterne et l'alluma d'une pensée. Ses émotions étaient bien trop instables pour maîtriser correctement le feu, alors la flamme fut d'abord bien trop vive. Quand elle se calma, Haruni put mieux voir, même si le spectacle qui s'offrait à lui n'avait rien de réjouissant. Yatsu était allongé sur le dos, un bras le long du corps, l'autre sous la couverture. Il avait le visage très pâle et émacié. Haruni se figea un moment car il ne le voyait pas respirer. Il s'agenouilla ensuite à ses côtés pour poser une main sur son torse frêle. Il le sentit se soulever faiblement et lentement. Pour être sûr qu'il ne rêvait pas, il se pencha sur son fils et approcha son oreille de sa bouche. Un mince filet d'air lui chatouilla l'oreille. Yatsu était encore en vie, mais si faible !
Haruni se redressa et passa une main sur le petit visage pâle, repoussant quelques mèches châtain trempées de sueur. Il regarda autour de lui et repéra une bassine d'eau avec des linges. Il en trempa un, l'essora, puis ressuya le visage de son fils avec
« Yatsu, l'appela-t'il doucement, je suis là. »
Le jeune garçon ne réagit pas. Haruni posa le linge sur le côté et lui prit la main.
« Je suis là, répéta-t'il. Si tu m'entends, presse ma main, s'il te plaît ! »
Hélas, il eut beau répéter sa demande plusieurs fois, Yatsu ne fit pas un geste et ne frémit même pas.
Le Second Prince soupira. Il ne pouvait qu'espère que son fils sente tout de même sa présence et sache qu'il n'était plus seul. Un moment, il en voulut à Mitsuhide d'avoir ainsi abandonné Yatsu aussi facilement, mais il se reprit : le seigneur de Madare ne faisait que suivre les ordres des médecins, il ne pouvait pas non plus mettre sa vie en danger ! Yatsu recevait des soins quotidiens. Malgré ça, son état ne faisait qu'empirer.
« Tout ça à cause d'une stupide fièvre ! » songea-t'il avec humeur.
Il était prêt à protéger Yatsu de tous les dangers, mais que pouvait-il contre la maladie ? C'était vraiment frustrant !
Haruni regarda les lieux et se sentit étouffer. Pourquoi enfermer Yatsu dans le noir ? Il se leva et alla ouvrir les lourdes tentures qui bloquaient la lumière. Il fit également coulisser les panneaux qui donnaient sur la cour afin de faire entrer de l'air frais. Cela ne changerait sans doute rien mais au moins, Yatsu pourrait profiter de la lumière et du bon air avant de… avant de… Le Second Prince fut incapable de finir cette pensée, il s'y refusait ! Il reprit sa place au chevet de son fils, lui ressuyant le visage et tenant sa main. Il chanta même ses chansons préférées dans l'espoir qu'elles lui parviennent par-delà la fièvre et l'inconscience.
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Peu de temps après, les portes des appartements s'ouvrirent. Haruni se mit sur le qui-vive, craignant que Mitsuhide n'ait quand même envoyé des soldats pour le récupérer. Il ne partirait pas, quitte à se battre. Cependant, il ne vit que deux servants et un homme entrer dans la pièce, leurs visages couverts d'un masque.
« Votre Altesse, fit l'homme en s'inclinant, je suis le médecin Makōru. Je m'occupe du Firal Yatsu depuis que sa maladie s'est déclarée. Le seigneur Mitsuhide m'a demandé de venir vous informer de son état.
– Je vous écoute, » répondit Haruni, la gorge sèche.
Les nouvelles étaient encore pires que prévu : Yatsu avait cessé de s'alimenter depuis plus d'une semaine. Il fallait le faire boire à l'aide d'une carafe à long bec. Sa température ne baissait pas et tous les traitements avaient été sans effet.
« J'ai déjà traité d'autres victimes de cette fièvre et… pardonnez ma franchise mais s'il devait guérir, ce serait déjà fait. C'est un miracle qu'il ait tenu aussi longtemps mais son corps lâche jour après jour. La fin est proche pour lui.
– Il n'y a vraiment rien à faire ? » s'enquit Haruni, blême.
Le médecin secoua la tête.
« Nous pouvons uniquement lui donner des somnifères pour qu'il dorme paisiblement jusqu'au dernier moment. Je suis désolé, votre Altesse. »
Des somnifères, voilà pourquoi Yatsu ne réagissait pas !
Pendant ce temps, les servants changèrent les linges et l'eau de la bassine. Ils remplirent la carafe pour le malade et le firent boire un peu. Ils déposèrent également un plateau de nourriture pour Haruni qui n'avait pas faim du tout.
« Refermez les portes et les fenêtres, ordonna le médecin en s'adressant aux servants.
– Pourquoi ? » lui rétorqua Haruni.
L'homme se tourna vers lui et bien que son visage n'était pas visible sous le masque, il exprimait certainement de l'incrédulité.
« La lumière et l'air frais ne sont pas conseillés dans son état, votre Altesse, expliqua-t'il lentement.
– Vous venez de dire qu'il va mourir de toute manière, alors quelle importance ?
– Hum, et bien… »
Devant les balbutiements du médecin, Haruni eut un rire sarcastique.
« Oh, je vois. Vous avez peur que sa maladie se répande dans le palais. C'est pour ça que vous vous protégez le visage et que vous portez des gants. »
L'autre homme ne nia pas. Le Second Prince sentit la colère monter en lui.
« Yatsu n'est resté que trop longtemps dans le noir. S'il doit mourir, ce sera dans la lumière et avec de l'air frais ! C'est un ordre ! »
Le médecin ne put que s'incliner, tandis que les servants reculaient précipitamment.
« Comme vous voulez, votre Altesse. Mmm, ce n'est pas sage de rester trop longtemps auprès d'un malade. Vous devriez… »
Haruni ne le laissa pas finir et le coupa sèchement :
« Je reste. Dites à Mitsuhide que rien ni personne ne me fera partir.
– Votre Altesse ! … Soit. Dans ce cas, je vous laisse cette flasque de désinfectant. Veillez à bien vous laver les mains et le visage plusieurs fois, surtout avant de manger ou de boire. »
Haruni acquiesça et les trois personnes quittèrent la pièce en refermant soigneusement derrière eux. Le garçon reprit sa place au chevet de Yatsu et tenta à son tour de le faire boire avec la carafe spéciale. Mais après seulement une gorgée, l'eau coula des lèvres sèches et Yatsu toussa, sans pour autant se réveiller. Haruni lui ressuya la bouche et attendit que la toux se calme. La gorge et les poumons de Yatsu étaient encombrés, cela s'entendait à la toux grasse. Haruni soupira, puis son regard se posa sur le plateau de nourriture. Il n'avait absolument pas faim. Comment pourrait-il manger alors que Yatsu était dans un état si grave ? Il reprit la main de son fils et le fixa en silence, priant de toute son âme pour qu'il guérisse.
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Mitsuhide se trouvait dans son étude, les yeux fixés sur des documents qu'il ne lisait pas, lorsque Tetsuō entra. Le jeune garçon avait la mine défaite et son apparence n'était pas aussi soignée que d'habitude.
« Haruni est arrivé alors, fit-il directement.
– Oui, soupira Mitsuhide, il est avec Yatsu.
– Bien. Yatsu n'aurait jamais dû rester seul pour commencer. »
Devant le ton hargneux de son fils, Mitsuhide plissa le front.
« Tetsuō ! Tu sais qu'il était hors de question que tu cours le risque de tomber malade !
– Parce que je suis ton héritier ? Alors que Yatsu n'est que…
– Parce que ta mère et moi avons déjà failli perdre ta sœur ! le coupa Mitsuhide avec indignation. S'il t'arrivait quoi que ce soit, nous serions anéantis ! »
Tetsuō se tut, un peu honteux de ses propos irréfléchis. Il savait l'affection que son père portait à Yatsu, et pas seulement en souvenir de Yama. Pourtant, il lui en voudrait toujours de l'avoir empêché de rester au chevet de son ami, même s'il en comprenait les raisons. De son côté, Mitsuhide observa son fils d'un air peiné. Ces dernières semaines avaient été éprouvantes pour tout le monde et c'était loin d'être fini.
« Le Firal Seiryū est venu avec Haruni, lui apprit-il. Il se repose certainement en ce moment, mais n'hésite pas lui rendre visite après.
– Seiryū est là ? Entendu, j'irai le voir. »
Les deux jeunes gens s'entendaient assez bien et après le départ de Tetsuō de Kurojū, ils s'étaient souvent écrit. Mitsuhide espérait que la présence de Seiryū aiderait son fils à surmonter le drame à venir.
Après avoir pris congé de son père, Tetsuō envoya San, son servant, aux quartiers des invités pour savoir si Seiryū était disponible. Dès que la réponse fut positive, il se rendit sans attendre après de son ami. Seiryū n'avait pas réussi à trouver le sommeil, mais il s'était lavé, changé et avait pris un copieux repas, le premier depuis des jours. Il songeait justement à prendre des nouvelles de Tetsuō lorsque ce dernier lui avait dépêché son servant. Les deux jeunes gens se saluèrent avec familiarité, mais sans joie au vu des circonstances.
« Seiryū, j'espère que tu as fait bonne route.
– C'était tout sauf un voyage d'agrément, grimaça ce dernier. Et toi, comment tu vas ? »
Tetsuō eut bien du mal à retenir ses larmes.
« Tu es au courant pour Yatsu. »
Le Firal acquiesça avec compassion. Tetsuō ferma les yeux un moment, puis reprit :
« Ma petite sœur était aussi malade, mais elle s'est remise en quelques jours. Une des servantes de ma mère est morte, par contre. Il y a encore quelques nouveaux cas de fièvre, mais c'est en train de s'éteindre.
– De ce que j'ai entendu, cette fièvre tue rapidement. Alors le fait que Yatsu ait tenu aussi longtemps…
– Il a tenu le temps que le Second Prince arrive, le coupa son ami, la mine grave. C'est du moins ce que je pense. »
Seiryū se pinça les lèvres. Il n'avait jamais compris comment le Bâtard Hikari pouvait être ami avec le fils de Yama, et pas seulement des amis superficiels !
« Tetsuō, fit-il en posant la main sur les épaules de son ami en guise de réconfort.
– Je ne peux pas me résoudre à croire que Yatsu va nous quitter, confia le Fieur dans un sanglot. Il allait encore si bien il y a un mois ! Comment est-ce que cela a pu arriver ?
– La vie est injuste, la mort aussi, » soupira Seiryū.
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Ils avaient beau vivre longtemps, ils n'étaient pas à l'abri des accidents ou de la maladie. Yatsu avait encore toute la vie devant lui, c'était donc plus difficile d'accepter le fait qu'il allait mourir.
« Je me moque de ce que dit mon père, fit soudain Tetsuō. Je dois aller le voir ! Je veux être là pour lui quand…
– Tetsuō… Je te comprends, mais pense un peu à tes parents ! Tu ne dois pas te mettre en danger.
– Le Second Prince l'a bien fait, lui ! renifla l'adolescent. Vous l'avez laissé faire alors qu'il est bien plus important que moi !
– Il a agi avant qu'on n'ait pu l'en empêcher, rectifia Seiryū. Et maintenant, il refuse de quitter les lieux et le seigneur Mitsuhide ne veut rien faire… »
Les vagues justifications de Mitsuhide ne l'avaient pas convaincu. Quelque part, Seiryū était à deux doigts de penser que Mitsuhide cherchait à ce que Haruni tombe malade, ce qui serait un excellent moyen de se débarrasser du Bâtard Hikari. Kenryū approuverait totalement. Pourtant, cela ne ressemblait pas à la façon de faire de Mitsuhide.
Tetsuō soupira lourdement.
« Mon père ne peut rien refuser au Second Prince, voilà pourquoi il n'ira pas à l'encontre de sa volonté.
– Comment ça ? »
L'adolescent le fixa un moment sans rien dire avant de détourner la tête.
« Oublie ça. Je vais te laisser, tu as vraiment l'air épuisé.
– Tetsuō ! » s'écria Seiryū en le retenant par le bras.
Le Fieur lui lança un regard surpris.
« Ne… ne va pas commettre d'imprudence, » lui fit doucement son ami.
Il craignait que l'adolescent ne tente à son tour de rejoindre le chevet de Yatsu au mépris de la maladie.
Tetsuō eut un rire bref.
« Ne t'en fais pas, je ne ferai rien qui puisse faire de la peine à mes parents… même si mon cœur saigne d'abandonner Yatsu.
– Tu ne l'abandonnes pas, le rassura Seiryū du mieux qu'il put. Je suis sûr que Yatsu comprend et qu'il ne t'en veut pas.
– Oui, je sais. C'est parce qu'il est la personne la plus gentille au monde. »
Les yeux gris se voilèrent de larmes. Seiryū laissa l'adolescent partir afin qu'il puisse pleurer librement en privé. Resté seul, il soupira tristement en pensant à Yatsu.
« Yatsu, tu vas rejoindre ton père avant moi. »
Les jours à venir s'annonçaient difficiles et emplis de chagrin.
Notes du chapitre :
(1) Éclair.
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