Chapitre Vingt : Guéri ?
Haruni n'avait pas une seule fois lâché la main de Yatsu car c'était la dernière chose que lui avaient dite les dieux avant de tenter de guérir le garçon. Comme ils ne s'étaient pas manifestés depuis, le Second Prince ne tenait à prendre aucun risque. Malgré tout, Yatsu ne montrait aucun signe de rétablissement. Il s'agitait parfois faiblement, mais uniquement parce que Haruni avait exigé qu'on ne lui administre plus de somnifère. Au départ, il avait pensé que cela aiderait son fils à reprendre connaissance. Hélas, cet espoir n'avait guère duré.
« Est-ce que je le fais souffrir inutilement ? se dit-il en se remémorant les paroles du médecin. Ai-je raison de m'acharner à le maintenir en vie ? »
Il ne voulait pas abandonner son fils, mais il ne voulait pas non plus le tourmenter.
« Comment savoir ce qu'il faut faire ? » se désespéra-t'il.
Personne ne pouvait le conseiller dans cette situation dramatique. C'était à lui seul de prendre la décision en son âme et conscience, mais les deux étaient tourmentées. Même un adulte aurait bien été en peine de décider. Il n'y avait aucune réponse sûre.
« Yatsu… » murmura-t'il.
Il sursauta soudain car il crut sentir la main du garçon se presser contre la sienne. Frénétique, il réitéra :
« Yatsu ? Yatsu ! »
Il guetta la moindre réaction sur le visage blême et émacié, mais rien ne vint. Il eut beau appeler plusieurs fois, il ne sentit plus rien.
« Ai-je rêvé ? » se demanda-t'il, le cœur battant.
Ce n'était pas impossible. De nouveau épuisé car il n'avait guère de forces lui non plus, il se rallongea à côté de son fils et ne tarda pas à s'endormir.
Le matin venu, ce fut une petite voix croassante qui le réveilla :
« Papa ? »
Il sentit aussi qu'on lui tirait les cheveux, doucement mais avec insistance.
« Yatsu ? » marmonna-t'il en se redressant avec du mal.
Il se figea en voyant les yeux violets le fixer.
« Yatsu… ! »
Son fils toussa. Haruni prit aussitôt la carafe pour le faire boire.
« C'est un rêve, se dit-il. Je suis en train de rêver ! »
Éberlué, il passa une main sur le visage trempé de sueur du garçon.
« Je… rêve, hein ? fit faiblement le garçon avec un fantôme de sourire. Tu… es… là…
– Peu importe, du moment que nous rêvons ensemble, » déclara Haruni en lui prenant les mains, le dévorant des yeux.
Les ombres s'agitèrent autour de lui.
« Ce n'est pas un rêve, affirmèrent-elles fièrement. Nous avons réussi ! »
Sous le choc, Haruni ne put que répéter :
« Réussi ?
– Il est sauvé, fils. Il faudra qu'il reprenne des forces, mais il est guéri.
– Guéri ? »
Ce ne fut que là qu'il se permit d'y croire. Les larmes coulèrent librement sur ses joues alors qu'il annonçait la nouvelle au garçon :
« Tu ne rêves pas, Yatsu, et moi non plus. Tu es guéri !
– Si… tu le dis, Papa… »
Yatsu était si faible qu'il ne distinguait plus bien la réalité. Haruni reposa ses mains sur son torse et lui sourit tendrement.
« Oui, je te le dis. Repose-toi maintenant. Je vais demander à ce qu'on nous prépare à manger. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Obéissant, Yatsu ferma les yeux et se rendormit aussitôt. Son père repoussa une mèche de son visage et après un dernier regard aimant, il se leva. Il tituba, ses jambes endolories. Depuis combien de temps était-il resté ainsi ? Suffisamment en tout cas pour avoir du mal à tenir debout. La tête lui tourna un peu et sa vision se brouilla. Il respira profondément jusqu'à ce que cela passe. Il se dirigea ensuite vers les portes et les fit coulisser. Derrière, un servant sursauta, tiré de son sommeil.
« Vo… Votre Altesse ? bégaya-t'il de stupeur.
– Va chercher à manger pour deux, du léger, commenta Haruni. Et fais prévenir Mitsuhide : Yatsu est hors de danger.
– Vous êtes sûr ? » osa demander l'homme, s'oubliant sous le choc.
Haruni lui lança un regard qui ne souffrait aucune discussion et l'homme se redressa vivement pour exécuter les ordres.
Un quart d'heure plus tard, Mitsuhide arriva à peine sorti du lit. Il était suivi par Seiryū qui avait entendu l'agitation et était venu aux nouvelles.
« Haruni ! s'écria le seigneur d'un ton horrifié en voyant le garçon se tenir aux portes. Tu es dans un état alarmant !
– Aucune importance, Yatsu va mieux. »
Un silence plus qu'incrédule suivit ses propos. Entre l'épuisement et la joie, Haruni ne remarqua rien et poursuivit :
« Il a ouvert les yeux et m'a parlé tout à l'heure. Il va se remettre, Mitsuhide, ça va aller.
– Haruni… tu es sûr de toi ? Tu n'aurais pas… rêvé cela ? »
Le garçon secoua la tête avec un doux sourire.
« J'ai cru que c'était un rêve au début, mais non. Viens voir par toi-même. »
Il saisit la manche de son ami et fit mine de rentrer dans les appartements, mais Mitsuhide le retint aussitôt.
« Non ! » s'écria-t'il spontanément.
Devant le regard intrigué du garçon, il se mordit les lèvres et fit plus doucement :
« Je vais appeler le médecin pour qu'il l'examine, d'accord ?
– Celui qui était prêt à l'annoncer mort ? Pff, pas question !
– Il s'occupe de Yatsu depuis le début, alors il est le mieux placé pour déceler le moindre changement. »
Preuve de l'extrême fatigue du garçon, il ne discuta pas davantage. Mitsuhide envoya donc son servant chercher le docteur. En même temps, l'autre servant revint avec les plats que Haruni avait demandés. Il s'agissait de bouillon léger, conseillé après une longue période sans avoir rien mangé de solide.
« Pose-les là-bas, lui fit Haruni. Yatsu doit avoir faim. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Il voulut suivre le servant à l'intérieur mais Mitsuhide le retint de nouveau.
« Haruni, tu… laisse le servant nourrir Yatsu. Viens plutôt avec moi pour prendre le petit-déjeuner. Tu dois avoir faim. En plus, nous avons à parler. »
Haruni tenta en vain de se libérer.
« Je ne quitte pas Yatsu, décréta-t'il. Je dois être là à son réveil, sinon il va s'inquiéter. »
Le cœur de Mitsuhide se serra en entendant ces paroles. Il chercha donc un compromis.
« Alors… mangeons ici, d'accord ? Comme ça, si Yatsu se réveille, tu seras tout près. »
Manger dans le couloir ? L'idée était absurde, pourtant Mitsuhide refusait de laisser le Second Prince retourner dans les quartiers de Yatsu. En voyant son état de faiblesse, sans parler des propos délirants qu'il tenait, le seigneur ne doutait plus qu'il était atteint à son tour par la fièvre. Avec un peu de chance, s'il était soigné très vite, il pourrait s'en sortir.
Haruni se laissa à nouveau convaincre et des servants apportèrent une table basse et des plats. Haruni et Mitsuhide prirent place. Cependant, Haruni ne cessait de se tourner vers les quartiers qu'il avait quitté, cherchant à distinguer Yatsu par les portes restées ouvertes. De son côté, Mitsuhide invita Seiryū à se joindre à eux, ce que le jeune homme fit avec méfiance. L'attitude et les propos incohérents du Second Prince l'inquiétaient au plus au point. À ce stade, Seiryū ne doutait plus de la réalité de l'amitié qui liait les deux garçons.
« C'est peut-être même plus que de l'amitié, songea-t'il. Pour que le Second Prince se mette dans un tel état, c'est qu'il s'agit de quelque chose de plus profond. »
Il n'aurait jamais soupçonné que Haruni soit capable d'un tel attachement, vu l'attitude froide et distante qu'il arborait en général à la Cour. En tout cas, cela le rendait plus humain.
Le médecin arriva peu de temps après. Haruni avait bu un peu de bouillon sous le regard inquiet de Mitsuhide. Cependant, son estomac n'accepterait pas plus.
« Votre Altesse, mon seigneur, fit l'homme en s'inclinant. L'heure est-elle venue ? »
Haruni lui lança un regard noir mais avant qu'il n'ait pu répliquer, Mitsuhide fit calmement :
« Allez examiner Yatsu et dites-nous s'il y a du nouveau. »
Bien que perplexe, le médecin s'exécuta.
« Je te l'avait dit, marmonna Haruni. Pour cet homme, Yatsu est déjà mort !
– Laisse-le pratiquer son art, conseilla Mitsuhide. Tiens, bois du thé. Cela te fera du bien. »
Le Second Prince renifla de doute, mais but docilement.
Le médecin revint peu de temps après et s'inclina de nouveau.
« Je suis navré, mais il n'y a aucun changement dans l'état du Firal.
– Vous êtes aveugle ou quoi ? répliqua sèchement Haruni. Il m'a parlé il n'y a même pas une heure. Il était réveillé et lucide ! »
Le médecin échangea un regard avec Mitsuhide avant de lui répondre :
« Votre Altesse, il est possible que… qu'avant la fin, le patient reprenne conscience un moment. Mais ensuite…
– Quoi, vous allez encore me dire qu'il va mourir ? »
L'homme se tut. Exaspéré, le garçon se tourna vers son ami.
« Mitsuhide, tu me crois, toi au moins ? »
Le seigneur était clairement déchiré. Il chercha à s'exprimer avec le plus de délicatesse possible :
« Je crois que tu l'as vu se réveiller et te parler. Mais c'était sûrement un rêve…
– Ce n'est pas possible ! Viens avec moi et tu verras, bon sang ! »
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Une fois de plus, Haruni voulut l'entraîner dans les quartiers mais Mitsuhide ne bougea pas.
« Haruni, fit-il d'un ton suppliant. Tu n'es pas bien. Tu as besoin de repos et de soins.
– Je ne suis pas malade et Yatsu non plus ! Si tu ne me crois pas, tant pis ! Mais moi, je retourne m'occuper de Yatsu !
– Non, » fit fermement le seigneur.
Haruni lui lança un regard incrédule. Mitsuhide en profita pour lui saisir le poignet.
« C'est terminé, tu ne retournes plus dans ces quartiers.
– Tu plaisantes ?
– Pas du tout. Je ne te laisserai plus te mettre en danger pour rien.
– Mitsuhide !
– Tu dois aller te reposer mais avant ça, tu laisseras le médecin t'examiner.
– Tu ne m'empêcheras pas de rejoindre Yatsu ! s'écria le garçon. Même si je dois user de la force… »
Mitsuhide partit d'un rire incrédule.
« La force ?
– Oui ! persista Haruni. Je n'hésiterai pas !
– Quelle force ? Tu tiens à peine debout !
– Mitsuhide ! »
Tous les présents ne savaient que faire devant cette scène surréaliste : leur seigneur était en train de crier avec le Second Prince. Seiryū, lui, se remémora soudain la dispute entre Yama et Mitsuhide à leur arrivée à Hanajū : l'atmosphère était la même. Sauf que là, c'était inadmissible qu'un enfant ose se quereller avec un adulte ! Le Second Prince avait vraiment un horrible caractère !
Alors que la dispute se poursuivait de plus belle, une troisième voix s'éleva : il s'agissait de la servante Kara en train de changer l'eau et les linges pour Yatsu.
« Le… le petit maître, balbutia-t'elle en se tournant vers le groupe à l'entrée. Il a ouvert les yeux ! »
La querelle fut aussitôt remplacée par un choc stupéfait.
« Impossible, » marmonna le médecin en se dirigeant de nouveau vers le patient.
Haruni lança un regard sans équivoque à Mitsuhide et put enfin se libérer, profitant de la stupéfaction de l'autre homme. Il se précipita au chevet de son fils sans hésite. Hébété, le seigneur le Madare le suivit comme un automate.
Le médecin était penché sur Yatsu dont les yeux papillonnaient. Le garçon murmurait faiblement :
« Faut pas que… Papa et oncle Mitsuhide… se disputent… Faut pas…
– Hum, reprit le docteur, c'est bien ce que je disais : il arrive parfois que le malade reprenne un peu conscience avant…
– Oh, fermez-la ! » lança Haruni en les rejoignant.
Il prit la main de Yatsu et lui caressa le front.
« Yatsu, tu m'entends ? Je suis là.
– Papa ? »
Ignorant les témoins médusés par cette appellation, Haruni serra plus fort sa main.
« Je suis là, tout va bien, » répéta-t'il.
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Yatsu se tourna vers lui, bien qu'il ait du mal à garder les yeux ouverts.
« Mmm… T'as encore crié… avec oncle Mitsuhide… pas bien… »
Haruni laissa échapper un rire entrecoupé de sanglots.
« Tu as raison, mais c'est fini à présent, hein ? »
Il se tourna vers Mitsuhide qui se trouvait derrière lui, observant la scène avec stupéfaction.
« Dis-lui qu'on n'est pas fâchés, le pressa Haruni.
– On… n'est pas fâchés, » assura Mitsuhide après une brève hésitation à cause d'une sensation de déjà-vu.
Un faible sourire se dessina sur le visage émacié du garçon.
« Tant mieux… Où est… Tetsuō ?
– Tu le verras bientôt. En attendant, tu veux manger un peu ? Un bon bouillon bien chaud te fera du bien ! »
Yatsu ne montra aucune enthousiasme pour la nourriture, mais il ne protesta pas non plus lorsque son père le redressa un peu, calant des oreillers dans son dos. Un servant apporta un bol de bouillon et Haruni se chargea de nourrir son fils à la cuillère. Les premières gorgées eurent du mal à passer, mais les suivantes finirent par faire leur chemin. Après à peine la moitié d'un bol de vidé, Yatsu se rendormit de nouveau. Satisfait, Haruni lança un regard éloquent au médecin et à Mitsuhide.
« Vous voyez que je n'ai pas rêvé ! »
Les deux adultes étaient plus que confus. Le médecin examina de nouveau Yatsu plus attentivement cette fois, tandis que Mitsuhide se remettait lentement du choc.
« Je dois reconnaître que tu avais raison, s'excusa-t'il auprès de Haruni. J'aurais dû t'écouter. »
Le garçon jugea inutile d'en rajouter.
« Il s'est… passé quelque chose ? » reprit soudain le seigneur à voix basse.
Comme Haruni le fixait avec surprise, il précisa :
« Le médecin ne s'était pas trompé dans son diagnostic, j'en suis sûr. Tu as fait quelque chose ? C'est… de la magie ? »
Il murmura presque les derniers mots pour que personne d'autre ne puisse entendre.
Haruni fit claquer sa langue, prêt à répliquer qu'il n'avait jamais eu ce genre de magie. Ce fut à ce moment qu'un murmure attira son attention :
« Dis-lui ceci… »
Le garçon tiqua devant les mots à prononcer.
« Vous êtes sûrs ? s'enquit-il mentalement.
– Ça fait partie de… Nos conditions. »
Les dieux étaient encore faibles, mais ils n'avaient pas oublié ce que Haruni leur devait ! Avec un soupir, le garçon répéta mot pour mot ce qu'ils lui avaient soufflé :
« J'ai prié les Dieux pour qu'Ils le guérissent et Ils ont exaucé mon souhait. »
Cela lui semblait totalement ridicule, pourtant les gens présents gardèrent un silence révérencieux et personne ne fit mine de se moquer de lui pour ses propos délirants.
« Les… Dieux ? répéta Mitsuhide.
– Oui, ce sont Eux qui l'ont sauvé. »
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Les servants se prosternèrent, tandis que le médecin semblait perplexe. On ne parlait pas d'intervention divine à la légère. Et là en plus, c'était un membre de la lignée impériale qui le disait, un descendant direct des Dieux ! Comment ne pas le croire alors ? Mitsuhide dévisagea le garçon, conscient que son ami ne mentionnait pas les Dieux sans une bonne raison.
« Loués soient les Dieux, finit-il par dire. Et maintenant, occupe-toi de toi. Tu as besoin de repos. Suis-moi, je vais…
– Je ne laisserai pas Yatsu seul ! s'entêta le garçon.
– Il ne sera plus seul, assura le seigneur. Les servants vont rester avec lui. Ils nous préviendront dès qu'il se réveillera de nouveau.
– Pas question, je ne bougerai pas d'ici ! »
Vu l'état de faiblesse de Haruni, il aurait été facile pour Mitsuhide de le forcer à partir. Mais il s'y refusait toujours.
« Docteur, fit-il en se tournant vers le médecin, y a-t'il encore un risque de contamination ? »
Le médecin eut un rire ironique.
« Cela fait une semaine que le Second Prince côtoie le malade sans aucune protection. S'il devait être infecté, ce serait déjà fait !
– Dans ce cas, Haruni, on va te préparer un autre lit ici. Tu vas me promettre de dormir, c'est compris ? Et tu dois aussi te faire examiner par le médecin.
– Je ne peux pas dormir, protesta le garçon. Yatsu peut se réveiller à n'importe quel moment et…
– Les servants te réveilleront si cela se produit. Tu dois prendre soin de toi. Tu… tu imagines un peu ce que dira Yatsu quand il reprendra conscience et qu'il te verra dans cet état ? »
Mitsuhide savait que l'argument de Yatsu marchait à coup sûr. En effet, Haruni se mordit les lèvres et céda.
« D'accord, d'accord, puisque tu insistes tant ! »
À moitié soulagé, Mitsuhide donna les ordres nécessaires avant de faire signe au médecin de le suivre.
Depuis le couloir, Seiryū avait suivi la situation de loin sans oser entrer. Dès que Mitsuhide sortit, il lui demanda avec perplexité :
« Le Firal Yatsu va mieux ? C'est vrai ?
– C'est ce que le médecin va nous dire, répondit Mitsuhide en se tournait vers le concerné qui se grattait la tête.
– Pour le moment, le patient est encore faible alors je ne peux pas dire s'il est guéri ou bien s'il va s'enfoncer davantage. Il s'est un peu nourri, c'est bon signe, mais je dirais que la journée à venir va être déterminante. Le Second Prince a parlé des Dieux, mais cela me…
– Les Dieux, » répéta Seiryū, ses yeux émeraudes écarquillés.
Mitsuhide ne parut pas ému outre-mesure.
« Pour le moment, fit-il au médecin, je veux que vous examiniez le Second Prince. Sa santé est la priorité.
– Bien, mon seigneur, » fit l'homme en s'inclinant.
Le seigneur de Madare se tourna ensuite vers Seiryū.
« Firal Seiryū, comme vous l'avez entendu, rien n'est sûr en ce qui concerne l'état de santé de Yatsu.
– Mais il a repris connaissance et il a parlé. Ce devrait être bon signe, non ? »
Mitsuhide secoua la tête en entendant l'espoir dans la voix du jeune homme.
« Les choses ne sont pas aussi simples. En attendant d'être fixés, puis-je compter sur vous pour surveiller mon fils et l'empêcher de se précipiter ici dès qu'il entendra la nouvelle ? Je sais que vous l'avez soutenu ces derniers jours et vous avez toute ma reconnaissance pour ça.
– Bien entendu, seigneur Mitsuhide. Vous pouvez compter sur moi ! »
Le seigneur lui adressa un sourire de gratitude avant de retourner dans ses quartiers. Seiryū jeta un dernier coup d'œil dans la pièce, intrigué par tout cela, mais il s'éloigna à son tour pour rejoindre Tetsuō et s'acquitter de sa tâche.
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La nouvelle se répandit très vite dans le palais et elle devint de plus en plus déformée : le Second Prince avait intercédé auprès des Dieux pour qu'Ils guérissent le Firal Yatsu. Seiryū arriva aux quartiers de Tetsuō juste à temps pour l'empêcher de se ruer auprès de son ami.
« Seiryū, c'est bien vrai ? Yatsu est sauvé ? »
Le Firal s'en voulut de devoir étouffer un peu l'espoir qui perçait dans la voix de son ami.
« Le docteur n'en est pas sûr. Yatsu a repris connaissance et a parlé un peu, mais il s'est presque aussitôt rendormi.
– Mais Haruni… qu'en a dit le Second Prince ? » insista l'adolescent en lui serrant le bras.
Seiryū retint un soupir.
« Il a dit… que Yatsu était guéri. Mais tu n'as pas vu dans quel état il est. Si ça se trouve, il est lui aussi… »
Tetsuō ne l'écoutait déjà plus, répétant “Yatsu est guéri” comme pour s'assurer qu'il ne rêvait pas.
« Je dois le voir, déclara-t'il soudain.
– Tetsuō, ce ne serait pas prudent… »
L'adolescent lui lança un regard interloqué.
« Pas prudent ? Mais puisqu'il va mieux, où est le danger ?!
– Ce n'est pas encore certain qu'il va mieux, insista Seiryū. Il faut encore attendre quelques jours. »
Tetsuō partit d'un rire incrédule.
« Quelques jours ? Cela va faire un mois que je ne l'ai plus vu. Tu n'imagines pas à quel point c'est long ! »
Yatsu et Tetsuō étaient inséparables depuis plus de dix ans. Seiryū n'avait jamais été aussi proche de quelqu'un, hormis sa famille. Même Kenshirō ne lui manquait qu'un peu, sans plus.
« Yatsu ne voudrait pas que tu tombes malade par sa faute, argumenta-t'il. En plus, il se repose pour le moment. Laisse-le reprendre des forces, d'accord ? »
Le visage de Tetsuō montra l'ampleur de sa souffrance, tiraillé entre deux forces. Inconsciemment, Seiryū compara sa réaction avec celle de Haruni. Les deux semblaient énormément tenir à Yatsu, un attachement profond qui pourrait déboucher plus tard sur de l'amour. Est-ce qu'une rivalité allait éclater ? Cela en avait tout l'air pour Seiryū, même si ça lui semblait toujours un peu surréaliste de voir le Second Prince si froid et indifférent d'ordinaire manifester des sentiments aussi intenses. C'était un peu comme voir la neige fondre au printemps pour dévoiler des petites fleurs de toutes les couleurs.
« Haruni est avec lui, fit soudain Tetsuō qui semblait s'être fait une raison. Au moins, il n'est pas seul. »
Soulagé, Seiryū le reconduisit à ses quartiers.
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Comme pour contredire le médecin et ses prévisions pessimistes, Yatsu reprit de plus en plus conscience dans les jours qui suivirent et réclama même à manger dès le lendemain. Haruni fut plus qu'heureux de le nourrir de bouillons, puis de soupes plus consistantes.
« Toi aussi, tu dois manger, fit le garçon. Tu n'as pas l'air bien. »
Haruni sourit devant l'inquiétude de son fils et il lui caressa la tête.
« D'accord, on va aller mieux ensemble.
– Pour ça, tu dois manger exactement comme moi, hein ?
– Oui, Yatsu, c'est promis. »
Il était prêt à tout pour faire plaisir à son fils. En plus, ce n'était pas bien contraignant d'avaler des soupes et du thé.
Lorsque le docteur se résigna enfin à déclarer Yatsu guéri et le Second Prince non infecté au bout d'une semaine, Tetsuō courut voir son ami. Haruni les laissa seuls et en profita pour prendre le thé avec Mitsuhide. Tetsuō se sentait terriblement coupable de n'avoir pas été aux côtés de son ami et il avait du mal à le regarder en face.
« Tetsuō, fit Yatsu avec un doux sourire, qu'est-ce qui ne va pas ?
– Yatsu, je… je te demande pardon ! »
L'adolescent éclata en sanglots et se jeta dans les bras de Yatsu. Ce dernier conserva son doux sourire et lui caressa les cheveux.
« Tu n'as pas à t'en vouloir, lui assura-t'il. J'étais très malade et j'aurais pu te rendre malade aussi.
– J'étais sûr que tu dirais ça, répondit son ami avec un bref rire entrecoupé de larmes. Je ne connais personne de plus gentil que toi. »
Yatsu lui adressa un grand sourire qui calma un peu son chagrin.
« Haruni est resté à tes côtés, lui, commenta Tetsuō avec une pointe de regret.
– C'est Papa, soupira Yatsu. Je l'ai disputé dès que j'ai su, mais tu sais comment il est têtu ! »
Tetsuō acquiesça et osa enfin le regarder ouvertement. Yatsu portait encore les traces de sa longue maladie : son visage manquait de couleur et il avait beaucoup maigri. Cependant, il reprenait des forces un peu plus chaque jour. Tetsuō remercia vivement les Dieux d'avoir sauvé son ami.
Pendant ces touchantes retrouvailles, Haruni et Mitsuhide discutaient sous le pavillon bleu.
« Tu as meilleure mine, commenta avec soulagement le seigneur de Madare.
– Maintenant que Yatsu est sur la voie de la guérison, je me sens mieux, reconnut Haruni.
– Mmm, il lui faudra du temps pour se remettre. À ce propos, j'ai reçu un messager-oiseau de Kurojū ce matin. Ton père demande de tes nouvelles. »
Haruni ne dit rien, mais son visage reflétait sa réticence.
« Il exige mon retour ? devina-t'il.
– Il l'a évoqué, en effet. »
Le garçon soupira.
« Je préférerais attendre que Yatsu soit davantage rétabli, » fit-il.
Cette formulation polie surprit quelque peu Mitsuhide qui s'était attendu à un refus catégorique. Ce n'était guère dans les habitudes de Haruni qui était bien plus direct. Se pouvait-il que le garçon commençait à s'assagir ? Il décida donc de l'aider.
« Je peux répondre à l'Empereur que tu n'es guère en état de voyager dans l'immédiat. En plus, c'est la stricte vérité.
– Tu ferais ça ? s'étonna le garçon.
– Je comprends que tu veuilles rester le plus longtemps possible afin de t'assurer que Yatsu soit complètement hors de danger. Je réagirai pareil pour mes enfants. »
Le regard de gratitude que lui envoya le Second Prince fut comme un baume sur son cœur.
« Je suis sûr qu'il est hors de danger, affirma-t'il. Les Dieux me l'ont garanti. Mais j'apprécierais de rester un peu plus. »
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La mention des Dieux fit tiquer le seigneur de Madare. Avant, Yama Les appelait toujours les Diables dans la langue des Vites. Aurait-il donc changé son opinion sur Eux ?
« Les Dieux l'ont vraiment sauvé ? s'enquit-il.
– Oui. Pourquoi, tu en doutes ?
– Non. Si tu le dis, c'est forcément vrai. »
Il lui lança néanmoins un regard hésitant. Cela dit, s'il ne demandait pas maintenant, il n'en aurait sans doute plus l'occasion.
« Les Dieux ont agi parce que tu le Leur as demandé, n'est-ce pas ? Ils n'auraient pas sauvé Yatsu comme ça, puisqu'il ne fait pas partie de la famille impériale. »
Une expression compliquée apparut sur le jeune visage, puis il acquiesça.
« Ce n'est pas tout, confia-t'il. Je peux te demander un grand service ?
– Tout ce que tu voudras, » accepta l'homme sans même hésiter.
Cela fit rire Haruni.
« Tu devrais demander ce que c'est avant d'accepter, lui conseilla-t'il.
– Bah, tu m'as déjà demandé une fois d'entrer en guerre contre tout l'Empire et je l'ai fait. Cette fois, ça ne peut pas être pire. »
Haruni secoua la tête avec un sourire amusé.
« Cela reste à voir, fit-il d'un ton taquin. J'ai besoin que tu organises une cérémonie de reconnaissance aux Dieux.
– La cérémonie de reconnaissance, hein ? Pour Les remercier d'avoir guéri Yatsu ?
– Pas seulement. C'est grâce aux Dieux que Madare n'a pas été touchée par une épidémie et que les pertes ont été réduites.
– Oh. »
Ce ne serait pas venu à l'esprit de Mitsuhide, pourtant respectueux des Dieux. Bien sûr, au plus fort de l'épidémie, le peuple de Madare avait prié les Dieux de les épargner. Quand Jika avait été malade, Mitsuhide avait imploré les Dieux à son tour et il Leur avait adressé des offrandes à la guérison de la petite fille. Mais il n'aurait jamais pensé aller plus loin et organiser une cérémonie à l'échelle de la province. Il plissa le front.
« Ce sont les Dieux qui t'ont demandé ça en échange d'avoir guéri Yatsu ? »
Haruni hésita un peu avant d'acquiescer. Mitsuhide serra un poing sur ses genoux.
« T'ont-Ils demandé autre chose ?
– … Oui.
– Que… ? »
Haruni le coupa :
« Mitsuhide, c'est entre Eux et moi. Cela ne te concerne pas.
– Comment ça, cela ne me concerne pas ?! Je suis responsable de Yatsu. Tu me l'as confié et je l'ai laissé tomber malade ! S'il y a un prix pour sa guérison, alors moi aussi je dois le payer ! »
Haruni secoua la tête.
« Les demandes des Dieux ne concernent que moi. Tu peux aider en contactant le temple de Tomaru pour mettre en place la cérémonie dans toute la province, ce sera déjà beaucoup. Pour le reste… moi seul doit le faire, ajouta-t'il avec un soupir.
– Haruni… »
Mitsuhide était inquiet et à juste titre. Autrefois, Yama avait suivi les Dieux et s'était retrouvé à tuer des enfants.
Haruni lui adressa un sourire comme s'il lisait dans ses pensées.
« Ne t'en fait pas, les Dieux se sont montrés… raisonnables dans Leurs demandes. Je dirais même qu'il s'agit en grande partie de choses futiles.
– Malgré tout, ce sont des choses difficiles à réaliser pour toi, non ?
– Bien sûr, c'est normal ! Si c'était facile, cela voudrait dire que la vie de Yatsu ne vaut pas grand-chose. »
Mitsuhide ne fut pas entièrement rassuré, loin de là, mais il ne pouvait pas faire plus pour son ami. Il lui tapota la main, s'attirant un autre sourire de reconnaissance. Cela devrait suffire.
Note de Karura : Parmi les conditions des Dieux, Haruni doit désormais se référer à eux avec des majuscules, comme il se doit. Oui, je rappelle que dans la langue des humains, les majuscules s'entendent à l'oral (imaginez une inflexion appuyée sur le début du mot).
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