Le Prince Solitaire 6 8

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Chapitre Huit : Trahisons


Près de la plaine de Mara, sixième mois de l'année 2454


Une fois dans sa tente, Seiryū s’assit brusquement et leva des mains tremblantes à son visage. Il commençait à réaliser ce qui venait de se passer : ils avaient affronté quarante hommes à eux deux et s’en étaient sortis ! C’était… inimaginable ! Les souvenirs étaient flous, les visages de ses adversaires se confondaient, mais c’était bien réel. Ce qu’ils avaient accompli méritait de finir dans les livres d’histoires, d’être chanté, célébré… C’était un exploit, il n’y avait pas d’autre mot.

« Quarante hommes à nous deux, » songea-t’il avant de partir d’un rire proche de l’hystérie.

Personne n’allait les croire. Par les Dieux, même lui avait du mal à y croire !

Enivré, il se leva et défit les attaches de son armure. Les pièces de cuir tombèrent au sol. Il faudrait qu’il les donne à nettoyer avant la bataille du lendemain. Heureusement, il aurait la matinée pour le faire. Seiryū retira ensuite ses bottes, puis sa tunique ensanglantée et déchirée par endroits afin d’examiner s’il avait des blessures. Il savait qu’il avait reçu des coups de sabre, mais rien de bien grave, selon lui. Cela dit, dans l’excitation du combat venait un moment où on ne sentait plus la douleur. Il repéra effectivement quelques entailles assez profondes, mais aucune blessure très grave. Rassuré, il versa de l’eau dans un bassin et se lava les mains et les avant-bras, puis le visage pour faire partir les taches de sang.


Une voix se fit entendre l’extérieur de la tente, celle du soldat de garde.

« Firal Seiryū, le médecin Meidō est là.

Fais-le entrer. »

Meidō portait la tunique jaune des médecins et s’inclina pour le saluer. Son aide, un jeune homme discret, portait la sacoche du docteur. Ce dernier vérifia les différentes blessures du Firal et fit claquer sa langue.

« La bataille n’a même pas commencé que vous êtes déjà blessé. On dirait que vous vous êtes battu contre dix hommes !

Vingt, en fait, » rectifia Seiryū avec un sourire de fierté.

Le médecin le fixa un moment, puis reprit son examen.

« Les coupures ne sont pas graves, sauf les deux-là. Mon assistant Pachū va s’en occuper. Vous aurez un bleu au visage d’ici demain, je vais vous laisser un onguent pour atténuer la tuméfaction. »

Un bleu au visage ? Cela provenait sûrement du coup de poing du Second Prince. C’était vraiment un sauvage !


Pachū appliqua une crème cicatrisante sur les coupures avant de les bander, tandis que le médecin se chargea des deux plaies les plus profondes : une en-dessous de l’épaule droite et l’autre du côté gauche.

« Changez les pansements tous les jours, appliquez bien cette crème et il ne devrait pas y avoir de cicatrice, conseilla-t’il.

Je vous remercie, docteur Meidō.

Mmph, vous au moins, vous êtes un patient agréable. »

Bizarrement, Seiryū comprit tout de suite de quoi il voulait parler.

« Vous avez pu examiner le Second Prince ? »

Le visage du docteur se ferma.

« Son Altesse s’est passé de mes services. Il s’estime tout à fait capable de se soigner seul. »

Cela ressemblait bien au Second Prince.


Toutefois, Seiryū était inquiet.

« J’ai l’impression que son Altesse est blessé au bras gauche. Il s’en est à peine servi au retour et paraissait souffrir.

Je ne peux pas forcer son Altesse s’il refuse que je l’examine, répliqua le médecin d’un ton dur. Vous pourriez peut-être le convaincre ?

Il ne m’écoutera pas non plus, soupira Seiryū.

Et si vous faisiez appel au Premier Prince ? » suggéra Meidō.

L’idée était intéressante, sauf que lorsque Haruni faisait sa tête de mule, même Tomuki ne parvenait pas à lui faire entendre raison. Le Firal soupira de nouveau et secoua la tête. Le médecin réfléchit un moment, puis sortit une fiole de sa sacoche pour la poser devant Seiryū.

« Il y a une autre solution : ceci est un sédatif léger. Faites-le boire au Second Prince et je profiterai de son sommeil pour l’examiner et le soigner. »


Choqué, Seiryū croisa son regard. Il s’agissait de droguer un prince impérial, ce n’était pas une affaire triviale !

« Je ne peux pas faire ça ! se défendit-il d’un ton outré.

C’est à vous de voir. Mais si le Second Prince n’est pas soigné, ses blessures peuvent s’infecter et ce sera très grave. Je vous laisse deviner qui sera tenu pour responsable s’il lui arrive quoi que ce soit. »

Seiryū était clairement déchiré. Il s’en voulait d’avoir douté de Haruni et tenait à se racheter, mais cela ne semblait pas être la bonne façon. D’un autre côté, il se remémora la posture rigide de l’adolescent, la difficulté qu’il avait eu à soulever le corps du prisonnier ou à monter à cheval. Il ne faisait aucun doute qu’il était blessé. Si Seiryū lui évitait de souffrir, même en employant un moyen sournois, ce serait une manière de se racheter, non ?


« De toute façon, songea-t’il aigrement, ce gosse ignore la gratitude. Quoi que je fasse, il trouvera à redire. »

S’il y avait par la suite des conséquences, Seiryū les assumerait en expliquant que l’entêtement du Second Prince ne lui avait pas laissé d’autre choix. Tout le monde comprendrait son point de vue, à n’en pas douter. Seiryū prit donc le flacon sans plus d’hésitation et fit au docteur :

« Attendez-moi ici, ce ne sera pas long. »

Meidō acquiesça. Seiryū remit une tunique légère, enfila une autre paire de bottes et quitta sa tente pour se rendre dans celle du Second Prince, apportant un plateau de thé pour deux.


~*~


Il y avait encore de la lumière dans la tente de Haruni, ce qui n’étonna guère Seiryū. Les deux gardes postés à l’entrée le laissèrent approcher avec indifférence, l’ayant reconnu. Le Firal s’arrêta à l’entrée, son plateau de thé dans les mains, et appela :

« Votre Altesse, puis-je entrer ? »

Il s’attendait à une réponse négative, voire agressive, mais n’eut que le silence. Après quelques hésitations, il finit par entrer. Tant pis pour la politesse ! Haruni était assis sur le lit de camp, des bandages autour de lui. Il avait retiré une partie de son armure et sa tunique était entrouverte au niveau du torse. Dès qu’il entendit Seiryū arriver, il la referma de sa main droite et prit un air hostile.

« Qu’est-ce que vous voulez ?! lança-t’il.

Je vous ai apporté du thé, » répondit le Firal en posant le plateau sur la table non loin du lit.


Haruni lui adressa un regard mi-interloqué, mi-méfiant. Seiryū jeta un coup d’œil dans la tente mais ne vit pas de soldat affecté au service du prince. Des compresses tachées de sang gisaient au pied de l’adolescent. Seiryū secoua la tête.

« Vous devriez laisser le médecin vous examiner. Il s’est occupé de moi et il est très compétent.

Je peux me soigner seul ! rétorqua l’adolescent.

Pour des blessures ordinaires, argua Seiryū. Mais si vous avez des blessures plus graves… »

Haruni se figea, rétrécissant les yeux. Le Firal songea qu’il avait deviné juste et sa détermination se renforça. Il fallait que Haruni se soigne coûte que coûte ! Il n’ajouta pas un mot et posa le plateau sur la table, qui était un peu éloignée du lit. Il versa le thé chaud dans les deux tasses. Bien entendu, avant d’entrer dans la tente, il avait pris soin de verser le sédatif dans la tasse réservée à Haruni. Ainsi, ce dernier ne pouvait pas se douter de ses intentions… à condition qu’il accepte de boire le thé.


« Qu’est-ce que vous êtes venu faire ici ? » s’enquit Haruni en l’observant attentivement depuis le lit.

Seiryū reposa la théière sur le plateau et son visage prit une expression de regret sincère.

« Je suis venu pour m’excuser. Je ne vous ai pas cru quand vous avez parlé de l’attaque et je vous ai même soupçonné des pires intentions. J’ai eu tort et je vous en demande pardon. »

Il s’inclina devant Haruni tout en disant cela. Ce dernier renifla légèrement d’indifférence.

« Ce n’est pourtant pas la première fois que vous me soupçonnez des pires intentions. Cela ne vous a jamais dérangé jusqu’à présent. »

Seiryū tiqua : on pouvait faire confiance au Second Prince pour trouver la réplique qui faisait mal.


« Il faut dire que votre comportement est souvent suspect, répondit-il sans pouvoir s’en empêcher

C’est vrai, » reconnut franchement l’adolescent, ce qui surprit son interlocuteur.

Haruni soupira ensuite.

« Vous êtes resté pour m’aider à les combattre. Vos excuses sont donc sincères. Je vous pardonne. »

Seiryū en fut grandement soulagé. Il avait un caractère franc et ne supportait pas de nuire à quelqu’un, même involontairement.

« Laissez-moi vous aider à retirer votre armure, proposa-t’il. Pourquoi vous n’avez pas demandé à un soldat de vous aider ?

C’est inutile, je peux m’en charger, » le repoussa Haruni.

Mais Seiryū avait déjà saisi son bras droit pour défaire les attaches de la protection d’avant-bras.


« Il faudra faire nettoyer votre armure pour demain, conseilla-t’il avant de s’occuper des attaches sur le côté.

Je sais, » répondit Haruni avec agacement.

Seiryū nota qu’il n’avait pas pris le temps de se laver car il sentait encore le sang et la sueur. Il se dirigea vers la table et versa de l’eau dans un bassin. Haruni le fixa avec étonnement et irritation.

« Je vous ai pardonné, vous n’avez plus aucune raison de rester, » fit-il directement.

Seiryū en était à un point où il ne s’offusqua même plus de ce manque de courtoisie.

« Je suis venu pour m’excuser, mais aussi pour prendre le thé avec vous.

C’est bon, c’est bon, soupira Haruni, très las. Je vais le boire, votre thé. »


Il alla s’installer à la table, suivi par Seiryū. Les deux jeunes gens burent en silence le thé un peu tiède. Seiryū lança un regard discret au Second Prince pour voir s’il avait remarqué quelque chose, mais ce dernier semblait si pressé de le faire partir qu’il finit la boisson presque en une gorgée. Lorsque Seiryū reposa sa tasse vide à son tour, Haruni se leva aussitôt.

« Bon, maintenant que c’est réglé… »

Il n’eut pas le temps d’en dire plus car il vacilla et se rattrapa de justesse à la table.

« Votre Altesse, vous allez bien ? » s’enquit le Firal avec une sollicitude non feinte.

Il ne s’était pas attendu à ce que le sédatif agisse aussi vite !


Le regard de Haruni se posa sur lui, ses yeux dorés écarquillés.

« Vous êtes sûrement fatigué, continua Seiryū. Vous devriez vous allonger.

Sale enfoiré ! Qu’est-ce que tu m’as fait boire ?! »

Seiryū cligna des yeux devant l’insulte, sans parler du changement de registre. Avant qu’il n’ait eu le temps de chercher une réponse, Haruni perdit connaissance pour de bon et tomba sur le côté. Affolé, Seiryū réagit aussitôt pour le rattraper. Il ne manquerait plus que Haruni se blesse davantage en tombant par terre ! Seiryū le porta jusqu’au lit et l’allongea, puis il se rendit à l’entrée de la tente et fit à l’un des gardes :

« Va chercher le médecin Meidō, il attend dans ma tente.

Son Altesse l’a déjà renvoyé, objecta le soldat.

Son Altesse a changé d’avis, » répliqua fermement le Firal.

Face à un supérieur, le soldat n’insista pas plus et se dirigea vers la tente de Seiryū.


Le Firal retourna aux côtés du Second Prince qui était plongé dans un sommeil profond. Il se sentait coupable de l’avoir dupé ainsi, mais c’était pour son bien. Il lui retira ses bottes, puis sa tunique supérieure. En touchant le bras gauche, il sursauta en sentant de l’humidité. Il leva sa main à hauteur de ses yeux : elle était couverte de sang. Seiryū ne s’était donc pas trompé, Haruni était gravement blessé ! Le médecin arriva sur ce, suivi de son assistant. Il avait un sourire un peu médusé sur les lèvres.

« Je n’aurais jamais cru que vous le feriez pour de bon, Firal Seiryū. »

Le jeune homme se figea : dans ce cas, pourquoi le médecin lui avait-il donné une fiole de sédatif ?

« Le somnifère a vite agi, préféra-t’il dire. Est-ce normal ?

Oui, assura Meidō avec nonchalance. Son Altesse est clairement épuisé, donc le sédatif a fait effet plus vite. »

Soulagé, Seiryū recula d’un pas pour laisser l’assistant du médecin finir de déshabiller Haruni.


Outre des coupures du même acabit que celles de Seiryū, il y avait une plaie profonde à la cuisse. Mais ce n’était pas le pire. L’assistant fit une drôle de tête en finissant de retirer le haut de la tunique, sentant le tissu noir gorgé de sang. Le médecin plissa les yeux. Lorsque le bras gauche de Haruni fut visible, il jura dans un souffle. Seiryū écarquilla les yeux. Du haut de la main jusqu’à l’épaule, le bras n’était plus qu’un amas de sang !

« Pachū, fit Meidō à son assistant, retourne à l’infirmerie chercher des compresses et des bandages. Firal Seiryū, vous voulez bien m’apporter cette bassine d’eau et des linges ? »

L’assistant quitta la pièce tandis que Seiryū obéissait. Le médecin nettoya le bras de Haruni avec beaucoup de soin. L’adolescent tressaillit un peu dans son sommeil à cause de la douleur.


Seiryū ne pouvait pas détacher son regard de la plaie : jamais il n’avait vu une chose pareille !

« Que… Comment a-t’il pu se faire une telle blessure ? demanda-t’il d’un ton éberlué.

C’est à vous de me le dire, renvoya le médecin avec un regard spéculateur. Vous étiez avec lui. »

Seiryū plissa le front. Il eut beau se creuser la tête, il ne vit rien de susceptible de causer de tels dégâts !

« Je ne sais pas, je ne comprends pas !

Les hommes que vous avez affrontés avaient-ils de la poudre explosive ? s’enquit le docteur. Parce que je ne vois que ça comme explication. »

S’il y avait eu quelque chose du genre, Seiryū aurait entendu la déflagration.


L’image du pont emporté par la vague subite lui revint en esprit et le doute germa en lui.

« Je ne crois pas qu’ils avaient des explosifs, fit-il d'un ton dubitatif.

Hum. Il faudra que je demande à son Altesse demain.

Sa blessure est grave ?

Tout dépend si les muscles et les nerfs ont été touchés. Pour le moment, il faut à tout prix éviter l’infection. »

Lorsqu’il finit de nettoyer la plaie, Pachū revint avec le matériel requis. Le médecin appliqua un onguent désinfectant sur tout le bras, vidant deux pots pour ce faire. Il posa ensuite les compresses, puis maintint le bout en place avec les bandages.

« Son Altesse est blessé si gravement, mais a refusé tout traitement, maugréa Meidō. À quoi peut-il bien penser ?! »

Il n’y avait rien de plus frustrant pour un médecin qu’un patient qui refusait de se faire soigner.


Seiryū esquissa un pauvre sourire.

« Le Second Prince est très obstiné. »

Le visage du médecin exprima clairement son opinion sur les imbéciles trop obstinés. Il s’occupa des autres blessures de l’adolescent. Son assistant récupéra les compresses ensanglantées et vida l’eau du bassin à l’extérieur, pendant que le médecin donnait des consignes au Firal.

« Avec le sédatif, son Altesse va dormir jusqu’au matin. Il est hors de question qu’il participe à la bataille de demain. En fait, il doit rester au repos et ne pas utiliser son bras gauche tant que ce ne sera pas totalement guéri. Têtu ou pas, vous devez lui faire comprendre qu’il risque d’aggraver son état s’il ne se ménage pas. »

Seiryū grimaça. Convaincre Haruni serait peine perdue.

« Vous n’auriez pas plutôt d’autres sédatifs ? » hasarda-t’il.

Le médecin prit ça à la plaisanterie et s’inclina avant de partir.


Resté seul avec le dormeur, Seiryū lâcha un soupir. Il tira la couverture sur le Second Prince pour qu’il ne prenne pas froid et en profita pour examiner son visage. Malgré la douleur, les traits étaient relativement détendus et cela lui conférait un air plus jeune. Par rapport à l’expression renfrognée qu’il arborait en permanence, il ressemblait à un adolescent ordinaire. Son teint était tout de même très pâle. Seiryū repoussa une mèche de cheveux noirs en travers de sa joue, puis se leva et quitta la tente. Il avait fait ce qu’il pouvait pour ce soir. En ce qui concernait le reste du traitement, il ferait appel à Tomuki, voire à l’Empereur si Haruni restait têtu. C’était bien trop grave pour laisser le Second Prince n’en faire qu’à sa tête. Tranquillisé, Seiryū rejoignit son propre lit pour un repos bien mérité.


~*~


Haruni avait l’impression que son corps pesait des tonnes. Même ses paupières ne pouvaient pas se soulever. De plus, sa conscience était embrumée. Il n’aimait pas cette sensation, cela le ramenait en arrière, à l’état pitoyable dans lequel il s’était trouvé en ayant réintégré ce corps. C’était pourtant le passé, alors pourquoi ressentait-il la même impuissance ? Dans un recoin de son esprit, des voix le pressaient :

« Réveille-toi, vous courez tous un grand danger !

Quoi, encore ?! marmonna-t’il avec agacement.

Les choses ont changé depuis hier. Réveille-toi ! »

Haruni roula sur le côté comme pour échapper à ces voix, mais une explosion de douleur le ramena brutalement et efficacement à lui. Il se redressa sans y penser, le souffle court.


« Haruni ! » s’écria son frère, ravi de le voir se réveiller enfin.

Les yeux dorés se posèrent sur lui, lucides et interrogateurs. Les événements de la veille lui revinrent en mémoire, en particulier la traîtrise de Seiryū. Il baissa les yeux et vit que ses blessures avaient été bandées, même l’horrible bouillie qu’était devenu son bras gauche quand il avait eu le malheur de manipuler un élément qui n’était pas le sien.

« Comment tu te sens ? reprit Tomuki. Seiryū m’a raconté ce qui s’est passé, c’est incroyable ! Mais tu as été gravement blessé. Père sera furieux ! »


Haruni n’écouta que d’une oreille, secouant la tête pour chasser le vertige.

« On doit partir, fit-il.

Hors de question, tu dois te reposer ! Tes blessures…

Je dois voir le général Bakkushō. »

Cet idiot ne l’avait pas écouté la veille, il l’écouterait cette fois coûte que coûte. Tomuki prit un air surpris.

« Le général ? Mais il est déjà parti dans la plaine.

Quoi ? Mais il était prévu de s’y rendre à la fin de la matinée seulement ! »

Tomuki lui lança un regard étrange.

« Haruni… on est au début de l’après-midi. »


L’adolescent prit un air confus. Non, ce n’était pas possible. Il n’avait pas pu dormir si longtemps ! Quoique, avec un somnifère…

« Ce sale petit con ! jura-t’il en pensant à Seiryū.

Haruni ! »

Tomuki ne comprenait vraiment pas d’où son frère sortait un tel langage ordurier. Pour Haruni, c’était le cadet de ses soucis. Il se leva en vacillant et chercha une tunique propre. Tomuki protesta de nouveau qu’il devait rester alité, en vain. Haruni l’obligea même à l’aider à revêtir rapidement son armure.

« Seiryū s’est chargé de la faire nettoyer, l’informa Tomuki. Mais ce n’est pas une raison pour que tu la remettes tout de suite ! Le médecin a dit que…

Il y a plus grave ! le coupa Haruni. Suis-moi ! »


La tête encore un peu lourde, il quitta la tente. Son bras gauche l’élançait de nouveau à cause de la protection d’avant-bras trop serrée. Haruni relâcha un peu les attaches tout en regardant autour de lui. Il ne restait que peu de soldats, le campement paraissait presque désert.

« Quel danger ? songea-t’il à l’intention des Dieux.

Le camp va être attaqué. »

Haruni avisa un soldat et lui ordonna de rassembler tout le monde. L’homme le fixa bizarrement avant de s’exécuter en grommelant. Tomuki rejoignit son frère.

« Que se passe-t’il à la fin ?

Va mettre ton armure et prends tes sabres, » fit Haruni en constatant que son frère était vêtu comme à la Cour, et non en pleine guerre.

Tomuki roula des yeux mais connaissant l’entêtement de son petit frère, il préféra céder. Sa tente n’étant pas loin, Haruni le suivit attentivement du regard.


Alerté par le bruit, Seiryū sortit de sa tente et prit un air coupable en voyant Haruni. Leurs regards se croisèrent et le Second Prince serra le poing. Il n’oublierait pas de régler se comptes avec lui, mais cela attendrait. Voyant que les soldats se rassemblaient en traînant des pieds, Seiryū rejoignit le Second Prince, l’inquiétude l’emportant sur l’embarras.

« Que se passe-t’il ?

À vous de me le dire, fit Haruni entre ses dents. Pourquoi ne reste-t’il qu’une poignée de soldats ? »

Surpris, le Firal regarda la vingtaine d’hommes et prit un air troublé.

« Le général Bakkushō est parti ce matin et les commandants ont ensuite emmené les hommes au champ de bataille. On m’a assuré qu’il resterait des soldats pour assurer notre protection. Mais seulement vingt hommes… »

Ce n’était clairement pas suffisant pour les protéger !


Haruni s’attarda sur un autre détail.

« Vous dites que le général est parti ce matin ?

Hum, oui. Il a reçu un message à l’aube et il est parti régler une affaire avec quelques hommes à lui. »

L’adolescent fut pris d’un très mauvais pressentiment.

« Où est le prisonnier que j’ai ramené hier ? » demanda-t’il aux soldats.

Ils se regardèrent entre eux, surpris. Un soldat assez jeune s’avança et fit timidement :

« Votre Altesse, il me semble que le général l’a emmené avec lui. »

Seiryū écarquilla les yeux, tandis que Haruni jura entre ses dents. La situation devenait de plus en plus étrange et inquiétante.


« Qui est le plus haut gradé ici ? » demanda Haruni.

Les regards se posèrent sur lui. Il retint son agacement.

« Je veux dire, parmi vous ? »

Après concertations, un homme dans la centaine s’approcha.

« Votre Altesse, je suis le lieutenant Shurō. À votre service ! »

Juste un lieutenant ? Haruni retint un tic.

« Lieutenant Shurō, préparez les hommes à un départ immédiat. Nous risquons une attaque. »

Le lieutenant le salua, ne remettant pas un seul instant ses paroles en doute. Il commença à distribuer ses ordres. Les soldats s’éparpillèrent avec un manque d’entrain évident.


Seiryū fixa Haruni attentivement.

« Une attaque… ce sont les mêmes personnes qu’hier qui vous en ont parlé ? »

Haruni acquiesça sèchement. Il ne mentait pas ainsi, bien que Seiryū faisait allusion aux Ombres et non aux Dieux. Malgré son ressentiment envers le Firal, il nota avec approbation que ce dernier était en armure, ses sabres à la ceinture. Kenryū avait bien élevé son fils.

« Votre Altesse, comment va… votre bras ? » s’enquit le Firal avec inquiétude.

Le visage de Haruni se renfrogna aussitôt.

« Ce ne sont pas vos affaires ! répliqua-t’il froidement.

Écoutez, pour ce qui s’est passé hier, je suis désolé. Mais il faut dire aussi que vous étiez trop…

Taisez-vous, le coupa-t’il. Je réglerai ça avec vous plus tard mais en attendant, faites en sorte que j'oublie votre existence, est-ce bien compris ? »

Seiryū prit un air coupable et ne discuta pas. Haruni se détourna de lui.







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