Prisonnier du Temps 8

Chapitre Huit : Le prétendant


Comme Béphélius était arrivé en retard, il avait manqué le discours de bienvenue, les spectacles et le bal. À présent, les gens s'étaient dispersés dans les jardins, dans la salle du banquet ou dans la salle de danse. Il y avait un peu partout des groupes d'Elfes de Lumière qui discutaient et s'amusaient.

Béphélius prit Vanain avec lui pour aller dans la salle du banquet, entouré de quelques nobles elfiques, dans l'intention de montrer sa présence et de prendre un verre de vin.

Il sentait déjà que cette stupide fête allait l'ennuyer à mourir. Par une si belle nuit, il aurait mille fois préféré dormir au chaud dans son lit et dans les bras de son Elfe Noir plutôt que de rester bêtement là à subir les conversations polies des autres. En plus, il se rappela qu'il devait se lever tôt le lendemain pour écouter les rapports du Conseil.


Il s'arrêta soudain. Un visage familier apparut devant lui et l'autre bel Elfe de Lumière le remarqua à son tour, une lueur de surprise dans les yeux. Après quelques mots à son entourage, il se dirigea vers Béphélius.

C'était l'aîné des petits-enfants de la famille Turner, et le "presque consort" que Béphélius avait choisi deux semaines plus tôt en présence de son grand-père.

Bien que le mariage n'avait pas encore été officiellement confirmé, la nouvelle s'était déjà répandue. En tout cas, ce jeune homme, qui s'appelait Herlidan, ainsi que d'autres Elfes de Lumière bien informés, savait que le prince Béphélius l'avait choisi comme futur partenaire.

De ce fait, on racontait que la famille Turner avait reçu de nombreuses visites ces derniers temps.


Béphélius n'avait plus songé au futur compagnon qu'il s'était choisi, alors il ne s'était pas attendu à le rencontrer à la fête. À cet instant, il espérait que l'autre homme ne viendrait pas lui parler. Il aurait été bien en peine d'expliquer ce qu'il ressentait en ce moment.

Mais apparemment, Herlidan n'avait pas les mêmes réserves que lui.

Quand il avait appris la nouvelle, il avait attendu que le prince prenne l'initiative de le rencontrer afin de lui expliquer la situation, mais il n'avait reçu aucune nouvelle. Il ne comprenait même pas ce qui lui valait ce coup de chance. Alors il avait pris l'initiative d'inviter Béphélius à dîner deux fois et ils avaient également assisté au dernier opéra à la mode. À chaque fois, la réaction de Béphélius avait été neutre.

Bien que la personnalité du prince était connue de tous depuis longtemps, Herlidan comprit clairement que le prince n'avait aucun sentiment particulier pour lui. Alors le fait qu'il le choisisse restait un mystère. En tout cas, ce n'était sûrement pas parce qu'il plaisait au prince.


Peu lui importait, dans le fond. Le prince Béphélius était très doué en politique et il serait à coup sûr le prochain roi des Elfes. Sans oublier le fait qu'il avait des cheveux et des yeux dorés si ensorcelants. Que ce soit en terme de charme personnel ou d'un point de vue objectif, il n'y avait pas de meilleur choix que Béphélius.

Quelle que soit la raison, c'était le prince qui l'avait volontairement choisi. Herlidan refusait d'abandonner cette opportunité, alors il prit souvent l'initiative de discuter avec lui ou de l'inviter à sortir. Peut-être à cause du contrat de mariage, le prince refusait rarement ses invitations. Voilà pourquoi Herlidan n'hésita pas à le rejoindre dès qu'il vit Béphélius ce soir.


Béphélius resta un moment songeur, puis il leva la tête pour saluer l'autre homme. En même temps, un sourire doux et brillant naquit sur ses lèvres et il prit la main de Vanain pour aller dans l'autre direction. De cette manière, l'autre homme devrait comprendre ce qu'il voulait dire, et aucun Elfe de Lumière bien élevé ne le suivrait.

Il ne remarqua pas le regard noir de l'Elfe Noir à ses côtés.

Il fut tout bonnement sidéré de voir Herlidan traverser rapidement la foule pour le rejoindre juste après son salut. L'homme posa les mains sur son torse et le salua :

« Votre Altesse Royale, c'est un plaisir de vous voir ce soir. Je suis votre fidèle serviteur. »

Béphélius n'avait aucune idée de comment faire comprendre à son presque consort qu'il n'avait pas du tout envie de voir maintenant, alors il n'eut pas d'autre choix que de marcher à ses côtés en direction du jardin, tout en discutant.

C'était le futur compagnon qu'il s'était choisi, aussi Béphélius voulait bien faire des efforts pour bien s'entendre avec lui mais là, il n'était pas d'humeur.

Vanain les suivait deux pas en arrière, sans un mot.


Heureusement, son père se montra enfin utile en ce moment critique. L'intendant personnel du roi des Elfes les rejoignit d'un pas rapide et salua Béphélius très respectueusement :

« Votre Altesse Royale, Sa Majesté vous attend dans son étude. Il souhaite s'entretenir avec vous. »

Béphélius leva la tête et lança un sourire poli d'excuse à Herlidan.

« Désolé, je dois vous quitter. »

Herlidan assura qu'il comprenait tout à fait et se retira.

Béphélius se tourna de nouveau vers Vanain et fit :

« Van, tu m'attends ici. »

En y réfléchissant un peu, il se sentit mal à l'aise.

« Oublie ça, tu viens avec moi et tu m'attendras en dehors de l'étude. »


Il n'avait pas oublié les leçons du passé. Béphélius avait bien conscience que son Elfe Noir était très attirant. Un bel Elfe Noir sans statut et incapable de se protéger, Béphélius n'aurait pas l'esprit tranquille si Vanain l'attendait seul ici.

« Non, je vais vous attendre ici. »

Les lèvres de Vanain s'étirèrent vers le haut.

« C'est plus confortable et l'air est pur. Ne vous en faites pas, personne ne viendra. »

Béphélius accepta après un moment de réflexion, toutefois il n'était pas tranquille alors il ordonna à l'intendant :

« Tu n'as pas besoin de me suivre, je peux y aller seul. Reste ici et ne laisse personne s'approcher. »

Sur ce, il se dirigea vers le bâtiment où se trouvait l'étude du roi des Elfes.


* * *


Le roi des Elfes voulait surtout parler avec lui des Elfes Noirs rebelles. En fin de compte, le Conseil avait décidé que ce serait les Narci qui iraient réprimer la rébellion. Au départ, cela devait être une victoire facile cependant, de façon inattendue, le dernier rapport du front révélait que l'armée du clan Narci avait été vaincue et que c'était un désastre...

Le patriarche des Narci refusait d'y croire. Il adressa un courrier au roi des Elfes pour le supplier de lui accorder une autre chance de racheter leur honte. Il écrivit aussi qu'il soupçonnait que leur défaite était due à un traître dans leurs rangs, et désignait implicitement la famille Manda comme les responsables de cette machination. En effet, c'étaient les familles Manda et Narci qui s'étaient querellées au Conseil pour avoir l'honneur de réprimer la rébellion.

Le père et le fils se souciaient peu des Elfes Noirs rebelles et parlèrent plutôt longuement de la rivalité entre les clans Narci et Manda.


Une fois tout cela réglé, Béphélius se hâta de rejoindre l'endroit où se trouvait Vanain. De loin, il vit Herlidan et son Elfe Noir se tenir très proches l'un de l'autre, et aussi que Herlidan tenait la main de Vanain... L'Elfe Noir avait la tête baissée, son visage exprimant certainement sa répugnance.

Béphélius se rua et les sépara vigoureusement. Il serra Vanain contre lui.

« Je n'autorise personne à le toucher, fit-il à Herlidan en fronçant les sourcils. Vous comme les autres, mon cher.

« J'espère que vous vous en souviendrez. »

Herlidan n'avait toujours pas réagi. Il dévisagea le couple, un peu confus, puis hocha la tête et s'excusa auprès de Béphélius avant de partir en toute hâte.


L'intendant s'avança pour plaider coupable. Herlidan était là au départ, et comme il connaissait la relation entre Béphélius et lui, il n'avait pas arrêté l'autre Elfe quand ce dernier était revenu. L'intendant n'avait pas eu l'intention d'offenser le prince Béphélius.

Béphélius acquiesça et le congédia. Baissant les yeux sur la main de Vanain, il la porta à ses lèvres pour y déposer un baiser, bouleversé. Il savait que Vanain n'aimait pas le contact des autres.

« Cet homme est votre fiancé ? demanda directement Vanain en manquant de s'étrangler sur les derniers mots.

– Oui, » admit Béphélius.

À partir du moment où Herlidan était apparu, il avait su qu'il ne pourrait plus le cacher à l'Elfe Noir.

« Mais je ne le laisserai pas te toucher. Ni lui, ni personne d'autre. Peu importe qui j'épouse, je ne laisserai personne te toucher. »

Il releva les yeux et embrassa le menton gracieux de l'Elfe Noir. Il lui fit une promesse :

« Tu n'appartiens qu'à moi. »


En entendant ces mots, Vanain ferma les yeux.

Béphélius était indifférent d'ordinaire. C'était rare qu'il se montre si désireux de lui plaire. Chaque fois qu'il se comportait ainsi, Vanain sentait son cœur se radoucir. C'était un sentiment si fort qu'il aurait pu lui offrir le monde et satisfaire à toutes ses demandes. Cette fois cependant, il continua à présenter un visage morose à l'autre Elfe.

Béphélius se pencha vers lui avec un léger rire et embrassa son torse à travers ses vêtements.

« Quel est le problème, bébé ? Tu es jaloux ? Parce que je l'ai appelé mon cher, que je vais l'épouser ou bien parce que je t'ai laissé seul ici ?

« Vanain, c'est si rare de te voir bouder, » fit-il avec un sourire, comme s'il ne prenait pas cela au sérieux.

Les cils dorés de l'Elfe de Lumière s'abaissèrent, il serra l'autre dans ses bras et appuya sa tête contre le cœur de Vanain.

« Ne sois pas comme ça. Je te dis que même si je me marie, notre relation ne changera pas. Nous resterons toujours ainsi. »

Vanain ne répondit pas.


« On n'y peut rien. »

Béphélius se mit aussi à perdre un peu patience. C'était la première fois qu'il s'abaissait à cajoler quelqu'un en utilisant son corps. Il leva les yeux vers l'Elfe Noir avec un petit rire nonchalant.

« Je ne pourrai jamais t'épouser. »

Le corps de Vanain se raidit et sa main gauche se serra en un poing, sans que Béphélius ne s'en aperçoive.

Il attira l'Elfe Noir sous un grand laurier, ferma les yeux et leva la tête pour demander un baiser. C'était son ultime geste de réconciliation et Vanain ne put s'empêcher d'apprécier la vue.

Cependant, il ne le fit pas attendre trop longtemps et rapidement, l'Elfe Noir se pencha et l'embrassa, comme auparavant.






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