Prisonnier du Temps 12

Chapitre Douze : L'Accident


Béphélius commença par le coin supérieur gauche avant de déposer des baisers tout le long de la marque du fouet, léchant par moment les gouttelettes de sang. Il murmura :

« Ça fait mal ? »

L'Elfe Noir baissa la tête et rassembla toute sa volonté pour endurer la situation. Ce n'était pas la douleur du fouet qu'il devait endurer mais plutôt cette énorme tentation qui était une torture en soi.

Il tenta de réprimer son désir. Sa voix se fit rauque et presque inintelligible :

« … Votre Altesse Royale, ce n'est pas grave. »

Contrairement à ce qu'il avait prétendu jusque là ainsi que ce que pensait Béphélius, cette petite douleur n'était rien pour lui.


Béphélius entendit l'étrangeté de sa voix et se dit que c'était parce que Vanain ne pouvait plus supporter la douleur dans son dos. Alors il l'embrassa la blessure de plus belle, du bas vers le haut cette fois.

Vanain serra les dents, confirmant le fait que ceci constituait une énorme punition et torture.

Béphélius eut de la peine pour lui sans toutefois regretter de l'avoir puni. Il embrassa une fois encore la plaie enflée de l'Elfe Noir et demanda calmement :

« Tu retiendras la leçon cette fois ?

– … Mmm-mmm, » fit Vanain d'un ton abattu.

Béphélius aida son Elfe Noir à se relever.


Notant l'air de souffrance de Vanain, il hésita à utiliser un sort de guérison pour lui. Il faisait partie de la famille royale des Elfes de Lumière et maîtrisait la plus pure des magies de lumière. Tant qu'il se servirait d'un sort, la blessure de l'Elfe Noir disparaîtrait aussitôt sans laisser la moindre cicatrice.

Mais il rejeta aussitôt cette idée : il se dit en lui-même que c'était une punition et que Vanain ne devait pas être trop gâté par lui.

Béphélius remit le fouet entre les mains de Vanain, et Vanain le reposa à sa place, devinant ce que le prince allait faire ensuite.

Béphélius s'occupait rarement des affaires du royaume une fois la nuit tombée. En général, il lisait plutôt, prenait un souper léger suivi d'un bain puis demandait à Vanain de le servir et ensuite appréciait les attentions. L'Elfe Noir le lavait ensuite, puis Béphélius s'endormait dans les bras de Vanain.

Béphélius adorait dormir et se gardait toujours assez de temps pour le repos. S'il n'avait pas son quota d'heures de sommeil alors il serait ronchon toute la journée, comme un enfant fatigué, et il se prendrait ensuite une journée entière pour compenser le manque de sommeil.


Mais les choses étaient différentes aujourd'hui. Il avait passé la journée à dormir aussi n'arriverait-il pas à s'endormir tout de suite.

Béphélius fut aussi pris un mal de tête en se rappelant qu'il n'avait pas fini de gérer ses affaires alors il décida en fin de compte d'aller dans son étude pour remplir ses devoirs officiels.

Vanain en fut un peu déçu. Il avait espéré pouvoir vite embrasser son amant avec abandon. Son dos le faisait toujours vivement souffrir mais plus douloureux encore était le souvenir de Béphélius derrière lui, embrassant et léchant la blessure.

Il était sûr qu'en faisant cela, son prince avait eu les yeux clos, ses cils d'or pâle tremblant légèrement, agenouillé derrière lui sur le tapis en laine pure, l'embrassant et caressant la marque du fouet qu'il avait causé de sa propre main... Rien qu'en se représentant cette scène ou en se rappelant des sensations, il sentait son contrôle lui échapper.

Malgré cela, il obéit aux ordres de l'Elfe de Lumière, comme toujours.


Béphélius n'avait rien mangé depuis son réveil, cependant il n'avait pas d'appétit. Vanain s'inquiétait aussi qu'il ait une mauvaise digestion la nuit, alors il lui commanda simplement du porridge, de la soupe, des fruits et quelques gourmandises. Une fois que Béphélius eut fini de régler les affaires au bureau, Vanain le nourrit à la cuillère.

Béphélius n'avait bu que la moitié du bol de porridge quand il s'arrêta et fit à son Elfe Noir sans lever les yeux :

« Bois le reste, tu n'as rien mangé de la nuit. »

Vanain but le porridge en utilisant la même cuillère puis présenta des fruits et des gourmandises à Béphélius.

Cela avait toujours été un régal avant parce que les lèvres et la langue de Béphélius effleuraient à chaque fois les doigts ou la paume de l'Elfe Noir inconsciemment, comme un petit animal ignorant. Mais aujourd'hui, puisque Béphélius ne semblait pas vouloir de ses services, c'était devenu tout bonnement une torture de plus.


Finalement, Béphélius se sentit fatigué. Il s'adossa contre l'Elfe Noir et demanda à Vanain de le porter jusqu'au lit.

Béphélius songeait à voir son grand-père Archille le lendemain. Il n'osait donc pas se montrer trop présomptueux dans la soirée et ne fit aucune demande particulière à son Elfe Noir. Cependant, ce dernier n'osa pas le négliger suite à la punition et chercha délibérément à lui plaire. Il se montra très actif et bien plus dévoué que d'ordinaire.

Béphélius dut repousser son Elfe Noir.

« Ça suffit, Van. J'ai quelque chose à faire demain alors je dois me coucher tôt. »

L'Elfe Noir embrassa tendrement sa clavicule, se redressa et tendit la main pour prendre la petite horloge sur la table de nuit. Il la présenta à Béphélius et tenta de le persuader :

« Regardez, Votre Altesse, cela ne fait que vingt minutes. Nous avons encore tout le temps. »


Béphélius regarda l'heure avec étonnement. Il avait l'impression qu'ils avaient fait ça pendant deux heures. Comment se pouvait-il que seules vingt minutes s'étaient écoulées ? Au même moment, l'horloge du bas sonna, ce qui prouva que la petite horloge affichait la bonne heure.

Il avait sans doute trop dormi dans l'après-midi ou bien Vanain était trop enthousiaste après sa punition. Quoi qu'il en soit, il avait perdu la notion du temps.

Béphélius passa ses bras autour du cou de Vanain, ferma les yeux et marmonna :

« Bon... Eh bien, nous irons nous coucher dans une heure et demie. »

Pendant que Vanain embrassait les paupières du prince, il jeta la petite horloge sous le lit. Elle tomba sur l'épais tapis de laine sans faire de bruit.


Bien entendu, Béphélius ne remarqua pas que durant le temps écoulé, les aiguilles n'avaient pas bougé. Il ne remarqua même pas que l'horloge fut jetée sous le lit après leur discussion. Quand la petite horloge en argent cessa de fonctionner régulièrement, elle resta immobile et silencieuse sur le tapis.

Le temps, pour l'Elfe Noir en face de lui, était la plus inefficace des contraintes.

Quand ils eurent fini, Béphélius avait tellement sommeil, le corps couvert de sueur.

Il gémit et repoussa son Elfe Noir.

« Allez, Van, j'ai envie de dormir. Couchons-nous. »

Vanain embrassa ses lèvres avec réticence, sans répondre ou retirer ses mains.


Béphélius se rappela soudain de quelque chose. Il chercha à tâtons l'enflure dans le dos de l'Elfe Noir et s'enquit :

« Ça fait encore mal ? »

Si tel était le cas, il craignait que Vanain ne puisse dormir sur le dos cette nuit. Et du coup, il ne pourrait pas dormir sur lui ! (1)

Alors il n'attendit pas la réponse de l'autre et suivit de sa main la marque du fouet. Au passage de ses doigts fins, les blessures disparurent sans laisser de trace, comme s'il n'avait jamais été blessé.

« … Ne recommence plus à l'avenir, l'avertit-il après avoir guéri la blessure.

– Entendu, répondit Vanain en le serrant dans ses bras tendrement et en l'embrassant. Votre Altesse Royale est fatigué, dormons. »

Il prit Béphélius dans ses bras, le porta jusqu'à la salle de bains. En chemin, il ramassa la petite horloge qui avait été jetée par terre. L'aiguille des secondes fonctionnait normalement et il ne s'était écoulé qu'une heure et demie.


* * *


Le lendemain matin à l'aube, Béphélius se rendit chez son grand-père Archille.

Il avait l'intention de faire le point avec lui sur ce mariage arrangé. Il n'avait plus du tout l'intention d'épouser Herlidan et attendrait d'autres candidats convenables pour y réfléchir.

Cependant, dès son arrivée au palais d'Archille, son grand-père l'accueillit avec un air grave.

« Béphie, tu fais bien de venir. J'allais envoyer quelqu'un te chercher.

– Que se passe-t'il ? » demanda Béphélius en retirant son manteau et en le tendant à l'intendant elfique.

Il n'avait pas pris Vanain avec lui aujourd'hui parce que Archille n'aimait pas l'Elfe Noir. Alors Béphélius ne l'emmenait jamais ici, même lors des fêtes organisées par Archille.

« Je viens de recevoir la nouvelle : Herlidan est mort, fit Archille en fronçant les sourcils. Il est allé chassé hier avec des amis dans la Forêt d'Or mais il s'est retrouvé face à une horde de monstres. Sa monture licorne a pris peur et s'est cabrée. Il est tombé et est malheureusement mort, dévoré par les monstres. »


Mort ? Béphélius lança un regard sidéré à son grand-père. Il ne pouvait imaginer que cet accident avait eu lieu si brutalement, pourtant il lut la confirmation de l'authenticité de cette nouvelle dans les yeux d'Archille.

« Toutes mes condoléances à la famille Turner, » fit-il après un long silence.

C'était une mort de causes naturelles et ce genre d'accident était parfois inévitable. De plus, Herlidan était un officier de l'armée, alors la famille Turner recevrait une indemnité. Béphélius considéra calmement les conséquences de cette histoire, ressentant du regret et de la compassion mais pas tellement de tristesse, comme si c'était juste un étranger qui venait de mourir, et pas celui qu'il avait choisi d'épouser.

Mais bien entendu, les projets de mariage étaient annulés et personne n'en ferait mention devant lui pendant un bon moment.


* * *


Béphélius rentra chez lui et pendant que Vanain l'aidait à se changer, il ferma les yeux et lui fit :

« Comme tu le souhaitais, Herlidan est vraiment mort hier. C'est l'homme que tu as vu avant-hier soir. Désormais, je ne penserai plus à me marier dans l'immédiat. Cela te fait plaisir ? »

Béphélius se gratta le nez après ces mots, gêné. Le corps de Herlidan n'était pas encore froid qu'il se servait déjà de cette histoire pour rendre heureux son amant. C'était vraiment dépasser les bornes.

Vanain fit seulement :

« Ah. »

Son expression de visage ne changea pas tellement, comme s'il était déjà au courant depuis un moment.


Mini-théâtre de Karura :

Herlidan : Je savais que j'allais avoir des ennuis ! ☠☠☠


Notes du chapitre :
(1) Et du coup, il ne pourrait pas dormir sur lui !






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