Prisonnier du Temps 63

ARC 4 — Renaissance, l'Anneau du Temps



Chapitre Soixante-Trois


Yan Tuo lança un regard furieux au jeune homme qui se tenait devant lui !

Le jeune homme paraissait très jeune effectivement, il se trouvait à la frontière entre l'adolescent et l'homme. Il ne devait sûrement pas avoir plus de dix-huit ou dix-neuf ans mais il était grand et mince, et ses yeux bleu foncé possédaient un calme et un sérieux qui dépassaient de loin ceux de son âge.

Il tenait actuellement une des pattes de Yan Tuo et contemplait très calmement Yan Tuo qui s'accrochait à son pantalon.

Je suis le prince de l'Empire. Si tu ne me lâches pas, tu seras puni pour ton manque de respect !

Yan Tuo rugit ces paroles d'un ton furieux mais seuls de doux et délicats miaou miaou sortirent de sa bouche.

Il en resta un moment stupéfait puis réalisa de nouveau l'ampleur de sa situation actuelle. Le chat devint complètement inerte et abattu et laissa l'autre homme tenir sa pauvre petit patte. Il laissa tomber son corps de la taille d'une paume sur les chaussures de l'homme et cessa de bouger.


Il y eut une trace d'inquiétude et de confusion dans les yeux bleu foncé de l'homme. Il ne comprenait pas ce qui s'était passé. Ce chaton miaulait si énergiquement et s'amusait si joliment avec lui à l'instant, pourquoi était-il tombé à plat ventre d'un coup sans aucune énergie ?

Il lâcha la petite patte blanche et rose qui était toute douce, souleva le chaton d'une main, le tint dans sa paume et regarda ses magnifiques yeux noirs, ronds et brillants. Il lui fit :

« Mon petit, qu'est-ce qui ne va pas ? Tu ne te sens pas bien ? Ou bien tu as faim ? »

Tout en parlant, il tendit la main pour caresser la jolie petite touffe de poils blancs un peu sales au sommet du crâne du chaton.

Le premier réflexe de Yan Tuo fut de l'éviter puis il dut se résigner de mauvaise grâce. On ne devait pas le toucher n'importe comment ! Il n'était pas un chat ! Il était le prince distingué de l'Empire !


L'autre homme ne fut pas du même avis. Avec un sourire, il effleura le front du chaton.

« Tu m'as l'air en bonne santé. Tu ne retrouves plus ta maman et tu n'as nulle part où aller ? Tu as l'air si stupide, j'ai bien peur que tu tiendras pas trois jours si on te laisse seul. Et si tu venais avec moi ? »

De toute évidence, l'homme le considérait vraiment comme un pauvre petit chaton abandonné.

Je ne veux pas venir avec toi. Je veux rentrer au palais pour voir mon père. Je dois trouver un moyen de récupérer mon apparence. Yan Tuo refusa avec virulence mais n'émit encore que de faibles miaulements.

Il en fut de nouveau stupéfait et se mit à se cogner la tête contre la paume de l'homme — sauf qu'aux yeux de ce dernier, il était en train de frotter sa petite tête poilue contre sa paume.

« Tu t'y connais pour faire le mignon, » murmura l'homme d'une voix grave.

Il posa sa grande main sur la tête du chaton et le caressa sur toute sa longueur.


Yan Tuo se tortilla d'inconfort dans sa main et il sentit ses poils exploser Généralement ce sont les cheveux qui explosent quand une personne est embarrassée. (1) quand l'homme toucha sa queue sensible.

« C'est agréable, hein ? »

L'homme rit de nouveau avant de le placer à l'intérieur de sa veste. Il le tint dans ses bras et prit le chemin du retour.

Yan Tuo tenta d'agripper les vêtements avec ses petites pattes et il lui fallut un bon moment avant de pouvoir les écarter un peu. Il pointa la tête dehors et observa l'homme marcher avec curiosité.

Cet homme ne s'était pas trompé sur un point : avant même de songer à retourner au palais, voir l'empereur ou même réussir à lui faire comprendre qu'il était son cher et tendre fils, il y avait déjà le problème qu'il ne pouvait pas faire cent mètres avec son petit corps tout frêle. Il ne savait pas non plus comment vivre en tant que chat, comment trouver de la nourriture, que faire si un gros chat ou un enfant humain s'attaquait à lui — il ne tiendrait sûrement pas trois jours.


De ce qu'il en avait observé jusqu'à maintenant, cet homme ignorait comment élever un chat voire même comment élever n'importe quel animal. Du coup cela réduisait grandement les risques de se trahir car après tout, il n'était pas un vrai chat.

Au fait... cet homme ne risquait pas d'être le genre de détraqué qui commençait par tuer des petits animaux, hein ? Sa vie n'était pas en danger, hein ? Cet homme voulait l'emmener simplement pour s'occuper de lui, hein ?

S'il disposait d'un endroit où se poser temporairement, il pourrait trouver lentement le moyen de récupérer son corps.

À cette idée, Yan Tuo se tordit le cou pour regarder l'homme au-dessus de lui. Plus il le regardait, plus son visage semblait familier.

L'homme remarqua qu'il avait discrètement sorti la tête de ses vêtements et qu'il le dévisageait bêtement. Il tapota doucement son front du bout du doigt.

Yan Tuo sentit une légère douleur et se mit en colère face à un tel traitement. Il arrêta de le regarder, tourna la tête en soufflant doucement puis regarda les rues alentours afin de déterminer où il se trouvait.


À son réveil, il avait été profondément choqué de découvrir qu'il était devenu un chat. Il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait. Il savait seulement qu'il s'était réveillé dans un parterre de fleurs puis il avait fait quelques pas maladroits et s'était cogné contre la jambe de cet homme. C'était donc la première fois que Yan Tuo avait l'occasion d'étudier son environnement.

Dès le premier regard, il ne put s'empêcher de se renfrogner et se demanda s'il n'avait pas atterri dans une galaxie éloignée et arriérée.

Rien qu'à voir cette voiture volante antique, les panneaux publicitaires qui dataient d'il y avait dix ans, les vêtements des gens dans la rue, le style de décoration des magasins... Tout portait littéralement l'étiquette arriéré, il y avait au moins dix ans de retard par rapport à l'étoile impériale ! Quand on y songeait, il serait encore plus difficile pour lui de retourner au palais.


* * *

L'homme le transporta dans les rues et arriva à un immeuble très vieux. Il le prit dans ses bras avant d'y entrer.

Yan Tuo jeta un regard au couloir bigarré et sombre, et ses petites pattes se crispèrent sur les vêtements de l'homme. Il retint de justesse le besoin frénétique de tourner les talons et de s'enfuir en courant — il ne pouvait pas croire que ce bel homme qui avait l'air élégant et raffiné comptait l'emmener lui, le prince de l'Empire, pour vivre dans un tel endroit ! En se basant juste sur son apparence, il avait cru que cet homme était un noble héritier ou au moins le jeune maître d'une famille fortunée.

Ce fut alors que Yan Tuo se rendit compte que l'homme avait seulement un beau visage et que c'était son tempérament naturel qui lui donnait l'impression d'être élégant et raffiné.

Mais en fait il portait un haut blanc et un pantalon noir tous simples et de qualité moyenne. Le manteau noir qui le recouvrait était dans le même genre. Les chaussures à ses pieds semblaient dater de longtemps et étaient sérieusement usées. Il était clair que cet homme devait souvent marcher. C'était juste qu'il semblait capable de donner un air noble à des vêtements basiques.


Yan Tuo commença à regretter d'avoir suivi cet homme chez lui.

Le fait de devoir s'occuper un chat ne ferait qu'aggraver les finances déjà bien difficiles de cet homme. Peut-être qu'il l'abandonnerait vite ou bien le vendrait parce qu'il ne pourrait plus le supporter, ou bien qu'il le nourrirait uniquement de restes et de légumes pourris. Ce serait vraiment trop horrible.

La cabine d'ascenseur était très exiguë. Comme les portes étaient vitrées, on pouvait voir à quoi ressemblait chaque palier. De ce que pouvait en voir Yan Tuo, il y avait au moins cinq ou six appartements par étage et il y avait même l'enseigne délabrée d'une start-up au troisième étage.


L'homme le conduisit au dernier étage qui était encore pire. D'après Yan Tuo, il devait y avoir au moins neuf ou dix appartements à ce niveau. L'homme lui fit traverser le couloir sombre et déverrouilla la porte la plus éloignée. Il baissa ensuite la tête vers Yan Tuo qui regardait un peu partout Il plongea son regard dans les yeux noirs et ronds et fit :

« Mon petit, voilà notre chez nous. »

L'appartement était aussi petit que ce que à quoi Yan Tuo s'était attendu. Il n'y avait qu'une chambre, une petit cuisine et une salle de bains toute aussi minuscule. Le tout ne faisait même pas la moitié de la superficie de sa chambre au palais.


Une fois à l'intérieur, l'homme le posa avec sa veste sur la seule table de l'appartement puis alla à son armoire pour se changer.

Yan Tuo sortit de sous la veste avec un peu de mal puis se mit à arpenter la table avec curiosité. Il fut vite attiré par un calendrier électronique gris argenté qui indiquait : "Calendrier interstellaire, 11 Mars 2436, 18:24:37".

2436 ? Mais on était pourtant en 2451 !

Yan Tuo se renfrogna et s'assit en face du calendrier électronique qui faisait sa taille. Il tapota l'objet de sa patte. Il se dit que ce calendrier ne devait plus bien fonctionner.

À ce moment, l'homme en T-shirt noir et en jeans usés arriva, le souleva de la table et le prit dans ses bras. Il fit d'un ton très réticent :

« Bébé, tu ne peux pas t'asseoir ici. »

Yan Tuo tourna la tête vers lui, ses grand yeux noirs remplis d'incertitude et de chagrin.

« OK, céda-t'il, tu peux t'asseoir ici et aller où tu veux. Ce n'est pas grave si tu veux aller sur ma couette et dormir dans mon lit, mais je dois ranger ça. »


Yan Tuo remarqua alors qu'il y avait une feuille de papier à l'endroit où il s'était assis. Il tourna la tête pour voir quand l'homme prit la feuille — il connaissait très bien le logo et le style sur cette feuille. C'était un bulletin de la Première Académie Militaire Fédérale, la meilleure école militaire de tout l'Univers. Les critères de sélections étaient très larges et équitables, sans tenir compte des origines sociales, alors cette académie attirait en général les meilleurs talents de tout l'Univers.

Yan Tuo aurait également bien aimé étudier là-bas mais au final, à cause de considérations politiques et de sécurité, il s'était rangé à l'avis de son père et était resté à l'Académie Militaire Impériale.

Les notes dans chaque matière étaient toutes impressionnantes et il y avait le nom de l'étudiant concerné en haut du bulletin : Shi Jian.

C'était juste qu'à présent, ces magnifiques notes étaient recouvertes d'empreintes noires de pattes de chat.


Shi Jian rangea simplement le bulletin dans un tiroir puis avertit le chaton dans sa main :

« Je compte sur ça pour obtenir une bourse d'études, ce serait vraiment compliqué de refaire la demande. Si je n'obtiens pas cette bourse, tu n'auras pas de poisson à manger et pas de lait à boire, tu comprends ? »

Yan Tuo resta assis dans le creux de sa main, l'air hébété, et le fixa bêtement de ses yeux ronds.

Shi Jian, il connaissait ce nom. C'était le commandant suprême de la Fédération des Planètes Unies et son nom était synonyme de force et de pouvoir inégalés. En tant que prince de l'Empire qui était toujours en compétition et en opposition à la Fédération, Yan Tuo n'avait jamais vu en personne le général Shi Jian. De plus cet homme faisait en général profil bas. Yan Tuo n'avait vu qu'une fois son visage à la télévision.


À cette époque, l'autre homme portait un uniforme noir et était assis parmi un groupe de dignitaires importants de la Fédération. Il avait les yeux mi-clos et on pouvait sentir son aura calme et puissante même par le biais de l'écran.

À présent ce visage vu autrefois se superposait à celui du jeune homme qui était encore inexpérimenté.

Et si c'était...

Non, personne n'irait donner à son fils illégitime son propre nom, pas vrai ?

En combinant toutes ses observations précédentes, une idée ridicule mais plausible s'imposa dans l'esprit de Yan Tuo : après avoir bu le verre de vin empoisonné servi par son cousin, il n'était pas mort mais s'était réincarné en chat. Il avait été renvoyé quinze ans en arrière dans la Fédération et puis... il avait été recueilli par Shi Jian qui était encore à l'école militaire.



Notes du chapitre :
(1) Généralement ce sont les cheveux qui explosent quand une personne est embarrassée.






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