Partie 3 : L’origine
Chapitre 1
Inas avait dit dans la session précédente :
« Au départ, je ne repartais pas du 14 avril. En fait, je revenais dans le passé le 9 novembre 272. »
Dans ce cas, on devait être aujourd’hui le 9 Novembre de l’an de grâce 272. Le jour même où Inas avait rencontré Nigel pour la première fois quand il était arrivé au duché de Magnus.
« Sans doute parce que c’est le jour où ma vie a enfin trouvé son sens. »
Les paroles éhontées d’Inas qui étaient restées dans sa mémoire frappèrent le cœur de Nigel. À l’époque, il avait été simplement heureux de les entendre mais à présent, il avait des doutes.
Le visage de Kei lui susurrant des mots d’amour avec un visage rempli d’émotion apparut également dans son esprit. Cet adolescent qui n’éprouvait rien pour Nigel avait pu déclarer son amour comme si c’était vrai. Un ‘je t’aime’ n’avait donc aucune valeur…
Qu’indiquait le comportement d’Inas, hormis ses ‘je vous aime’ ?
Il s’était toujours montré gentil avec Nigel. Il lui était loyal et n’avait jamais levé la main sur lui, bien qu’il pourrait le tuer d’un seul geste.
En même temps, il l’avait pourtant transpercé de son épée et lui avait fait exploser la tête pour le tuer. Nigel se souvenait aussi vaguement d’avoir plusieurs fois entendu des paroles cruelles de sa part. En plus, Inas avait tué son grand frère. Au bout du compte, il s’était détourné de Nigel au moment où l’autre avait le plus besoin de lui.
On ne pouvait pas faire ça à la personne qu’on aimait.
« … »
Son esprit, autrefois enflammé par la chaleur de l’amour, se refroidit aussitôt. C’était comme s’il s’était imaginé tout seul cet amour. Et même si Inas l’aimait vraiment, Nigel ne pouvait pas supporter cette affection horriblement tordue. Comment accepter ce fou qui avait vécu une vie incroyablement longue ?
Nigel agrippa fortement les couvertures. Avant de régler le problème Inas, il avait quelque chose à faire.
Le temps était revenu en arrière. En cet instant, Etna se trouvait encore dans le cercueil à l’intérieur du Temple de l’Éternité.
Avec cette pensée en tête, Nigel bondit de son lit. Il devait aller récupérer son grand frère, ou au moins lui permettre de s’enfuir.
Un Etna ressuscité semblait certainement être une existence sinistre mais aux yeux de Nigel, cela n’avait pas semblé poser un si gros problème que ça. Etna avait eu assez de lucidité pour se retenir. Ce n’était pas comme s’il allait provoquer une catastrophe du jour au lendemain. Et même si ça arrivait… le temps reviendrait en arrière de toute manière.
Ayant pris sa décision, Nigel sortit du lit et se changea. Ce corps très petit et délicat lui semblait étranger. Nigel n’était pas en bonne santé une fois adulte, mais il était encore plus fragile étant petit. Il ne fut pas très rassuré en voyant ce corps tout frêle qui semblait n’avoir que la peau sur les os.
Pourrais-je grimper sur la montagne avec un corps pareil ?
Il n’y avait pas de sentier sur cette montagne. Même un Nigel adulte et en un peu meilleure forme avait été complètement épuisé et s’était dit qu’il ne pourrait plus jamais recommencer ça. Il n’y avait donc aucune chance pour que le Nigel actuel, petit et faible, puisse grimper sur la montagne.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
En songeant à comment faire, Nigel ouvrit la porte. Aussitôt, il croisa le regard du chevalier qui montait la garde dans le couloir.
« Ah. »
Ce fut alors qu’il se souvint. Le Nigel de douze ans n’avait guère apprécié la nouvelle de l’arrivée d’Inas. À force de supplier son père de le renvoyer, il avait été puni dans sa chambre.
Quand Nigel croisa son regard, le chevalier, qui semblait dans la trentaine, prit un air sévère.
« Jeune maître, vous devez rester dans votre chambre.
– Non, j’ai mal au ventre…
– Inutile d’inventer des excuses. Demi-tour. »
Les paroles de Nigel n’eurent aucun effet. Le chevalier le souleva dans ses bras et le reconduisit dans sa chambre, puis repartit dans le couloir.
« … »
C’était terriblement absurde. Pour le chevalier, Nigel était être un garçon de douze ans mais pour Nigel, il était un adulte et le duc de Magnus. C’était bien la première fois de sa vie qu’un chevalier ignorait ses ordres, le soulevait et le ramenait dans sa chambre… Quoique non.
Inas avait souvent l’habitude de faire ça avant.
Inas avait été comme le tuteur de Nigel jusqu’à ce que son père meurt et qu’il prenne la tête du duché. Étant donné la santé fragile de Nigel, Inas avait eu la permission du duc de faire passer son jugement avant les ordres de Nigel et il ne s’en était pas privé. Ce n’étaient pas des souvenirs très agréables dont se rappeler dans la situation actuelle.
Nigel rouvrit la porte.
« Jeune maître, le prévint tout de suite le garde.
– Je n’essaie pas de sortir. Je voudrais juste te demander quelque chose.
– Le duc a donné l’ordre de ne pas vous obéir si vous dites quelque chose d’étrange.
– Ce n’est pas du tout ça. Peux-tu me dire quel jour et quel mois nous sommes ?
– Nous sommes aujourd’hui le 9 Novembre, jeune maître. C’est le jour où mon seigneur le duc a dit qu’il amènerait un apprenti chevalier.
– Un apprenti chevalier…
– Oui, un apprenti chevalier. Ils doivent être déjà arrivés à l’heure qu’il est.
– Quoi ? » s’écria Nigel, choqué.
Il referma aussitôt la porte dans un claquement.
Non, il allait venir aussi vite ? Nigel avait pensé qu’il disposerait d’au moins un peu de temps pour se préparer mentalement. Il n’aurait jamais pensé qu’Inas arriverait si vite.
Je n’ai pas le courage de lui faire face tout de suite.
Oui, la sensation de poignarder Inas était encore bien nette au bout de ses doigts… Même si Inas n’avait jamais éprouvé le moindre regret et avait toujours fait face normalement à Nigel, ce dernier n’était pas comme ça.
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Au bout du compte, Nigel décida de s’enfuir. Même s’il grimpait la montagne et échouait en cours de route, ce serait toujours mieux que de ne pas tenter le coup.
Il connaissait le moindre coin et recoin du manoir ducal. Le Nigel de l’époque n’était pas encore censé connaître l’emplacement des passages secrets alors même s’il disparaissait, personne ne soupçonnerait qu’il avait emprunté un passage secret.
Nigel ouvrit la fenêtre. L’entrée du passage secret le plus proche se trouvait dans la chambre voisine. L’espace entre les balcons était assez grand, mais ce n’était pas impossible pour Nigel de le franchir.
Pourtant, il eut l’impression que les balcons étaient bien plus éloignés que dans ses souvenirs, mais… Une fois plus grand, il avait sauté sur cet autre balcon tous les soirs parce qu’Inas se trouvait dans la chambre voisine. Si Nigel était entré par la porte dans la chambre d’Inas, son père aurait été furieux qu’il dépende autant de son chevalier, alors Nigel entrait en douce par le balcon. Avec le recul, il se demandait pourtant si son père n’avait pas été au courant de ça.
Et maintenant qu’il y repensait, Inas n’avait jamais paru bien surpris de voir son maître arriver par le balcon. Est-ce qu’il se souvenait d’un Nigel qui avait sauté sur ce balcon des centaines de milliers de fois dans les autres vies ? Cela avait toujours été excitant pour Nigel, mais cela n’avait sans doute été qu’un jour normal dans la vie d’Inas.
Nigel ferma les yeux un moment, puis les rouvrit. Des souvenirs inutiles s’infiltraient dans son esprit. Il secoua la tête pour les en chasser, puis se concentra de nouveau sur l’autre balcon.
À l’âge de quinze ans, il avait trouvé ça facile à franchir mais pour un Nigel de douze ans, l’espace entre les balcons était plutôt large. Ce n’était pas non plus aussi insurmontable que ça. Sauf que quand Nigel essaya de sauter…
« Nigel ! »
Une vive exclamation retentit en-dessous. C’était la voix de son père qu’il n’avait plus entendue depuis bien longtemps. Paniqué, Nigel tenta de regarder en bas, mais sa pauvre coordination physique engendra un mauvais résultat : il glissa alors qu’il tentait de rester maintenu entre deux positions, sans sauter mais sans s’arrêter pour autant.
« Nigel ! »
La voix paniquée de son père s’éleva de nouveau. Nigel ferma les yeux et se prépara pour le choc imminent. S’il avait assez de chance, il tomberait dans un arbre et pourrait survivre à sa chute.
Mais juste à ce moment, un vent puissant et pas naturel poussa le corps de Nigel sur le côté, vers les pavés et non les arbres. Puis au lieu de l’impact de la chute par terre, il atterrit dans les bras de quelqu’un.
Il s’agissait des bras du père de Nigel : Luther, le duc actuel de Magnus.
Comme en transe, Nigel leva les yeux vers son père. Il était complètement abasourdi. Il pouvait sentir l’odeur d’huile et de fer utilisés pour nettoyer les épées et polir les armures émaner de son père. Les gros bras solides qui le serraient contre lui comme s’ils ne voulaient pas le lâcher étaient très chaleureux en cet instant.
« Nigel.
– Père…
– Quelle folie s’est emparée de toi, Nigel ?! Tu aurais pu te blesser ! » s’écria Luther d’un ton furieux.
Toutefois, sa voix tremblait terriblement, ce qui révélait une peur que n’aurait pas dû ressentir le prestigieux duc de Magnus, capable d’exterminer des montres à mains nues.
Dans les souvenirs de Nigel, son père avait été un duc respectable et en même temps, un père un peu strict. Mais si son père avait été sévère, c’était justement parce qu’il s’inquiétait énormément pour Nigel qui s’était subitement retrouvé héritier du duché, et non parce qu’il ne l’aimait pas. Nigel en avait bien eu conscience étant enfant, alors un Nigel adulte comprenait encore plus ça. Même s’il y avait eu évidemment plusieurs fois où il en avait voulu à son père en grandissant…
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Son père était mort à l’âge de soixante ans, alors que Nigel avait dix-neuf ans. Il était mort paisiblement dans son sommeil, ce qui était une bénédiction, mais cela avait trop soudain. Le souvenir d’avoir vu le cercueil de son père enfoui dans la terre était encore très vif dans son esprit. Son père était mort il y avait plusieurs années, tout comme son grand frère, Etna.
Mais contrairement à Etna, Luther était bel et bien vivant à ce moment du temps. Il était vivant et il apportait de la chaleur à Nigel.
L’émotion submergea Nigel et les larmes lui montèrent aux yeux.
Un Nigel adulte avait appris à ne pas pleurer pour tout et n’importe quoi. Malgré ça, les larmes se mirent à couler sur ses joues, comme si son corps juvénile ne suivait pas parfaitement l’esprit qu’il contenait.
« Pè-père.
– Nigel ?
– Bouh ouh…
– Ni-Nigel, pourquoi tu pleures ? »
Même petit, Nigel n’était pas un enfant qui pleurait facilement. Mais là, il s’était mis à pleurer à peine tombé, alors Luther le regarda d’un air paniqué. Alors qu’il se mettait à le bercer comme s’il s’occupait d’un bébé, il se sentit lui aussi envahi par la tristesse.
Nigel finit par éclater en sanglots. Après avoir pleuré, il se sentit un peu mieux intérieurement, mais sa respiration devint de plus en plus saccadée. Luther s’affola encore plus lorsque Nigel devint incapable de continuer à pleurer et haleta.
« On va rentrer pour le moment, Nigel. Une fois rentré…
– P-père. »
Alors que Nigel passa ses bras autour du cou de son père, il croisa le regard d’Inas par-dessus l’épaule de Luther.
Inas le regardait d’un air inexpressif, ses pensées insondables. Bien qu’il avait employé sa magie pour empêcher Nigel de heurter le sol dans sa chute, il faisait à présent comme s’il ne le connaissait pas. Il ne cherchait même pas à le toucher et arborait un air calme, comme si de rien n’était.
La vision du torse transpercé d’Etna rendit Nigel malade. Il serra les dents et désigna Inas du doigt.
« Père… Cet homme va tuer grand frère !
– … Nigel ? »
Surpris par ces paroles inattendues, Luther jeta un regard en arrière à Inas. Nigel acquiesça et s’accrocha frénétiquement à son père.
« Il va tuer grand frère qui n’est pas mort… Cet homme va tuer grand frère !
– Nigel ! » hurla Luther en serrant le garçon dans ses bras, perturbé.
Puis, ignorant Inas, il retourna directement dans la chambre de Nigel avec le garçon dans ses bras. Nigel l’entendit ordonner qu’on fasse venir le médecin.
Transporté dans son lit, Nigel perçut aussitôt plusieurs serviteurs entrer dans sa chambre. Une série d’actions fut exécutée de manière méthodique et ordonnée, comme brûler de l’encens qui était bon pour la stabilité émotionnelle et tirer les rideaux pour ajuster la luminosité.
Et le médecin qui était toujours en service au manoir examina Nigel. Fatigué d’avoir pleuré, le garçon tenta de retrouver son souffle et ferma tranquillement les yeux, se confiant aux mains du docteur.
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« Mon fils semble très malade. Il a dit qu’Etna allait se faire tuer. »
Le murmure perturbé de Luther parvint aux oreilles de Nigel.
« Son grand frère ? Qu’est-ce que cela veut dire…
– D’après le chevalier de garde dans le couloir, il a demandé quel jour on était aujourd’hui, puis il a claqué la porte. Qu’est-ce qui peut bien lui prendre ?
– Je n’en sais rien… C’est peut-être un cauchemar. Le seigneur Nigel est encore bien jeune, il a dû être vivement impressionné. »
Il n’y avait pas de remède contre la maladie mentale, alors il fut prescrit que Nigel devait se détendre l’esprit et laisser son corps se reposer. Il but un médicament et se mit à s’endormir progressivement.
« Pauvre Nigel. »
Il sentit son père passer une main sur son front alors qu’il était en train de piquer du nez. La main de cet homme qui avait passé sa vie à tenir une épée était très rugueuse, mais en même temps très tendre.
« Repose-toi un peu. Je te donnerai tout ce que tu veux, d’une manière ou d’une autre. »
Nigel resta immobile, incapable de répondre.
Il était désolé pour son père qui avait dû subir un grand choc mais s’il avait fait ça, c’était pour éviter que son père essaie tout de suite d’attacher Inas à son service. Il restait toujours la possibilité qu’Inas agisse de son côté mais en se basant sur son expérience jusque là, Nigel estimait que la possibilité qu’Inas passe subitement à l’action était très faible.
Avec un peu de chance, Inas n’essayerait pas non plus de tuer le père de Nigel, qui était bien vivant. S’il essayait un tant soit peu de tuer Luther, Nigel était bien déterminé à ne plus jamais lui adresser la parole de toute sa vie, quoi que leur réserve le futur.
Bien entendu, même si Nigel avait réussi pour le moment à empêcher Inas d’entrer à son service, il était impossible de l’empêcher de venir le voir.
Et sans surprise, la nuit même, Inas rendit secrètement visite à Nigel.
Note de Karura : Alors, que pensez-vous de cette escapade dans le passé (une partie inédite dans le webtoon, je tiens à préciser !) ? Un petit Nigel trop chou avec un Inas adolescent, ça va être mignon comme tout !
Bon, les deux tourtereaux sont en froid pour l’instant, mais peut-être vont-ils se réconcilier dans le prochain chapitre ! Rien de tel qu’une visite nocturne !
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