Chapitre 6
Nigel fit un rêve.
Ce rêve débuta avec cette fenêtre, comme pour l’avertir de ne pas se détourner de la vérité.
Dans son rêve, Inas était toujours très occupé. Il était clairement le chevalier de Nigel, mais il allait et venait à sa guise, ignorant les ordres de Nigel.
Ce dernier, qui était laissé pour compte, finit par se fâcher et convoquer Inas. Il lui fit d’un ton sévère :
« Tu es mon chevalier, alors pourquoi tu ne m’obéis pas ? Je t’ordonne de me dire ce que tu fais ! »
La réponse d’Inas fut choquante.
« Ne me parle pas, sale petit con de demi-duc, et reste tranquille.
– Comment oses-tu ?
– Pourrais-tu être duc sans moi ? Tu n’es même pas capable d’accomplir le devoir d’un duc de Magnus. »
Le visage de Nigel devint tout rouge devant ces paroles impitoyables, comme s’il allait brûler.
Le devoir principal d’un duc de Magnus était d’empêcher l’invasion des monstres en provenance d’Intusnica. Comme Nigel était incapable de se rendre sur le front à cause de son corps fragile, il avait envoyé Inas à sa place.
Si son interlocuteur avait été un autre qu’Inas, il aurait pu répliquer.
Mais il ne pouvait rien redire contre Inas, qui avait été vendu à la famille du duc pour servir Nigel et vivre dans son ombre, alors qu’il aurait pu obtenir plus de gloire et de fortune.
« Je n’ai pas de temps à perdre avec un minable comme toi.
– Inas Idenbach !
– Occupe-toi de faire ton travail tranquillement et reste dans ton coin. Ne viens pas me déranger. »
Alors que Nigel se figeait face au comportement des plus insultants, Inas le dépassa avec un regard froid et méprisant.
Quand le rêve désagréable de Nigel prit fin, son esprit fut contraint de se réveiller.
Son corps pesait des tonnes. Son esprit était également comme du coton mouillé. Nigel fut pris de l’envie de ne pas ouvrir les yeux et de rester endormi pour toujours. Mais bien sûr, il ne pouvait pas faire ça.
Il tenta de soulever ses paupières, mais ce ne fut pas simple. Alors que ses yeux papillonnèrent plusieurs fois, il entendit une voix rauque l’appeler à côté.
Dès qu’il parvint à ouvrir les yeux avec du mal, il aperçut son père, qui avait l’air d’un mendiant. Sa barbe, qu’il entretenait toujours soigneusement, était toute emmêlée et il avait des cernes noires sous les yeux. Nigel fut très surpris de voir Luther dans un tel état, à tel point qu’il ne savait pas s’il devait en rire ou en pleurer.
« P-papa ? »
Sa gorge était sèche et serrée. Quand il appela Luther d’une voix éraillée, ce dernier le prit aussitôt dans ses bras, ému. Il le serra très fort, comme s’il ne voulait plus jamais le laisser partir.
Dans les bras de son père, Nigel ignorait la situation et roula des yeux. Il ne pouvait rien voir, niché dans la solide étreinte.
Quand il tapa sur l’épaule de son père de sa petite main, quelqu’un à côté de Luther lui indiqua qu’il risquait d’étouffer son fils comme ça. Ce ne fut qu’à ce moment que Luther renifla et desserra son étreinte. Nigel avait encore le large torse de son père qui obstruait son champ de vision, alors il ne pouvait rien voir autour.
« Ça fait une semaine que tu n’avais pas repris connaissance, Nigel.
– Jeune seigneur Nigel, vous vous rappelez de ce qui s’est passé quand vous avez reçu la révélation ? »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Avant que Nigel n’ait eu le temps de comprendre et accepter ce que venait de dire Luther, un prêtre s’était empressé de lui poser cette question. Luther jeta un regard noir à cet homme et serra de nouveau Nigel contre lui.
« Ne dites pas des choses aussi perturbantes à un enfant malade !
– Mais seigneur Magnus, il s’agit d’une révélation divine ! La première en mille ans. Dieu a certainement quelque chose à nous dire, alors le seigneur Nigel… »
En entendant cette agitation, Nigel comprit en gros la situation. Apparemment, ce qu’avait fait Glarus avait engendré une sacré commotion.
Une révélation divine. Pour Nigel, qui était à la base athée et qui n’avait guère apprécié l’attitude de Dieu, c’était juste pénible. Mais pour ceux qui croyaient de tout leur cœur en Dieu, c’était véritablement un miracle glorieux. En tenant compte de l’influence de Glarus, l’unique dieu du continent, et de son temple, les répercussions étaient forcément énormes.
Naturellement, les gens du temple allaient tout faire pour attirer Nigel de leur côté. Sauf que Luther n’avait aucunement l’intention d’envoyer au temple son unique hériter qui était malade de surcroît…
Si cela avait été un adversaire ordinaire, le temple aurait utilisé des moyens de pression et de menace, mais il s’agissait du duc de Magnus. Non seulement les ducs de Magnus protégeaient tout le continent, mais cela faisait aussi des générations qu’ils combattaient contre le dieu maléfique Ederta et le dragon de lumière Odelarth. Il devait donc y avoir une sacré lutte pour décider de l’avenir de Nigel.
Cette situation ne laissait pas beaucoup de choix. Fort heureusement, ce ne serait pas bien difficile de s’en sortir pour le moment. Nigel repoussa son père d’une main mais au lieu de céder à la faible force de son fils, Luther secoua la tête, les sourcils froncés.
« Nigel.
– Papa, c’est bon, » fit Nigel en le regardant dans les yeux.
Luther grommela et se retira docilement sous le regard adulte de son fils, qu’il trouvait en général immature.
Il avait dit qu’une semaine s’était écoulée. Des prêtres et des paladins étaient venus en masse non seulement du temple de Montstein, mais aussi d’autres lieux. Nigel sourit, songeant que son père avait dû en voir de toutes les couleurs.
On racontait partout que le second fils du duc de Magnus était faible et maladif. Il n’était absolument pas qualifié pour devenir le prochain duc. Il n’était pas fait pour se tenir au-dessus des autres.
Nigel avait entendu tous ces ragots sur lui depuis tout petit, mais il avait surmonté de nombreuses difficultés et était arrivé à la position de duc de Magnus. Bien sûr, il n’avait encore que vingt-trois ans mais cela n’avait aucun rapport avec son âge : sa position lui avait été acquise à moitié grâce à Luther et Inas, mais l’autre moitié venait des efforts de Nigel. Alors il n’aurait pas trop de mal à se sortir d’une telle situation.
« J’ai entendu la voix du divin Glarus. »
Un silence tendu se fit autour de lui. Nigel tâcha de ne pas parler de manière trop articulée et jeta un autre coup d’œil au texte affiché sur la fenêtre qui venait d’apparaître.
Fausse révélation |
Vous pouvez faire passer vos paroles pour une révélation de Glarus et en informer les gens autour de vous. L’effet varie selon la foi de l’autre personne. Toutefois, si vous en servez et que vous en abusez dans des situations trop déraisonnables, l’effet peut diminuer. |
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Il devait encore la tester pour en savoir plus mais pour résumer, il pouvait s’en servir dans certaines situations. S’il disait des choses modérément plausibles, cela fonctionnerait très bien pour les prêtres à la foi solide qui se trouvaient devant lui.
« Le divin Glarus m’a donné le pouvoir de connaître l’avenir.
– Le don de voyance… ! »
Des murmures s’élevèrent tout autour. Nigel tourna la tête et saisit la main de son père, feignant la nervosité.
« Je ne peux pas tout savoir… Il a dit que si je suis un chemin qui me plaît, alors je serai naturellement capable d’entrapercevoir l’avenir. »
Alors n’essayez pas de m’emmener de force au temple !
Avec cette pensée à l’esprit, Nigel se nicha dans les bras de son père, comme s’il ne voulait pas en dire davantage. Mais il montra ainsi clairement ce qui lui plaisait.
« Je n’en sais pas plus pour le moment, mais… si quelque chose me revient, je le ferai tout de suite savoir au temple, » ajouta Nigel en observant les réactions.
Cela devrait faire l’affaire. En fait, Nigel n’avait pas du tout le don de voir l’avenir mais il se rappelait du futur jusqu’à l’année 283. Il n’aurait qu’à révéler un événement majeur. Et même si le futur était ainsi modifié, il pourrait toujours dire que ça avait changé afin de brouiller son don de voyance.
C’était une arnaque colossale, mais Nigel avait aussi une carte à jouer en cas de nécessité : la réinitialisation. Bien entendu, il allait essayer de vivre le plus possible cette vie au lieu de revenir en arrière.
Luther, qui avait observé tout ça, murmura à Nigel avec circonspection :
« Tu veux rentrer à la maison ? »
Il ne parla pas très fort, mais sa voix se fit entendre. Nigel sourit et hocha la tête.
« Oui, je veux rentrer très vite.
– Alors nous y allons. Je suppose, messieurs, que vous n’avez rien contre ça ? »
Luther avait rapidement pris l’avantage. À cause de la partie ‘le chemin qui plaît à Nigel’, le grand prêtre ne put qu’acquiescer, l’air amer.
Mais bien entendu, il était hors de question que le temple renonce au messager de Dieu. Même s’ils ne pouvaient pas le forcer à venir, ils allaient tenter de prendre contact avec lui et de l’amadouer. Même s’il devenait le prochain duc, il devrait bien continuer à entretenir des relations proches avec le temple. Ce n’était donc qu’une question de temps.
Luther transporta Nigel dans le carrosse sans dire un mot. Il soupira dès qu’ils s’éloignèrent du temple. Après une rude semaine, son père semblait avoir vieilli de dix ans.
« Papa.
– Tu vas bien, Nigel ?
– Oui, ça va.
– Je suis content que tu ailles mieux, mais… Le messager de Dieu, c’est quoi encore cette histoire ? »
Tout à fait. La situation était étrangement tordue, tout ça à cause de la volonté arbitraire de Dieu. Dans la session précédente, il avait fait en sorte que Nigel s’enfuie du manoir ducal et là, il faisait de lui le messager de Dieu.
Depuis que Nigel avait été tué des mains de l’homme qu’il aimait à sens unique et qu’il avait commencé à revenir dans le passé, sa vie plutôt ennuyeuse avait changé de manière bien radicale.
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« Ma foi, je… Ce n’est peut-être pas plus mal, fit Luther en soupirant et en regardant son fils qui arborait un air ignorant. Peut-être qu’il vaut mieux que tu deviennes prêtre plutôt que duc.
– … Ah ? »
Comment ça, mieux ? Nigel cligna des yeux, ne comprenant pas tout de suite le sens de ses paroles. Luther contempla son fils cadet, qui était si pitoyable, et son regard s’adoucit.
« Tu n’as jamais voulu devenir duc non plus, n’est-ce pas ? Pour être honnête, la position de duc serait bien trop lourde pour toi. Tu ne peux pas devenir un vrai duc…
– Oh… »
L’esprit de Nigel connut un moment de blanc suite à ces paroles imprévues.
« Je ne dis pas que tu dois aller au temple. Ce ne serait pas possible pour toi de mener la vie simple des prêtres, vu que tu as toujours vécu dans le luxe. Cependant, tu peux toujours continuer à être l’héritier en apparence tout en maintenant des liens avec le temple. Ce n’est pas un problème de garder ton identité vague.
– Mais alors, le duché…
– Ne t’en fais pas pour ça. Je trouverai un successeur dans notre famille, alors tu n’as pas à te faire de souci. »
Nigel ouvrit la bouche stupidement. Comme il ne savait pas quoi dire, il se contenta de cligner des yeux.
C’était clairement une position qu’il n’avait jamais voulue au départ. Cependant, cela faisait onze ans qu’il avait changé d’avis et qu’il avait travaillé dur pour le duché.
Nigel savait parfaitement qu’il ne serait jamais un parfait duc de Magnus, mais il avait fait de son mieux et il estimait qu’il méritait ce titre.
Dire que son père, de qui il tenait cette position pour laquelle il s’était donné tant de mal, venait de dire que depuis le début, il ne pouvait pas devenir un vrai duc.
« Ne me parle pas, sale petit con de demi-duc, et reste tranquille. »
Pourquoi avait-il fallu qu’il entende ces paroles juste après avoir rêvé de ce souvenir désagréable ? Tout la fierté qu’il avait bâtie en tant que duc s’effondra d’un coup. L’estime de Nigel avait été mise à mal par ce qu’avaient dit les deux personnes les plus importantes au monde pour lui.
« Nigel ?
– Non, rien… »
Du point de vue de son père, il avait dit ça dans l’intérêt de Nigel. Tout en tâchant de ne pas lui en vouloir, Nigel se pressa dans les bras de son père.
Quand il arriva au manoir, Nigel dut subir les attentions du médecin qui l’examina, puis de ses serviteurs. Il finit par prétexter la fatigue pour se retirer dans sa chambre.
Une fois laissé seul, il se cacha sous la couverture.
Ce n’était pas plus mal, d’un côté. À quel point Luther avait-il dû lutter pour permettre au frêle Nigel d’hériter du duché ? Et Inas avait eu beau jurer allégeance à Nigel, cela ne représentait qu’une moitié de pouvoir.
De plus, Glarus avait affirmé qu’il allait ressusciter Etna. Si son grand frère revenait, Nigel n’aurait plus à devenir duc de toute manière. Cela n’avait donc aucune importance. Il n’avait pas besoin de déprimer à ce sujet.
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Puis tout à coup, il entendit la voix d’Inas :
« Nigel. »
Il voulait rester seul, mais ce type capable de visiter sa chambre toutes les nuits n’avait sans doute pas songé à ça.
Nigel fit semblant de dormir, mais il ne pouvait pas tromper un chevalier capable de repérer ses adversaires rien qu’avec leur respiration ou leurs bruits de pas. Les pas d’Inas se rapprochèrent et la couverture qui protégeait le corps de Nigel disparut. Inas passa ses bras autour de Nigel qui était recroquevillé sur lui-même, puis le souleva. Ce fut alors qu’Inas s’arrêta net, comme une machine brisée.
« Nigel.
– … »
Nigel détourna la tête. Peu importait que ce corps n’avait que douze ans, l’âme à l’intérieur avait vingt-trois ans. La pire chose qui pouvait arriver, c’était de se faire surprendre en train de pleurer dans son coin. Il aurait préféré qu’Inas fasse comme si de rien n’était.
« Qui vous a fait pleurer ? »
La voix d’Inas résonna de manière insidieuse, comme s’il était prêt à égorger celui qui avait osé déclencher les larmes qui coulaient des yeux de Nigel.
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