Chapitre 22
Le jeune homme à l’intérieur était Harold, le valet que Nigel avait fait renvoyer.
Au départ, Inas l’avait endormi avec un sort. S’il l’avait laissé en place, il aurait pu garder Harold en sommeil jusqu’à la fin de cette session. Malheureusement, comme Nigel lui avait interdit d’utiliser son pouvoir, Inas avait aussi interrompu le sort jeté sur le valet. Ce dernier devait donc être réveillé depuis la nuit dernière quand le sort avait été rompu. Il devait être sacrément confus.
Contrairement à Inas qui semblait insouciant, Harold était très pâle.
Inas était apparu devant lui le soir où Harold avait été renvoyé et chassé du manoir. Harold était naturellement devenu furieux en voyant cet Inas Idenbach devant lui car il estimait que tout avait empiré pour aboutir à ce bordel à cause de lui. Depuis qu’il était arrivé, le jeune seigneur Nigel s’était comporté de plus en plus bizarrement.
Pour commencer, ce n’était pas normal que Nigel soit venu près des quartiers des domestiques. L’ancien Nigel n’aurait jamais fait une chose pareille. Ce devait donc être ce type qui lui avait glissé un ou deux mots à l’oreille, ce qui avait conduit au renvoi de Harold. De colère, il avait saisi Inas par le col, mais ce fut alors que le décor avait changé.
Tombant seul, Harold s’était tout de suite endormi et venait à peine de se réveiller. Il ignorait combien de temps s’était écoulé et n’avait aucune conscience d’avoir dormi aussi longtemps. Il était juste furieux à l’idée de s’être fait avoir.
« Espèce d’enfoiré ! » jura Harold en serrant les dents et en lui jetant un caillou.
Il avait dû entendre dire que son adversaire était un prodige à l’épée, car il se montra prudent et ne se jeta pas directement sur lui, comme il l’aurait fait avec n’importe quel gamin de seize ans.
« Je suis content que tu te sois fait renvoyer, » rit Inas en esquivant l’attaque sans se donner de mal.
Nigel lui avait clairement demandé de ne tuer personne au manoir. Mais Harold ne faisait plus partie du manoir depuis qu’il avait été renvoyé. Le tuer ne serait donc pas désobéir aux ordres de Nigel.
Inas se rapprocha lentement. Nigel lui avait dit d’employer seulement la force qu’il lui connaissait, mais c’était une contrainte peu efficace. Même si ses stats étaient limitées à son niveau de seize ans, il avait accumulé une expérience colossale au fil des innombrables sessions. Ce n’était pas quelque chose qu’on pouvait limiter avec de simples nombres.
Inas était confiant dans le fait qu’il ne serait pas vaincu aisément avec sa puissance limitée, même s’il devait faire face à tous les chevaliers. En d’autres mots, ce ne serait pas bien difficile pour lui de tuer un simple domestique.
« Que, qu’est-ce, qu’est-ce que tu… Aaah ! »
Harold, qui tentait de s’enfuir d’une manière ou d’une autre, fut frappé par un poing puissant et s’étala par terre. Le choc fut si violent qu’il perdit une dent. Bien qu’il n’avait pas encore repris tous ses esprits, Harold tenta inconsciemment de se protéger la tête. Inas contempla de ses yeux glaciaux le jeune homme dans un tel état.
« Je me suis demandé si je devais te tuer ou pas, fit-il.
– Quoi ?
– Ce serait mieux de te tuer. Je préfère ne pas laisser trois variables, tu ne crois pas ? En fait, si je ne devais tuer qu’une personne, ce serait Etna. »
Sa façon nonchalante de parler filait la chair-de-poule. Harold trembla et contempla Inas avec horreur :
« Quelle, quelle folie tu racontes… Comment tu veux tuer quelqu’un qui est déjà mort ? Qu’est-ce que tu veux de moi ?!
– Est-ce que Nigel aime vraiment autant Etna ? Comparé à moi, il n’est rien. »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
La raison pour laquelle Glarus avait ressuscité Etna était clairement pour inquiéter Nigel. Ce dernier semblait se faire du souci à cause de l’épée étrange d’Etna, mais cela n’inquiétait pas du tout Inas.
Qu’est-ce que Glarus gagnait à provoquer ainsi Nigel ? Voilà plutôt ce qui inquiétait Inas.
C’était à cause de Nigel que le dieu avait ramené Etna à la vie. Il ne pouvait pas y avoir d’autre raison. Mais qu’est-ce que Nigel pensait à présent de la résurrection de son grand frère ?
Inas était curieux, mais tout ne s’était pas passé comme prévu.
Il avait bien du mal à comprendre Nigel. La manière de penser des autres personnes pouvait être appréhendée rien qu’en considérant des bribes de situations. Dans le cas de Nigel, même s’il prenait en considération tout ce qu’il avait dit et fait, il pouvait faire au moins des dizaines de prédictions pour la moindre action la plus simple, ce qui compliquait les choses. Inas songeait à tellement de schémas passés qu’il finissait par se perdre et se noyer dedans.
Récemment, Nigel était devenu particulièrement imprévisible. Depuis qu’il se souvenait du passé, il rebondissait souvent dans des directions qu’Inas n’aurait jamais pu imaginer. Bien entendu, cela le rendait adorable, mais aussi difficile.
Tout en songeant ainsi, Inas abattit sa hache sur la jambe de Harold qui tentait de fuir en rampant. Il n’y avait même pas de tranchant, pourtant le jeune homme hurla comme un cochon qu’on égorgeait. Inas haussa les épaules.
« C’est toujours si compliqué. Si seulement Nigel était aussi facile à comprendre que toi.
– Ah, aaaaah… Put-putain de cinglé ! »
Inas donna un coup de pied à Harold qui l’insultait. Le corps du jeune homme fut projeté dans un coin de la pièce. Inas le suivit et lui fila un autre coup de poing.
Parfois, ça lui faisait du bien de tuer, de voir du sang, d’entendre des cris et des supplications. Mais là, contrairement à d’habitude, il ne se sentait pas mieux. Au lieu de ça, des pensées moroses continuèrent de jaillir en lui alors qu’il fixait le visage de sa victime. Inas cessa de le frapper et le souleva par le col.
« Etna ou moi. S’il devait choisir entre nous deux, est-ce que le seigneur Nigel choisirait à nouveau Etna ?
– …
– Si tu réponds, tu pourras rester en vie un peu plus longtemps, » murmura-t’il doucement.
Harold frémit. Puis il ouvrit la bouche, un air de terreur sur le visage.
« Son, son grand frère. Bien sûr que son grand frère est plus important pour lui que toi, » répondit-il en serrant les dents.
Malgré la situation, il donnait une telle réponse, sans doute par fierté.
Inas pencha la tête sur le côté, comme s’il ne comprenait pas le sens de ce qu’il disait.
« J’ai déjà été son grand frère une fois, mais il n’a pas vraiment apprécié. Bien sûr, c’est peut-être parce que je lui ai volé sa place. Puis il a voulu m’empoisonner, alors même que nous étions frères, » marmonna Inas.
Pour finir, j’ai dû l’enfermer.
Pour quelqu’un qui ignorait ce qui se passait, Inas avait vraiment l’air d’un fou. Harold sourit sous l’effet du désespoir.
« Tu es… vraiment cinglé…
– …
– Un grand frère, c’est son propre sang… Etna est de son sang. Tu ne gagneras jamais contre lui. »
Une lueur défila dans les yeux d’Inas. La main qui tenait le col de Harold enserra son cou. Ses bras fins soulevèrent sans effort le jeune homme et ses muscles étaient si tendus que des veines ressortaient sur sa main.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
« Je n’aime pas ça. Je le tue pour lui mais lui, il n’arrête pas de se mettre en colère et refuse de me faire confiance. Il est pourtant censé m’aimer, » marmonna rapidement Inas.
Seules ses lèvres s’ouvraient et se refermaient sur son visage inexpressif.
Dans la vie précédente, Nigel avait choisi Etna qui était pourtant mort. Il avait pleuré jusqu’à ce que le cadavre disparaisse, puis avait plongé son épée dans le corps d’Inas. Cela n’avait pas dérangé Inas de sentir la lame s’enfoncer dans sa chair. La seule chose qui avait fait mal, c’était le regard de Nigel qui avait clairement abandonné Inas.
Le pire cette fois, c’était qu’Etna était vraiment en vie. Alors naturellement, Nigel n’allait-il pas de nouveau choisir son grand frère plutôt que lui ?
Inas se sentait suffoquer. Les liens du sang, ce n’était rien face à des dizaines de milliers de régressions. D’un côté, il était furieux et outré. Il voulait raser le duché de Magnus sur-le-champ pour faire sien Nigel. Il l’avait déjà fait plusieurs fois par le passé, alors ce ne serait pas si difficile, sauf que…
La main d’Inas qui tenait Harold se relâcha. Le corps flasque tomba par terre, sans la moindre force.
Même s’il était énervé au point de vouloir tout abandonner, il devait faire ce qu’il avait à faire. Inas sortit quelques bijoux de son col. Parmi eux se trouvaient des objets appartenant à feue la duchesse et que Luther avait légués à Nigel.
Comme il s’agissait de précieux souvenirs, Nigel les avait soigneusement cachés là où personne ne pouvait les voir, excepté Inas, son chevalier d’escorte qui ne lâchait pratiquement jamais Nigel d’une semelle. C’était une cachette que même un valet personnel comme Harold ne pouvait pas connaître. Bien entendu, de tels petits détails n’avaient aucune importance.
Inas posa les bijoux dans le col de Harold, comme s’il les avait volés. Face à la preuve flagrante des bijoux retrouvés sur lui, les gens ne pourraient que soupçonner Harold, comme toujours. Les mouvements d’Inas furent rapides et sûrs pour cette tâche familière. S’il balançait le cadavre dans la montagne, les monstres le rongeraient et un jour, que ce soit des chasseurs ou des mercenaires, quelqu’un finirait par trouver les bijoux et les apporteraient dans une maison de vente aux enchères.
C’était si familier que ça en devenait lassant.
Portant le corps de Harold comme un sac sur son épaule, Inas se perdit de nouveau dans ses pensées tandis qu’il s’enfonçait dans le passage conduisant à la chaîne de montagne où rôdaient plusieurs monstres. Mais il ne devait pas trop s’attarder sur ces pensées.
Sa tête lui faisait mal comme si elle allait se fendre en deux.
Il avait perdu l’esprit plusieurs fois et s’était déchaîné. Cependant, suffisamment de temps avait passé pour qu’il soit fou sans perdre totalement la raison. Cela n’aurait-il pas été plus facile s’il était fou au point d’en perdre la raison ? Alors il aurait été capable de s’emparer complètement de Nigel sans penser à rien.
« Nigel… »
Nigel était un phare pour Inas. Comme cette étoile dans le ciel dont la position ne changeait jamais et qui permettait aux gens perdus de retrouver leur chemin. Au cours de ces innombrables vies répétées, Nigel avait été la seule constante qui l’avait maintenu en place.
Alors même si Inas devait répéter le même nombre de régressions, il ne renoncerait pas à Nigel.
Quel serait le mieux à faire dans cette situation ? La bonne réponse était d’éliminer tous les facteurs de risques. Mais il était bien trop limité pour y arriver.
« Même si je me rends bien compte que ça va mal se finir… »
C’était uniquement à cause de Nigel qu’il se retrouvait les pieds et les mains liés. Au début, il était heureux que Nigel lui donne des ordres mais à cause de ça, la situation n’avait fait que dégénérer au fur et à mesure.
« Je devrais tuer au moins Etna ou Danil. »
Sur les trois, c’était Harold qui avait été tué, sauf qu’Inas aurait préféré que Harold reste en vie et que ce soit Danil qui soit mort. Il aurait dû tuer Danil depuis le début. Il avait laissé Nigel faire parce qu’il le trouvait adorable et qu’il s’en sortait assez bien, mais c’était devenu gênant.
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Tout cela était le travail minimal de préparation pour passer une session tranquille. C’était comme un jeu d’élevage où on commençait par augmenter un minimum la force physique pour que l’animal ne tombe pas malade, ou bien dans un RPG, quand on arrivait en ville pour acheter des équipements, qu’on vainquait les nouveaux ennemis, puis qu’on repartait.
C’était la tâche de se débarrasser de tout ce qui pouvait nuire à Nigel.
« Je ne dois pas le tuer… »
Il devait supporter ce pus évident en lui. Il mourait pourtant d’envie de le faire couler. En même temps, quelque chose d’invisible grouillait sous sa peau, le démangeant.
Le Inas d’autrefois se serait gratté en un tel moment. Il aurait gratté avec ses doigts, quitte à s’arracher les ongles, et aurait même pris son épée.
« Inas, que diable t’arrive-t’il ? Ne fais pas ça, ne te fais pas de mal ! »
Chaque fois que cela se produisait, Nigel pleurait si fort que ses deux joues finissaient trempées de larmes. Même si Nigel tentait de l’arrêter, Inas ne pouvait pas renoncer aisément. Cette manie avait complètement disparu après des dizaines de répétitions, quand il s’était lassé même de se gratter.
Après tout, tout cela allait se résoudre avec le temps ou bien virer à la catastrophe.
Par conséquent, Inas n’avait plus vraiment de but spécifique. Après avoir accompli ce qu’il avait pensé être une tâche qu’il désirait faire depuis très longtemps, à environ quatre mille répétitions de là, il n’avait vraiment plus aucun but.
Cela allait aussi s’arranger d’une manière ou d’une autre cette fois. Ou peut-être pas… Cela pourrait être intéressant de laisser les choses suivre leur cours. Si la répétition se poursuivait, Nigel allait peut-être découvrir la vérité un jour, ce qui serait pour le mieux.
« Si cela arrive, alors tu sauras tout. »
Un désir vil s’éleva en lui. Ce que voulait Inas était la même chose qu’il avait toujours voulue depuis la toute première session jusqu’à celle-ci.
« Nigel. »
Tu me manques. J’ai envie de t’embrasser. J’ai envie de te prendre dans mes bras.

Et parfois, j’ai vraiment envie d’étrangler ton cou si fin.
Assoiffé mais incapable de succomber à son désir, Inas pressa le pas. S’il faisait assez vite, il arriverait peut-être à voir le visage de Nigel une fois de plus avant d’aller se coucher.
Note de Karura : Obsession, quand tu nous tiens !
Bon, cette partie était assez longue, à tel point que je l’ai traduite en deux fois, contrairement aux autres. On reste encore dans le passé pour la suite !
Quelle est cette vérité qu’Inas tient tant à cacher à Nigel ? Vous le saurez bientôt ~
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