Chapitre 21

« Au fait, Glarus n’a pas été furieux que tu tues son dragon des mers ? »

Même si la relation entre le dieu et le dragon n’était sûrement pas aussi solide que celle entre Nigel et Inas, ils devaient tout de même être assez proches. Nigel s’inquiétait du fait que Glarus avait été encore plus furieux envers Inas parce que ce dernier avait tué son dragon juste pour le pêcher et le manger. Si on y regardait de plus près, Inas avait vraiment le don d’énerver les gens… Pourtant, l’adolescent haussa les épaules comme si tout cela n’était pas bien grave.

« Ce n’est pas un problème.

– Mais…

– Nigel, ne vous en faites pas trop au sujet de Glarus. N’en avez-vous pas parlé avec le seigneur Etna ce matin ? Il est inutile de trop s’inquiéter. Bien entendu, il ne faut pas non plus totalement baisser sa garde, mais… »

Inas prit la main de Nigel et déposa un léger baiser sur le dos, comme quand il avait fait le serment d’être son chevalier.

« N’ayez crainte. Je vous protégerai et j’empêcherai Glarus de vous faire du mal. »

Je n’ai pas dit que tu n’étais pas capable de me protéger… J’ai juste peur que tu finisses blessé.

Nigel ravala les paroles qui lui montaient aux lèvres et hocha la tête. Quand il regardait dans les yeux aussi solennels d’Inas, il avait envie d’écouter et de croire tout ce que l’autre lui disait. Inas sourit et baissa gentiment la main du garçon.

« Et aussi, Nigel, il y a une chose très importante pour laquelle j’aimerais l’aide du seigneur Nigel.

– Laquelle ?

– Ça a un rapport avec Schumach. Vous en avez bien parlé à Luther, n’est-ce pas ?

– Oui, en effet. »

Nigel tressaillit involontairement. Il se sentait coupable pour pas mal de choses… Toutefois, Inas gardait un air calme comme s’il ne se souciait guère de cet homme qu’il avait tué la dernière fois.

« Vous n’avez pas à vous en faire. Je n’ai pas l’intention de tuer Schumach dans cette session.

– C’est aussi ce que tu avais dit la dernière fois, pourtant tu l’as tué…

– Non, vraiment, je suis même pour le fait que vous vous rencontriez très tôt. Si Schumach voit le seigneur Nigel avant que ce dernier n’ait dix-sept ans, il ne risquera pas alors de planter le moindre drapeau de relation avec vous.

– Vraiment ? »

Voilà qui faisait plaisir à entendre. Bon, il fallait dire que Schumach avait bien quinze de plus que Nigel. Quand Schumach le rencontrait en tant qu’adulte, la différence d’âge n’était pas si visible, alors que s’il le voyait en tant que gamin de douze ans, ce serait très difficile de le considérer comme un partenaire romantique. Bien entendu, il y avait toujours des gens méprisables, mais pas Schumach, qui avait plutôt une personnalité des plus honnêtes.

« Alors tu me dis de le rencontrer en avance ?

– Oui, et ce n’est pas juste à cause du drapeau. Il y a une route que je n’ai encore jamais essayée d’emprunter jusque là parce que je n’ai jamais pu l’initialiser. Je pense que le seigneur Nigel pourrait le faire.

– De quoi s’agit-il ?

– De la route où Schumach n’est pas tenté par l’épée de Glarus.

– Tu n’as jamais réussi à obtenir ça ?

– Non, pas une seule fois. »

Voilà qui était assez surprenant. Si on voulait accomplir des Réussites avec diverses actions, cela aurait dû être la première chose à laquelle on pensait. C’était assez courant dans les histoires que le méchant finisse par devenir gentil. Inas n’avait pourtant pas réussi à détourner Schumach de son obsession alors qu’il avait pu fabriquer une canne à pêche spéciale pour Lucimus, le dragon des mers, sans savoir si cela allait fonctionner ou pas. C’est vraiment dur à croire.

« Dès le départ, Schumach subit plusieurs coups durs et à cause de sa souffrance, il succombe à la tentation, commenta Inas.

– Ce pourrait être un peu comme la chance du personnage principal ? »

Nigel se rappela de Kei, qui pouvait résoudre facilement les problèmes quoi qu’il arrive. Si le personnage principal avait droit à un destin particulier, alors c’était normal de penser que le boss de fin, son plus grand ennemi, avait aussi droit à un destin tout tracé.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Inas hocha la tête.

« Oui, c’est une manière de voir les choses.

– Tu penses que moi, je pourrais le faire ?

– Ce n’est pas dans mon intention de vous mettre la pression. Mais Schumach et moi, ça n’a pas fonctionné parce que nous ne nous entendons pas du tout. Au contraire, je pense que ce serait possible avec le seigneur Nigel, voilà pourquoi je vous en parle.

– Hé bien, je ne vous vois certainement pas capables de bien vous entendre. »

Inas avait perdu la raison à force de revenir sans cesse dans le temps, tandis que Schumach était une tête de mule. Personne n’irait voir ça comme la combinaison parfaite.

« Oui, approuva Inas. Ce serait bien si le seigneur Nigel le gardait à ses côtés pour le surveiller. Même si ça ne donne rien, je pense pouvoir accomplir le nombre requis de Réussites, mais… Quand il s’agit d’une Réussite spéciale qu’on n’a encore jamais pu accomplir avant, il peut y avoir une plus grande récompense. »

C’était donc une lourde responsabilité. Nigel hocha gravement la tête.

« Entendu, je vais faire de mon mieux.

– N’en faites pas de trop non plus. Nous avons encore dix bonnes années devant nous. En plus, si vous tombez de nouveau malade, ce sera difficile.

– Ce n’est pas comme si j’allais rester en bonne santé juste en faisant attention… Plus important encore, c’est à toi de te montrer prudent. »

Inas cligna des yeux comme s’il ne comprenait pas d’où sortait le conseil de Nigel.

« Que voulez-vous dire ? Qu’y a-t’il ?

– L’épée que possède mon grand frère, elle est dangereuse. Surtout pour toi… »

Avec Inas, elle aurait une efficacité de presque 100 %.

Cependant, Inas resta aussi détendu que d’habitude.

« Oh, ce n’est rien. Il ne va pas m’attaquer avec, de toute manière.

– Ne sois pas si sûr de toi.

– Il est impossible que je me fasse frapper par une épée maniée par un humain ordinaire, vous ne croyez pas ?

– Mais… »

Tu n’as pas pourtant déjà été frappé ?

Cependant, en tant que celui qui l’avait transpercé d’une lame, Nigel ne pouvait pas vraiment aborder le sujet comme ça. Inas eut un sourire.

« C’est vrai, ça m’est déjà arrivé, » murmura-t’il à voix basse.

Il tendit les mains vers Nigel, mais s’arrêta avant de le toucher.

« Vous seul pouvez me tuer. »

Les yeux noirs d’Inas étaient très sombres, même en plein jour. Nigel avait l’impression que ses yeux étaient des tombes où d’innombrables pensées et émotions avaient surgi pendant un temps incroyablement long avant de mourir.

« Si vous voulez me tuer de nouveau, je peux vous donner une épée, fit Inas.

– Je ne veux pas te tuer ! »

Bien que Nigel avait répondu spontanément, Inas secoua la tête comme s’il n’en croyait rien.

« Si vous me haïssez au point de vouloir m’éliminer, alors le poison, ça ira. Bien entendu, les poisons ne me font en général aucun effet, mais… Le cœur de Lucimus est un poison que les humains ne peuvent pas tolérer, alors je vais vous l’attraper. Si c’est le seigneur Nigel qui me le donne, je boirai avec délice ce nectar empoisonné.

– Pourquoi je ferais une chose pareille… ?

– Ne m’abandonnez pas, c’est tout. »

C’était difficile à croire, mais la voix d’Inas tremblait un peu à la fin de cette phrase. C’était comme une peur des plus substantielles, comme s’il craignait véritablement que cette chose ridicule se produise…

« Je ne ferai jamais ça, » assura Nigel.

Inas ne répondit pas. Au lieu de ça, il changea de sujet :

« Seigneur Nigel.

– Oui ?

– Je peux vous serrer dans mes bras une minute ?

– Quoi ?

– Je vous en prie, permettez-moi. »

Ses yeux désespérés quémandaient l’autorisation de Nigel. Ce n’était qu’une étreinte, pourtant les yeux ardents de l’adolescent étincelaient et brillaient comme s’il s’agissait du désir le plus ardent de son existence.

Nigel fut complètement ébranlé et rendu impuissant face à cette attitude complètement différente de l’instant d’avant. Il finit par faire signe à Inas. Ce dernier s’approcha et passa ses bras autour de Nigel. Le petit corps fut pressé légèrement contre Inas.

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Il avait grandi… En plus, il était clairement plus robuste qu’à leur première rencontre, où Nigel l’avait trouvé trop maigre. Il n’était pas encore très musclé, mais il était clairement plus solide qu’avant. Nigel se raidit dans l’étreinte, puis repoussa Inas, le visage rouge.

C’était compliqué et gênant… Si on y repensait, le Inas actuel était celui dont Nigel était tombé amoureux pour la première fois. Bien qu’il n’avait pas encore son charme masculin, il restait son premier amour, celui qui lui avait fait tourner la tête. C’était difficile de lui résister juste à cause de ce qui s’était passé, alors Nigel ne put que passer l’éponge.

Alors qu’il était confus de manière flagrante, Inas eut un petit sourire satisfait.

« Bien, je vous laisse vous reposer, Nigel. »

Riant comme l’homme le plus heureux du monde, Inas anticipa les paroles de Nigel et se retira de lui-même.

Resté seul, Nigel serra Ryno contre lui avec le sentiment de s’être réveillé d’un rêve. Inas lui faisait toujours cet effet. Nigel avait bien du mal à contrôler ses émotions.

« Je ne sais pas pourquoi ton maître fait ça, » murmura-t’il au chiot.

Cependant, cela faisait fort longtemps qu’Inas n’était plus le maître de Ryno. Le chiot, qui ne pouvait de toute manière pas comprendre ce qu’il disait, émit un petit gémissement et se nicha dans ses bras.

Après le crépuscule, le manoir du duc de Magnus était très calme, contrairement à ce que pouvait laisser penser sa taille immense. En hiver, étant donné que les monstres trouvaient moins facilement de quoi manger, ils descendaient sur la cité. Alors les chevaliers et les soldats formaient des patrouilles qui se relayaient toute la nuit. Quant aux gens ordinaires, ils restaient cloîtrés chez eux pour éviter le froid et le danger des monstres. Bien entendu, ce n’était jamais arrivé que des monstres pénètrent dans la résidence du duc, mais telle était l’habitude de ceux qui avaient vécu dans cette région toute leur vie, alors la majorité des gens restaient à l’intérieur.

Pourtant, Inas marchait tranquillement dans la cour du manoir.

Sur un sentier à l’écart, il s’arrêta devant ce qui semblait être un arbre ordinaire. Pourtant, c’était une créature magique qui répondait à certains sorts.

Quand Inas psalmodia un court sort, le tronc s’ouvrit en deux et un escalier apparut. Inas descendit en silence, on n’entendait même pas le bruit de ses pas. Il s’enfonça dans les ténèbres qui l’entouraient de toute part.

Ce passage secret sous l’arbre était si tortueux que celui qui ne connaissait pas le chemin allait mourir de faim en errant dans ce labyrinthe. Bien entendu, Inas n’avait pas besoin de s’en faire pour ça, car personne d’autre que lui ne connaissait mieux les anciens passages secrets dans la cité de Montstein. Plus encore que Luther, le duc actuel de Magnus, qu’Etna, son successeur, ou que Nigel, le futur duc, Inas connaissait à la perfection les passages, qu’ils soient oubliés voire même effondrés. C’était parce le souvenir de ces vies répétées un nombre immense de fois était fermement gravé dans son esprit.

Tout en arpentant le chemin, Inas ramassa en passa une vieille hache qui avait été abandonnée. Au premier regard, cette hache de la taille de Nigel actuellement était menaçante, mais elle n’était pas plus dangereuse qu’un couteau émoussé car il lui manquait une partie de la lame. Mais cela n’avait guère d’importance pour Inas car cela faisait longtemps qu’il ne se souciait plus des armes.

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Après avoir emprunté un chemin long et compliqué avec pleins d’embranchements, Inas arriva finalement à destination, devant un mécanisme. À l’origine, ce mécanisme était facile à mettre en route, mais le levier était à présent cassé et devait être tiré par la force. Inas grimaça en tentant d’ouvrir le passage de force.

« Je te demande pour cette session au moins d’utiliser uniquement autant de force que ce que je te connais, » avait dit Nigel.

Toutefois, un adolescent de seize ans qui souffrait de malnutrition ne pourrait jamais ouvrir ce mécanisme.

Après avoir réfléchi un moment, Inas trouva une solution. Nigel n’avait pas précisé un niveau de force en particulier alors au bout du compte, ses paroles laissaient la porte ouverte à l’interprétation.

Autant de force que ce que le seigneur Nigel me connaît.

Nigel n’avait pas précisé qu’il s’agissait de la puissance d’un Inas de seize ans. Autrement dit, s’il employait la puissance d’un Inas de vingt-sept, cela ne comptait pas comme aller à l’encontre des paroles de Nigel.

Déjà à la base, les stats d’Inas étaient largement supérieures. Dans le jeu, il était un personnage qui venait au secours du personnage principal lors d’un combat que l’autre ne pouvait pas gagner. Comme il était programmé pour ne pas mourir du tout, il avait des stats plus élevées comparé à quelqu’un au même niveau.

Inas prit donc en considération les valeurs de ses stats passées, dont il ne se souvenait plus très bien, et ajusta sa force avec de la magie. Il appliqua cette force à la main qu’il avait placée sur le mécanisme. Ce ne fut pas aussi facile qu’avant mais en appuyant bien tout son poids sur le levier et en poussant régulièrement, il parvint à abaisser le levier cassé.

À travers la porte qui s’ouvrit, il put voir un jeune homme qui le contemplait avec des yeux remplis de terreur.

Inas sourit. Il prit la hache et entra.

Note de Karura : Qu’est-ce qu’Inas a encore fait ?

Sinon, le monde peut enfin respirer de nouveau : Inas et Nigel se sont réconciliés !

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