Chapitre 9

Le corps de Kei dégoulinant de sang fut projeté en arrière et atterrit par terre. En même temps, Nigel se fit attirer par derrière.

« Ha ha, te voilà ! » fit calmement Kei, bien que la moitié de sa tête était explosée.

Nigel n’avait pas besoin de se retourner pour savoir qui avait tranché la tête du jeune homme et l’avait attiré vers lui. En effet, il n’y avait qu’une seule personne au monde capable d’une chose pareille.

« J’aurais dû le retrouver et le tuer depuis longtemps ! » murmura cruellement Inas tout en serrant fort Nigel contre lui.

Bien que tout cela ne soit qu’une illusion, le sentiment flippant d’intimidation qui était apparu pesait tout autour. Nigel pouvait sentir la cruauté et le manque de compassion du propriétaire de ces bras.

Cela dit, mieux valait être dans les bras d’Inas que d’être victime de la scène terrible devant ses yeux. Même si Kei était le principal responsable de ce qui lui était arrivé.

Le jeune homme qui gisait au sol rigola soudain et se redressa sur un coude en tremblant un peu. Il croisa le regard de Nigel et sa moitié de visage lui sourit.

« Tu dis que tu aurais dû me tuer depuis longtemps. Alors tu considères que ma vie ne vaut pas celle d’un moustique ?

– Quelle différence y a-t’il entre toi et un moustique ? » répliqua calmement Inas.

Sa voix n’était même pas moqueuse : c’était simplement le ton de quelqu’un qui énonçait un fait certifié, déclarant que l’autre lui était effectivement inférieur. Le visage de Kei qui se vit ainsi dédaigné se tordit aussitôt d’une sombre grimace.

« Continue à agir en toute confiance. Tu finiras tout seul ! »

Inas recouvrit les yeux de Nigel d’une main. Au moment où Nigel allait repousser avec impatience cette main, il entendit quelque chose exploser. Puis s’ensuivit une forte odeur de sang.

Inas serra dans ses bras un Nigel paralysé par le choc. Cet homme cruel et gentil à la fois lui tapota doucement le dos.

Pendant très longtemps, Nigel n’avait pas pu supporter la vue du sang ou de la moindre blessure.

Au départ, il croyait que cela avait un certain lien avec Inas. Mais ce n’était pas pour ça qu’il se sentait mal en voyant du sang.

Depuis ce fameux jour il y avait sept ans, à chaque fois qu’il voyait du sang, il pouvait voir une scène se superposer dans sa vision.

L’habitacle de la voiture était complètement déformé. Quelqu’un était dans le siège conducteur à côté de lui, l’endroit si tordu que personne n’aurait pu en sortir. Cette personne assise à côté de lui était clairement visible, même avec sa vision floue et couverte de sang.

Grande sœur.

La pensée de cette femme dont il ne pouvait se rappeler ni le nom, ni le visage, ébranla Nigel. Il s’accrocha à Inas tout en ravalant ses larmes. Une migraine perçante s’abattit dans son crâne, comme à chaque fois qu’il se rappelait de cette personne qui était en opposition directe avec l’esprit du Nigel Grau Montstein qui avait vécu dans ce monde.

Inas était le seul à pouvoir calmer son corps tremblant. Un ami qui pouvait comprendre la situation de Nigel, Inas était le seul qu’il avait et le seul qu’il aurait jamais.

« In-Inas !

– Désolé du retard, Nigel. J’aurais dû arriver plus tôt.

– Mmm… »

Complètement effrayé, Nigel se raccrocha à lui. Les ténèbres profondes ainsi que les souvenirs douloureux où il n’avait personne vers qui se tourner avaient suffi à bouleverser Nigel.

Heureusement, il se fit réconforter par Inas et son cœur agité se calma peu à peu.

« Ça va mieux maintenant… » assura Nigel.

Bien qu’il tenta de se libérer de l’étreinte d’Inas, ce dernier ne le lâcha pas. Malgré leur dernière dispute puérile, Inas continuait de s’accrocher à Nigel. Cela ne paraissait pas le déranger, alors que Nigel était un peu gêné.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Quand il tourna la tête, les joues rouges de honte, l’endroit où s’était tenu Kei était désormais vide. Cela lui permit de changer subtilement de sujet :

« Kei n’est pas mort ?! »

Ce fut alors qu’Inas se renfrogna tout à coup.

« Ne prononce pas le nom d’un autre homme quand tu es dans mes bras, Nigel.

– Mais non, espèce de malade. Je ne voulais pas dire ça comme ça… »

Dans ce cas, il avait autant se libérer de l’étreinte pour pouvoir parler d’autres personnes comme il le voulait. Nigel tenta de repousser Inas, mais ce dernier se colla à lui comme un arbre aux racines profondes qui n’allait pas se laisser abattre comme ça.

« Ne me repousse pas, » eut-il même le culot de se plaindre.

Il se pencha soudain vers Nigel et, contrairement à ce que crut l’autre jeune homme, il ne l’embrassa pas sur la joue ou les lèvres, mais alla plus bas. Les lèvres d’Inas effleurèrent sa nuque. Pendant un moment, Nigel fut surpris par ce contact doux qui le chatouilla un peu.

« Aïe ! »

Inas mordit très fort la nuque de Nigel, comme pour renier toute gentillesse précédente. La morsure fut si forte que Nigel se demanda si l’autre ne voulait pas le tuer en lui déchirant la gorge cette fois. Il se dit que si Inas avait employé juste un petit peu plus de force, il l’aurait mordu jusqu’au sang.

« Ça-ça fait mal ! Qu’est-ce que tu fais ?

– Désolé. »

Malgré ses excuses, Inas continua ses méfaits. Chaque fois que ses dents touchaient la nuque de Nigel, ce dernier sursautait de crainte de se faire à nouveau mordre là. Cette fois cependant, Inas lécha la nuque rigide du jeune homme.

« Aaah… »

Quand Nigel tressaillit et se mit à gémir à cause de cette sensation inédite et intense, Inas enfouit de nouveau la tête dans le creux de sa nuque. En attendant que Nigel finisse par se ressaisir avec du retard, il suça et mordit toute la peau qu’il voulait, sans se soucier que le jeune homme le repousse ou pas.

Il finit par le relâcher.

« Ughn… gémit Nigel. Re-recule…

– Je n’apprécie pas de sentir l’odeur de cet enfoiré sur toi, répliqua simplement Inas.

– Tu joues donc le chien qui marque son territoire ou quoi ? »

Nigel répliqua ça parce que c’était vraiment ridicule, mais les yeux d’Inas s’illuminèrent tout à coup.

« On peut dire ça.

– De quoi ?! »

Tu veux parler de marquer ton territoire ou d’être un chien ? Personne n’aimerait entendre l’un ou l’autre !

Inas rit en voyant l’air dégoûté de Nigel, puis il déposa un bref baiser sur sa nuque et s’écarta docilement. Il aida Nigel à se relever car l’autre ne pouvait pas tenir debout et vacillait.

« On ne peut pas aller jusqu’au bout ici.

– N-n’est-ce pas évident ?! » répliqua Nigel d’un ton gêné.

Il regretta aussitôt : il aurait dû réprimander l’autre homme en disant “Qu’est-ce que tu fais ?” ou bien “Garde tes pensées perverses pour toi !” Les yeux d’Inas se plissèrent d’un air étrangement expectatif alors que la réponse de Nigel laissait suggérer qu’il y aurait une autre fois.

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Nigel s’empressa de repousser Inas et fit demi-tour.

« Ce n’est pas le moment de faire ça ici. Sortons de là au plus vite… » marmonna-t’il.

Inas le fixa sans rien dire. Nigel eut l’impression que le regard ardent de l’autre homme allait finir par creuser un trou dans son visage. Quand il détourna la tête avec embarras, Inas haussa les épaules.

« Nous ne pouvons pas sortir d’ici tout de suite.

– Quoi ?!

– Regarde là-bas. »

Inas leva calmement la main et désigna un endroit. Il n’y avait que les ténèbres dans cette direction. Cela ne changeait guère si on tournait les yeux et qu’on regardait dans n’importe quelle direction.

Tandis que Nigel plissait le front, Inas posa une main sur sa joue pour l’orienter vers la direction qu’il venait de pointer.

« Si tu regardes bien là-bas, tu verras un point bleu. Vérifie ses informations. »

Tout ce que Nigel pouvait voir, c’étaient les ténèbres. Mais comme l’avait dit Inas, il se concentra et tenta de repérer ce fameux point bleu. Après avoir regardé un bon moment, une petite tache bleue lui sauta aux yeux. Une fois qu’il le trouva, ce point était tellement visible qu’il se demanda comment il avait pu le rater jusque là.

Œil de l’Abîme

Un ancien artefact créé à partir du noyau de l’Esprit Noir à présent disparu. Il a la capacité d’enfermer la cible dans les ténèbres et de regarder dans l’abîme à l’intérieur de la cible. Quand on utilise l’Œil de l’Abîme, on peut faire venir et enfermer la conscience d’une autre personne dans cet espace clos. On peut y enfermer n’importe qui, mais quelqu’un qui a déjà été emprisonné une fois ne peut plus être de nouveau enfermé. Quand la personne meurt dans l’espace clos, sa conscience retourne dans son corps d’origine.

C’était vraiment un artefact piégeux. Toutefois, puisque cela ne pouvait se produire qu’une seule fois, cette menace disparaîtrait dans cette session s’ils s’en sortaient aujourd’hui. En plus, c’était plus facile d’y réchapper qu’il ne l’aurait cru.

« Il suffit donc de mourir pour sortir d’ici, c’est ça ? » fit-il.

C’était une solution très simple. Toutefois, Inas le regarda d’un air étrange.

« Tu choisis de mourir bien facilement, commenta-t’il d’un ton neutre.

– Ce n’est pas réel de toute manière.

– Je ne m’attendais vraiment pas à ce que tu dises ça. »

Nigel cligna des yeux.

J’ai juste dit que ce n’était pas réel, parce que ça n’est vraiment pas réel…

Alors qu’il voulait dire le fond de sa pensée, il se contenta de se pincer les lèvres sans parvenir à exprimer les mots à l’intérieur de lui. En fait, il ne savait pas exactement ce qu’il aurait aimé dire.

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« Mourir, ce n’est pas la bonne solution, reprit Inas. Ce n’est pas clairement dit dans les explications mais si tu meurs ici, tu peux mettre longtemps à ressusciter.

– Combien de temps ? s’inquiéta aussitôt Nigel.

– C’est aléatoire. Une fois, je suis resté coincé pendant un an. Comme Kei est le maître de cet artefact, il ne lui faut que quelques jours pour regagner son corps. Mais nous, nous pouvons rester longtemps.

– Tu t’es fait aussi entraîner et enfermé ici comme moi ?

– Non. J’ai su que tu te trouvais à l’intérieur, alors je me suis faufilé dans l’ouverture. Mais une fois qu’on arrive ici, si on n’est pas le maître de l’artefact, on se retrouve quand même coincé. »

Au bout du compte, le fait était qu’ils étaient tous les deux piégés. La situation s’annonçait mal.

« Que fait-on alors ? demanda Nigel en s’assombrissant.

– Il faut simplement trouver le chemin pour sortir. Le problème, c’est qu’on ne peut pas voir cette sortie avec les yeux, c’est un labyrinthe assez complexe. Je me suis échappé plusieurs fois d’ici, alors ne t’en fais pas trop.

– Mais nous devons sortir vite d’ici ! Les monstres… »

Nigel ignorait le nombre de monstres à l’extérieur. Il expliqua brièvement sa prescience ainsi que la conversation qu’il avait eue avec Kei. Contrairement à Nigel qui était mort d’inquiétude que les choses tournent mal à l’extérieur, Inas hocha calmement la tête.

« Je vais faire de mon mieux, Nigel. Mais ne t’en fais pas trop au sujet des monstres. C’est justement pour des cas comme ça que j’ai entraîné les gardes et les chevaliers, afin de pouvoir m’occuper de toi.

– Tant mieux, mais ce n’est pas le seul problème. Une prédiction inconnue est également apparue. Je ne peux pas la lire parce que les lettres sont cachées. Je pense que ça a un rapport avec Kei qui a provoqué l’invasion des monstres. Tu as des idées ? »

Inas garda le silence un moment, puis hocha la tête.

« Oui, deux ou trois. En tout cas, il est impossible que j’ignore quelque chose que Kei sait, alors ne t’en fais pas trop. Il peut faire tout ce qu’il veut, il ne fera jamais le poids contre moi.

– Bien sûr qu’il ne peut pas te battre. »

Quoi que faisait Kei, il lui était impossible de vaincre Inas. Comme à son habitude, Nigel ouvrit la fenêtre d’informations de l’autre homme et consulta les nombres extrêmement élevés. Même s’il s’était disputé avec Inas, il ne voulait pas voir l’autre se faire tuer, alors il appréciait toujours de voir sa force constamment écrasante.

Toutefois, tout ne se résolvait pas simplement avec la puissance. Si tel était le cas, Inas n’aurait pas eu à souffrir autant au travers des resets répétés.

« Kei a dit qu’il voulait te voir souffrir, fit-il.

– Alors il va s’en prendre à toi, répondit Inas sans la moindre hésitation. Le seul moyen de me faire souffrir, c’est de te blesser.

– Ah… »

Le visage de Nigel devint rouge devant cette réponse naturelle qui énonçait un fait des plus évidents. Si c’était bien vrai, cela rendrait Nigel très nerveux car cela voudrait dire qu’il risquait d’être en danger par la suite. Malgré ça, il fut très ému par ce signe de pure affection.

Il y avait bien des fois où Nigel se sentait frustré à cause de cette affection et de cette obsession. Il soupira, se disant qu’il n’y avait pas de réelle réponse à tout ça.

« Nigel. »

Inas tendit soudain la main pour toucher le front de Nigel. La main d’Inas, qui était normalement chaude, lui parut extrêmement fraîche en cet instant. C’était une sensation agréable, mais Inas retira vite sa main en prenant un air grave.

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« Nigel, tu es brûlant, fit-il.

– La pénalité pour la prédiction était la fièvre…

– Cet endroit n’est donc pas complètement illusoire et il est lié à la réalité. On dirait que ça t’affecte pas mal, alors il va falloir vite sortir d’ici. »

Inas le souleva dans ses bras. Nigel allait lui dire qu’il suffisait qu’il lui tienne la main pour marcher, mais il ressentit à ce moment la montée de fièvre et il referma la bouche.

Il n’y avait que les ténèbres qui se tenaient devant eux et il était impossible de connaître leurs profondeurs. Nigel s’appuya contre Inas, tentant de voir au travers de cette obscurité qui était angoissante.

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