Chapitre 10

Inas servit rapidement les plats à table. Il recouvrit la table avec ce qui ressemblait à un festin. Si quelqu’un de plus sérieux que Nigel avait vu ça, il aurait applaudi.

« Ça a l’air délicieux !

– Tant mieux. Mange, ne te gêne pas.

– Tu ne vas pas manger ?

– Si. »

Malgré ça, Inas n’agita pas ses couverts bien vite. Il devrait pourtant avoir besoin de beaucoup manger, vu sa taille et sa carrure. Quand Nigel le fixa d’un air inquiet, ce ne fut que là qu’Inas se mit à manger un peu plus. La nourriture était si délicieuse que les plats furent rapidement vidés.

Une fois le repas terminé, Inas tendit la main à Nigel et lui demanda de le suivre.

« Où ça ? »

Quand Nigel posa cette question, Inas se contenta de sourire et lui dit qu’il le saurait quand il y serait.

Les deux marchèrent lentement, main dans la main. Il n’y avait aucune urgence. Un sentiment de détente que Nigel n’avait encore jamais ressenti envahit son cœur. Ils franchirent des collines vertes et traversèrent des champs couverts de fleurs d’un blanc pur. Ils arrivèrent finalement à une plage de sable blanc aux frontières de la Terre Sacrée.

Le ciel était d’un bleu profond sans le moindre nuage et le soleil se reflétait sur la mer qui ondulait légèrement. Les eaux étaient tellement limpides qu’on pouvait voir le fond très blanc.

C’était agréable d’admirer ce splendide paysage, mais cela aurait été dommage de se contenter de regarder. Nigel attira Inas vers la mer.

« Nigel, je t’ai déjà dit qu’on était bien trop âgé pour jouer à ça… argua l’homme.

– Quand ? Quand est-ce que tu as dit ça ? »

Brièvement réprimandé, Nigel se contenta de rire et prit de l’eau dans ses mains en coupe pour la lancer vers Inas. L’autre homme reçut de l’eau en pleine figure, mais ses mains restèrent en l’air, s’ouvrant et se refermant. On aurait dit qu’il lui était impossible de faire pareil à Nigel.

Pourtant… Alors que Nigel continuait à asperger Inas malgré les efforts de ce dernier pour le dissuader, Inas finit par créer une vague. Une haute vague qui ne collait pas avec le temps magnifique et l’eau pas très profonde frappa Nigel. Le jeune homme, qui n’avait cessé de s’en prendre à Inas, ne put résister à la vague puissante et s’effondra comme une algue avant de se faire rattraper et soulever par Inas.

« Ha ha… »

Nigel releva la tête en arrière pour rire, tout en caressant d’une main le bras d’Inas qui serrait fort sa taille. Inas le regarda avec des yeux encore plus brûlants que le soleil au-dessus de leurs têtes.

Plongeant son regard dans celui d’Inas, Nigel leva lentement la main pour la passer dans les cheveux emmêlés de l’autre homme. Des gouttes d’eau coulèrent du menton d’Inas pour tomber sur les muscles puissants de son torse.

Le fixant d’un air fasciné, Nigel se pencha pour l’embrasser.

Dès que leurs lèvres s’effleurèrent, Inas ne se fit pas prier. Dans la mer où il n’avait pas pied, Nigel s’accrocha à Inas, pressant ses lèvres contre les siennes, leurs souffles s’entremêlant. Bien que Nigel resta dans l’eau un bon moment, la chaleur du corps d’Inas se transféra au sien, alors il n’eut pas l’occasion de prendre froid.

Ils revirent à la plage de sable fin et restèrent l’un dans les bras de l’autre pendant encore un moment.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Quand Nigel reprit ses esprits, le soleil s’était déjà couché à l’horizon.

C’était sympathique de s’amuser, mais Nigel commençait à être fatigué. Tandis qu’il se mettait à somnoler, Inas le souleva dans ses bras et repartit par le chemin qu’ils avaient pris à l’aller.

Il n’y avait pas d’autres créatures vivantes sur cette île à part eux deux. L’endroit était donc paisible, sans même le chant des cigales. Tout ce que Nigel pouvait entendre, c’était les battements de cœur d’Inas.

C’était comme s’il n’y avait plus qu’eux dans le monde. Ce n’était pas une si mauvaise impression.

Ayant failli s’endormir bercé par les battements de cœur de son amant, Nigel ouvrit les yeux de surprise quand Inas le posa sur le lit. Il ne savait pas pourquoi il était tout à coup surpris, mais son corps se raidit sous l’effet d’une tension soudaine.

Tu dois te réveiller !

Cette pensée surgit dans son esprit, mais ses paupières étaient très lourdes, sans doute parce qu’il avait trop bougé durant la journée.

« Inas, je… commença-t’il.

– Dors, Nigel.

– Je ne veux pas dormir. Quand je m’endors, ça va encore… »

Qu’allait-il encore se passer ?

Un soupçon dont il ne pouvait pas se souvenir l’envahit. Mais puisqu’il ne s’en rappelait pas, il ne put répondre. Inas recouvrit les yeux de Nigel de sa large main, tandis que le jeune homme essayait de ne pas les fermer, un air inquiet sur son visage.

« Tout va bien, il n’y a aucun problème.

– … Mmm. »

La voix aimable attrapa les doutes de Nigel et les arracha directement. Nigel acquiesça d’un air hypnotisé.

Si Inas dit que ça va bien, c’est que tout va bien. Tout va bien…

Dès qu’il ferma les yeux, le sommeil se rua vers lui. Nigel s’endormit comme s’il perdait connaissance.

Il faisait encore très beau aujourd’hui.

On était en été.

Un endroit quelque peu inconnu s’offrit aux yeux de Nigel. Il se situait dans un lieu dont on ne pouvait pas clairement dire s’il était à l’intérieur ou à l’extérieur. Nigel se trouvait au lit et bien qu’il y avait un plafond au-dessus de sa tête, il n’y avait pas de mur des quatre côtés, juste des piliers pour soutenir le plafond. Il pouvait donc directement voir un jardin rempli de fleurs.

« … »

Nigel garda le silence un moment. C’était difficile de se défaire de ce sentiment de déjà-vu. Cela poursuivit Nigel inlassablement et le tourmenta.

Mais dès qu’Inas s’approcha de lui, tous ses doutes furent oubliés. Comment pouvait-il y avoir le moindre problème quand Inas était à ses côtés ? Il était inutile de s’en faire. Aujourd’hui encore, le tendre amant embrassa Nigel et lui murmura des mots d’amour.

Nigel passa un bon moment dans la chambre avec Inas, puis il se rendit dans le bâtiment de cuisine pour admirer les talents culinaires de l’autre homme. Il mangea et alla ensuite à la mer pour jouer avec Inas en l’aspergeant d’eau.

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Il faisait encore très beau aujourd’hui.

On était en été…

« Ughn… »

Nigel, qui avait jeté un rapide regard autour, se saisit la tête entre les mains en proie à un mal de tête horrible. C’était difficile de se défaire de ce sentiment de déjà-vu. Cette scène qui aurait dû être étrangère semblait bien trop familière. Quand Nigel regarda de plus près, il aperçut des vêtements et des livres empilés dans un coin de la chambre, ce qui donnait l’impression que les lieux étaient habités depuis un moment.

Inas s’approcha. Cependant contrairement à d’habitude, le mal de tête de Nigel continua de le faire souffrir. Inas regarda Nigel, qui était renfrogné à cause de la douleur, et il soupira en se passant la main sur sa bouche et son menton. Étrangement, Inas montrait des signes de fatigue.

Fatigue. Inas ?

Quand le regard de Nigel croisa le sien, Inas haussa les épaules.

« On dirait qu’on arrive à la limite. Ce n’est pas grave, tout est prêt.

– Quoi ?

– Sortons un peu. »

Plutôt que d’attendre une réponse, Inas saisit la main de Nigel qui se fit simplement tirer par l’autre avec impuissance.

Nigel marcha pieds nus dans un champ rempli de fleurs blanches. À partir du moment où il se mit à marcher sur ses deux pieds, son mal de tête disparut et ses souvenirs revinrent, quoique vaguement.

Cela faisait presque quinze jours qu’il était venu ici. Cela dit, vu que les souvenirs de Nigel n’étaient pas complets, cela pouvait faire plus longtemps que ça.

Durant ce temps, Inas était resté avec lui, prenant attentivement soin de lui. Ils n’étaient rien que tous les deux et avaient passé du temps ensemble, sans la moindre intervention extérieure.

Cela avait été de bons moments, sauf que Nigel ne savait pas ce qui pouvait bien se passer dans le reste du monde.

Quand il voulut évoquer son dernier souvenir avant d’arriver sur la Terre Sacrée, son esprit devint vide, comme si cette partie avait été supprimée. Un séisme soudain, une terre couverte de fissures et des créatures étranges qui rampaient hors des fissures… Tout cela lui revint de manière très floue.

Malgré tout, Nigel ne dit rien pour accuser Inas. C’était parce que cet homme, qui avait emmené Nigel ici comme pour le kidnapper, semblait très dangereux en cet instant.

Il n’y avait que quelques endroits limités où on pouvait aller sur la Terre Sacrée. Peu de temps après s’être mis à marcher, Inas s’arrêta sur une vaste plaine qui avait été autrefois un champ de bataille dans la Guerre des Dieux. La main d’Inas, qui tenait celle de Nigel, se pressa avant de se détendre.

« Nigel, ce paysage n’est-il pas splendide ?

– Oui, c’est très beau. »

Il y avait très longtemps, cela avait été un champ de bataille où d’innombrables soldats avaient perdu la vie. Mais le temps était passé, nettoyant tout le sang. La Terre Sacrée, qui avait retrouvé sa tranquillité, n’avait plus été touchée par la main de l’homme et avait préservé sa beauté naturelle, bien plus que n’importe quel autre endroit au monde.

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Cependant, Nigel avait pu apercevoir quelques endroits modifiés artificiellement. C’était certainement l’œuvre d’Inas. Nigel fut frappé par un mauvais pressentiment et devint très nerveux. Inas plissa les yeux et observa attentivement l’attitude méfiante du jeune homme.

« Nigel, cet endroit semble réel, pas vrai ?

– Oui, parce que c’est réel.

– N’est-ce pas tellement beau qu’on a du mal à se dire que ce n’est qu’un ensemble de données ? »

Nigel fronça les sourcils face à ces paroles lourdes de sens.

« Je ne considère pas ça comme de simples données, objecta-t’il.

– Ne mens pas.

– C’est la vérité.

– Mais elles ont beau être belles, ces données ne sont qu’une illusion. Quel est l’intérêt de ces choses qui n’existent pas vraiment ?

– Ce n’est pas vrai. Pourquoi je penserais une chose pareille ?

– Mais tu m’as toujours méprisé et détesté. Un faux qui prétend être réel. Quelqu’un qui ne souvient de rien. »

Nigel, qui arborait un sourire gêné, se raidit sans avoir le temps de cacher ses émotions.

Inas n’aurait jamais pu connaître ces mots s’il ne se rappelait pas des sessions qui n’avaient pas été enregistrées et qui avaient été effacées pour lui.

Comme si de rien n’était, Inas resta calme et serein, tandis que Nigel était au contraire très agité. Inas continua à parler en regardant ailleurs, comme pour ignorer Nigel, ce qui était très rare de sa part.

« Pour être franc, mon monde d’origine ne m’a jamais manqué. J’ai bien des souvenirs d’y avoir une famille, mais je n’ai jamais rien ressenti pour eux. Au contraire, je suis furieux quand je pense à mon père, qui n’était que de simples données, et de même, je me sens à la fois triste et en colère quand je pense à ma mère. J’ai toujours trouvé ça bizarre, mais j’ai fini par comprendre. Pour moi, c’est ici, mon monde d’origine.

– …

– Pourtant, je ne m’en suis pas douté tout de suite. Je croyais fermement que les souvenirs implantés dans mon esprit étaient bien réels. Même après avoir répété les sessions, ces souvenirs de l’autre monde ne devinrent pas trop flous. Et puis en récompense à la dix millième session, j’ai pu interférer un peu avec le système. J’ai pu alors consulter l’intégralité de ma fenêtre de compétence cachées. »

Sacrifice, murmura Nigel.

Inas hocha la tête.

« Oui. En voyant cette compétence, je me suis rendu compte que j’avais hérité de l’immortalité d’une autre personne, en plus de faux souvenirs. Et après avoir fait plusieurs tests durant les sessions qui suivirent, j’ai supposé que cela venait de toi. Bien entendu, je n’ai pas non plus rejeté la possibilité que je me trompais. Ce n’est que récemment que j’en ai acquis la certitude.

– …

– Toi aussi, tu as dû le découvrir récemment. Je pense que c’est arrivé quand tu étais face à face avec Glarus.

– …

– Nigel, c’est toi qui m’as transmis tout ça. Je me trompe ? »

Nigel ignorait si c’était de la colère ou de la haine qui se cachait sous le ton doux. Il aurait bien aimé s’enfuir en courant, mais il ne pouvait plus nier. Il ne voulait plus mentir à Inas plus longtemps.

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Alors même qu’il voulait avouer de sa propre bouche, Nigel redoutait les prochaines paroles d’Inas. Il ne voulait pas voir l’autre le haïr. À quoi diable pouvait bien songer Inas en continuant de traiter Nigel comme avant ? Le jeune homme ne put se résoudre à poser la question.

« Pardon… »

Tout ce qu’il pouvait faire, c’était s’excuser.

Inas resta silencieux un bon moment. Nigel baissa la tête et ferma les yeux, craignant ce que l’autre allait bien pouvoir dire. Puis Inas tendit la main pour relever le visage de Nigel. Contrairement à ce que le jeune homme pensait, Inas resta tendre et gentil.

« Je préfère avoir reçu ce fardeau de toi plutôt que de quelqu’un d’autre. Le fait que tu avais ce fardeau veut dire que tu as souffert autant que moi.

– Pa-pardon…

– Malgré ça, je te hais, » murmura Inas, arborant toujours un air gentil et une voix qui débordait d’affection.

Sa large main saisit le cou d’un Nigel pétrifié.

« Je veux mourir ici avec toi. »

Note de Karura : Eh oui, Inas était au courant !

Bon, comment ça va se terminer ?

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