Comment élever un sacrifice 8 01

Partie 8 : Inas Idenbach


Chapitre 1


Il faisait particulièrement froid aujourd’hui.

On était pourtant encore en automne. Malgré ça, la pluie et l’humidité avaient fait baisser considérablement la température. Il faisait bien trop froid pour un Inas de seize ans qui ne portait que des vêtements usés, qui plus est en coton très fin.

Inas souleva une planche amovible de son plancher. Il y avait là une pièce d’or d’une valeur totale de trois cents rubels qu’une noble, venue lui rendre visite récemment, avait donné à Inas pour s’acheter des vêtements. Avec cet argent, on pouvait non seulement acheter des vêtements en tissu épais, mais même une tenue luxueuse pour un enfant d’une noble famille.

En tenant la pièce d’or étincelante dans la main, Inas regarda la maison délabrée et miteuse d’un air morose.


Bien que cela faisait longtemps que le baron Idenbach avait tout perdu sauf son titre, il appartenait clairement à la noblesse. Mais pour Inas, c’était de l’histoire ancienne. À présent, ils vivaient dans la pauvreté comme la plupart des gens.

Il pouvait souvent entendre des souris s’agiter dans le grenier de la vieille maison. Il y avait de nombreux courants d’air et l’air était tellement chargé de poussière qu’ils toussaient souvent. Quand sa mère était encore en vie, la maison était bien entretenue. Mais quand elle était tombée malade et qu’Inas avait dû s’occuper de gagner de l’argent, leur demeure était devenue incroyablement sale et en désordre.

La vie était dure. En fait, Inas gagnait bien plus d’argent que ses semblables, mais son père lui en prenait la plus grosse partie pour ses paris. Et une fois qu’il avait dépensé le reste pour la nourriture et les médicaments de sa mère, il ne restait même pas un rubel.


Il allait sans dire que son père était une ordure. Sa mère semblait être quelqu’un de bien, sauf qu’Inas n’avait pas eu beaucoup d’occasions de profiter de sa gentillesse.

Épuisée par cette vie difficile, la mère d’Inas était facilement irritable et elle lui criait souvent dessus. Elle lui reprochait des choses qui n’étaient pas de sa faute. Malgré ça, Inas aimait sa mère. Contrairement à son père, elle lui disait parfois qu’elle était désolée et elle le prenait gentiment dans ses bras. Ce n’était que dans des moments pareils qu’il pouvait sentir sa chaleur.

Mais sa mère, qui était la seule à l’aimer, n’était plus de ce monde. À force de souffrir autant à cause de son époux, elle était tombée malade et avait fini par succomber.

À vrai dire, cela n’avait pas été une mauvaise chose dans le fond. Inas s’était épuisé à prendre soin d’elle pendant sa longue maladie et vu que l’état de sa mère s’était aggravé depuis un moment, il avait eu assez de temps pour se faire à l’idée de sa mort. Alors au lieu de s’effondrer sous le poids du chagrin, il ressentit juste un vide immense, comme si une partie de son cœur lui avait été arrachée.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

En se rappelant du corps froid de sa mère au lit, la main d’Inas se referma sur la pièce d’or.

Les autres nobles donnaient l’argent directement au père d’Inas, tout ça parce qu’ils avaient besoin de son accord pour engager l’adolescent.

Si Inas avait été un simple roturier, un noble lui aurait directement proposé de devenir un chevalier de sa famille. Mais bien qu’il était un noble déchu, Inas restait l’héritier unique du baron Idenbach. Selon les lois du royaume, son avenir dépendait entièrement de la décision du chef de famille, autrement dit son père.

Malgré ça, la noble dame qu’Inas avait vue il y avait quelques jours l’avait invité en secret et lui avait donné cette pièce d’or. Inas avait hésité et répondu honnêtement qu’il vaudrait mieux donner cet argent directement à son père, mais la dame l’avait rassuré en lui disant de ne pas s’en faire pour son père et de dépenser cet argent en toute tranquillité.


Quand Inas était rentré en courant, il avait eu l’intention d’acheter pour sa mère des médicaments et de la viande avec cette pièce d’or. Il avait assez d’argent cette fois pour acheter un remède très cher. Mais sa mère avait soupiré faiblement et avait refusé. Elle lui avait dit de la garder car un jour, il en aurait besoin.

En y repensant maintenant, Inas se dit que sa mère devait avoir pressenti l’imminence de sa mort. Elle devait avoir refusé par pure considération pour son fils, qui allait se retrouver tout seul. De son côté, Inas se dit que s’il avait pu dépenser cette pièce d’or une dernière fois pour sa mère, il n’aurait pas pu lui trouver un meilleur usage.

Mais c’était un regret vain et tardif.


Les funérailles n’allaient pas tarder à commencer. Il restait encore un peu de temps avant que sa mère ne se fasse enterrer.

Bien qu’il était affamé car cela faisait des jours qu’il n’avait pas mangé correctement, Inas courut aussi vite que possible, serrant fort la pièce d’or. Grâce à ça, il put rapidement arriver au temple. Il alla directement voir le prêtre qui allait s’occuper de l’enterrement. Cet homme le vit arriver en courant vers lui et lui adressa un regard peiné avant de le saluer.

« M-mon père.

– Que puis-je pour toi, Inas ?

– Vous pourriez enterrer ma mère dans le cimetière du temple ?

– Ma foi, c’est que… »

Le prêtre ne répondit pas tout de suite et hésita. Le nombre de places dans le cimetière du temple était limité alors pour être enterré là-bas, il fallait être soit un prêtre, soit avoir grandement contribué au temple. Ou bien avoir fait une généreuse donation.


En fait, le cimetière du village n’était pas si affreux que ça. Cependant, la mère d’Inas avait été si pieuse qu’elle s’était toujours rendue fréquemment au temple, malgré ses circonstances difficiles. Elle croyait que Dieu pourrait la sauver, même après la mort. Pour une croyante aussi fidèle que sa mère, ce serait un honneur d’être enterrée dans le temple après sa mort.

Inas n’avait pas pu acheter de la viande et des médicaments à sa mère de son vivant, alors il voulait au moins être sûr qu’elle puisse se faire enterrer là où elle l’aurait souhaité.

En plus, si elle était inhumée dans le village du cimetière, elle se retrouverait un jour avec son époux enterré à côté d’elle. Cette idée faisait également horreur à Inas.

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L’adolescent tendit donc la pièce d’or qu’il avait serrée fort dans sa main. Voyant ça, les yeux du prêtre s’écarquillèrent de surprise.

Le regard du prêtre tomba sur les cheveux mal peignés qui avaient été coupés par Inas tout seul, les vêtements qui étaient usés et trop légers dans ce temps glacial, incapables de recouvrir correctement son corps, puis les bottes trouées.

« Où est-ce que tu as eu cet argent, Inas ? »

Bien que le prêtre posa gentiment la question, Inas put sentir le doute dans ses paroles. Il était intimement convaincu qu’Inas, un garçon pauvre, ne pouvait pas posséder trois cents rubels.

Ce prêtre n’était pas particulièrement méchant. C’était juste un soupçon qui lui était venu spontanément.


Inas avait l’habitude de la pauvreté et aussi du ridicule qui venait inévitablement avec. Mais en ce moment, son visage devint cuisant de honte. Il s’empressa d’expliquer :

« Je n’ai pas obtenu cet argent par des moyens malhonnêtes. C’est la noble dame qui est venue la dernière fois qui me l’a donné. Elle a dit qu’elle se sentait désolée pour moi et elle m’a donné cette pièce à moi, pas à mon père, alors…

– Ah… Ça vient du duc de Magnus… »

Inas eut des doutes en entendant les murmures du prêtre. La personne qu’Inas avait rencontrée était une femme qui s’était présentée sous le nom de baronne Latizen.

Le duc de Magnus était un noble si fameux que même Inas connaissait son nom. D’ailleurs, n’importe qui vivant sur le continent ne pouvait que connaître le duc de Magnus, alors qu’il se pouvait qu’ils ignoraient le nom du roi. Qui plus est, la baronne Latizen était une femme, tandis que le duc de Magnus était un homme costaud.


« Le duc ne va pas traverser le pays juste pour voir un garçon. La baronne Latizen est sa représentante, » expliqua le prêtre quand Inas posa la question.

Inas hocha la tête. Il comprenait à présent pourquoi la représentante du duc lui avait donné si facilement trois cents rubels.

En tout cas, le plus important à présent n’était pas ce duc de Magnus qu’il n’avait jamais rencontré. Sous le regard rempli d’espoir d’Inas, le prêtre hocha la tête.

« C’est une belle offrande, mais j’ai bien peur que cela ne soit pas suffisant. Même l’Église a certaines règles.

– Mais…

– Cependant, ta mère était très croyante. Même quand c’est devenu difficile pour elle de se déplacer, elle a quand même continué à venir au temple. Alors je vais voir ce que je peux faire.

– Ah, merci ! »

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Le visage d’Inas rayonna de joie. Il restait cependant un dernier détail à régler pour qu’il se réjouisse pleinement.

« Dites, mon père.

– Oui ?

– Le fait que ma mère soit enterrée dans le cimetière du temple, mon père…. vous pourriez simplement dire que c’est une faveur accordée par le temple ? »

Le prêtre se rembrunit à cette demande. C’était déraisonnable puisque cela remettrait en cause l’équité de l’Église.

Cependant, Inas ne demandait pas ça à la légère. Son père serait furieux s’il découvrait qu’il avait dépensé autant d’argent juste pour que sa mère soit enterrée dans le cimetière du temple. Il risquait même de battre Inas à mort.

Alors que le prêtre allait refuser, son regard se posa de nouveau sur Inas. Le garçon avait encore grandi, mais son corps émacié était couvert de bleus et de cicatrices à cause des coups de son père.


Heureusement, ce prêtre savait faire preuve de compassion en tant que serviteur de Dieu. Il tendit la main et guérit Inas sans rien demander en retour. Puis il soupira et acquiesça.

« Le temple doit rester juste et équitable, alors je ne peux pas dire ça. Par contre, je peux dire que c’est la baronne Latizen qui a payé pour l’enterrement.

– Oui, merci beaucoup !

– Je t’en prie. En échange, pardonne-moi de t’avoir injustement soupçonné. »

Inas hocha rapidement la tête. Cette honte qu’il n’avait que rarement ressentie, il était prêt à la subir de nouveau si cela lui permettait d’obtenir ce qu’il voulait. Le prêtre regarda l’adolescent désespéré d’un air rempli de pitié.

« L’enterrement ne va pas tarder à commencer. Ce serait une bonne idée que tu fasses un brin de toilette avant ça. Je vais te donner des vêtements.

– Oui… Merci, » le remercia sincèrement Inas.


* * *


Pour la première fois depuis très, très longtemps, Inas put se laver avec de l’eau chaude et il enfila une tenue propre.

Pendant qu’il assistait à la messe, Inas devint en plus en plus abattu. Ce n’était pas parce qu’il ne pourrait plus jamais voir sa mère, qui avait souffert de maladie pendant tellement d’années et dont il ne restait plus qu’un corps tout émacié.

C’était parce que son père était venu assister aux funérailles complètement ivre.

Cet homme, qui ne méritait même plus le titre de père, puait l’alcool. Il poussa des jurons et finit par s’endormir en ronflant bruyamment. Inas avait dû s’asseoir à côté de lui et il endura tout ça avec le visage cuisant de honte, sans même avoir l’occasion d’être triste.

Quand le cercueil fut porté hors du temple, Inas empêcha les gens autour de lui de réveiller son père. Grâce à ça, l’inhumation de sa mère se passa tranquillement et sans incident.

Pendant qu’il regardait le cercueil se faire recouvrir de terre dans le cimetière une fois les funérailles terminées, il réfléchit intensément.

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La raison pour laquelle il ne pouvait pas partir jusque là, c’était sa mère malade. À présent, le mieux pour Inas était de rejeter ce titre qui n’était rien d’autre qu’un poids et qui n’avait aucune valeur, puis de partir loin d’ici. Il ne voulait plus du tout rester près de son père.

Ayant pris sa décision, Inas retourna dans leur maison. Il comptait récupérer son épée et trouver quelques pièces à prendre avec lui.

Il passa sur le pont au-dessus de la rivière qui traversait le village.

Marchant alors qu’il était perdu dans ses pensées, Inas ne remarqua pas la main qui se tendit vers lui sur le côté. Quand il se fit subitement retourner, il vit son père qui se tenait là, ce qui ne fut pas une surprise pour lui.

« Sale petit enfoiré, ta mère s’est faite enterrer et toi, tu n’as même pas réveillé ton père ?! »

Inas en resta stupéfait en voyant le visage rouge de colère de son père.

Pour un type qui s’était pointé complètement ivre et qui s’était endormi durant la messe, c’était plutôt ridicule de le voir se fâcher pour ça.


Cependant, quand l’homme vit l’expression de son fils, il se fâcha encore plus.

« Qu’est-ce que tu as bien pu faire pour que la baronne Latizen paie pour l’enterrement, hein ? »

Les yeux d’Inas s’écarquillèrent devant l’insinuation ridicule. Cela ne faisait que quelques heures que sa mère était morte et enterrée, alors il se fâcha contre son père qui l’insultait à présent :

« Ce n’est pas du tout ça !

– Comment oses-tu regarder ton père comme ça ?! »

Les coups de poing de son père furieux se mirent à pleuvoir sur Inas. Ce dernier ne put résister. Il avait bien trop l’habitude de ça et en plus, cela faisait longtemps que son père avait instillé la peur en lui.

C’était normal. Ça faisait mal. Mais cela allait finir par passer.


Mais aujourd’hui, aujourd’hui… Contrairement aux autres fois, Inas n’arriva pas à contrôler ses émotions. La fureur l’envahit, balayant même sa vieille peur ancrée en lui.

Inas finit par résister à son père. Il le repoussa de toutes ses forces et tenta de s’enfuir en courant.

« Pour qui tu te prends ?! » hurla l’homme.

Inas rendit les coups à son père enragé. Ce dernier était bien plus fort que lui, cependant Inas était également considéré comme un génie de l’épée.

Le père d’Inas frappait vicieusement, comme s’il voulait vraiment tuer son fils. Inas se défendit également comme si sa vie était en jeu. Après quelques échanges de coups, le père se fit pousser par-dessus la rambarde du pont.

Inas voulait juste repousser désespérément son père qui était en train de l’étrangler. Cependant, l’autre homme, qui était complètement ivre, perdit l’équilibre et son corps tomba en arrière.

Ce fut alors qu’il tomba du pont.

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Un souffle violent de vent passa. Inas resta figé un moment, écoutant le sifflement du vent qui faisait penser à des fantômes qui hurlaient. En à peine un instant, de la sueur froide se mit à couler sur son visage comme de la pluie.

Très pâle, Inas posa les mains sur la rambarde et regarda plus bas.

Son père était tombé dans la rivière sous le pont. Il s’était cogné la tête en atterrissant, car une grosse quantité de sang coulait de sa tête.

Était-il mort ?

Au même moment, le corps de l’homme sursauta. Il se convulsa comme en proie à une immense douleur.

Mon père est encore en vie.

Dès que cette pensée traversa son esprit, Inas s’enfuit en courant, sans même un regard en arrière.

Cela aurait été pourtant son devoir en tant que fils que d’aller immédiatement chercher un prêtre ou un docteur.


Mais Inas ne voulait pas soigner son père. Il n’avait pas l’intention de faire quoi que ce soit pour l’aider à rester en vie. Dès que son père serait guéri, il se vengerait d’Inas qui l’avait poussé. Ou bien s’il y avait des séquelles, Inas serait obligé de prendre soin de son père pour le restant de ses jours.

Je préfère encore mourir !

Non, c’est lui qui doit mourir, par pitié, par pitié !

Inas pria avec ferveur et Dieu, dont il avait toujours douté de l’existence, exauça sa prière pour la première fois.


Note de Karura : Inas avait bien dit que son père n’était qu’un salaud.







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