Ancient Gods Sanctuary 9

Chapitre Neuf : Une victoire au goût amer



Le soleil s'était levé sur les murs de Babelhu. Les prêtres s'étaient réfugiés dans la chapelle principale, implorant les dieux de les sauver bien que ceux-ci se trouvaient tout près d'eux. Fidèle à sa promesse, Myst Nail avait fait apparaître dès l'aube les soldats de l'armée impériale : environ trois mille hommes, moins nombreux que les fidèles de Shao Paï mais par contre ils étaient très bien entraînés à l'art de la guerre. Ils étaient postés autour de Babelhu à une certaine distance, prêts à recevoir les rebelles et à faire couler leur sang sur le sable et les rochers.


Naguère Babelhu avait reçu de nombreux pèlerins avides de contempler le visage de leurs dieux. À cette occasion ces derniers apparaissaient sur une immense terrasse qui surplombait l'entrée du palais. Cela faisait très longtemps qu'ils ne s'y étaient plus retrouvés et maintenant ils attendaient en silence l'arrivée de leur ennemie, profitant du fait que cette terrasse offrait une vue imprenable sur le désert et les montagnes qui entouraient le palais. La fraîcheur de la nuit disparut progressivement avec l'arrivée des rayons du soleil. Le ciel était clair et d'un bleu encore pâle mais la couleur foncerait au cours de la prochaine heure pour atteindre un azur profond. Une légère brise s'attardait sur les lieux avec curiosité.


Pour l'occasion chaque dieu était revêtu d'une armure bien qu'ils n'aient jamais eu à se battre. Celle de Myst Nail était d'obsidienne et il se tenait à la tête des dieux, comme figé dans du marbre. Un peu en retrait Hane Lath, vêtue d'une armure couleur émeraude assortie à ses yeux, l'observait attentivement en tâchant de deviner ses intentions. S'il faisait ce qu'il avait promis, elle n'aurait pas à intervenir. Sinon... elle tapota une pochette accrochée à sa taille. La boîte s'avérerait fort utile dans ce cas.


« Là ! » s'écria soudain Kali Ness, ses yeux bleus s'écarquillant tandis qu'elle désignait un point à l'horizon.

Un immense nuage sombre s'avançait vers eux, engouffrant le ciel. Cela aurait pu provenir d'une tempête naturelle sauf que le nuage allait dans le sens contraire de la brise, laquelle ne saurait être annonciatrice de tempête. Des éclairs sonores parcouraient la masse en mouvement et il paraissait enfler à chaque instant, menaçant de dévorer la terre elle-même.

« C'est elle ? » paniqua Hane Lath, cherchant leur ennemie du regard dans le nuage opaque.

Un pouvoir démentiel emplissait l'air si bien que même les dieux semblaient tétanisés par cette puissance.


Le nuage continua sa progression jusqu'aux limites de Babelhu, arrachant même des pans de montagnes lorsqu'il les heurta, soulevant des tonnes de sable, tandis qu'un rugissement violent heurtaient les tympans des êtres présents. La masse d'air sombre cessa soudain d'avancer, se replia sur elle-même puis dans un sifflement assourdissant, explosa en soufflant de l'air chaud sur son passage. Les soldats de l'armée impériale s'accroupirent pour ne pas être emportés tandis que les dieux eux-mêmes subirent l'impact de ce vent agressif.


De la poussière s'éleva dans l'air, aveuglant tout le monde un moment, puis elle remonta lentement vers le ciel et obscurcit le soleil. L'air se teinta d'un gris ocre et sa sécheresse âcre rendait la respiration difficile. Quand il fut à nouveau possible de voir, tous purent constater que le nuage s'en était retourné au ciel, prenant toute la place, et des éclairs le zébraient régulièrement, le tonnerre grondant doucement mais de façon menaçante. La contemplation du ciel fut de courte durée car les soldats de l'armée impériale découvrirent avec stupeur que le nuage leur avait apporté un présent : cinq mille hommes recouverts de noir de la tête aux pieds se trouvaient face à eux, leurs cimeterres dressés et un cri de guerre aux lèvres. Les fidèles de Shao Paï avaient été amenés par le nuage afin de prendre les soldats par surprise. La bataille débuta aussitôt et on put bientôt entendre des cris de rage et le sifflement des lames s'entrechoquant.


Les dieux n'eurent pas le loisir d'observer les mortels en train de combattre car le nuage leur avait aussi laissé une surprise : Shao Paï apparut dans le ciel, lévitant au-dessus de la terrasse où ils se tenaient. Vêtue d'une armure mauve, ses longs cheveux noirs bouclés flottant tout autour d'elle, ses yeux sombres lançant autant d'éclairs que le nuage qu'elle avait créé, sa main droite tenant une épée acérée, elle toisa d'un visage impassible ses compagnons qui se relevaient peu à peu.

« Dieux, leur fit-elle d'une voix amplifiée par son pouvoir qui fit trembler les fondations du palais millénaire, je suis venue entendre votre décision. Allez-vous quitter cette prison de Babelhu ou bien rester là ? »

Aucun des dieux ne trouva sa voix en cet instant, pas même Hane Lath dont les yeux étaient écarquillés de stupeur tandis qu'elle cherchait la force de se relever.


Seul Myst Nail était resté debout dans la tempête et maintenant il s'avança calmement et bondit sur le rebord de la rambarde, les pans de sa cape bleu nuit battant au gré du vent. Sans crainte, il défia la déesse du regard.

« Nous restons, » affirma-t'il.

Une ombre parcourut le visage mat de Shao Paï et elle resta un moment sans rien dire tandis que les éclairs s'activaient toujours au-dessus d'elle dans le ciel tourmenté. Finalement elle fit d'une voix caverneuse :

« Qu'il en soit ainsi. Alors je détruirai votre prison. »

Elle leva une main sur le côté et un tremblement parcourut soudain le palais. Dans de nombreuses pièces, des pans de mur s'effondrèrent et même le sol menaçait de céder. Sur la terrasse, une partie de la rambarde s'affaissa et des dalles de pierre commencèrent à tomber dans le vide. Avec des cris, les dieux se regroupèrent de l'autre côté et gardèrent leur équilibre tant bien que mal.


Myst Nail s'élança dans les airs à son tour et envoya une vague de pouvoir vers la déesse qui la dévia d'un geste presque négligent. Ses yeux noirs étincelèrent de fureur. Les tremblements qui menaçaient de détruire Babelhu s'estompèrent suite à cette diversion.

« Tu veux m'affronter, moi ? siffla Shao Paï en direction du roi des dieux.

– Je te propose un marché, rectifia-t'il. Si tu parviens à me battre, nous te suivrons où tu voudras. Sinon... »

La déesse rétrécit ses yeux alors que Myst Nail arbora soudain un sourire impudent.

« Sinon c'est toi qui devras rester avec nous ! » conclut-il.

Elle croisa les bras et réfléchit à cette offre.

« C'est ainsi que tu veux régler les choses ? Alors soit, j'accepte, » décida-t'elle au bout d'un moment.

Le dieu aux yeux rouges s'inclina.

« Que le combat commence ! » fit-il avec enthousiasme.


S'entourant d'un halo de flammes et faisant apparaître une épée dans sa main, il s'élança vers elle à grande vitesse. Elle tendit le bras devant elle et Myst Nail se heurta à un mur invisible. La collision déclencha une onde de choc qui ébranla tout autour d'elle, les dieux comme les mortels. Les coups continuèrent de pleuvoir de plus en plus rapides et violents. Les dieux restés en arrière se protégeaient comme ils le pouvaient mais les fondations mêmes du palais, déjà menées à mal par le séisme provoqué par Shao Paï, enduraient la violence des impacts. À ce rythme-là, que Shao Paï l'emporte ou non, le palais serait quand même détruit ! Tandis que les soldats et les fidèles de Shao Paï s’entre-tuaient sur le sable, les deux dieux combattaient dans le ciel orageux.


Hane Lath quant à elle ne quittait pas Myst Nail des yeux. Les yeux plissés pour mieux voir à cause des débris et de la poussière charriés par le vent, elle guettait le moindre signe de faiblesse. Elle voulait sincèrement laisser une chance à Myst Nail de prouver qu'il était prêt à aller jusqu'au bout contre Shao Paï. Elle désirait la preuve que ses soupçons n'étaient pas fondés, que Myst Nail resterait de leurs côtés et qu'il n'allait pas les tromper. Elle espérait de tout son cœur faire erreur et qu'elle n'aurait jamais besoin d'utiliser l'arme terrible qui lui était mystérieusement apparue mais un sombre pressentiment l'avait saisie depuis le début de ce combat épique et elle savait qu'elle aurait à s'en servir quel qu'en soit le prix. Shao Paï ne devait pas être autorisée à côtoyer Myst Nail plus longtemps !


Une clameur s'éleva soudain parmi les dieux : Myst Nail était blessé ! Une des attaques de son adversaire l'avait atteint et un nuage de sang avait jailli de son corps. Ce genre de blessure n'était évidemment pas mortel pour les dieux puisqu'ils pouvaient se soigner d'une simple pensée. Toutefois cela démontrait de façon inquiétante que Shao Paï était du même niveau que le souverain des dieux. Du coup les dieux qui avaient cru en la victoire facile de Myst Nail commencèrent à douter. Hane Lath retint son souffle et observa son époux : il avait marqué une légère pause afin de faire cesser l'hémorragie puis il était reparti au combat de plus belle. Cependant ses mouvements semblaient moins vifs et ce n'était certainement pas dû à sa blessure. Hane Lath plissa les yeux : malheureusement son intuition se confirmait.


« Ande Ros, murmura-t'elle en se rapprochant du colosse qui avait les yeux levés au ciel comme les autres, à mon signal, sois prêt à intervenir. »

Cela attira son attention de façon radicale. Il baissa les yeux vers elle, confus.

« Que veux-tu dire ? »

Terriblement sérieuse, elle lui expliqua :

« Je ne la laisserai pas gagner, à aucun prix ! Tu sais que j'ai raison. »

Il bougonna un peu mais ne répliqua rien. La reine des déesses hocha la tête avant de reprendre son observation du combat. Après un moment d'hésitation Ande Ros en fit de même.


~*~

Le combat dura plus d'une heure et le terrain environnant en fut irrémédiablement endommagé. Les mortels avaient décalé leur propre bataille un peu plus loin de Babelhu afin de ne pas être pris dans les explosions provoquées par les dieux. Il y avait de nombreux morts et blessés dans les deux camps mais aucun n'avait pris le dessus. L'issue de la bataille était encore incertaine, tout comme pour le duel entre Shao Paï et Myst Nail. Des cratères avaient fleuri un peu partout dans le sable et il ne restait plus grand-chose des montagnes les plus proches. Quant à Babelhu, le palais tenait encore debout mais de nombreuses tourelles avaient été soufflées par les multiples explosions.


Myst Nail et Shao Paï combattaient encore. Ils s'étaient blessés tour à tour si bien que désormais ils prenaient le temps de soigner uniquement leurs blessures mortelles. C'était également pour économiser leurs forces déclinantes. Tout comme pour leurs serviteurs mortels, aucun des deux ne semblaient avoir l'avantage. Quant aux dieux spectateurs sur la terrasse presque en ruines, ils étaient figés, à la fois admiratifs et terrifiés par leur ennemie.

« Qui aurait cru qu'elle était aussi puissante ? murmura Bel Then d'un ton surpris.

– Que ferons-nous si elle arrive à battre Myst Nail ? gémit Kali Ness. Il faudra quitter Babelhu ? »

Cette perspective ne semblait plus si improbable, subitement.


À ce moment Myst Nail vacilla. L'équilibre des forces se modifia sans prévenir. Le souverain des dieux paraissait à bout et son adversaire n'allait certainement pas lui laisser le temps de se reprendre. Shao Paï se dirigea vers lui, épée au poing, prête à porter le coup fatal...

« Maintenant, aidez-moi tous ! » lança soudain Hane Lath en s'élançant dans le ciel aussi vite qu'elle le put.

Ande Ros réagit comme promis et dans une stupeur hébétée, les autres dieux l'imitèrent après un bref moment d'hésitation. Ce fut une véritable chaîne divine qui se rua vers le ciel et les quelques mortels survivants interrompirent leurs combats pour observer ce miracle.

« Attaquons-la ! » ordonna Hane Lath en montrant l'exemple.


Des sphères d'énergie plurent sur la déesse rebelle qui fut forcée de les repousser avec agacement.

« De quoi vous mêlez-vous ?! » les invectiva-t'elle.

Cette brève diversion permit à Hane Lath de se dresser bravement entre elle et son époux.

« Hane Lath, fit ce dernier d'une voix faible, que... »

Mais la déesse aux yeux verts lui tournait le dos, entièrement concentrée sur sa rivale qui la fixa avec irritation.

« Tu ne sais donc pas te battre à la loyale, Myst Nail ? railla-t'elle son ennemi. Tu laisses ta femme te défendre ?

– Nous refusons de partir ! intervint Hane Lath. Quant à toi... »

La déesse sortit le cube de son étui et le tendit devant elle. Shao Paï l'observa avec circonspection mais ne décela aucune menace dans cet objet.

« Je ne peux plus t'autoriser à répandre librement tes inepties, poursuivit Hane Lath. Tu vas avoir l'éternité pour te repentir de tes actes ! »


Elle remplit le cube de sa volonté et l'objet s'éleva doucement en tournoyant sur lui-même. Hane Lath le projeta vers son ennemie. Shao Paï haussa un sourcil dédaigneux puis voulut détruire cet objet avec une sphère d'énergie... sans effet.

« Que... ? »

Avant qu'elle ne puisse s'écarter, le cube l'avait déjà heurtée.

« Shao Paï ! » s'écria Myst Nail en se redressant.

Le cube grandit tout à coup et devint presque translucide. Il entoura Shao Paï qui regarda autour d'elle d'un air consterné. Elle ne pouvait plus bouger ! Soudain les parois sombres rétrécirent rapidement et le cube reprit sa solidité en même temps que sa taille normale, se refermant sur sa proie qui disparut de la vue de tous. Entouré d'un faible halo argenté, l'objet revint lentement jusqu'à Hane Lath. Sous le choc cette dernière tendit machinalement la main et le cube se laissa tomber dedans. Il était tiède au toucher et était animé d'une douce vibration. Le halo disparut mais ni la chaleur ni la vibration. Hane Lath relâcha soudain son souffle.


Les dieux l'entourèrent avec prudence et la regardèrent comme si c'était la première fois qu'ils la voyaient. Tout à coup ils l'acclamèrent triomphalement. Sursautant, elle regarda tout autour d'elle et constata que le nuage invoqué par Shao Paï s'était dissipé comme s'il n'avait jamais existé. De plus un cri victorieux retentit plus bas : les soldats impériaux venaient de mettre en déroute la centaine de survivants de l'armée des rebelles. Les dieux l'avaient emporté.

« Hane Lath ! Hane Lath ! » clamèrent ses compagnons avec joie.

La déesse cligna des yeux et esquissa un sourire timide.

« Myst Nail ! s'exclama Ande Ross à côté d'elle. Tu as vu ce qu'elle a fait ? N'avons-nous pas bien choisi notre reine ? »


Hane Lath sentit soudain un grand froid la parcourir. Elle se tourna lentement, tenant toujours la boîte métallique entre ses mains, et finit par croiser avec réticence le regard de son époux. Les rubis brûlaient d'un rouge intense sur un visage figé. Comment une telle chaleur pouvait-elle la glacer à ce point ? Elle comprit qu'il était furieux, une rage au-delà des mots. Elle déglutit nerveusement.

« Hane Lath, fit-il d'une voix dont la douceur contredisait la colère qui brûlait dans son regard, qu'as-tu fait ? »

Cette simple question jeta un malaise trouble parmi les dieux. Ils cessèrent leurs vivats et se regroupèrent nerveusement.


Hane Lath se recroquevilla puis se ressaisit et carra ses épaules afin de lui faire face dignement.

« Je nous ai tous protégés, déclara-t'elle.

– J'avais pourtant clairement précisé que c'était à moi et moi seul de la combattre, répliqua le roi des dieux.

– Elle allait te vaincre, expliqua Hane Lath. Elle allait tous nous chasser d'ici pour nous obliger à vivre parmi les mortels qu'elle aime tant. Je ne pouvais pas la laisser faire ! »

Une ombre sembla soudain entourer Myst Nail et propager au monde tout autour.

« Est-elle morte ? » demanda-t'il en insistant lourdement sur ce dernier mot.


De l'électricité crépita dans l'air. Même le soleil parut se voiler. Oppressée, la reine des déesses ouvrit la bouche pour répondre mais les mots sortirent laborieusement.

« ... Elle... est seulement... prisonnière... là-dedans... »

Myst Nail l'observa un long moment puis cligna des yeux et le monde redevint tout à coup normal. La lumière réapparut et la sensation pesante disparut. Chacun put respirer de nouveau. Le souverain des dieux fixa la boîte que tenait son épouse en fronçant les sourcils.

« D'où vient cette chose et pourquoi ne puis-je la détruire ? s'enquit-il.

– Je... c'est moi qui l'ai créée, déclara-t'elle avec aplomb. Je voulais un moyen d'arrêter Shao Paï... sans que ce soit définitif.

– Je vois, fit Myst Nail en relevant les yeux vers elle. Libère-la.

– Non ! » s'écria-t'elle spontanément.


Un éclair passa dans les yeux rouges.

« Libère-la, » répéta-t'il en détachant chaque syllabe.

Hane Lath pressa la boîte contre elle en un geste protecteur.

« Non, répliqua-t'elle avec obstination. Si je la libère, tout recommencera : elle voudra nous chasser de chez nous et il faudra encore la combattre. Cela ne servira à rien !

– Elle a raison, intervint courageusement Ande Ros. Désolé Myst Nail, mais on a tous vu que Shao Paï était en train de l'emporter sur toi. On ne peut pas risquer ça. »

Le roi des dieux lança un regard furieux au dieu qui osait intervenir. Ande Ros grimaça mais ne revint pas sur sa position. Peu à peu les autres dieux commencèrent à marquer leur assentiment et il devint bientôt clair que seul Myst Nail souhaitait qu'on libère la déesse rebelle. Il ne pouvait s'opposer à tous ses compagnons, bien que l'envie fut très forte.


Myst Nail finit par soupirer et se tourna de nouveau vers Hane Lath :

« Que vas-tu faire d'elle alors ? »

La reine des déesses n'y avait pas vraiment songé ; c'était à peine si elle avait cru que le cube fonctionnerait pour de bon. Elle contempla l'objet entre ses mains puis ferma les yeux.

« Je vais la laisser là un moment, murmura-t'elle dans un souffle. Elle ne peut plus faire de mal à personne et comme ça, elle pourra réfléchir à ce qu'elle a fait !

– Que se passe-t'il à l'intérieur ? s'enquit le dieu avec une inquiétude dissimulée.

– Je... je l'ignore.

- C'est pourtant bien toi qui a crée cette boîte, non ? »

Troublée, Hane Lath ne sut que répondre.

« Bien sûr que c'est moi, répondit-elle finalement. Qui d'autre ? »


Son époux s'avança soudain vers elle et lui prit le cube des mains. Elle poussa un léger cri de consternation. Myst Nail observa la boîte dans tous les sens et se concentra dessus pour l'ouvrir : rien ne se produisit. Il ne pouvait agir sur cet objet. Il semblait en effet que ce soit bien Hane Lath qui l'ait crée puisqu'elle était la seule à pouvoir s'en servir.

Myst Nail se tourna ensuite vers les autres dieux. Il comprit qu'il ne trouverait aucun soutien parmi eux dans l'immédiat : la puissance de Shao Paï les avait effrayés et ils n'aspiraient qu'à retrouver le calme et la paix. Il ferma les yeux. Au moins Shao Paï était toujours en vie même s'il ne savait pas ce qu'elle devait endurer. Il se jura de trouver un moyen de convaincre ou forcer Hane Lath à la libérer même si pour cela il devait manipuler les autres dieux.

« Soit, concéda-t'il finalement, mais nous ne la garderons pas emprisonnée à jamais. Nous reparlerons de sa libération dans quelques temps. »


Un sourire victorieux se dessina sur les lèvres de la reine des déesses.

« Bien sûr, » acquiesça-t'elle en tendant la main pour récupérer son bien.

Cependant, Myst Nail n'était pas enclin à la lui rendre.

« Je vais garder cette boîte avec moi, décréta-t'il. Je ne te la rendrai que lorsque le moment sera venu de libérer Shao Paï. Ce serait dommage que tu égares cet objet entre temps... »

Le sourire disparut des lèvres de la déesse qui avait été percée à jour.

« Et tu me diras précisément comment t'est venue l'idée d'une telle arme, » ajouta le dieu aux yeux rouges.

Hane Lath hocha nerveusement la tête. Peut-être que la victoire ne lui était pas entièrement acquise, après tout.

~*~

En l'espace de deux siècles, les gens pouvaient énormément changer. Après la victoire des dieux sur Shao Paï et la mise en déroute de son armée de rebelles, les prêtres survivants avaient pourchassés jusqu'au dernier de ses fidèles, aidés par l'empereur. Les soldats impériaux racontèrent tout autour d'eux le combat acharné des dieux et leur victoire éclatante si bien que la religion connut un nouvel essor et que les pèlerins se précipitèrent de nouveau vers Babelhu. Le palais avait été reconstruit mais le paysage autour conserverait à jamais les stigmates du rude combat qui s'y était déroulé.


Le grand prêtre fut dans un premier temps extatique à cause du regain de foi et de la destruction du culte opposé, mais il déchanta très vite : Myst Nail se montrait désormais ouvertement méfiant envers lui et questionnait sans cesse ses motivations. De plus il ne croyait plus en ses rapports et chaque fois qu'une information lui était rapportée, il se déplaçait en personne pour la vérifier. Une bonne dizaine de fois il découvrit ainsi qu'on avait tenté de l'abuser et sa colère fut terrible. Hane Lath n'appréciait pas de le voir quitter Babelhu même pour une courte durée mais elle ne put le raisonner : Myst Nail lui en voulait toujours pour l'emprisonnement de Shao Paï et leurs rapports étaient tendus depuis. Ils vivaient désormais dans deux suites séparées, ce qui avait alimenté de nombreuses rumeurs parmi leurs semblables. Hane Lath se désolait de cette situation mais cela lui semblait préférable à voir Shao Paï influencer librement les dieux. Myst Nail allait bien finir par oublier cette déesse, comme l'avaient fait les autres dieux : plus personne ne parlait d'elle ou bien de la bataille, c'était un épisode de leur histoire qu'ils mettaient beaucoup d'empressement à oublier.


Le changement s'accéléra lorsqu'un groupe d'une quarantaine de personnes se présenta aux portes du palais un beau matin. Les prêtres crurent tout d'abord avoir affaire à un autre convoi de pèlerins mais comme ils n'avaient aucune offrande et réclamaient de voir les dieux, les religieux se hâtèrent de les chasser... mais ils se heurtèrent à une force invisible ! Les étrangers restaient immobiles et inoffensifs mais lorsque les prêtres tentaient de les repousser ou de leur jeter des pierres, les projectiles rebondissaient sur un mur transparent. Après de nombreuses hésitations le grand prêtre se risqua à informer Myst Nail de ces visiteurs opportuns.


Quand la nouvelle parvint aux oreilles des dieux, ils furent aussitôt inquiets en croyant à une nouvelle attaque de Shao Paï, bien qu'elle soit toujours prisonnière de ce que les prêtres avaient fini par nommer la boîte de Pandore. Myst Nail fut contraint d'accepter d'être accompagné par les autres dieux pour voir ces visiteurs bien étranges. En les voyant apparaître à l'entrée du palais, les nouveaux-venus s'agenouillèrent aussitôt. Dans un silence pesant Myst Nail les observa. Ils avaient tous à peu près le même âge — la vingtaine — des deux sexes, vêtus de tuniques grises identiques et d'une longue cape noire. Ils n'avaient aucune vivre avec eux et pas d'eau. Myst Nail fronça les sourcils car cela lui rappelait leur propre arrivée en ce monde.


Le roi des dieux s'avança après avoir fait signe à ses compagnons de rester en arrière.

« Qui êtes-vous et que voulez vous ? » exigea-t'il de savoir d'une voix tonitruante.

Un couple agenouillé en tête des autres releva la tête. L'homme avait les cheveux noirs mi-longs retenus en une queue de cheval excepté pour deux mèches grises qui tombaient de chaque côté de son visage aux traits proéminents. La femme avait de longs cheveux verts ondulés. Une bouche rouge pulpeuse et des yeux bleu clair ornaient un visage fin.

« Maître, fit l'homme, nous sommes vos chevaliers et nous n'existons que pour vous servir. »

Le souverain des dieux fronça les sourcils. Le mot 'chevalier' ne lui disait rien.

« Nous avons déjà des gens pour nous servir, fit-il en désignant les mortels derrière lui. Nos fidèles prêtres.

– Ce ne sont que des mortels, répliqua la femme d'un ton froid. Contrairement à nous. »


Un murmure étonné parcourut les dieux sans parler des prêtres présents. Même Myst Nail parut ébranlé.

« Voulez-vous dire... que vous êtes aussi des dieux ?

– Non maître, nous sommes des chevaliers, reprit l'homme d'un ton patient. Nous possédons certains pouvoirs, bien qu'ils n'égalent pas les vôtres et nous pouvons également transcender la mort. Ainsi, nous vous serons éternellement fidèles, bien plus que ne le seront jamais ces mortels. »

Myst Nail prit un moment pour considérer ces propos. Il était clairement perplexe. Il se tourna vers ses compagnons divins qui étaient aussi perdus que lui mais intrigués. Il ramena son regard sur les chevaliers.

« D'où venez-vous ? demanda-t'il. Puisque vous prétendez être destinés à nous servir, pourquoi n'apparaissez-vous que maintenant alors que cela fait déjà mille ans que nous sommes en ce monde ?

– Nous n'existions pas avant ce matin, répondit la femme. Nous sommes brusquement apparus en ce monde. Nous n'avons aucun souvenir antérieur mais nous savons que notre mission est de vous servir. »

C'était plus que troublant.


Désireux d'éclaircir certains points, Myst Nail voulut vérifier une partie de leurs dires.

« Montrez-moi de quoi vous êtes capables. »

Les deux chevaliers qui s'étaient adressés à lui échangèrent un bref regard avant de se lever. Ils se firent face et reculèrent de quelques pas. L'homme leva une main et une sphère d'énergie apparut entre ses doigts. Bien que de faible puissance, aucun mortel n'aurait pu accomplir un tel prodige. L'homme la lança sur sa compagne qui la dévia d'un revers de la main. La sphère passa au-dessus de la tête des autres chevaliers toujours agenouillés qui ne bronchèrent pas et explosa sur une paroi rocheuse. Le doute n'était plus permis pour les dieux : ces gens avaient vraiment des pouvoirs hors du commun. Les deux chevaliers firent de nouveau face à Myst Nail et s'inclinèrent devant lui, attendant de nouvelles instructions.


Alors que Myst Nail se sentait plus que méfiant, il savait qu'il ne serait pas raisonnable de laisser ces chevaliers errer dans la nature. Il était plus prudent de garder un œil sur eux.

« Soit. En attendant de savoir ce qu'il en est exactement, nous vous invitons à entrer. Vous pourrez nous en dire plus sur vous et notre mission.

– À vos ordres, maître ! » firent les deux chevaliers.

Ignorant les protestations étouffées des prêtres, Myst Nail les fit entrer dans le palais. Sur leur passage les dieux dévisagèrent les chevaliers avec une curiosité non dissimulée, de nombreux murmures agités ainsi que de l'inquiétude. Hane Lath parvint à se glisser aux côtés de son époux.

« Est-ce bien prudent de les faire entrer ? lui souffla-t'elle.

– Ils ont des pouvoirs semblables aux nôtres, répliqua-t'il. D'une façon ou d'une autre, nous devons découvrir qui ils sont et ce qu'ils nous veulent... et ce sera plus facile s'ils restent ici, là où nous pourrons les surveiller.

– Mais si leur véritable but est de nous attaquer par surprise de l'intérieur ? »


Il lui lança un sourire dénué de chaleur.

« Dans ce cas, ma chère, je compte sur toi pour nous produire plein d'autres jolies boîtes pour les emprisonner. »

Hane Lath se raidit. De temps à autres Myst Nail lui rappelait cet événement avec cruauté. Le reste du temps, fort heureusement, il se comportait de façon tout à fait cordiale avec elle. Ils vivaient toujours séparés et bien que parfois Hane Lath pensait qu'un rapprochement était encore possible, il arrivait que Myst Nail se comporte froidement avec elle, brisant ses espoirs. Au moins les autres dieux avaient arrêté de spéculer au sujet d'une probable rupture définitive. En tout cas l'ombre de Shao Paï planait encore entre eux, d'autant plus que Myst Nail conservait toujours la boîte de Pandore dans ses appartements. À force de se faire questionner inlassablement, Hane Lath avait fini par lui parler de son rêve étrange, ce rêve qui avait précédé l'apparition de la boîte. Depuis ce moment Myst Nail n'avait plus abordé ce sujet. Il ne lui avait pas non plus une seule fois demandé de libérer Shao Paï. De toute manière elle aurait refusé. Il était encore bien trop tôt pour cela. La reine des déesses voulait d'abord arranger son couple avant de remettre en liberté une éventuelle rivale.

~*~

Un grand banquet fut rapidement organisé durant lequel les deux groupes purent discuter à loisir. Il semblait que les chevaliers avaient une idée bien précise du dieu qu'ils devaient servir car ils se dirigèrent tout naturellement vers leur maître destiné. Myst Nail se retrouva ainsi avec le couple qui avait fait la démonstration de leurs pouvoirs à l'entrée du palais. L'homme se nommait Murio et la femme Silène. La connaissance de leur nom était une évidence inexplicable pour eux de même que le fait qu'ils étaient au service de Myst Nail. Malgré sa méfiance initiale, le dieu ne pouvait nier qu'il existait une sorte de connexion entre eux, un lien mystérieux mais solide. Il en fut intrigué et les questionna longuement, tentant de percer le secret de leur existence.


Malgré son insistance ils s'en tinrent à leur version d'origine : ils n'étaient apparus que le matin même à quelques kilomètres de Babelhu. Ils n'avaient aucun souvenir de l'endroit d'où ils venaient mais ils avaient une idée bien précise en tête : rejoindre les dieux et les servir. Leurs pouvoirs, tout comme leur noms ou le dieu auquel ils appartenaient, semblaient instinctifs. Cela rappelait fortement à Myst Nail leurs propres débuts, excepté qu'à l'époque ils n'avaient aucune idée de leur nature, de leurs pouvoirs ni même de leur mission. Peut-être était-ce là l'une des différences fondamentales entre les dieux et les chevaliers.


Hane Lath quant à elle avait hérité d'un seul chevalier, un homme aux cheveux roux et aux yeux noirs nommé Rhyll. Le contact semblait bien se passer et la déesse souriait en lui parlant. De façon générale le nombre de chevaliers par dieu variait sans raison logique. Ande Ros avait deux chevaliers, un homme et une femme, alors que Kali Ness en avait trois ! Le nombre de chevaliers ne semblait donc pas être un indicateur de puissance. En tout cas la méfiance des dieux s'envolait peu à peu. Dans le fond l'idée d'avoir des serviteurs dévoués et immortels comme eux semblait faire rapidement son chemin dans l'esprit des dieux.


Les chevaliers étaient très déférents avec eux, les appelant maître ou maîtresse, répondant volontiers à toutes leurs questions et faisant la démonstration de leurs pouvoirs sans rechigner. Ils pouvaient en général influer sur la matière et produire des sphères d'énergie bien que leur force soit variable. Ils pouvaient aussi se transporter instantanément comme les dieux mais ne pouvaient pas créer.

« C'est normal, acquiescèrent les dieux. Le pouvoir de création ne doit être réservé qu'aux dieux. Après tout, n'avons-nous pas crée ce monde et tous ces occupants ? »

Bercés depuis plus mille ans par les louanges des prêtres, les dieux avaient fini par se convaincre qu'ils avaient bel et bien conçu l'univers même si aucun d'entre eux n'en gardait le souvenir.


Au milieu de la nuit quand les dieux se retirèrent peu à peu, ce fut aussi tout naturellement que leurs chevaliers les suivirent. Alors que l'assemblée se raréfiait, le regard perçant de Myst Nail remarqua un groupe de quatre chevaliers, trois hommes et une femme, qui étaient restés en retrait tout au long de la soirée, la mine sombre. Il fronça les sourcils.

« Qui sont-ils ? » demanda-t'il à ses propres chevaliers en les désignant du menton.

Silène et Murio conservèrent le silence un moment avant d'oser demander :

« Maître, est-il possible que... tous les dieux n'aient pas été présents à cette soirée ? »

Myst Nail se renfrogna. Hane Lath, qui n'était pas bien loin, entendit cette question et se rapprocha, intriguée. Rhyll, son chevalier, la suivit un peu en retrait.

« Quel est le problème ? s'enquit-elle après avoir jeté un regard à son époux.

– Maîtresse Hane Lath, fit Murio en s'inclinant devant elle, ce groupe de chevaliers ne peut trouver le dieu qu'ils sont censés servir. »


La déesse balaya du regard le groupe indiqué. Un éclair de mécontentement parcourut ses yeux verts.

« Quatre, marmonna-t'elle, rien que ça ! »

Elle prit une gorgée de vin dans le verre qu'elle tenait.

« Ils doivent vraiment tous servir le même dieu ? s'enquit-elle. Vous ne trouvez pas que ça fait un peu beaucoup pour une seule personne ? Après tout aucun des nôtres n'a quatre chevalier, il me semble. »

Murio secoua la tête.

« Ce n'est pas à nous de choisir celui que nous avons le privilège de servir. Nous le savons, tout simplement. »

Hane Lath renifla de dérision.

« Et ces quatre-là sont pour elle, apparemment, glissa-t'elle à Myst Nail qui avait gardé le silence. On devrait sans doute leur dire que ça ne sert à rien d'attendre et qu'ils feraient mieux de se choisir une autre maîtresse.

– Tu n'as pas écouté, fit enfin le roi des dieux. Ils n'ont pas le choix en la matière et nous non plus. »


Il se dirigea vers les quatre personnes qui s'inclinèrent à son approche. Il les regarda un moment sans rien dire puis fit :

« Qui devez-vous servir ? »

L'un des hommes, aux cheveux noirs mi-longs en bataille et aux yeux verts, répondit après une brève hésitation :

« Nous l'ignorons, maître Myst Nail. Il nous faut voir notre maître pour le reconnaître, et nous ne l'avons pas vu ici.

– Est-ce pareil pour vous autres ? demanda-t'il aux trois chevaliers restants. Vous devez servir la même personne ?

– Nous sommes liés tous les quatre, reprit le premier chevalier, nommé Éland. De cela nous sommes certains. »

Les autres murmurèrent leur assentiment. Myst Nail plissa le front puis se détourna brusquement.

« Suivez-moi, » les enjoignit-il.

Accompagné en tout de six chevaliers — les siens en prime — il se dirigea vers ses appartements sous les murmures des dieux restants.


Hane Lath le regarda partir avec mécontentement et reprit du vin.

« Maîtresse, fit soudain Rhyll à ses côtés, quelque chose ne va pas ? »

Elle se tourna vers lui et ne lut que de l'inquiétude dans son regard.

« Eh bien, commença-t'elle, c'est juste que... »

Elle se tut, perplexe. Elle n'avait pas pour habitude d'être l'objet d'autant de sollicitude. Même quand l'entente régnait entre Myst Nail et elle, il ne se montrait jamais aussi attentionné envers elle. Il était gentil et honnête — tellement honnête que cela devenait parfois de la cruauté involontaire — mais pas attentionné ou soucieux d'elle. Du coup elle éprouvait le besoin inexpliqué de se confier à son chevalier, de soulager sa peine et ses angoisses. Au fond d'elle elle était étrangement persuadée qu'il ne la trahirait jamais. Mais elle résista à cette impulsion nouvelle car la méfiance était toujours présente, quoique destinée à disparaître au fil du temps.

« Ce n'est rien, Rhyll, assura-t'elle. Cela passera. »

~*~

Myst Nail conduisit les chevaliers à ses appartements. Dans la pièce principale il emprunta une porte qui menait à un jardin d'intérieur — une telle chose serait impossible sans le pouvoir divin. Le doux murmure d'une fontaine était le seul bruit présent et la végétation dense donnait l'illusion qu'on était en pleine nature. Au centre se dressait une colonne de pierre d'une hauteur d'environ un mètre vingt. Dessus était posée une boîte métallique en forme de cube ornée d'émeraudes et couvertes de glyphes argentés. Les quatre chevaliers l'observèrent d'un air perplexe. Myst Nail soupira.

« Voici la boîte de Pandore, annonça-t'il. C'est en réalité une prison dans laquelle est actuellement enfermée une des nôtres, Shao Paï. »

Il prononça ce nom dans un souffle. Ses deux chevaliers échangèrent un regard mais ne dirent rien.


« C'est la seule déesse à ne pas être présente ce soir, poursuivit le dieu. Puisque vous ne trouvez pas votre maître, il y a de fortes chances pour que ce soit elle. »

Le dénommé Éland fixa la boîte avec consternation.

« Pourquoi est-elle enfermée ? demanda-t'il d'une voix étranglée.

– Il y a deux cents ans, elle a voulu imposer ses idées. Les autres dieux s'y sont opposés et... Hane Lath a utilisé la boîte de Pandore pour l'enfermer afin de l'empêcher d'agir.

– Deux cents ans ? Mais est-elle consciente ? Peut-elle nous entendre ou communiquer avec nous ? Nous ne sentons aucune présence dans cette boîte... »

Myst Nail secoua la tête.

« J'ignore tout cela. J'ai tenté de communiquer avec elle mais... sans succès. Je préfère me dire qu'elle est simplement endormie. »


Les chevaliers se rassemblèrent soudain autour de la boîte dans un silence profond. La seule femme du groupe, aux yeux noisettes et aux longs cheveux noirs, pleurait sans un bruit.

« Allez-vous la libérer un jour ? » demanda-t'elle timidement.

Le visage du roi des dieux s'assombrit.

« Seule Hane Lath peut la libérer et elle ne semble pas en avoir envie. Cependant je ferai tout mon possible pour que ce jour arrive.

– Vous avez toute notre gratitude, fit le premier chevalier, Éland. En attendant, permettez-nous de nous occuper de la protection de la boîte de Pandore. C'est bien la seule chose que nous pouvons faire pour notre pauvre maîtresse.

– Hors de question ! s'écria vivement le dieu. Elle reste avec moi ! »

Ce brusque éclat jeta un trouble parmi les chevaliers présents. Myst Nail se reprit.

« Cette boîte reste ici. Je ne fais confiance à personne d'autre que moi pour la protéger. »

Il hésita en voyant le visage abattu des chevaliers.

« Cependant, concéda-t'il, je vous autorise à rester ici jusqu'à sa libération. »


Les chevaliers s'inclinèrent respectueusement. Myst Nail reporta son attention sur la boîte de Pandore. Au fil du temps il avait constaté que les dieux ne mentionnaient même plus le nom de Shao Paï comme si elle n'avait jamais existé. La même chose s'était produite à partir du moment où elle les avait quittés dans le désert. Il avait fallu un événement inattendu comme l'arrivée des chevaliers pour que les dieux repensent à elle — mais pas en bien, hélas ! Dans de telles conditions, comment Myst Nail pouvait-il les convaincre de demander sa libération ? Hane Lath semblait toujours hostile à cette idée, comme elle l'avait prouvée tantôt dans la soirée. Myst Nail sentait bien que cela avait un rapport avec le froid entre eux depuis la bataille de Babelhu mais il était hors de question qu'il vive de nouveau avec la déesse responsable de l'emprisonnement de Shao Paï. Il ne pouvait lui pardonner ce geste de trahison. Son seul espoir était d'avoir les autres dieux de son côté pour demander la libération de la déesse. L'apparition des chevaliers en ce jour était peut-être un signe d'encouragement. C'était à lui d'exploiter cette opportunité.



Notes de Karura : Voici donc comment sont apparus les chevaliers. Oui, je sais, cela n'explique rien du tout ! Vous en découvrirez davantage plus tard. Le prochain chapitre sera le dernier de ce flashback et on retrouvera Shao Paï et ses chevaliers amnésiques.






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