Ancient Gods Sanctuary 15

Chapitre Quinze : Préparations au combat



Comme professeur, on ne pouvait pas dire que Shao Paï était très douée : elle manquait de patience, n'expliquait rien du tout et ne motivait absolument pas ses apprentis. Elle leur avait confié des tâches surhumaines et les avait simplement laissé se débrouiller. Elle se contentait de passer de l'un à l'autre, ne sachant que critiquer. Éland faisait face à un épais mur de glace et il devait le faire fondre. Ses minuscules boules de feu n'avaient arraché que quelques gouttes d'eau à l'ensemble — à moins que ce ne soit qu'un effet naturel de la douceur printanière qui régnait à Olympias. Vanien était enterré à la verticale dans la terre, seule sa tête dépassait, et il devait se sortir de là. Ménestan devait faire tomber un caillou sans le toucher. Quant à Alinda, elle avait pour tâche de transvaser de l'eau de la fontaine à un vase sans s'en approcher.


« Pourquoi suis-je le seul immobilisé ? » se plaignit Vanien.

Le chevalier blond se tortillait dans tous les sens pour s'extirper de sa position délicate : en vain. Ses compagnons partageaient la même frustration. Cela faisait déjà deux heures qu'ils s'échinaient ainsi et la nuit était à présent tombée sur Olympias. De grandes sphères lumineuses éclairaient les jardins mais cela n'aidait guère les chevaliers. De plus ils ne pouvaient se relâcher un seul instant car leur maîtresse les guettait, sa langue cinglant tel un fouet mordant.

« C'est toujours trop faible, Éland. Ton minable petit feu ne grillerait même pas une mouche ! Vanien, arrête de gigoter comme ça, tu ressembles à un asticot ! Tu dois sentir la terre autour de toi et la contrôler pour qu'elle te soulève. Ménestan, agiter les bras dans le vide ne fera pas tomber ce caillou. Appelle plutôt le vent ! Alinda, si tu continues à loucher comme ça, tu ne pourras bientôt plus regarder les gens droit dans les yeux ! »

Ses critiques n'étaient guère constructives et tout le monde finit par être à cran.


Alinda fut la première à craquer — sans doute à cause de la remarque sur le fait de loucher.

« Rah, ça suffit ! s'écria-t'elle. On n'arrivera à rien comme ça !

- Alinda ! » s'écria Éland pour la rappeler à l'ordre.

Depuis que Murio lui avait raconté cette fameuse histoire, le jeune homme prenait très à cœur d'éviter à sa fougueuse camarade de s'attirer — ou plutôt de leur attirer — les foudres de leur maîtresse.

« Je suis d'accord avec toi, renchérit Shao Paï contre toute attente. On va passer à autre chose : vous allez me combattre à tour de rôle. Si ça a marché pour Éland, ça fonctionnera aussi pour vous autres. J'ai perdu tout espoir de vous voir gagner mais au moins tâchez de ne pas me faire honte !

– Elle nous envoie à notre mort, comprit Éland avec un pincement au cœur. »

Mais un chevalier se devait d'obéir, même si les ordres de son maître étaient absurdes.


Shao Paï se plaça en face de Ménestan et croisa les bras.

« Allez, fit-elle, c'est toi qui frappes le premier.

– Un instant ! s'écria soudain Éland. Je croyais que les chevaliers n'avaient pas le droit de s'attaquer aux dieux ! Si les autres chevaliers l'apprennent, nous aurons des ennuis. »

La déesse blonde eut un sourire moqueur.

« Franchement, si un seul d'entre vous parvient réellement à m'attaquer, je vous promets que vous n'aurez aucun souci avec les autres chevaliers. Circonstances exceptionnelles. »

Éland se gratta la tête. Il était vrai qu'actuellement, aucun d'eux ne pouvait représenter une menace sérieuse pour leur maîtresse.

« Je vais t'attaquer avec le vent, expliqua Shao Paï. Essaie au moins de te défendre, à défaut de riposter. »

Elle ne paraissait pas vraiment optimiste.


Un peu blessé dans sa fierté, Ménestan se mit en position de défense. La déesse blonde inspira... puis une rafale de vent s'envola vers le chevalier. Il avait beau s'y attendre, il se fit surprendre par la violence du souffle et vacilla en arrière, ses longs cheveux platines virevoltant dans tous les sens. Le vent retomba aussitôt.

« Pathétique, commenta la déesse. Encore. »

Cette fois le vent fut plus féroce. Incrédule, Ménestan eut l'impression d'être poussé physiquement et il tomba lourdement sur le sol.

« Relève-toi, » ordonna sa maîtresse.


Il obéit mais à peine fut-il remis sur pieds que l'attaque reprit, gagnant encore en violence. Il tomba à nouveau en heurtant durement la terre cette fois. Il se redressa sur un coude et passa une main derrière sa tête douloureuse. Il croisa le regard de ses compagnons et l'inquiétude qu'il y lut ne le rassura guère.

« Je vais augmenter la force de mes attaques à chaque fois que tu tomberas, l'avertit Shao Paï. Si je dois aller jusqu'à te tuer... tant pis ! »

Ménestan écarquilla les yeux, ne mettant pas sa parole en doute un seul instant. Il n'avait pas entendu le récit de Murio mais il avait lu suffisamment de livres pour savoir que les dieux se moquaient bien de la vie des mortels.

« Dire qu'elle me paraissait si gentille quand je l'ai rencontrée pour la première fois, » songea-t'il avec consternation.


L'attaque suivant le fit non seulement tomber durement mais en plus une coupure se dessina sur le haut de son bras droit. Le souffle en devait presque tranchant avec la vitesse.

« Encore, » reprit Shao Paï sans s'émouvoir.

Cette fois, bien décidé à résister, Ménestan tendit les mains en avant en poussant un cri comme s'il voulait repousser le vent. Cela n'eut aucun effet et il fut à nouveau projeté en arrière, roulant sur quelques pas. Un peu sonné, il secoua la tête pour se débarrasser du bourdonnement qui résonnait entre ses oreilles. Il dut s'y prendre à deux fois avant de se mettre debout. Les égratignures s'étaient multipliées sur son corps, n'épargnant aucun endroit exposé au vent mortel.

« Encore. »


Les rafales de vent se succédèrent ainsi que les coupures de plus en plus profondes et les chocs répétés au crâne. Sa vision s'était brouillée et quand il parvenait à se remettre debout, le sol menaçait sans cesse de se dérober sous ses pieds. Vaguement, il pouvait entendre les protestations grandissantes de ses camarades mais au fond de lui il savait que cela n'allait pas émouvoir leur maîtresse. D'une façon ou d'une autre il allait soit utiliser ses pouvoirs, soit mourir. Bien que la seconde perspective ne le tentait guère, la première lui était impossible, alors ne ferait-il pas mieux de se résigner et de cesser de lutter en vain ?

« Encore. »


Une douleur horrible parcourut son bras gauche et il sentit quelque chose de chaud et d'humide heurter son visage. Ses pieds décollèrent du sol et il se laissa porter par l'effroyable tempête qui se déchaînait tout autour de lui. Le souffle court, tout son corps n'était que souffrance mais elle pulsait particulièrement dans son bras gauche. Il ouvrit péniblement un œil et découvrit la vérité en même temps que s'éleva un hurlement aigu provenant d'Alinda. Son avant-bras gauche avait été arraché par l'effroyable puissance du vent et le sang coulait abondamment. Sa gorge se serra et ébahi, il ne pouvait que contempler le moignon sanguinolent agité d'un tremblement qui se communiquait peu à peu à tout son corps. Il ne tenta même pas de se relever — comme s'il aurait pu le faire de toute manière ! La voix de la déesse tomba comme un couperet :

« Encore. »

Il expira et cessa de se raccrocher à la vie.


« Non ! » hurla soudain Vanien.

Ménestan fit l'effort surhumain de rouvrir un œil car il n'avait senti aucun souffle de vent. Avec difficulté il releva un peu la tête et vit une ombre large dressée devant lui. Il plissa les yeux et devina enfin de quoi il s'agissait : c'était un mur... de terre. Ébahi, il ne comprit pas ce qui venait de se produire. Des exclamations étonnées retentirent ainsi qu'un cri furieux.

« Vous êtes complètement cinglée ! » s'écria Vanien.

Le jeune homme blond marcha vers la déesse d'un pas rageur, la colère lui faisant oublier sa crainte. Éland était bien trop surpris pour l'empêcher de commettre un acte irréparable.


« Je me fiche que vous soyez une déesse ! Le fait que nous soyons vos chevaliers ne vous autorise pas à aller jusqu'à nous mutiler ! Vous croyez vraiment que c'est comme ça qu'il va pouvoir utiliser ses pouvoirs ?! »

À quelques centimètres de Shao Paï, le jeune homme tremblait de rage contenue. La déesse le fixa un moment puis un fin sourire se dessina lentement sur ses lèvres.

« Lui non, répondit-elle, mais au moins cela a fonctionné avec toi. »

Abasourdi, Vanien tourna lentement la tête vers Ménestan et remarqua pour la première fois le mur de terre qui l'avait protégé du vent. Il ne trouva plus rien à redire.

« Euh...

– Recommence, demanda la déesse.

– Je...

– Ou faut-il que je reprenne mes attaques ? »


Cela fournit toute la motivation nécessaire au jeune homme. Il se concentra et une motte de terre se souleva soudain à ses pieds. Un sourire ravi illumina son visage.

« J'y arrive vraiment ! » s'écria-t'il avec joie, sa colère envolée.

Comme un enfant, il regarda autour de lui et se concentra sur la terre meuble du jardin. Il dessina un long tunnel en mottes de terre tout autour d'eux, tel un labyrinthe forgé par une taupe dynamique.

« C'est trop génial ! s'émerveilla-t'il.

– C'est toujours trop faible, critiqua la déesse en soupirant, mais c'est déjà un début. »

Elle se tourna vers les deux chevaliers restants qui en étaient restés bouche bée.

« Deux sur quatre, marmonna-t'elle. Alinda, c'est maintenant à ton tour. »


La jeune femme pâlit tout à coup, ses yeux noisettes se portant nerveusement sur Ménestan qui était toujours étendu à terre.

« Je... je ne vais pas y arriver, annonça-t'elle immédiatement. Tuez-moi tout de suite, c'est préférable ! »

Shao Paï eut un sourire cruel.

« J'y viendrai... éventuellement. Prépare-toi !

– Hum, maîtresse ! la héla soudain le chevalier du feu. Je crois que Ménestan a besoin de soins urgents ! »

Il s'était rendu aux côtés de leur compagnon blessé et il semblait très inquiet.

« Quoi, il est mort ? s'enquit la déesse sans grande compassion.

– Non mais... il n'en est pas loin !

– Alors il peut attendre, » conclut-elle en lançant sa première attaque sur Alinda.


Éland retint un cri d'indignation. Cela n'aurait pris qu'un instant à leur maîtresse pour soigner Ménestan, c'était seulement qu'elle ne voulait pas s'en donner la peine et préférait le laisser souffrir !

« Ou alors, songea-t'il, elle veut qu'il serve d'avertissement à Alinda. »

Mais cela n'avait pas l'effet désiré : la jeune chevalière était tétanisée de peur, ne faisant aucun geste pour éviter les filets tranchants d'eau qui fonçaient sur elle. Les larmes aux yeux, tremblant de terreur, elle se recroquevilla sur elle-même en gémissant.


Au bout d'un moment Shao Paï abandonna, écœurée.

« Il ne fallait pas trop rêver, marmonna-t'elle. Certains d'entre vous resteront toujours des déceptions pour moi. »

Elle s'approcha de la jeune femme en sanglots et se pencha vers elle.

« Tu te rappelles de notre précédente rencontre à Hartros ? fit-elle. Sache que si tu ne parviens pas à utiliser tes pouvoirs, je détruirai ce village et tous ses habitants, et je m'assurerai bien qu'ils sachent tous que ce sera uniquement par ta faute. »

Alinda tressaillit.


La déesse se dirigea alors vers Ménestan. Comme l'avait supposé Éland, elle le guérit d'une pensée, rassemblant son bras tranché avec le reste du corps. Le jeune homme ouvrit ses grands yeux bleus, surpris d'être toujours en vie et d'avoir retrouvé son intégrité physique.

« Même chose pour toi, Ménestan, fit Shao Paï. Je me ferai même un plaisir de torturer ton adorable petit-frère devant toi. »

Le chevalier plissa le front.

« Quel... quel petit-frère ? » demanda-t'il d'un ton incertain.

La déesse fronça les sourcils.

« Humph, il a dû prendre plus de chocs à la tête que je ne le pensais. »


Elle se détourna de lui.

« Vous y passerez les nuits et les jours à venir s'il le faut mais vous allez tous redevenir des chevaliers, même au sens minimum du terme ! Je ne tolérerai pas la médiocrité chez vous ! »

Éland baissa la tête : ils ne seraient jamais prêts à temps. Il fut soudain frappé par une idée.

« Maîtresse, osa-t'il aventurer, je pense que nous retrouverons plus facilement nos pouvoirs si nos souvenirs reviennent. »

Shao Paï croisa les bras.

« Je pense plutôt le contraire : les pouvoirs sont instinctifs, le contredit-elle. Cela n'a rien à voir avec votre mémoire. Regarde pour toi.

– Peut-être que oui, peut-être que non. En tout cas cela ne coûte rien d'essayer. Laissez-moi me charger de l'entraînement, maîtresse, et je vous promets qu'Alinda et Ménestan auront retrouvé leurs pouvoirs avant demain soir. »



La déesse blonde le fixa avec attention, cherchant à évaluer son assurance. Mais la vérité était qu'Éland ne savait pas du tout ce qu'il faisait : son seul objectif était d'empêcher la déesse de blesser à nouveau ses compagnons ou de menacer leurs familles.

« Et si tu échoues ? s'enquit soudain Shao Paï, ses yeux mauves plissés.

– Maître Myst Nail n'a que deux chevaliers. Dans ce cas Vanien et moi nous chargerons d'eux. Nous ne vous décevrons pas. »

Un rire bref s'échappa des lèvres de la déesse antique.

« Avec votre faible niveau, Silène et Murio ne feront qu'une bouchée de vous !

– De toute façon, vous avez dit que le vrai combat serait entre maître Myst Nail et vous. Nous ne servons que... pour l'usage.

– Ce n'est pas une raison pour vous montrer aussi minables. J'ai une certain image de marque, vous savez, et il est hors de question que mes chevaliers soient ridiculement faibles.

– Je vous l'ai dit, persista Éland. Avec la bonne motivation, nous progresserons très rapidement.

– J'ai déjà menacé vos vies, fit la déesse en écartant les bras, ainsi que vos proches. Cela aurait dû suffire à vous motiver ! »


Le chevalier secoua la tête. Shao Paï se rembrunit.

« Alors parle, fit-elle avec impatience. Quelle serait la motivation idéale selon toi ?

– Nos souvenirs, répondit Éland. Si nous comprenons qui nous sommes, si nous savons pourquoi nous devons nous battre, alors nous redeviendrons les personnes que nous étions autrefois. »

Shao Paï prit un air franchement sceptique. Son regard se posa sur Ménestan qui s'était relevé et examinait son corps intact avec un mélange d'incrédulité et de terreur, puis sur Alinda qui malgré les tremblements qui l'agitaient, la regardait avec une lueur de haine au fond des yeux.


Elle soupira. Malgré les milliers d'années passées avec ses chevaliers, elle devait reconnaître qu'elle ne les connaissait pas si bien que ça — cela dit, elle n'avait pas non plus chercher à nouer des liens avec eux. Elle avait toujours compté sur leur obéissance, même si elle ne leur faisait guère confiance. Elle ne s'était jamais souciée de tisser avec eux ce lien indéfectible qui unissait la plupart des dieux à leurs chevaliers. Jamais elle n'avait eu l'occasion de le regretter... jusqu'à aujourd'hui. Mais en ces moments difficiles, en dépit de sa méconnaissance d'eux, il y avait bien une chose dont elle était sûre : Éland saurait les gérer comme il l'avait toujours fait.


Les vieilles habitudes étaient dures à oublier aussi Shao Paï ne pouvait s'en remettre qu'à lui, bien que de mauvais gré.

« Soit, céda-t'elle, mettons que j'approuve ton idée. Concrètement, qu'attends-tu de moi ? »

Éland sut dissimuler son soulagement.

« Une question, fit-il. À chaque fois que l'un de nous retrouve ses pouvoirs, vous répondez à une question que nous nous posons sur notre passé. »

Shao Paï fronça les sourcils. Elle n'avait jamais vraiment aimé les questions. Le passé était bien là où il était !

« Mmm, entendu, accepta-t'elle malgré ses doutes. Mais je veux connaître vos questions à l'avance. »

Éland hocha la tête avec empressement.


Shao Paï se tourna vers les autres chevaliers.

« Alinda, demanda-t'elle, quelle serait ta question ? »

Un peu prise au dépourvu, la chevalière ne sut que dire jusqu'au moment où elle se souvint avoir été rebutée par sa maîtresse à cause d'une certaine question. Avec un regard défiant, elle la reposa :

« Pourquoi devons-nous nous battre contre maître Myst Nail et ses chevaliers ? »

Shao Paï plissa les yeux : elle aurait dû se douter que cette questions reviendrait. Mais comme à l'origine, ses chevaliers connaissaient très bien les raisons de leur querelle, cela ne la dérangeait pas tant que ça d'en reparler.


« D'accord. Ménestan, quelle... oh, c'est vrai, j'ai déjà répondu à une de tes questions. »

Comme le chevalier aux cheveux platine la fixait d'un air indigné, elle s'expliqua :

« Tu m'avais demandé de raconter la création du monde.

– Mais je ne savais pas alors qu'il y aurait ce jeu de questions ! » protesta-t'il.

Shao Paï haussa les épaules.

« Moi non plus, je te signale. Mais ce qui est fait est fait. Tu me dois tes pouvoirs par conséquent. Tu as plus qu'intérêt à les récupérer ! Éland, quelle est ta question ? »


Le chevalier aux cheveux noirs réfléchit. Il avait été plutôt surpris par la question d'Alinda car c'était exactement celle qu'il aurait voulu poser. Il se retrouvait donc bien embêté !

« Mmm... en quelle occasion avez-vous été la plus fière de nous ? »

Il grimaça en entendant ses propres paroles : cela sonnait de façon plutôt pathétique. Shao Paï le regarda avec étonnement avant de secouer la tête.

« Tu n'as guère changé, » commenta-t'elle simplement.

Elle se tourna enfin vers le dernier chevalier qui avait eu tout le temps de songer à sa question. Rien qu'à voir son sourire satisfait, la déesse se sentit inquiète.

« Et toi, Vanien ? demanda-t'elle tout de même.

– Eh bien, sans vouloir vous manquer de respect, maîtresse, j'aimerais savoir comment et pourquoi vous étiez récemment un homme ! »


Tout le monde sursauta : cette question était si incongrue ! Angoissé, Éland chercha toute trace de fureur ou d'indignation dans le visage de la déesse mais n'y lut qu'un vague amusement.

« Où as-tu entendu parler de cela ? s'enquit-elle.

–- C'est Murio qui en a parlé à Éland, répondit le chevalier sans hésitation. Ce n'est qu'un détail, je sais, mais ça m'a travaillé depuis que je l'ai entendu. »

Shao Paï secoua la tête. Cette question, bien que gênante, faisait également référence à des souvenirs de ses chevaliers. En leur racontant cette histoire, cela ne dévoilerait rien de capital.

« Bon, fit-elle, vos questions me conviennent. Si la réponse vous intéresse tant, j'espère que cela sera une motivation suffisante pour qu'Alinda et Ménestan retrouvent leurs pouvoirs. »

Les deux intéressés grimacèrent mais ne répondirent rien.

Vanien s'éclaircit la gorge pour attirer l'attention de la déesse.

« Oui, Vanien ?

– Maîtresse, puisque moi j'ai retrouvé mes pouvoirs... vous pourriez peut-être répondre à ma question ?

– Moi aussi j'ai déjà mes pouvoirs ! renchérit Éland, désireux de ne pas être en reste.

– C'est exact, je vous dois donc deux réponses. Mais comme j'ai déjà répondu à la question de Ménestan, je n'en ai plus qu'une à vous donner. Je vais choisir laquelle. »

Personne ne fit mine de contester tandis que la déesse tentait de déterminer la question à laquelle elle rechignait le moins de répondre. Finalement, elle se décida :

« Ce sera toi, Vanien.

– Chouette ! » s'écria ce dernier, tout heureux.


Éland était tout aussi curieux de connaître cette histoire — mais jamais il n'aurait eu le cran de poser directement la question ! — aussi ne protesta-t'il pas trop.

« Quand aurai-je ma réponse, alors ? demanda-t'il pour la forme.

– Quand Ménestan aura retrouvé l'usage de ses pouvoirs, répondit implacablement la déesse. Cela devrait vous fournir à tous les deux une motivation supplémentaire. »

Elle jeta un regard aux alentours. La nuit régnait sur Olympias et le quartier des dieux antiques paraissait désert... sauf que n'importe qui aurait pu se dissimuler dans les ombres.

« Rentrons, décida-t'elle. Je préfère vous raconter cette histoire à l'intérieur. »

Les chevaliers ne se le firent pas dire deux fois dans la perspective d'un endroit chaud, de nourriture et d'une histoire intrigante.


~*~


Installés dans la pièce principale, les chevaliers avaient demandé des plats ainsi que des boissons. Ils s'étaient assis les uns à côté des autres sur un large canapé. Leur maîtresse, quant à elle, était assise en face d'eux. Elle avait l'impression d'avoir un groupe d'enfants à qui elle devait raconter l'histoire du soir. Ses chevaliers lui parurent si jeunes tout à coup !

« L'amnésie leur a fait ce bien, songea-t'elle distraitement. Il faudrait peut-être que j'y songe une fois. J'aurais tant de choses à oublier... »

Mais elle refoula aussitôt cette pensée. Si elle n'avait plus ses souvenirs pour lui rappeler ce qui pouvait se produire quand elle ne prenait pas garde, alors une catastrophe arriverait certainement. Ou bien c'est elle qui ferait une énorme erreur.


« Avoir mes souvenirs ne m'a pas empêché de commettre une grave erreur, se dit-elle avec amertume. Si je n'avais pas fait l'andouille, je n'en serais pas là aujourd'hui avec Myst Nail... sans parler de cette pauvre Hane Lath. »

Elle serra un poing. Cette histoire lui était toujours aussi douloureuse. Il faudrait pourtant qu'elle la raconte aux chevaliers, mais uniquement lorsqu'Alinda aurait recouvert ses pouvoirs.

« Cela n'arrivera pas si vite, se consola-t'elle. Chaque chose en son temps. Concentrons-nous d'abord sur cette première histoire. »

Dans le fond, les deux étaient liées.


Shao Paï se força à revenir dans le présent.

« Bien, » fit-elle pour attirer l'attention des chevaliers.

Cependant ils étaient déjà suspendus à ses lèvres et ne risquaient pas de se laisser distraire !

« Cette histoire a débuté il y a trois siècles de cela, commença-t'elle. Pour bien vous situer les choses, la guerre d'Olympias avait pris fin depuis quelques temps, les dieux antiques étaient bien installés à Olympias et commençaient à se mêler timidement aux dieux grecs. »

Et ce fut ainsi qu'elle entama son récit.



Note de Karura : Je suis sûre que cette histoire de changement de genre vous a intrigués aussi, mmm ? Réponse dans le prochain chapitre !






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