Ancient Gods Sanctuary 18

Chapitre Dix-huit : Une aide inattendue


Le soleil se leva progressivement sur la demeure des dieux. Les immenses sphères lumineuses qui éclairaient les allées durant la nuit, telles de gigantesques lucioles, s'éteignirent une à une et s'enfoncèrent dans le sol. Ce prodige était dû à Zeus, et ce mécanisme fonctionnait sans aucune interruption car il se nourrissait de l'énergie des dieux présents. Ainsi même lorsque Zeus se trouvait en pleine réincarnation — ou en voyage dans le monde des mortels — Olympias restait illuminé de nuit tant qu'il y avait au moins un dieu grec sur place. Il en était de même pour le champ de force qui entourait la montagne, empêchant tout mortel de pénétrer sur cette terre sacrée et créant l'illusion que le mont s'élevait au-delà des nuages.

Dans le quartier des dieux antiques, le même mécanisme existait mais il ne fonctionnait plus depuis que les dieux avaient déserté cet endroit. Bien que Shao Paï soit présente, elle ne paraissait pas vouloir entretenir ce système. Aussi quand Éland sortit de la demeure de leur maîtresse en s'étirant, il eut l'impression qu'ils étaient seuls au monde. Aucun bruit ne perturbait l'atmosphère, pas même le chant des oiseaux — aucun animal ne vivait à Olympias. Le chevalier se frotta les yeux par pure habitude mais en réalité, il n'avait pas dormi cette nuit-là, tout comme ses compagnons. Comme leur avait expliqué leur maîtresse, il leur suffisait de demander de l'énergie pour ne pas avoir à ressentir la fatigue.


C'était tout de même une sensation peu habituelle : bien que son corps soit en pleine forme comme s'il sortait d'une longue nuit de sommeil, son esprit n'était pas à l'aise car il sentait qu'il lui manquait quelque chose, une coupure, et que la routine quotidienne établie depuis vingt-quatre ans avait été rompue.

« Bah, il va bien falloir que je m'y fasse, songea-t'il. Après-demain, nous devrons affronter Silène et Murio que nous soyons prêts ou non. »

Et c'était lui qui était en charge de l'entraînement des autres chevaliers, alors que seul l'un d'entre eux à part lui avait récupéré ses pouvoirs. Il soupira : la tâche ne serait guère aisée mais un échec n'était pas envisageable. Leur maîtresse exigerait des résultats à la prochaine aube, ce qui ne leur laissait que peu de temps.


Repoussant ses idées défaitistes, le chevalier aux cheveux noirs se tourna vers ses compagnons qui sortaient à leur tour de la demeure... pour s'asseoir près de la fontaine afin de bavarder, comme la veille.

« Qu'est-ce que vous avez pensé de son histoire ? s'enquit Vanien. J'ai bien fait de poser la question, hein ? »

Le récit de cette nuit venait à peine de s'achever et les avait laissé fort perplexes.

« C'est louche, tout ça, répondit Alinda avec une grimace. Un homme est un homme, et une femme est une femme. Si elle est capable de changer de genre comme ça, c'est qu'elle est drôlement tordue.

– Ne juge pas un dieu selon les critères des mortels, tempéra Ménestan. Ils sont affranchis de nos restrictions morales.

– Apparemment même les autres dieux ont trouvé ça bizarre, répliqua la jeune femme, vexée. Ça ne choque donc pas que moi ! »


Vanien détourna la conversation.

« Moi, j'ai trouvé ça étrange qu'elle fasse tout ça pour cette Hane Lath.

– Maîtresse Hane Lath, corrigea Ménestan. Nous devons le respect aux autres dieux.

– Oui, peu importe. Je veux dire : c'est bien la même déesse qui l'a enfermée dans la boîte de Pandore, non ? Elles n'avaient pas l'air très copines à la base. Alors pourquoi notre maîtresse aurait-elle accepté de lui rendre un si grand service ? »

Les autres chevaliers n'avaient aucune réponse à proposer.


Éland s'approcha soudain d'eux, bien énervé.

« Ça va, on prend ses aises ? railla-t'il. Je vous rappelle qu'on a un entraînement à commencer ! »

Vanien lui jeta un regard par-dessus son épaule avant de tendre la main : la terre se souleva soudain sous les pieds d'Éland, pas beaucoup mais suffisamment pour le déstabiliser.

« Je crois que mon entraînement est fini, commenta le chevalier blond avec un sourire satisfait. C'est comme si j'avais fait ça toute ma vie !

– Ne dis pas n'importe quoi ! protesta Éland. Ce n'est pas avec ton niveau que tu pourras battre Silène et Murio. Je les ai déjà combattus alors je peux te dire que cela ne les impressionnera même pas !

– C'est sûr que toi, tu maîtrises tes pouvoirs à la perfection, se moqua l'autre chevalier. »


Éland fut à deux doigts de perdre son calme.

« Je vous signale que c'est quand même grâce à moi que vous avez évité un nouvel entraînement avec notre maîtresse. Mais peut-être que ça vous tente de perdre un bras ou une jambe ? »

Ménestan pâlit en se souvenant de sa confrontation avec Shao Paï. Il toucha nerveusement son bras, comme pour s'assurer qu'il était bien là. En tout cas la menace avait fait son effet : les trois chevaliers se montrèrent plus dociles.

« Nous t'écoutons, Éland, fit Alinda d'une voix douce. Comment devons-nous nous entraîner ? »

Là, le chevalier connut un moment de blanc. Il n'avait pas réfléchi au-delà de sa proposition de prendre en charge l'entraînement. Il n'avait été motivé que par son désir profond de protéger ses compagnons. De plus avec le récit de la nuit, il n'avait absolument pas eu le temps de concevoir un entraînement.


Devant le regard expectatif des autres, il se composa une expression calme et assurée, tentant de donner le change.

« Nous allons nous combattre, suggéra-t'il, mais pas aussi violemment qu'hier ! Mes pouvoirs se sont réveillés durant un combat et ce fut pareil pour Vanien.

– Pas tout à fait, rectifia l'intéressé. Moi, c'était pour protéger Ménestan.

– Et je ne te remercierai jamais assez pour cela, fit le concerné.

– C'était quand même durant un combat, argua Éland. En tout cas il nous faut de l'action. Nos pouvoirs sont là, en nous, nous devons seulement réapprendre à les invoquer.

– On peut toujours essayer, » accepta Alinda sans grand espoir.

Ménestan hocha la tête à son tour.


Éland continua à donner ses instructions :

« Vanien, tu vas te battre avec Alinda. Ménestan, tu viens avec moi.

– Oh non, râla le chevalier de la terre d'un air décontracté, je voulais faire équipe avec Ménestan... »

Éland sentit une veine battre sur son front.

« Non, répliqua-t'il fermement.

– Mais pourquoi ? »

Le chevalier du feu inspira un bon coup avant de se lancer :

« Il y a plusieurs raisons pour cela. La premier est : puisque tu as protégé Ménestan hier, il ne se sentira pas menacé avec toi et ses pouvoirs ne pourront jamais ressurgir. La seconde est en rapport avec nos éléments : le feu et l'air sont plus compatibles que la terre est l'air. Et pour finir, la raison la plus importante : c'est parce que je l'ai dit ! »


Vanien ronchonna mais ne pouvait pas trouver à répliquer.

« Mouais, marmonna-t'il, je persiste à croire que toutes ces histoires où tu es soi-disant notre chef t'ont monté à la tête !

– Je te promets que quand cette crise sera passée et si nous sommes encore en vie, nous organiserons un vote pour déterminer notre chef. Mais en attendant, si on ne veut pas terminer en petits morceaux, c'est moi qui commande et je ne tolérerai pas plus longtemps ton attitude débonnaire ! »

Vanien ouvrit de grands yeux étonnés. La gaucherie et la timidité d'Éland avaient disparu au fur et à mesure de sa tirade pour faire place au ton de réprimande d'un meneur chevronné. Le chevalier blond déglutit, penauds.

« Je... entendu, Éland, » répondit-il d'un ton soumis.

Ce dernier hocha la tête et son regard se posa sur les deux autres chevaliers qui avaient suivi l'altercation sans dire un mot, stupéfaits. Aussitôt, Alinda se plaça auprès de Vanien et Ménestan prit place à côté d'Éland, peu rassuré.

« C'est parti, » fit le chevalier du feu.


~*~


D'un balcon de sa demeure, Shao Paï avait observé toute la scène sans que ses chevaliers ne la remarquent. L'attitude d'Éland l'avait plutôt rassurée.

« On dirait qu'il redevient lui-même, fit-elle à voix haute. Tant mieux, je m'en serais voulu d'avoir perdu un excellent chevalier. »

Elle croqua dans la pomme rouge qu'elle tenait. Éland avait été le premier à retrouver ses pouvoirs et maintenant le premier aussi à se comporter un peu comme avant. Les souvenirs n'allaient pas tarder à revenir. Ce n'était qu'une question de temps, elle le savait désormais.


« Malheureusement, le temps est un luxe que nous n'avons pas actuellement. »

Elle fronça les sourcils et caressa l'idée d'aller demander un délai supplémentaire à Myst Nail pour cette raison. Il ne refuserait peut-être pas...

« Nous en sommes pas à quelques mois près. Après tout, notre dernier combat date de plus de cinquante ans. J'ai pris un peu de temps pour me réincarner, tout comme lui après que je l'ai tué lors de notre premier combat. »


C'était un moment qu'elle n'était pas près d'oublier. Conformément aux règles qu'ils s'étaient fixées, ils ne devaient pas soigner leurs blessures durant le combat. C'était le seul moyen pour que leur duel ne dure pas une éternité et qu'il n'entraîne pas la fin du monde de surcroît ! D'un côté, cela avait fourni un avantage certain à Shao Paï : son corps était relativement jeune — c'était sa deuxième réincarnation en tant qu'homme et il n'avait que quarante ans. Au contraire le corps de Myst Nail datait de plusieurs siècles et il ne guérissait plus naturellement. Cela n'avait pas été prémédité de la part de Shao Paï — rien n'avait été prémédité, surtout pas les événements qui avaient abouti à ce duel — mais cela l'avait énormément aidée à remporter cette première victoire. Ça et le fait que Myst Nail n'avait pas cru qu'elle en serait capable jusqu'au tout dernier moment. Shao Paï lui avait planté son épée dans l'estomac et de ce fait, elle avait pu contempler l'expression blessée dans les yeux rubis. Myst Nail n'avait rien dit, pourtant elle s'était sentie accusée. La victoire avait été amère mais nécessaire, vus les enjeux.


Cela dit, elle ignorait ce qui avait été le plus dur pour Myst Nail : se faire tuer la première fois ou bien la tuer lors de leur second affrontement.

« Je suis vraiment quelqu'un d'horrible, » songea-t'elle en secouant la tête.

Malgré tout ces épreuves étaient nécessaires. Mais que l'amnésie de ses chevaliers tombe au même moment... Shao Paï termina sa pomme avant de jeter le trognon dans son jardin.

« Je me demande... si cela n'aurait pas un rapport avec ce que je leur ai demandé. »

Elle prit un air spéculateur. Maintenant qu'elle y songeait, ce n'était pas entièrement impossible.


Finalement, elle haussa les épaules. Quelle qu'en soit la cause, elle ne pouvait qu'attendre que ses chevaliers redeviennent eux-mêmes.

« Je ne demanderai aucun délai, décida-t'elle. Mes chevaliers devront tout simplement faire de leur mieux. Si j'attends encore trop longtemps, je vais tout bonnement renoncer et c'est hors de question ! »

Elle était résolue à faire ce qu'il fallait mais elle savait très bien qu'une part d'elle-même cherchait encore à se défiler malgré les deux combats déjà achevés, malgré ce qui était arrivé à Hane Lath, malgré les mises en garde de Zeus... malgré tout.

« Il n'y a pas plus horrible que moi, » songea-t'elle en soupirant.

Mais on ne pouvait rien contre sa nature profonde.


~*~


Encore impressionnés par l'attitude autoritaire d'Éland, les autres chevaliers suivirent l'entraînement imposé sans protester ni oser demander la moindre pause. Vanien en profita pour renforcer son contrôle de la terre, attaquant Alinda de plus en plus rapidement et facilement, arrivant jusqu'au point où il parvint à emprisonner les chevilles de la jeune femme dans le sol. Cette dernière avait vainement tenté de se défendre avec l'eau de la fontaine toute proche mais elle s'était vite résignée à encaisser les coups. Vanien ne l'avait pas blessée sérieusement, elle était juste sale de terre, mais quand elle fut immobilisée par la dernière attaque, elle n'y tint plus et fondit en larmes.

« Je ne suis qu'une bonne à rien, gémit-elle. Je n'y arriverai jamais ! »


Bien embêté, le chevalier blond retira d'une pensée la terre qui la piégeait et lui tendit la main pour l'aider à se relever.

« Allons, allons, ne sois pas si défaitiste, l'encouragea-t'il. Tu sais, moi non plus je ne pensais pas avoir ces pouvoirs mais une fois que ça te revient... hé bien, cela te semble si évident et naturel ! Alors ne t'en fais pas, ça va te revenir à toi aussi. »

Mais Alinda n'y croyait pas du tout.

« Je veux rentrer chez moi, se lamenta-t'elle. Mes parents me manquent, mon frère et ma sœur me manquent et même Malki, mon imbécile de cousin, me manque !

- C'est normal que ta famille te manque mais ça ne servira à rien de pleurnicher. »


Il soupira

« Tu te doutes bien que tu n'as aucune chance d'attendrir notre maîtresse. Que nous ayons nos pouvoirs ou non, elle nous enverra au combat sans l'ombre d'une hésitation. C'est comme ça.

– Je déteste cette femme, siffla la jeune chevalière, ses yeux verts se durcissant. Ce n'est pas parce qu'elle est une déesse qu'elle peut nous voler nos vies ! »

Vanien écarta les bras.

« Ben si, justement. Les dieux sont tout puissants et ils ont tous les droits. C'est le monde dans lequel nous vivons. »


Alinda réprima un sanglot mais ne trouva rien d'autre à répliquer. Elle se ressuya les yeux d'un revers de la main et se releva.

« Si c'est ainsi, je préfère encore mourir que de lui donner satisfaction, » décréta-t'elle en pointant son menton volontaire.

Vanien ignorait totalement ce qu'il pouvait dire pour la ramener à la raison mais une voix derrière lui s'en chargea :

« Mourir ne t'apportera aucune délivrance, Alinda. Tu vas simplement revenir à la vie et tout recommencera. »

Surpris, les deux chevaliers se tournèrent vers les nouveaux venus : trois femmes les fixaient avec gravité. Elles avaient un air de famille : des cheveux châtain-roux, les yeux bleus, un visage ovale. Elles semblaient aussi avoir le même âge. L'une d'elles se distinguait des autres par des taches de rousseurs sur ses joues, mais c'était tout.


« Euh... » les accueillit Vanien.

Il était incapable de dire s'il s'agissait de déesses ou de chevalières, et encore moins d'amies ou d'ennemies. Plus loin, il entendit Éland pousser un cri mais ne sut l'interpréter.

« Qui... qui êtes-vous ? demanda Alinda, retrouvant ses esprits la première.

– Ah oui, c'est vrai, vous n'avez plus vos souvenirs ainsi que vos pouvoirs. Je me nomme Alecto et voici mes sœurs : Tisiphone et Mégère. Nous sommes les chevalières d'Héra, déesse du mariage, reine des déesses grecques. »

Cela rappela vaguement quelque chose à Vanien, mais il ne sut dire quoi.


« Oh, ravi de faire votre connaissance. Je suis Vanien, hum... chevalier de Shao Paï qui est la déesse de... je ne sais même pas, tiens. Et toi ? » demanda-t'il en se tournant vers sa camarade.

Alinda cligna des yeux, perplexe.

« Euh... je crois qu'elle ne nous l'a jamais dit en fait...

– Incroyable, fit la dénommée Mégère en lâchant un rire incrédule. Même ici, même après l'appel de votre maîtresse, vous ne vous rappelez toujours de rien ?! Et vos pouvoirs ?

– Moi ! s'empressa de pavoiser Vanien. J'ai retrouvé mes pouvoirs hier ! Alinda et Ménestan y travaillent encore mais...

– Vanien ! » aboya Éland qui les rejoignit enfin après avoir couru, laissant un Ménestan médusé derrière lui.


Le chevalier blond se tourna vers son collègue, ne comprenant pas pourquoi il avait l'air aussi furieux.

« Qu'est-ce qu'il y a, Éland ? demanda-t'il avec insouciance.

– On peut savoir ce qui te prend de raconter tous nos secrets à d'autres chevaliers ? Tu imagines un peu si c'étaient des ennemis de notre maîtresse ?! »

Vanien se gratta la tête, l'air penaud. Il n'y avait pas songé du tout. Éland poursuivit son sermon :

« Tu n'as donc rien écouté de ce qu'elle a dit ? Les dieux antiques et les dieux grecs ne s'entendent pas trop bien. Alors ne va pas crier sur tous les toits quelle est notre situation ! »

Le chevalier de la terre baissa la tête.

« Pardonne-moi, je n'avais pas réfléchi. »


Les bras croisés, Éland hocha la tête tandis que les chevalières d'Héra échangèrent un regard mal à l'aise : apparemment Shao Paï avait déjà bien dressé ses chevaliers pour qu'ils se montrent suspicieux de tout le monde. Dans ces conditions, il ne serait guère simple pour elles d'obtenir des informations, comme le leur avait ordonné leur maîtresse. Le chevalier aux cheveux noirs soupira soudain.

« Mais tu as de la chance, fit-il. Ce sont mes sœurs à qui tu parles alors je sais qu'on peut leur faire confiance.

– Tes sœurs ? s'écrièrent Alinda et Vanien en chœur.

– Ben oui, je vous en avais déjà parlé, non ? »


Du coup, la mémoire leur revint très vite et ils pâlirent dans un bel ensemble.

« F... F... les Furies ? bafouilla Vanien. Ce sont les Furies ?! »

Quand il se rendit compte qu'il les pointait du doigt, il baissa rapidement la main. Mégère le toisa royalement, un sourcil haussé, tandis qu'Alecto et Tisiphone souriaient de manière inquiétante. Le chevalier de la terre déglutit.

« Hum... vous n'êtes pas là pour me châtier, pas vrai ? demanda-t'il avec espoir. Je n'ai rien fait de mal ces temps-ci, je vous le jure ! »

Derrière lui, Alinda avait les yeux écarquillés par la peur et ne parvenait pas à dire quoi que ce soit. Ménestan, qui les avait rejoint à son tour, se faisait discret.


L'atmosphère tendue fut soudain interrompue par Éland qui écarta les bras afin de serrer ses sœurs contre lui.

« Je suis si content de vous voir ! fit-il chaleureusement. Vous ne pouvez pas savoir à quel point vous m'avez manqué ! »

Un peu prises au dépourvu par son affection débordante, les trois Furies ne surent comment réagir. Finalement Tisiphone dégagea un bras de l'étreinte serrée afin de tapoter la tête de son frère.

« Tu nous a aussi manqué, grand-frère, déclara-t'elle. Hum... tu peux nous lâcher maintenant. »

Il le fit mais pas sans un dernier câlin. En voyant son visage rayonnant, les Furies comprirent aussitôt que l'ancien Éland n'était toujours pas revenu. Au lieu du chevalier exemplaire de Shao Paï, ce n'était encore que leur frère affectueux et pataud.


« Il s'est passé des choses incroyables ! leur raconta-t'il. Vous ne pouvez pas imaginer... Enfin si, vous le pouvez, mais pour moi c'est vraiment extraordinaire ! Oh, je vous présente mes compagnons : voici...

– On les connaît déjà, Éland, lui rappela Mégère en soupirant. Nous n'avons pas perdu nos souvenirs, nous.

– Ah, c'est vrai... »

Il se gratta la tempe. Sa grande-sœur reprit :

« C'est justement cette histoire d'amnésie qui nous amène : aucun de vous n'a retrouvé le moindre souvenir ?

– Non, répondit Éland en secouant la tête. Pourtant, ce n'est pas faute d'essayer. Notre maîtresse nous a raconté quelques histoires passées, Murio a aussi essayé... mais rien à faire.

– Murio ? tiqua Alecto. Tu discutes avec l'un des chevaliers de maître Myst Nail qui ont saccagé notre maison ? »


Un peu penaud, le jeune homme détourna les yeux.

« Ben... Apparemment je ne dois pas prendre ça à cœur parce qu'on est des chevaliers, rien de personnel, on ne fait qu'obéir à nos maîtres... et dans le fond, il m'a paru plutôt sympa ! ... quand il n'essaie pas de me trancher la gorge. »

Il se frotta nerveusement l'endroit en question, bien que toute trace de blessure ait disparu grâce à l'énergie de sa maîtresse.

« Il me semble que tu as compris certaines règles élémentaires des chevaliers, » commenta Mégère en lançant un regard scrutateur vers Alecto.

La jeune femme semblait avoir encore du ressentiment envers Silène et Murio pour leur intervention qui avait provoqué l'éveil des Furies et leur séparation avec leur frère. Éland, lui, avait l'excuse de l'amnésie pour en être bouleversé, mais pas Alecto. Un tel comportement n'était pas digne d'une chevalière et elle ne laisserait pas sa sœur agir de la sorte. Elles auraient une rapide mise au point à ce sujet, plus tard.


« Et vos pouvoirs ? reprit l'aînée des trois.

– Vanien et moi en avons retrouvé l'usage, répondit le chevalier du feu, mais seulement un peu. D'après notre maîtresse, nous serions beaucoup plus puissants que ça mais j'ai du mal à me l'imaginer.

– Montre-nous, » demanda Mégère.

Avec fierté, Éland leva une main et une sphère de feu apparut, de la taille d'une tête humaine. Elle s'envola vers un arbre tout proche. L'écorce ne prit pas vraiment feu mais elle noircit avant que la sphère ne s'évapore. Malgré elle, Tisiphone pouffa de rire. Vexé, Éland rougit. La plus jeune des sœurs tenta de se rattraper :

« Désolée, grand-frère, c'est juste que... Comparé à ce que tu savais faire avant, c'est plutôt...

– Minable, j'imagine, » termina le chevalier du feu à sa place.

Dire qu'il était si content d'avoir été le premier à retrouver ses pouvoirs et à parvenir à les contrôler ! Dire qu'il avait osé se croire le chef ! C'était plus que risible.


Sentant que le moral de leur frère était au plus bas, Tisiphone se tourna vers ses deux sœurs afin d'obtenir leur aide.

« À ton tour, Vanien, reprit Mégère. Montre-nous ce que tu sais faire. »

Pas très à l'aise, le chevalier blond se renfrogna et baissa la tête en marmonnant :

« Non, c'est bon. Ça va être nul, de toute façon.

– Vanien. »

Se rappelant subitement qu'il avait affaire aux Furies dont la férocité était légendaire, il s'exécuta. Comme il n'osait pas s'attaquer directement à elles, il prit Alinda pour cible et emprisonna à nouveau ses chevilles dans la terre. La jeune femme poussa un cri d'indignation alors qu'elle tentait de garder l'équilibre.

« Hé, pourquoi c'est toujours moi ?! »

Vanien s'empressa de la libérer et évita le regard des trois sœurs.


Leur jugement ne se fit pas attendre :

« Maîtresse Shao Paï vous a déjà vus à l'œuvre ? s'enquit Mégère.

– Oui, elle a supervisé nos entraînements jusqu'à hier, » répondit Éland d'un ton morne.

L'aînée des Furies haussa un sourcil.

« Oh, et elle vous a laissés vivre ? Décidément, maîtresse Shao Paï se radoucit avec le temps. Fut une époque pas si lointaine, elle aurait préféré vous tuer plutôt que de risquer l'humiliation publique avec des chevaliers aussi faibles. »

Vanien retint un gémissement honteux. Implacable, Mégère poursuivit :

« Et vous auriez été parfaitement d'accord avec elle. Il n'y a rien de pire que des chevaliers qui ne font pas honneur à leur maître. »


Derrière elle, Alecto tira sur sa manche.

« Grande-sœur, tu ne devrais pas, » la réprimanda-t'elle.

Mais l'aînée poursuivit tout de même :

« Je vous dis cela pour votre bien. Même si vous ne vous rappelez de rien, vous êtes tout de même considérés comme des chevaliers par le reste du monde et vous serez jugés en tant que tels. Ce qui vous arrive est inexplicable et malheureux, mais c'est votre devoir de vous assurer en premier lieu que votre maîtresse n'en souffre pas. Le monde des dieux est cruel et impitoyable ; seules comptent la force et l'intelligence. Et quand on fait partie de l'élite comme votre maîtresse, on ne peut pas se permettre la moindre faiblesse. En ce moment vous êtes un poids mort pour maîtresse Shao Paï, il vous faut le reconnaître, mais cela doit également devenir votre motivation pour mieux faire. Ne visez jamais que l'excellence car c'est que qu'elle attendra de vous. »


Loin des motiver, ce discours ne faisait qu'accroître le sentiment d'impuissance des chevaliers concernés. Mégère soupira.

« Songez aussi qu'en ce moment, votre maîtresse a déjà bien des soucis avec maître Myst Nail, alors n'allez pas...

– Au fait, l'interrompit Alinda sans gêne, tu peux nous expliquer pourquoi ils se battent ?

– Alinda ! la rabroua Éland. Comment oses-tu interroger d'autres chevaliers sur la vie privée de notre maîtresse ?

– Ben quoi ? elle ne nous a pas interdit de demander à d'autres ! » se défendit la jeune femme aux cheveux violets.

Elle se tourna vers Mégère, son regard expectatif.


L'aînée des Furies la déçut en secouant la tête.

« Vous n'avez pas à vous soucier de détails dans ce genre, répliqua-t'elle. Et puis si tu tiens tellement à le savoir, Alinda, cherche dans tes souvenirs car c'est une réponse que tu connais. Voilà qui devrait te servir de motivation. »

La chevalière de l'eau prit un air frustré et fit la moue.

« Si je m'en souvenais, je n'aurais pas posé la question ! » rétorqua-t'elle.

À côté de sa sœur, Alecto laissa soudain échapper un rire.

« En tout cas, fit-elle, tu n'as pas oublié d'avoir la langue bien acerbe ! Tu n'as vraiment pas changé sur ce point.

– Ça me fait une belle jambe, marmonna l'intéressée. Cela ne me dit toujours pas pourquoi on doit se battre et risquer nos vies.

– Parce que vous êtes des chevaliers, reprit Tisiphone avec un léger sourire. Nos vies ne sont pas les nôtres, elles sont entièrement consacrées au dieu que nous servons. J'imagine que sans vos souvenirs, cela peut paraître difficile à comprendre mais au moins croyez-le, à défaut de l'accepter. »


Un silence suivit cette déclaration, jusqu'à ce qu'Éland le brise, ses yeux verts dérivant nerveusement jusqu'à la demeure de Shao Paï :

« Mes sœurs, ce n'est pas que je n'apprécie pas votre compagnie mais nous étions au beau milieu de notre entraînement...

– ... qui ne donnait rien, marmonna Vanien d'un ton déprimé.

- Et comme vous l'avez si justement dit, poursuivit le chevalier du feu en lançant un regard noir à son compagnon, nous devons faire de notre mieux pour ne pas faire honte à notre maîtresse. Alors nous ferions bien de nous y remettre tout de suite. J'ai été ravi de vous revoir et j'espère que nous aurons encore d'autres occasions de bavarder, une fois que les choses seront plus calmes.

– Et si nous survivons, » ajouta Alinda à son tour, l'air morose.

Éland soupira en secouant la tête.


Ses sœurs, quant à elles, se consultèrent rapidement du regard et parvinrent à la même conclusion.

« Nous allons vous aider, décida Mégère.

– Hein ?! »

La surprise était générale. Éland prit un air ravi, contrairement à la consternation qui s'afficha sur le visage de ses trois autres compagnons.

« Vraiment ? ce serait formidable ! » s'écria-t'il avec un enthousiasme non feint.

Derrière lui, Alinda chuchota d'un ton pressant :

« Pitié, Éland, je te jure que je ferai de mon mieux et que je ne me plaindrai plus. Mais je t'en prie, pas les Furies ! »

Quant à Ménestan, il se demandait ce qui était le pire : s'entraîner avec leur maîtresse — et perdre encore un bras — ou bien avec les Euménides. Vanien, lui, était bien trop abattu pour songer à protester.


« Alors c'est d'accord ! » reprit Éland, sourd aux supplications de ses camarades.

Il prit les mains de sa grande-sœur entre les siennes, le regard rempli d'espoir.

« Mégère, je remets notre sort entre tes mains. Enseigne-nous tout ce que tu sais ! »

Avec un sourire qui ne présageait rien de bon, la jeune femme acquiesça.

« Soit. Ne perdons plus de temps. »

Comme s'ils voyaient Hadès en personne leur faire signe depuis les Enfers, les trois autres chevaliers de Shao Paï abandonnèrent tout espoir.


~*~


La divine Héra était en train de déjeuner avec son fils Héphaïstos quand une invitée surprise fit son apparition. Les deux dieux grecs entendirent des protestations de la part du chevalier du dieu du feu et de la forge, suivi par une réponse cassante de la part de l'intruse :

« C'est bon, Erichtonios. De toute façon tu n'as pas le pouvoir de m'arrêter. »

À la décharge du chevalier, il tenta de s'interposer mais fut rudement poussé contre les portes de la salle à manger qui s'ouvrirent en même temps. Il tomba en arrière sur le sol marbré tandis que son assaillante entrait sans vergogne.


Héra, l'épouse de Zeus, la contempla de ses yeux multicolores avec froideur mais sans surprise tandis qu'Héphaïstos réagit plus brusquement : il se leva malgré sa jambe traînante, faisant vaciller les verres en cristal sur la table encore couverte de vivres.

« Que signifie cette intrusion ? s'écria-t'il, ses yeux noirs flambant de colère. Qui que tu sois, tu n'as aucun droit de déranger la reine des déesses grecques ! Quel manque de respect !

– Cela ira, mon fil, intervint Héra en se ressuyant la bouche avec une serviette en lin brodée de fils d'or. Je sais qui elle est. »

L'intruse renifla de mépris.

« Évidemment que tu le sais ! Je suppose que tes Harpies t'ont déjà fait un rapport très détaillé. »


Avec un regard patient, Héra fixa l'autre femme.

« Ce sont les Furies, pas les Harpies. »

La femme haussa un sourcil blond.

« Ah bon ? je n'ai jamais bien vu la différence... »

Le regard d’Héphaïstos passa de sa mère à l'autre femme, ne sachant pas très bien ce qu'il se passait. Le dieux roux se tourna finalement vers Héra.

« Mère, demanda-t'il avec circonspection, tu la connais ? »

Héra posa une main apaisante sur le bras musculeux de son fils.

« Il s'agit de Shao Paï, mon fils. »


Le dieu du feu et de la forge regarda de plus près la déesse antique avant de prendre un air écœuré.

« Pouah, alors tu as encore changé de sexe ? critiqua-t'il. Tu es vraiment la honte des dieux antiques ! »

L'atmosphère se refroidit tout à coup et le dieu imposant sentit un vent froid ramper sur son corps tanné et musclé, bien qu'ils se trouvaient à l'intérieur.

« Petit, siffla Shao Paï, ta claudication aurait dû te faire comprendre qu'il vaut mieux pour toi rester en dehors des affaires des puissants. »


Héphaïstos blêmit. En effet environ deux mille ans plus tôt, il avait eu le malheur de s'interposer dans une dispute entre ses parents, Zeus et Héra. Il avait pris le parti de sa mère, ce que Zeus avait très mal supporté. Fou de colère, le roi des dieux grecs l'avait alors gravement blessé à la jambe droite et en guise de châtiment, il avait condamné son fils roux à conserver ce handicap dans toutes ses réincarnations jusqu'à ce qu'il retienne bien la leçon. Les autres dieux grecs avaient la délicatesse de ne pas aborder ce sujet sensible devant lui mais bien entendu, on ne pouvait guère s'attendre à la même courtoisie de la part des dieux grecs et surtout pas de cette engeance, la déesse de la destruction. De plus Héphaïstos ne l'avait jamais appréciée, et ce pour bien des raisons : son arrogance, sa familiarité avec Zeus, son inconstance... Ça, et le fait qu'elle était bien trop souvent au cœur des disputes parentales, pour ne pas dire leur origine. Toutefois, force lui était de reconnaître que dans un combat, il ne ferait jamais le poids contre elle.


Héra se décida finalement à intervenir.

« Cela suffit tous les deux. Héphaïstos, tu peux nous laisser. »

Inquiet, le dieu roux se tourna vers elle.

« Tu en es sûre, mère ? »

La déesse du mariage eut un léger sourire et ses yeux multicolores captèrent un moment un reflet de lumière.

« De toute façon c'est moi qu'elle est venue voir, » affirma-t'elle.

Avec réticence, le dieu trapu obéit et quitta la salle à manger dans une démarche boiteuse. Son regard hargneux ne quitta pas Shao Paï jusqu'au dernier moment, la mettant au défi de tenter quoi que ce soit. Erichtonios, le chevalier d'Héphaïstos, referma la porte derrière son maître, laissant les deux déesses seules.


Héra se leva avec grâce, lissant un pli de sa robe d'un blanc immaculé.

« Veux-tu te joindre à moi ? » proposa-t'elle en désignant la chaise libre laissée par son fils.

Son ton glacial démentait la cordialité de son invitation.

« Je ne suis pas venue pour manger, déclina la déesse de la destruction.

– Tant mieux car j'avais fini, de toute façon. Allons dans le salon. »

Et la reine des déesses grecques conduisit son invitée dans la pièce adjacente. Les deux femmes s'assirent dans des fauteuils opposés.


Héra continua à jouer les hôtesses mais la froideur de son ton dévoilait ses véritables sentiments à l'égard de Shao Paï.

« Je te servirais bien à boire, commença-t'elle, mais...

– Mais aucune de tes chevalières n'est là, compléta Shao Paï à sa place. C'est pour cela que c'est le chevalier de ton fils qui m'a accueillie à l'entrée. »

La déesse du mariage sourit légèrement.

« Effectivement elles ne sont pas ici, confirma-t'elle.

– Évidemment, s'emporta Shao Paï, puisqu'elles se trouvent en ce moment même dans mes jardins, à discuter avec mes chevaliers !

– C'est pour cette raison que tu souhaitais me voir ou seulement pour le plaisir de ma compagnie ? »


Shao Paï plissa les yeux. Depuis le commencement, Héra ne l'avait pas aimée. D'une jalousie maladive, elle haïssait tout ce qui tenait son époux éloigné d'elle, et l'amitié entre Zeus et Shao Paï lui avait toujours fortement déplu. La déesse de la destruction savait bien à quelles extrémités pouvait pousser une telle jalousie car elle connaissait quelqu'un qui se comportait de façon similaire, aussi avait-elle toujours pris soin d'éviter Héra autant que possible. Mais elle ne fuyait pas pour autant devant elle, comme elle l'avait prouvé en maintes occasions, notamment durant la bataille d'Olympias où elle avait aidé son amie, Hane Lath, à vaincre Héra. Inutile de préciser que cela n'avait guère apaisé la fureur de la déesse du mariage envers Shao Paï, mais comme rien ne pourrait jamais changer ses sentiments... eh bien, Shao Paï n'hésitait pas à faire ce qu'elle devait faire, comme en ce moment.


« Tes chevalières n'ont rien à faire chez moi, précisa Shao Paï d'un ton glacial. Si tu veux tant que ça des informations sur mes agissements, pourquoi ne pas me le demander franchement au lieu d'avoir recours à l'espionnage ? »

Héra ne se laissa pas démonter.

« Il ne s'agit pas du tout de cela, expliqua-t'elle. Mes chevalières s'inquiétaient simplement pour leur frère. Comment les en blâmer ?

– Éland n'est pas leur frère ! répliqua la déesse de la destruction en fronçant les sourcils. C'est à peine si elles lui avaient adressé trois mots jusqu'à présent, alors ne viens pas me faire croire qu'elles se sont subitement découvert des sentiments fraternels à son égard !

– Ils n'ont pas accéléré leur croissance, n'est-ce pas ? Pendant plus de vingt ans et jusqu'à il y a encore trois jours, ils vivaient sous le même toit. Dans une telle situation, n'est-il pas inévitable que des liens se créent ? »


Le visage de Shao Paï exprimait tout ce quelle pensait de ces "liens inévitables".

« Passe encore pour mon chevalier qui n'avait aucun souvenir, mais tes chevalières étaient parfaitement conscientes de leur identité. Comment ont-elles pu se lier au chevalier d'une déesse antique, et encore plus le mien ?

– Seule Mégère était pleinement éveillée, précisa Héra. Alecto et Tisiphone ne savaient pas encore qu'elles étaient mes chevalières. Et puis, comment auraient-elles pu savoir que leur Éland était ton Éland ? »

Shao Paï eut un rire incrédule devant un argument si naïf.

« Même nom, même apparence, répliqua-t'elle. Mais cela m'amène à une autre question : comment se fait-il que tes chevalières se soient réincarnées toutes les trois en même temps, sans accélérer leur éveil, dans la même famille, et qui plus est la famille d'un de mes chevaliers ? Tu n'es pas morte, pourtant, elles n'avaient aucune raison de changer de corps. »


Héra prit un moment pour répondre.

« Ce sont des affaires qui ne te regardent pas, décréta-t'elle finalement.

– Bien sûr que si ! argua la déesse blonde. Surtout qu'à présent, tes chevalières utilisent sans vergogne ce lien familial pour m'espionner !

– Tu es paranoïaque, ma chère ! » railla Héra.

Ses yeux multicolores ne cherchèrent pas à dissimuler son amusement.

« Quelle raison aurais-je de t'espionner ? poursuivit la reine des déesses grecques. Je n'ai aucun intérêt pour tes affaires, principalement la sordide histoire actuelle avec Myst Nail.

– Cette histoire ne te concerne en rien, » siffla Shao Paï en se raidissant. »


Héra battit lentement des cils.

« Crois-moi, je n'ai aucune envie de m'en mêler, assura-t'elle. Je me sens simplement désolée pour cette chère Hane Lath. D'ailleurs, la pauvre n'a pas osé réapparaître en public depuis ce temps, et même les tiens se font discrets à Olympias, sans doute morts de honte. Plus ne rien ne semble aller pour vous, dieux antiques, alors pourquoi perdrais-je mon temps avec vous ? »

Shao Paï avait serré les poings de plus en plus fort tout au long de cette tirade. Elle aurait pu tuer Héra sur-le-champ mais cela aurait été une dépense inutile d'énergie. Il lui fallait conserver toutes ses forces pour le combat imminent contre Myst Nail.


« Si ce n'est pas toi, reprit-elle plus calmement, alors c'est sans doute Zeus. Tu sais où il se trouve actuellement ? »

Héra prit un air écœuré et détourna la tête.

« Lui ! je me moque bien de savoir où il erre en ce moment. »

Shao Paï savait très bien qu'elle mentait. Elle poursuivit dans ce sens :

« Mégère m'a dit qu'il n'était pas encore réincarné mais c'est faux, n'est-ce pas ? »

La déesse du mariage lui lança un regard multicolores qui ne la déstabilisa pas.

« Que t'importe Zeus en ce moment ? fit Héra. Tu n'as pas des choses plus importantes dont tu devrais t'inquiéter dans l'immédiat plutôt que de courir après mon époux ?

– Laisse-moi gérer mes priorités, assura Shao Paï. Et je ne lui cours pas derrière. »


Ce fut au tour d'Héra de renifler de doute.

« Bien sûr que non. Tout comme ce n'était pas dans le seul but d'attirer son attention que tu as volé le bouclier de ma fille, Artémis.

– Absolument pas, mentit Shao Paï avec aplomb, c'était juste pour embêter cette gamine. D'ailleurs ne le lui ai-je pas rendu dès mon retour à Olympias ? »

Héra eut un sourire qui indiquait qu'elle n'était pas dupe.

« Bien, fit-elle d'un ton définitif, je pense que nous nous sommes tout dit.

– Pas tout à fait, contra Shao Paï. La visite de tes chevalières aujourd'hui sera la dernière. Si je les revois encore fouiner près de chez moi, je te les renverrai en petits morceaux et tu devras encore utiliser les chevaliers de tes enfants pour ton service. »

La déesse blonde se leva avec dignité.

« Maintenant, nous nous sommes tout dit. »

Héra la laissa partir sans rien dire, toutefois son regard mauvais en disait long sur ses pensées.






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