Ancien Gods Sanctuary 30

Chapitre Trente : La querelle (partie 4)


« Maître, » fit Éland d'une toute petite voix.

Shao Paï se trouvait dans la bibliothèque. Un lourd silence régnait dans la pièce. Les jours qui venaient de s'écouler n'avaient pas été simples pour eux. Désireux de confirmer les diverses rumeurs qui circulaient, de nombreux chevaliers avaient tenté de rentrer en contact avec ceux de Shao Paï, souvent sur ordre de leur maître mais parfois aussi de leur propre chef. De leur côté, Éland et ses compagnons avaient reçu l'ordre ferme de ne répondre à personne, mais cela n'avait fait qu'amplifier les sollicitations. L'ambiance faisait penser à une quarantaine. Même Zeus avait été banni après une courte conversation durant laquelle il était parvenu à énerver Shao Paï en un temps record. Depuis le dieu de la destruction s'était muré dans un silence profond et il incombait à ses chevaliers de faire de leur mieux pour s'adapter à son humeur sombre, par crainte de sa colère qui n'avait nul autre sur qui s'abattre.


Aussi lorsque ce message était parvenu, ce fut après maintes hésitations qu'Éland se dévoua pour aller le porter à leur maître. Compte tenu de la situation actuelle, cela équivalait à un suicide — triste à dire, Éland avait l'habitude de ce genre de mission.

« Maître ? » reprit-il après s'être éclairci la gorge.

Les ténèbres de la pièce se focalisèrent sur lui et il déglutit nerveusement.

« Je viens de recevoir une demande de visite pour vous, » annonça-t'il rapidement.

La voix du dieu résonna froidement dans les ténèbres :

« J'ai dit, pas de visite. »

Sentant une menace invisible planer sur lui, le chevalier du feu s'empressa de préciser :

« La demande émane de maîtresse Hane Lath ! »


L'atmosphère se figea un instant puis les ténèbres reculèrent un peu pour laisser place à la mine incrédule du dieu brun.

« Hane Lath ? » répéta-t'il.

Éland acquiesça.

« Elle est dans le hall d'entrée et elle souhaiterait vous voir.

– Est-elle seule ? s'enquit Shao Paï en fronçant les sourcils.

– Non, son chevalier Rhyll l'accompagne.

– Je ne parle pas de lui, répliqua le dieu en faisant claquer sa langue avec irritation. Myst Nail n'est pas avec elle ? Ou un autre dieu ?

– Elle est venue seule, » confirma Éland.


Shao Paï se détourna un moment de lui, son esprit fonctionnant à toute vitesse. Éland observa avec inquiétude les volutes de ténèbres s'accrocher encore au corps de son maître avant de reculer au fond de la pièce.

« Fais-la monter ici, » décida subitement le dieu de la destruction.

Le chevalier cligna des yeux puis s'inclina.

« Bien, maître. »

Pendant qu'il allait chercher la visiteuse, Shao Paï inspira profondément pour s'armer de courage. La conversation à venir n'allait pas être plaisante, loin de là, mais il ne pouvait rien refuser à la déesse de la musique. Pas après tout ce qu'il lui avait fait, que ce soit ces derniers temps ou même il y avait très longtemps de cela.


~*~


Hane Lath ne cacha pas son sourire satisfait quand le chevalier lui annonça que son maître allait la recevoir.

« Tu peux bien te cacher du reste du monde, Shao Paï, songea-t'elle, mais tu ne peux pas te cacher de moi. »

Elle fut conduite jusqu'à une porte en bois.

« Si vous voulez bien entrer, » fit Éland en s'inclinant légèrement.

Hane Lath se tourna alors vers son propre chevalier.

« Reste ici, Rhyll.

– Maîtresse ! protesta ce dernier, ses yeux noirs remplis d'inquiétude.

– Ne t'en fais pas, lui assura la déesse, il ne me fera rien. Et ce que j'ai à lui dire ne regarde que nous deux. »

Le chevalier roux n'était pas rassuré, néanmoins il ne pouvait désobéir. Il tenta tout de même :

« Que dois-je dire si maître Myst Nail demande après vous ? » s'enquit-il.


Pour avoir assisté à leur conversation, Rhyll était bien conscient que sa maîtresse ne respectait pas les souhaits du roi des dieux antiques en allant voir Shao Paï. Le chevalier essayait ainsi de la faire changer d'avis mais il n'y parvint pas. Le visage de la déesse se ferma et sa douleur réapparut un bref moment.

« Il ne demandera pas après moi, murmura-t'elle. Cette époque est révolue.

– Maîtresse... »

Hane Lath se ressaisit et adressa un sourire vaillant à son chevalier.

« Si jamais il demande après moi... eh bien, dis-lui que je suis en train de régler ses problèmes ! »

Rhyll comprit qu'il n'en saurait pas plus. La porte se referma sur sa maîtresse et il ne lui restait plus qu'à attendre là, rempli d'angoisse. Il croisa le regard effaré d'Éland qui lui chuchota :

« Mais qu'est-ce qui se passe, à la fin ? »

Le chevalier roux ne put que hausser les épaules en signe d'incompréhension.


~*~


De l'autre côté de la pièce, les ténèbres s'étaient dissipées pour faire place à une faible luminosité. Hane Lath regarda tout autour d'elle avant d'apercevoir finalement celui qu'elle était venu voir. Son rival était adossé contre un mur, le visage tourné afin d'éviter son regard. Elle le toisa sans cacher son mépris. Une colère sourde grondait en elle. Durant ces quelques jours, elle avait focalisé sur lui tout le mépris et la rage qu'elle aurait dû ressentir également envers Myst Nail. Mais après tout, ce dernier ne lui avait jamais menti sur ses sentiments au contraire de Shao Paï. Dire qu'il avait été autrefois sa meilleure amie et sa confidente, tout ça pour ensuite la poignarder dans le dos !


Hane Lath se força à desserrer les poings et parla la première, puisqu'il semblait que Shao Paï n'allait pas le faire.

« Eh bien, n'as-tu rien à me dire ? »

Les yeux gris finirent par croiser prudemment les siens.

« Vu que c'est toi qui es venue me voir, fit-il, je croyais que c'était toi qui avais des choses à me dire. »

Hane Lath sourit férocement.

« Oh oui, j'ai beaucoup de choses à te dire, en effet, tellement de choses. Mais comme je suis gentille, je préfère te laisser commencer sauf si bien sûr tu préfères rester encore caché dans ton trou au lieu d'affronter la réalité que tu as provoquée. »

Shao Paï se redressa comme si elle venait de le gifler. Les mots pouvaient avoir parfois cet effet-là.


Il finit par s'éloigner du mur pour faire deux pas vers elle mais il semblait avoir toujours autant de mal à la regarder directement. Hane Lath se délecta un peu de sa gêne. Il était plus que normal qu'il se sente honteux après ce qu'il avait fait ! Le dieu de la destruction inspira profondément.

« Je suis désolé, finit-il par dire, désolé pour tout. »

Malgré la sincérité de son ton, la déesse de la musique prit un air dubitatif et hautain.

« Six petits mots, fit-elle après un moment de silence. Tu penses tout régler avec six petits mots ? »

Le dieu de la destruction soupira et se passa la main dans ses cheveux bruns.

« Je n'espère pas tout régler, reconnut-il. Je sais bien que je ne peux pas t'enlever ta douleur ou ta colère. Ce que Myst Nail et moi t'avons fait... ce n'est pas pardonnable, je m'en rends compte. »


Le visage de la reine des déesses antiques se figea soudain en un masque de colère.

« Ne le mêle pas à ça, siffla-t'elle. À mes yeux, tu es bien plus coupable que lui !

– Pardon ? fit Shao Paï avec incrédulité. Je te rappelle que c'est lui qui t'a laissée vivre à ses côtés pendant des milliers d'années tout en sachant pertinemment qu'il ne tomberait jamais amoureux de toi C'est encore lui qui, avec sa sollicitude, t'a laissée espérer pendant tout ce temps. Et c'est toujours lui qui t'a trompée et a décidé de rompre si brusquement et cavalièrement. »


L'incrédulité gagna également Hane Lath. Elle ne pouvait en croire ses oreilles.

« Ma parole, répliqua-t'elle. À t'entendre, on dirait qu'il est entièrement fautif tandis que toi, tu n'aurais rien à te reprocher ? Et qui a invité qui dans son lit, hein ? Tu peux me le dire ? »

Shao Paï soupira. Cette décision allait le hanter pendant bon nombre d'années.

« Je ne nie pas que j'ai également ma part de responsabilité, Hane Lath, mais je ne pense pas être plus fautif que lui et je trouve injuste que tu dises que tout est de ma faute.

– Ça, c'est à moi d'en décider, déclara la déesse en croisant les bras. Après tout je suis la victime. »


Shao Paï ne pouvait pas lui contester ce point toutefois un sombre ressentiment familier s'était emparé de lui.

« Quoi qu'il arrive, marmonna-t'il, on lui pardonne toujours... même après ce qu'il a fait...

– Pardon ? » fit Hane Lath, curieuse.

Shao Paï expira bruyamment.

« Rien, éluda-t'il. Que de l'histoire ancienne. »

La déesse cligna des yeux avant de reprendre :

« À propos d'histoire ancienne, j'ai justement une question pour toi. »


Shao Paï se tendit, prêt au pire. Nerveuse, Hane Lath le fixa un moment avant de se lancer, désirant et craignant à la fois cette réponse qu'elle était venue chercher :

« Myst Nail m'a raconté qu'il avait reçu un signe d'encouragement de ta part il y a quelques années. Quel était ce signe ? »

Aucune réponse n'émana du dieu. Son visage s'était encore plus assombri. Hane Lath lui laissa un moment puis finit par hasarder d'une voix tendue :

« Était-ce le fait que tu sois devenu un homme ? »

Shao Paï tiqua et se tourna lentement vers elle, le visage rempli de pitié.

« Hane Lath... »

La respiration de la déesse se fit saccadée tandis qu'elle réalisait peu à peu la vérité.

« C'est ça, n'est-ce pas ? » demanda-t'elle tout de même.


Sans attendre de confirmation, elle se mit à trembler et ses yeux s'embuèrent de larmes.

« Alors tout est ma faute ? gémit-elle. C'est parce que je t'ai demandé de devenir un homme que les événements se sont enchaînés pour en arriver là ? J'ai perdu Myst Nail en voulant le garder ?!

– Non ! protesta Shao Paï. Ne te rends pas responsable de ce qui est arrivé, Hane Lath. Crois-moi, cela se serait produit tôt ou tard...

– Mais c'est arrivé maintenant et à cause de moi ! reprit-elle dans un sursaut de colère. J'étais prête à tout pour garder Myst Nail et c'est précisément ce qui m'a fait le perdre ! »

Elle partit d'un rire sans joie.

« L'ironie du sort... je comprends mieux à présent cette expression des mortels. Et dire que je croyais que les dieux étaient au dessus du destin ! »


Le rire menaça rapidement de se transformer en sanglots mais la déesse les combattit avec hargne. Quand Shao Paï voulut s'approcher d'elle pour la réconforter, elle se redressa et lui lança un regard vibrant de haine.

« Ne te méprends pas, Shao Paï, reprit-elle. Je te considère toujours comme responsable de mon malheur!

– Moi seul et pas Myst Nail, » marmonna-t'il avec amertume.

Hane Lath se reprit un peu et fronça les sourcils.

« Il a toujours agi en accord avec ses sentiments et il ne m'a jamais rien caché, répliqua-t'elle. Comment pourrais-je lui en vouloir ?

– Et moi alors ? demanda Shao Paï d'un air renfrogné. J'ai agi en accord avec quoi ? »


Hane Lath prit un moment pour le dévisager. De son point de vue, Shao Paï avait agi par vengeance, telle avait été sa première idée, mais en le voyant se morfondre ainsi et désespéré d'obtenir son pardon, elle commençait à revoir cette idée.

« Je ne sais pas, reconnut-elle, mais je sais déjà que tu n'aimes pas Myst Nail. »

Shao Paï plissa le front.

« Comment peux-tu en être aussi certaine ? s'étonna-t'il.

– C'est toi même qui me l'as dit. »

Shao Paï secoua la tête, cherchant dans ses souvenirs.

« Non, je n'ai jamais rien dit de la sorte, » rectifia-t'il.


Ce fut au tour d'Hane Lath de le fixer avec incrédulité.

« Pardon ? Rappelle-toi bien, tu as dit et je te cite, que ce n'était qu'une histoire de rien du tout et que tu allais me le renvoyer dans quelques jours. Pour moi, cela veut bien dire que tu n'éprouves rien pour lui ! »

Le dieu de la destruction soupira.

« Hane Lath, le monde est bien plus complexe que tu ne l'imagines. »

Agacée qu'il la traite comme une petite fille ignorante, elle prit un air furieux.

« Ne viens pas me donner des leçons de vie, briseur de mariage ! Alors je te pose la question directement : tu l'aimes, oui ou non ? »

Mais Shao Paï secoua à nouveau la tête.

« C'est plus compliqué que ça. »

La même phrase dans la bouche des deux hommes... Hane Lath en fut soudain malade.


« Qu'y a-t'il de si compliqué à répondre ?! hurla-t'elle. Vous me trouvez tous les deux trop stupide pour comprendre ?! »

Choqué par sa brusque réaction, Shao Paï ne sut que répondre et se contenta de la dévisager en silence. La déesse reprit lentement son souffle ainsi que son calme. Elle finit par reprendre :

« Bon, maintenant que j'ai obtenu des réponses à mes questions, sache que j'ai une proposition à te faire. Veux-tu l'entendre ? »

S'attendant au pire, Shao Paï acquiesça néanmoins avec circonspection.

« Puisque tu sembles si mécontent que je puisse pardonner si facilement à Myst Nail, alors voilà mon offre : si tu acceptes de vivre avec lui et d'accepter ses sentiments, alors je te pardonnerai à toi aussi. »


Les épaules du dieu brun s'affaissèrent et il détourna les yeux.

« Tu n'imagines pas ce que tu me demandes, » murmura-t'il avec abattement.

Hane Lath ne se laissa pas attendrir.

« Je ne peux pas l'imaginer en effet, puisque tes sentiments sont apparemment trop compliqués pour moi. Mais peu importe : c'est ma condition et sache qu'elle est non discutable. Oh, et si jamais tu refuses, je te préviens que je ne t'adresserai plus jamais la parole et que je te haïrai à tout jamais. Et quand je dis jamais, c'est vraiment jamais.

– Ne me force pas à faire ce choix, » la supplia-t'il.

Inflexible, Hane Lath le regarda droit dans les yeux, certaine d'avoir gagné. Il finit par soupirer.

« Je ne peux pas... »


Cette réponse inattendue fit perdre son calme à la reine des déesses antiques. Elle se rua vers lui et le gifla violemment. Il ne se défendit pas et l'impact le fit reculer d'un pas.

« On peut savoir ce qui ne tourne pas rond chez toi ? demanda-t'elle, la main toujours levée et ses yeux verts écarquillés de stupeur. Alors comme ça, tu peux coucher avec lui mais pas vivre avec lui ?! C'est quoi cette histoire ? Il te fait du chantage ?

– Non, » protesta Shao Paï.

Dans un effort pour comprendre, Hane Lath lança toutes les idées qui lui venaient à l'esprit, même les plus insensées.

« Il te menace ? Il te fait peur ? Il te fait pitié ? Quoi ?!

– C'est...

– Et ne viens pas me dire que c'est compliqué ! » l'avertit-elle.

Shao Paï referma la bouche, incapable de soutenir son regard.


Hane Lath était partagée entre la fureur et l'incrédulité.

« Et dire que c'est un lâche comme lui qui fait souffrir mon Myst Nail ! » songea-t'elle avec amertume.

Son offre avait été sincère : elle aurait pu pardonner à Shao Paï sa trahison si ce dernier acceptait de rendre Myst Nail heureux. Cela n'aurait pas été simple mais elle aurait pu trouver en elle la force de pardonner. Cependant Shao Paï lui refusait même cela. Elle ne le comprenait décidément pas. Tremblant de rage et de stupeur, elle serra les poings et une pensée jaillit brusquement dans son esprit :

« Quelqu'un comme lui... ne mérite pas d'exister ! »


Comme en réponse à cette pensée, quelque chose s'extirpa de son corps et une forte lueur apparut entre les deux dieux. La lumière blanche se condensa et prit une forme rectangulaire. Au centre de la lueur aveuglante se dessinèrent les contours de la boîte de Pandore. Shao Paï, aussi bien qu'Hane Lath, en fut choqué.

« La boîte de Pandore, murmura le dieu de la destruction avec effarement.

– J'ignorais que je pouvais encore l'invoquer ! » s'écria Hane Lath.

Mais peut-être avait-il fallu des circonstances exceptionnelles pour que la boîte apparaisse... ou peut-être était-ce parce qu'il s'agissait encore une fois de la menace que représentait Shao Paï.


En tout cas, Hane Lath bondit sur l'occasion et elle s'empara de la boîte en lançant un regard triomphant vers son rival.

« Si j'ai bonne mémoire, fit-elle, tu n'avais guère apprécié ton premier séjour à l'intérieur. Voyons voir, je me demande ce qui serait le pire pour toi : vivre avec Myst Nail ou bien vivre dans cette boîte ? »

Shao Paï lui lança un regard blessé qu'elle ignora. Au fond d'elle, elle ne se sentait pas très fière d'agir ainsi mais c'était lui qui l'y forçait après tout, lui et son entêtement ridicule.

« La boîte ou Myst Nail, insista-t'elle en constatant qu'il ne répondait toujours pas. Et quel que soit ton choix, je te préviens qu'il sera définitif. »


Le visage du dieu devint consterné mais Hane Lath ne recula pas.

« Je suis très sérieuse, poursuivit-elle. Si jamais tu choisis la prison, je te jure que je jetterai ensuite cette boîte au fond du plus profond des océans. Personne ne te retrouvera et ce sera comme si tu n'avais jamais existé ! »

Les mots sortirent avec plus de hargne que prévu et même la déesse en fut interloquée. Shao Paï la sonda du regard un long moment avant de prendre finalement un air résigné.


Cependant au moment où il ouvrit la bouche pour répondre, il fut soudain projeté en arrière et heurta une colonne de pierre qui soutenait le plafond. Un instant sonné, il leva ensuite la tête et aperçut le dos large de Myst Nail. Ce dernier se tenait en face d'Hane Lath et rien qu'à voir le visage effaré de cette dernière, on pouvait deviner que l'expression du roi des dieux antiques n'avait rien de plaisant.

« Je... je n'allais pas vraiment le faire, fit la déesse de la musique d'une voix tremblante. Je voulais juste lui faire peur pour qu'il...

– Tu allais vraiment le faire, la contredit son ancien époux d'une voix sévère. Autrement la boîte de Pandore ne serait pas apparue. »

Hane Lath ne répliqua pas. Il semblait que même elle n'était pas certaine de ses intentions véritables.


Myst Nail tendit la main d'un geste impérieux et la déesse lui remit la boîte en métal argenté. Le dieu contempla l'objet mystérieux avec un regard voilé, se rappelant de tout le mal qu'il avait causé à l'époque de Babelhu.

« Je t'ai déjà pardonné la première fois que tu l'avais enfermé, fit-il d'un ton grave. Je me suis dit que tu ne savais pas vraiment ce que tu faisais, ce à quoi tu l'exposais. Mais pour cette fois... »

Les yeux de rubis étincelants croisèrent son regard, la clouant sur place par leur intensité furieuse.

« Cette fois, reprit-il, je ne peux te pardonner.

– Myst Nail ! » s'écria Shao Paï, conscient de l'imminence du danger.


Contrairement à lui, Hane Lath ne comprenait pas ce qu'elle risquait. Elle supplia son ancien compagnon du regard.

« Je l'ai fait pour toi, expliqua-t'elle. Je ne peux pas supporter la façon dont il te traite...

– Cela ne te concerne en rien, » la coupa-t'il froidement.

Elle sursauta comme giflée. Myst Nail poursuivit sur le même ton cinglant :

« Peu importe de qui il s'agit, toute personne qui fait du mal à Shao Paï devra en répondre devant moi.

– Arrête ça, Myst Nail ! »


Surgissant de derrière, le dieu de la destruction lui agrippa le bras pour le faire se retourner et distraire son attention d'Hane Lath pour qu'elle puisse s'enfuir. Peine perdue : Myst Nail ne broncha qu'à peine et saisit la poignet de son amant de sa main libre avant de le lever brusquement au-dessus de sa tête, l'empêchant ainsi de se déplacer. Shao Paï maudit la dizaine de centimètres qui les séparaient : c'était plus que suffisant pour donner l'avantage au dieu du mal. Se balançant sur la pointe des pieds, il ne pouvait prendre aucun appui pour se libérer.

« Pas encore, songea-t'il, je refuse que cela arrive une fois encore ! »


Imperturbable, Myst Nail tendit son autre main, celle qui tenait la boîte de Pandore. Il la projeta contre Hane Lath. Le visage de la déesse exprima d'abord son incrédulité avant de passer à une douce résignation.

« Hane Lath ! » s'écria le dieu de la destruction.

Des larmes coulèrent des yeux verts, pourtant la déesse souriait. Elle conserva cette expression mitigée tandis que la boîte se refermait autour d'elle avant de reprendre ses dimensions initiales, l'enfermant efficacement dans ses profondeurs.


Le silence revint dans la pièce. Sous le choc, Shao Paï avait cessé de se débattre et il fixait la boîte, une main tendue vers elle dans l'espoir insensé de pouvoir l'ouvrir par sa seule volonté. Bien entendu, rien de la sorte ne pouvait se produire : seule la personne qui avait utilisé la boîte pouvait en délivrer son prisonnier. Hane Lath s'en était autrefois servie sur Shao Paï ; c'était à présent à son tour d'en être la captive. Elle devait certainement goûter à nouveau à l'ironie du sort, là où elle se trouvait, au plus profond de sa psyché où aucune de ses pensées ne pouvait lui échapper et où elle reverrait chacun de ses actes depuis le commencement. Shao Paï en frémit de compassion : il avait enduré cet emprisonnement pendant un siècle, bien que cela lui ait paru une éternité. Il avait failli en perdre la raison et il redoutait les effets d'une telle captivité sur sa fragile amie.


Furieux, il se tourna vers le responsable de tout ceci. Myst Nail le tenait toujours d'une main et ne le quittait pas du regard, son expression fermée.

« Libère-la, siffla Shao Paï. Libère-la sur le champ !

– Non. »

Incrédule, le dieu de la destruction cligna des yeux puis libéra son bras de la prise de son amant. Sans reculer, il répéta en le fixant droit dans les yeux et en détachant chaque syllabe :

« Libère-la.

– Non, » fut la réponse invariable.

Shao Paï secoua la tête comme s'il n'en croyait pas ses oreilles. Myst Nail en profita pour demander :

« Tu aurais vraiment choisi la boîte ? »


L'autre dieu le dévisage avec stupeur, incapable de répondre.

« Vraiment ? le pressa Myst Nail. Plutôt que de vivre avec moi, tu préfères encore être enfermé dedans pour l'éternité ? »

Shao Paï détourna les yeux, retrouvant sa voix.

« Elle... ne l'aurait pas vraiment fait, » expliqua-t'il.

Mais même lui ne semblait guère convaincu.

« Elle m'aurait vite libéré, rectifia-t'il. Elle voulait juste... exprimer sa colère. »

Le visage de Myst Nail se tordit de colère.

« Elle n'avais pas à se défouler sur toi ! s'écria-t'il. Et tu n'avais certainement pas à la laisser faire ! »

Le dieu brun ne sut que répondre à cela.


La porte de la salle s'ouvrit brusquement et le chevalier d'Hane Lath fit son apparition, suivi de près par Éland et Silène. Alerté du danger qui s'était abattu sur sa maîtresse grâce au lien entre dieux et chevaliers, Rhyll était entré au mépris des convenances.

« Maîtresse ! » appela-t'il d'un air perdu en regardant dans la pièce.

Son regard finit par tomber sur la boîte de Pandore qui reposait aux pieds des deux dieux et il prit un air consterné.

« Non, gémit-il, ne me dites pas que... »

Sans considération pour Shao Paï et Myst Nail, le jeune homme roux se précipita vers la boîte, tomba à genoux et approcha une main timide. Cependant il n'osa pas toucher l'objet mystérieux. Les larmes se mirent à couler sur ses joues et il se lamenta :

« Maîtresse... »


Quant Éland et Silène comprirent à leur tour ce qui s'était passé, leurs regards se portèrent sur leurs maîtres respectifs. Le visage de Shao Paï était pâle et arborait une expression de profond regret. Quant à Myst Nail, il ne paraissait pas particulièrement coupable. Cela énerva le dieu de la destruction.

« Tu vois ce que tu as fait ? » lança-t'il avec hargne.

Cela n'émut guère l'autre dieu.

« Du moment que c'est pour te protéger, je ne regrette rien, répondit-il d'un ton calme. Mais toi, vois-tu ce que tu as fait ?

– De quoi ?! »

Shao Paï écarquilla les yeux, outré par de telles insinuations.


Myst Nail fronça les sourcils et reprit d'un ton plus sévère :

« C'est ton attitude égoïste qui a poussé Hane Lath à agir de la sorte. Tu nous as tous les deux placés dans une situation où nous ne pouvions pas agir autrement. Tu nous connais, Shao Paï, tu aurais dû savoir comment nous allions réagir face à ton attitude bornée ! »

Le dieu de la destruction serra les poings, furieux.

« Tu oses prétendre que tout est de ma faute et que tu n'as rien à te reprocher dans l'histoire ? J'en ai plus qu'assez de te voir jouer les victimes innocentes aux yeux du monde ! Si mes actes ont effectivement poussé Hane Lath à commettre ce geste désespéré, les tiens aussi ont une grande part de responsabilité dans ce désastre ! »


Myst Nail se contenta de secouer la tête.

« Peu importe, commenta-t'il, de toute façon c'est terminé.

– Qu'est-ce qui est terminé ? » demanda Shao Paï, pressentant le pire.

Myst Nail l'observa un moment, puis se lança :

« Je t'ai laissé libre de tes choix depuis le commencement. Je n'ai rien voulu t'imposer afin de te laisser tout le temps qu'il te faudrait pour accepter la vérité inéluctable. Tant que tes choix ne faisaient souffrir que nous deux, peu importait. Mais à présent que d'autres sont impliqués, je ne peux plus te laisser continuer ainsi. »

Le dieu brun croisa les bras en une attitude de défi.

« Je ne comprends pas un traître mot de ce que tu dis. »


Myst Nail plissa les yeux, sceptique.

« Je pense au contraire que tu me comprends parfaitement. Alors désormais, c'est moi qui prendrai toutes les décisions pour nous deux. Tu n'auras plus ton mot à dire sauf si je sollicite ton avis. »

Shao Paï étouffa une exclamation, hésitant entre l'indignation ou la raillerie.

« Tu ne doutes de rien, dis donc, répliqua-t'il en masquant son malaise. Et dis-moi un peu pourquoi je t'obéirais ? »

Myst Nail désigna seulement la boîte de Pandore d'un mouvement de tête. Shao Paï le fixa avec stupeur.

« Tu n'oserais pas, commença-t'il d'une voix grave.

– Je te l'ai dit, je suis prêt à tout pour toi. Je suis le seul à pouvoir libérer Hane Lath et j'ai bien l'intention de profiter de cet avantage inattendu. »


Shao Paï était plus que consterné. La situation lui échappait de plus en plus et il luttait pour reprendre pied.

« Mais Hane Lath... elle n'a rien à voir avec nous deux ! Laisse-la partir, je t'en prie, et réglons le problème ensemble ! »

Le visage du dieu du mal se durcit.

« Ne te moque pas de moi ! siffla-t'il. Tu veux seulement gagner du temps afin de trouver une façon de te libérer de moi ! »

Pour le coup, Shao Paï craqua :

« Eh bien oui, c'est tout à fait ça ! Je ferai n'importe quoi pour être enfin débarrassé de toi ! »

Un grand silence se fit alors, durant lequel l'univers entier parut retenir son souffle. Haletant, Shao Paï songea avec effroi :

« Je n'ai pas dit ça ?! »


Myst Nail semblait figé sur place, jusqu'à ce qu'il demande calmement :

« Tu penses vraiment ce que tu viens de dire ?

– Non ! s'écria aussitôt l'autre dieu, bondissant sur cette occasion inespérée de se rattraper. Je suis juste furieux contre toi à cause de ce que tu as fait à Hane Lath ! »

Le visage du roi des dieux antiques se détendit et la vie reprit son cours autour d'eux. Conscient du danger auquel ils venaient tous d'échapper, Shao Paï se laissa tomber sur un fauteuil et croisa les doigts devant son visage. Son esprit réfléchissait à toute vitesse car il n'aurait pas droit à une seconde chance. Toutefois il eut beau se creuser la tête, une seule conclusion s'imposait : finis les subterfuges et les tentatives d'éluder, il devait se montrer honnête. C'était la seule façon d'émouvoir le dieu du mal et de le faire changer d'avis.


Shao Paï releva la tête et fixa Myst Nail droit dans les yeux afin de convoyer sa sincérité :

« Je... ce que tu proposes, je ne pourrai jamais l'accepter, commença-t'il d'une voix douce. Il me faut une échappatoire, autrement je finirai par devenir fou... et te haïr pour de bon. »

Myst Nail l'observa un moment avant de lâcher un petit rire sarcastique.

« Une échappatoire, hein ? Tu crois vraiment que je suis assez stupide pour t'offrir un moyen de te libérer de moi ?

– Es-tu assez stupide pour m'offrir une raison de te haïr ? » contra Shao Paï avec fermeté.

Troublé, Myst Nail détourna le regard.

« Tu as déjà eu ton échappatoire, marmonna-t'il, et pourtant tu es revenu vers moi ! Ce n'est pas moi qui ai initié les choses cette fois. »


Interloqué, Shao Paï cessa de respirer. Cette fois.... Ce n'était pas la première fois que Myst Nail semblait faire référence à des événements qu'ils étaient tous supposés avoir oublié — à l'exception de Shao Paï, telle était sa malédiction. Il était également possible que Zeus sache deux ou trois choses mais c'était difficile à dire avec lui ; le roi des dieux grecs était toujours trop vague, il n'y avait guère eu que dans leur dernière conversation qu'il s'était montré plus explicite que jamais, quitte à énerver le dieu de la destruction.


Quant à Myst Nail, les seules allusions qu'il faisait avaient toujours concerné sa relation avec Shao Paï, bien qu'il ait laissé une marge de doute. Évidemment, tout ce que Shao Paï avait à faire pour connaître la vérité était de poser clairement la question à Myst Nail : Tu te souviens d'avant la tempête de sable ? Du jardin d'Éden et de Père ? Mais si jamais la réponse était négative, Shao Paï se serait alors dévoilé pour rien et cela aurait conduit à des questions gênantes, déterrant peu à peu une histoire si terrible qu'elle était bien mieux oubliée de tous — sauf de lui afin qu'il ne commette plus jamais les mêmes erreurs.


Myst Nail poursuivit plus clairement :

« Grâce à la bêtise d'Hane Lath, je vais enfin pouvoir obtenir tout ce que j'ai toujours voulu. Alors je n'ai aucune raison de tout risquer.

– Non, le contredit Shao Paï. En agissant de la sorte, tu n'auras pas exactement tout ce que tu as toujours voulu.

– Bien sûr que si, je t'aurai toi. C'est tout ce qui importe. »

Shao Paï renifla de doute.

« Oh, vraiment ? Et comment crois-tu que je vais réagir en vivant avec toi sous la contrainte ? »

Le dieu du mal eut un sourire ironique.

« Laisse-moi deviner... tu vas être de plus en plus malheureux, en colère contre le monde entier sans pouvoir exprimer ta rage. Tu ne souriras plus, tu ne riras plus, si bien qu'au bout d'un moment tout le monde aura oublié à quoi tu ressemblais avant. Et bien sûr, tu m'en voudras parce que moi je pourrai être heureux et insouciant à ton détriment. »


Surpris par cette perspicacité, Shao Paï le fixa avec circonspection.

« Effectivement, admit-il. Et ça te convient vraiment comme fin ? »

Le regard brûlant de l'autre dieu devint acéré pour un bref moment.

« Ce seront juste nos rôles qui seront inversés, fit-il. Tu verras, on s'y fait avec le temps. »

Le dieu de la destruction écarquilla les yeux. Myst Nail venait en fait de parler par expérience. Il était passé par tout cela pour que Shao Paï puisse vivre une existence libre et égoïste jusqu'à présent. Évidemment, si Shao Paï avait eu la moindre idée des tourments qu'avait endurés l'autre dieu... Il se savait pas vraiment ce qu'il aurait pu faire mais en tout cas il aurait essayé d'alléger le fardeau de Myst Nail un tant soit peu. Shao Paï baissa la tête : il n'avait pas besoin qu'on lui dise à quel point il était une horrible personne car il le savait parfaitement. Toutefois il ne pouvait pas changer ce qu'il était, d'autant plus qu'il estimait avoir d'excellentes raisons d'agir de la sorte.


« Écoute d'abord ce que j'ai à te proposer, » fit-il.

Le dieu du mal soupira, mais le laissa poursuivre.

« On va régler cette histoire une bonne fois pour toutes... par un duel.

– Un duel ? l'interrompit Myst Nail avec incrédulité. Tu tiens vraiment à détruire la Création ?

– Mais non, objecta l'autre dieu, on trouvera un moyen de limiter nos pouvoirs. Et on fera ça... disons en trois combats. »

Le dieu aux yeux rouges croisa les bras, clairement peu convaincu.

« Et c'est ça qui te donnera l'impression d'avoir une échappatoire ? Un simple duel ? »


Shao Paï secoua la tête.

« Il faut bien laisser quelque chose décider, non ? Dans ce cas je préfère m'en remettre à la force. Tu vois une autre façon de faire ? »

Myst Nail plissa les yeux.

« Non mais la force... tu ne crois pas que tu as un certain désavantage de ce côté ? »

Fini le temps des subterfuges et du profil bas : Shao Paï croisa le regard de Myst Nail avec assurance.

« Non, je ne crois pas. »

Le roi des dieux antiques ne répliqua pas mais il comprit enfin à quel point son amant était sérieux. Cela le poussa à lui laisser une chance de présenter son idée.


Myst Nail s'assit à son tour sur un fauteuil en face de l'autre dieu.

« Bon, je t'écoute. »

Visiblement soulagé, Shao Paï ferma les yeux pour réfléchir.

« Si on veut éviter d'endommager la Création de trop, il faudra... définir une zone de combat loin de tout lieu habité. En plus, on concentrera uniquement nos attaques sur l'adversaire : pas de destruction massive, précisa-t'il.

– Et comment déterminer le vainqueur ?

– Facile, c'est celui qui tuera l'autre. »

Ce qui semblait évident pour Shao Paï l'était beaucoup moins pour le roi des dieux antiques.

« Tu veux qu'on se batte à mort ? demanda-t'il en fronçant les sourcils.

– Si tu as une autre idée... »

Avec réticence, le dieu du mal dut accepter cette condition, faute d'une meilleure alternative.


Il y avait cependant un petit souci :

« Étant donné qu'on peut se guérir rapidement, observa-t'il, notre combat sera très long.

– Mmm, sauf si on décide de ne pas guérir nos blessures, contra Shao Paï. Comme ça, ce sera plus équitable.

– Comme des mortels qui se battent, en fait, » fit-il avec un dégoût évident dans la voix.

Shao Paï haussa les épaules. Pour lui, cela ne posait aucun problème.


« Et nos chevaliers ? » demanda soudain Myst Nail.

Le regard de Shao Paï se posa sur les sept chevaliers présents — alertés par Éland et Silène qui étaient déjà présents, les autres chevaliers des deux dieux avaient accouru le plus vite possible et ils étaient en train d'écouter la conversation avec une consternation évidente. Quant à Rhyll, il observait les dieux en silence mais avec une lueur de haine farouche dans ses yeux bleus. Pressentant qu'il pouvait perdre la tête à tout moment et s'attaquer à ceux qui avaient fait du mal à sa maîtresse en dépit de l'interdiction formelle pour un chevalier de s'en prendre à un dieu, Éland avait discrètement demandé à Vanien de rester près du chevalier roux et de le retenir en cas de mouvement brusque.


Shao Paï se renfrogna.

« Qu'est-ce qu'il y a avec nos chevaliers ? Nos histoires ne les concernent pas ! »

Myst Nail secoua la tête.

« Bien au contraire. L'usage veut que lorsque deux dieux s'affrontent, leurs chevaliers doivent se battre en premier.

– L'usage, hein ? Tu sais bien comme j'ai horreur des usages ridicules. »

Shao Paï tapota du doigt l'accoudoir du fauteuil.

« D'accord, céda-t'il de mauvais gré, nous allons respecter l'usage. Nos chevaliers seront les premiers à se battre à mort mais ce ne sera pas ça qui décidera du vainqueur. »

Le dieu du mal eut un léger sourire.

« Tu dis ça parce que tu as quatre chevaliers et moi seulement deux ? Pourtant cela ne pourrait que t'avantager, tu sais.

– Je refuse de dépendre de mes chevaliers, surtout pour quelque chose d'aussi important. Tu sais bien qu'ils ne sont pas fiables ! »

Shao Paï ignora les protestations étouffées de ses chevaliers à la suite de ses paroles blessantes.


Myst Nail retint un soupir.

« Bon, je vois que tu as déjà pensé à tous les détails. Il reste cependant le plus important. »

Il fixa Shao Paï droit dans les yeux :

« Nous n'avons pas encore parlé de ce que chacun aurait à y gagner. »

Le dieu de la destruction inspira et se lança :

« Si je gagne, tu libéreras Hane Lath et tu mettras fin à toutes ces rumeurs désagréables qui circulent actuellement parmi les dieux. Tu assumeras l'entière responsabilité de ta rupture avec elle et tu feras en sorte que tout le monde sache bien que tu es le méchant dans l'histoire. Ma réputation ne devra pas en souffrir, est-ce bien clair ? Ensuite, tu renonceras une bonne fois pour toute à l'idée que nous pouvons être ensemble. »


Les sourcils froncés, le roi des dieux antiques n'appréciait guère cette éventualité. Pourtant il ne la rejeta pas tout de suite.

« Tu ne me demandes plus de me remettre avec Hane Lath ? » nota-t'il.

Shao Paï lui lança un regard noir.

« Après ce que tu viens de faire, répliqua-t'il, je doute fortement qu'elle veuille encore de toi. Non, c'est trop tard maintenant pour recoller les morceaux. »

Myst Nail approuva mais était toujours sceptique.

« Bon, fit-il, je sais ce qui m'attend si jamais je perdais. Mais maintenant, dis-moi ce que je vais y gagner par rapport à la situation actuelle. Parce que pour l'instant je ne vois aucun avantage pour moi. »


Shao Paï inspira à nouveau.

« Si tu gagnes, j'accepterai de vivre avec toi pour toujours et que cela soit rendu public. »

Un rire moqueur s'échappa des lèvres du dieu du mal.

« Ça, je peux l'obtenir avec le chantage, répliqua-t'il. Il n'y a aucun intérêt pour moi à me lancer là-dedans !

– Tu ne comprends pas, contra Shao Paï en secouant la tête. J'accepterai de vivre avec toi. Ce ne sera pas une contrainte mais un choix. Je ne serai pas triste et malheureux, ressassant ma rancune indéfiniment jusqu'à en devenir amer et sombre.

– Merci pour la description, marmonna l'autre dieu.

– Ce que je veux dire, c'est que je nous offre une chance de recommencer sur de nouvelles bases. »


Le dieu de la destruction resta silencieux un long moment, fixant son amant droit dans les yeux. Shao Paï pouvait sentir qu'il était intéressé mais quelque chose le retenait, une ultime hésitation...

« En es-tu réellement capable ? demanda soudain Myst Nail. Peux-tu vraiment accepter de vivre avec moi, qui plus est avec tous les autres dieux au courant ? Je veux en être sûr avant de me lancer là-dedans. »

Shao Paï déglutit. Il ferma les yeux puis les rouvrit d'un air déterminé.

« J'en suis tout à fait capable, affirma-t'il. J'ai beaucoup de défaut mais je ne te mentirai pas sur ce point. »



Cela ne semblait pas suffisant car Myst Nail insista :

« Ce que je veux savoir, c'est si tu m'aimes vraiment. »

Shao Paï fronça les sourcils.

« C'est quoi cette question ? s'étonna-t'il. Bien sûr que je t'aime. Si ce n'était pas le cas, je n'aurais pas à... »

Il fut soudain enveloppé dans les bras de l'autre dieu qui l'embrassa avec fougue.

« Hé, protesta-t'il dès qu'il en eut l'occasion, pourquoi tu réagis comme ça ? »

Pour toute réponse, Myst Nail l'embrassa de nouveau, brièvement cette fois.


« C'est la première fois que tu me le dis, expliqua-t'il ensuite avec un léger sourire.

mais La première fois ? »

Shao Paï plissa le front, fouillant dans sa mémoire.

« Non, ça ne peut pas être la première fois... »

Pourtant il ne pouvait pas se rappeler d'avoir déjà prononcé ces mots à voix haute.

« Je suis vraiment une horrible personne, » songea-t'il avec un soupir fataliste.

Le dieu de la destruction se reprit et conclut :

« Alors, tu acceptes mon offre ? »


Rappelé à la réalité, Myst Nail reprit un air soucieux. Cependant il n'y avait cette fois plus aucune hésitation chez lui.

« Trois combats, hein ? Deux dans le meilleur des cas... C'est entendu, j'accepte de te laisser une chance de m'échapper... mais tu peux être sûr que je ferai tout pour que cela n'arrive pas ! »

Le dieu du mal semblait de bien meilleure humeur tout à coup. Shao Paï prit un air soulagé. Myst Nail se tourna alors vers la boîte de Pandore et tendit la main vers elle. Shao Paï retint son bras.

« Non, fit-il, laisse-moi la garder ici le temps de notre affrontement.

– Tu ne me fais pas confiance pour respecter mon engagement ? s'indigna Myst Nail.

– Ce n'est pas ça, répondit l'autre dieu en baissant les yeux. J'ai besoin d'un rappel des conséquences de mes actes. »


Le dieu aux yeux rouges contempla son amant d'un air grave, presque compatissant, avant de hocher la tête.

« Entendu, accepta-t'il. Quand allons-nous commencer ? »

Shao Paï prit un instant pour réfléchir.

« Dans deux jours, le temps que je trouve un endroit adéquat. Je te tiendrai au courant. »

Myst Nail le fixa du regard un bon moment puis hasarda :

« Tu es sûr de toi ? C'est vraiment ce que tu veux ? »

Shao Paï lui rendit son regard.

« Oui, affirma-t'il, c'est la meilleure solution. »

Le roi des dieux antiques fit une grimace mais ne protesta plus.

« À dans deux jours alors, » fit-il.

Il fit signe à ses deux chevaliers de le suivre tandis qu'il quittait la pièce. Exceptionnellement, aucun chevalier de Shao Paï ne les raccompagna jusqu'à la sortie. Mais le temps n'était plus à la courtoisie.


Un silence gêné suivit leur départ. Shao Paï fixait la boîte de Pandore qui était restée à l'endroit où elle était tombée juste après avoir emprisonné Hane Lath, tandis que tous les autres regards étaient braqués sur lui. Finalement il poussa un soupir et se leva du fauteuil.

« Rhyll, fit-il, je te laisse prendre soin de la boîte. Arrange cette pièce comme tu veux, mes chevaliers t'aideront. Tu resteras ici tant que cette affaire ne sera pas réglée. Inutile de te demander de ne pas ébruiter cette histoire auprès d'autres dieux ou chevaliers. Cela nuirait à la réputation de ta maîtresse, après tout.

– Et aussi à la vôtre, » osa répliquer le chevalier roux.


Shao Paï se tourna vers lui et ne put que remarquer la haine meurtrière dans son regard. Le visage du dieu se durcit.

« Au cas où tu ne l'auras pas compris, c'est Myst Nail qui l'a enfermée, pas moi, rectifia-t'il. Et ma réputation est au plus bas en ce moment alors je n'ai plus rien à perdre. Si tu veux t'en prendre à quelqu'un, tu peux aussi blâmer ta maîtresse pour avoir invoqué la boîte en premier lieu. »

Rhyll était prêt à répliquer férocement mais il ravala ses paroles. Manquer de respect à un dieu était punissable de mort et Rhyll ne voulait pas laisser la prison de sa maîtresse sans surveillance.


Shao Paï se désintéressa de lui pour se concentrer sur ses propres chevaliers.

« Bon, vous avez entendu ce qui va se passer, fit-il. Dans deux jours, vous allez affronter Silène et Murio. Tâchez de ne pas me décevoir. »

De tout le groupe, Alinda était la seule qui paraissait sur le point de s'indigner mais Éland lui lança un sévère regard d'avertissement. Un chevalier devait obéir à son maître, même si les ordres leur semblaient absurdes ou ignobles. Il en serait de même pour les deux chevaliers de Myst Nail. Peu importaient les liens d'amitié qui s'étaient tissés entre les deux groupes de chevaliers, les ordres de leurs maîtres prévalaient sur tout, qu'ils l'acceptent ou non.


Notes de Karura : Et voilà le grand mystère de la querelle entre Shao Paï et Myst Nail. Tout n'est pas encore expliqué, cela viendra ! Si Shao Paï refuse de vivre avec Myst Nail bien qu'il l'aime, c'est qu'il a d'excellentes raisons que vous découvrirez plus tard.






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