Chapitre 2 :
Se défaire de son corps mortel et échanger ses os
Cela signifie renaître. (1)
Xu Xingzhi devait parcourir trente li à pied, sans parler du fait qu'il portait quelqu'un sur son dos. Alors naturellement, il fut très lent.
Heureusement, l'autre personne ne pesait pas bien lourd, sans doute parce qu'il était brûlé quasiment jusqu'aux os. Du coup, c'était facile de le porter.
Le chemin était également dégagé : on ne pouvait pas voir un seul serpent, insecte, rat ou fourmi.
Et on ne pouvait pas non plus rater leur destination.
À trente li de distance au sud-est, Xu Xingzhi pouvait voir une immense tour qui s'étirait vers le ciel, telle la lune se reflétant sur la surface de l'eau et la lumière dorée qui jaillissait. C'était le seul signe de présence humaine dans tous les environs.
Même si la silhouette noire ne le lui avait pas demandé, Xu Xingzhi se serait forcément dirigé par là.
La lumière du soleil n'existait pas dans les Terres Sauvages et le ciel était couvert de nuages, comme la cataracte sur les yeux d'un vieil homme. Il devait souvent pleuvoir ici, d'ailleurs une averse venait de s'arrêter. Le ciel était sombre, les arbres étaient bien verts et formaient un océan de verdure.
Xu Xingzhi traversa la forêt avec un homme agonisant sur le dos.
Mais au bout d'un moment, tout était bien trop silencieux autour de lui. Le silence finit par lui peser alors le jeune homme se mit à siffloter. Le son retentit si clairement, comme pour s'infiltrer dans les rochers humides.
Il termina une petite chanson ancienne avec aisance et se complimenta avec sincérité :
« Pas mal du tout. »
La personne sur son dos s'agita un peu et un souffle chaud balaya la nuque de Xu Xingzhi.
… La personne semblait rire.
Mais quand Xu Xingzhi tourna la tête, l'autre avait la tête tranquillement posée contre son dos et il ne bougeait pas.
Xu Xingzhi avait sans doute dû rêver.
Après une longue marche dans les bois, des collines accidentées apparurent l'une après l'autre. Xu Xingzhi dut monter et descendre avec ses jambes faibles et fut vraiment à bout de forces. Il trouva une grotte propre et sèche et entra pour se reposer.
Il y avait un rocher couvert de mousse dans la grotte. Xu Xingzhi voulut déposer l'autre homme contre le rocher mais il s'aperçut que les bras de l'autre semblaient rigides comme s'il avait usé de ses dernières forces pour passer ses bras autour de son cou, lui laissant à peine l'espace pour respirer.
Heureusement que Xu Xingzhi ne l'avait pas simplement lâché. S'il avait fait ça, il se serait fait imprudemment étrangler à mort.
Impuissant, Xu Xingzhi n'osa pas tapoter le corps de peur de détacher les bras et jambes fragiles.
« Hé, réveille-toi. Tu peux tenir debout ? »
La personne derrière lui s'agita un peu.
Xu Xingzhi reprit :
« On va se reposer un peu. Tu peux me lâcher. »
L'autre homme relâcha un peu ses bras recroquevillés mais ne le lâcha pas totalement. Il saisit le pan de ses vêtements.
Sa voix était rauque et affreuse à cause de son état carbonisé.
« … Tu vas t'en aller ? »
Bien que ce visage soit terrifiant à regarder, Xu Xingzhi restait plutôt calme.
D'une part, il venait d'affronter un monstre en corps-à-corps et il était couvert de sang, alors il regardait les choses avec plus de sérénité à présent.
D'autre part, on était dans les Terres Sauvages où des monstres en tout genre étaient rassemblés. Un monstre à forme à peu près humaine semblait moins effrayant en comparaison.
Xu Xingzhi déposa l'autre personne contre le rocher. Il retira soigneusement sa tunique externe pour la poser sur lui et fit :
« … Je ne vais pas m'en aller. »
Les yeux du carbonisé le fixèrent et il fit faiblement :
« Pourquoi m'avoir sauvé ? »
Xu Xingzhi le recouvrit de son vêtement.
« Il n'y pas vraiment de raison. »
Le carbonisé murmura :
« Si je meurs sur ton dos, qu'est-ce que tu feras ? »
Xu Xingzhi trouva ça amusant.
« Je te porterai jusque chez toi, bien sûr. Tu préférerais que je te jette en pleine nature ? »
Après ça, il se leva et fit :
« Il y a une rivière dehors. Je vais chercher de l'eau et je reviens. N'enlève pas cette tunique, tu risque de t'arracher la peau et tu vas crier de douleur. »
L'homme s'accrocha à la tunique dont l'avait enveloppé Xu Xingzhi, tel un jeune chiot.
« … Ça ne fait pas mal. »
Quand Xu Xingzhi partit, il saisit la manche de la tunique et la renifla avec avidité.
Durant ce mouvement, des bouts de peau tombèrent de son corps mais il ne parut pas du tout remarquer la douleur, comme depuis le début.
Il murmura :
« Grand frère martial, grand frère martial. »
Xu Xingzhi sortit de la caverne et s'accroupit devant la rivière. Un sentiment d'irréalité persistait dans son cœur.
Il tenta de nettoyer le sang de ses mains. Ce faisant, l'odeur de sang devint de plus en plus intense, jusqu'à devenir insupportable.
Les genoux du jeune homme faiblirent soudain et il eut des haut-le-cœur au-dessus de l'eau plusieurs fois, sans rien vomir cependant.
Il se ressuya la bouche, s'allongea sur le dos au bord de la rivière pour contempler le ciel verdâtre. Il porta une main à sa taille.
Cette dague soit-disant imprégnée du Qi spirituel de la Terre et du Ciel était bien là pour lui rappeler sa mission en cours.
Sans que Xu Xingzhi ne s'en rende compte, un serpent dont la tête faisait la taille d'une pelle à poussière émergea des bois à plusieurs dizaines de chi Un chi mesure environ 35 cm. (2) de lui.
Seule la tête de ce serpent était intacte, le reste du corps était en ossements avec des lambeaux de chair pourrie qui tenaient l'ensemble.
Le serpent tira sa langue d'un rouge vif en direction de Xu Xingzhi puis il ouvrit la gueule.
Une fois la gueule ouverte, c'était assez grand pour avaler d'un coup la tête du jeune homme.
Xu Xingzhi était toujours ignorant du danger, simplement allongé et perdu dans ses pensées.
Le serpent se rapprocha lentement de lui en ondulant, cependant il s'arrêta à seulement dix chi de lui.
 ce moment, la bête parut sentir quelque chose de terrifiant. Elle détourna la tête et s'enfuit frénétiquement. Les ossements s'entrechoquèrent tandis que le serpent ondulait sur le sol cendré.
Xu Xingzhi entendit ce bruit bizarre et porta aussitôt la main à la dague à sa ceinture tout en tournant la tête pour regarder derrière lui —
Il n'y avait rien, seulement un sillon étrange et sinueux qui s'étirait jusqu'à l'orée de la forêt avant de disparaître.
… Putain.
Xu Xingzhi estima qu'il valait mieux ne pas rester trop longtemps ici. Il arracha rapidement une grande feuille d'un arbre près de la rivière, la rinça dans l'eau puis la plia simplement afin de la remplir d'un peu d'eau.
Ce faisant, il aperçut accidentellement son reflet dans l'eau.
Bien qu'il savait que l'endroit était dangereux, Xu Xingzhi ne put que rester planté là un moment, hébété.
Ce visage n'était pas trop mal. Il avait un corps fin et élancé, ainsi qu'une allure de chevalier errant et de célébrité. Quand son visage était inexpressif, il était sans plus. Mais quand il s'animait, les sourcils, la bouche, le nez, tout devenait alors magnifique.
Probablement parce que son allure était trop royale et austère, sans parler du grain de beauté en forme de larme au coin de son œil gauche, le visage de Xu Xingzhi était un peu trop sévère et il s'en dégageait la froideur de l'abstinence.
Xu Xingzhi songea que c'était vraiment du gâchis que Dieu ait accordé un tel visage à lui, une grande gueule.
Pendant que Xu Xingzhi soupirait, le serpent qui avait regagné la forêt était en train de se tordre de douleur en silence.
— Ses articulations étaient brisées une par une par une force inconnue. Le bruit que cela faisait était retentissant, comme des brindilles sèches que l'on cassait à la main.
Quand Xu Xingzhi revint dans la grotte, il vit que la forme noire s'était déjà mise assise et avait un brin d'herbe sèche à la main.
Au bout de l'herbe, il y avait plusieurs marques de pliures.
L'homme continua de plier tout en comptant :
« … cinq, six, sept... »
En voyant que Xu Xingzhi était de retour, il cacha vite ses mains dans le dos et leva les yeux vers le jeune homme.
… C'était adorable et mignon.
Xu Xingzhi vit que l'autre semblait plus vigoureux alors après lui avoir donné de l'eau, il le pressa :
« Partons vite. Ce n'est pas un endroit très sûr ici. »
La forme noire hocha la tête. Elle posa l'herbe sèche pliée qu'elle tenait puis tendit les deux bras devant, son intention évidente.
… Il voulait se faire porter.
Xu Xingzhi le contempla.
« Je ne crois pas que tu sois si gravement blessé, ah. Lève-toi et marche tout seul. »
La forme noire ne bougea pas et leva les yeux vers lui.
Xu Xingzhi soutint son regard sans broncher un moment.
« Debout. »
La forme noire garda les bras tendus. Son menton était un peu baissé, comme si cette personne était victime d'une immense injustice.
Xu Xingzhi garda les yeux fixés sur le visage de cet homme si endommagé qu'il ne pouvait pas voir les traits de son visage. Son front se plissa d'irritation.
« … Tss. »
Quand ils ressortirent de la grotte, la forme noire était de nouveau sur le dos que Xu Xingzhi, la tunique du jeune homme autour de lui.
Xu Xingzhi retroussa le bas de son pantalon et pataugea dans l'eau pour atteindre l'autre rive. Pendant ce temps, la forme noire tourna la tête vers l'arrière pour contempler la forêt dense et elle eut un sourire glacial.
Le serpent squelette gisait dans les bois, ses os en bouillie. Le sol portait les marques de sa lutte.
Il gisait parmi les herbes sauvages, mort pour de bon.
Une colonie de fourmis de la taille d'une fève se rua hors de la fourmilière. Il ne leur fallut pas longtemps pour récupérer proprement les ossements du serpent.
Bizarrement, quand elles passèrent près des empreintes de pas laissées par Xu Xingzhi dans la forêt, non seulement elles prirent peur et les évitèrent, mais elles les contournèrent largement comme si une terrible bête féroce était passée par là.
Ils n'échangèrent pas un mot durant le voyage de trente li. Du coup, c'était un peu ennuyant. Xu Xingzhi passa donc plus de vingt li à trier les souvenirs du propriétaire originel de ce corps. Il se rendit alors compte qu'il s'agissait de fragments épars et de bribes de souvenirs. Il en manquait une bonne partie et même l'apparence de Meng Chongguang était vague dans ses souvenirs.
Xu Xingzhi trouva tout d'abord cela étrange puis finit par trouver une explication plausible : il s'agissait de la mémoire extraite d'un homme mort, ce n'était donc guère surprenant qu'il y ait quelques trous.
La seule chose dont il était sûr, c'était que Meng Chongguang avait un grain de beauté cinabre au centre du front.
Pour le tuer, il fallait transpercer ce grain de beauté.
Pour tuer l'ennui, Xu Xingzhi décida d'entamer la conversation avec l'autre homme sur son dos.
« Comment tu as été blessé ?
– … À cause d'un complot, répondit l'autre d'une voix rauque.
– Ça fait combien de temps que tu es dans les Terres Sauvages ? demanda encore Xu Xingzhi.
– Je ne sais plus. J'ai l'impression que ça fait une centaine d'années. »
Xu Xingzhi crut qu'il plaisantait. Il passa au sujet principal et fit :
« Tu connais Meng Chongguang ? »
La forme noire garda le silence un moment.
« Pourquoi tu le recherches ? »
Xu Xingzhi en déduisit que la réponse était positive. Agréablement surpris, il répondit :
« C'est mon petit frère martial... »
Au moment où la forme noire voulut répondre, ils entendirent tous les deux une grand bruit d'explosion au loin. Une vague de pouvoir spirituel souffla tel un vent horizontal et faillit projeter Xu Xingzhi à terre.
Cette explosion venait de la tour immense au sud-est.
La forme noire manifesta de l'anxiété pour la première fois. Elle tapa l'épaule de Xu Xingzhi.
« Ça vient de là-bas, vite ! Vite ! »
Normalement, d'après la personnalité de Xu Xingzhi, il aurait plutôt fait tout de suite demi-tour pour s'enfuir en courant vers le nord-ouest et en aucun cas ne s'approcher de cet endroit de malheur. Cependant, en songeant que Meng Chongguang se trouvait peut-être là-bas, Xu Xingzhi serra les dents et se rua en direction de la tour.
Tandis qu'il s'approchait du lieu du combat, Xu Xingzhi sentit l'autre sur son dos s'agiter de plus en plus.
De la même façon, plus il s'approchait de l'immense tour, plus une pression inexplicable le faisait suffoquer.
La première personne que vit Xu Xingzhi, ce fut un jeune homme debout au bord d'une falaise. Un terrifiant masque de fantôme dissimulait la moitié supérieure de son visage. Il se tenait en hauteur, sa tunique noire voletant autour de lui tel un corbeau, des petits points lumineux couleur lavande étincelant au-dessus de ses paumes.
… On aurait vraiment dit un petit corbeau.
Xu Xingzhi le reconnut car c'était également un personnage de son roman. C'était un subordonné de Meng Chongguang, un cultivateur fantôme qui savait contrôler les esprits et fantômes.
Cependant, Xu Xingzhi n'avait pas eu le temps de lui trouver un nom.
Pour être précis, dans toute son histoire, Meng Chongguang était le seul à qui Xu Xingzhi avait donné un nom.
Dans le roman de Xu Xingzhi, le monde était divisé en quatre catégories : les cultivateurs humains, les cultivateurs bêtes démoniaques, les cultivateurs fantômes et les cultivateurs démoniaques. Parmi ces voies, seule la première était reconnue comme la voie honorable et pouvait régner sur les Trois Royaumes.
La cultivation des bêtes démoniaques était pratiquée par les plantes et animaux qui cultivaient le Qi interne de la Terre et du Ciel qui existait en chaque chose.
La cultivation fantôme était basée sur le principe de "tout être doit mourir et les morts retournent à la terre". Elle permettait de contrôler les esprits et les cadavres.
Quant aux cultivations humaines et démoniaques, elles étaient toutes les deux pratiquées par des humains, cependant sur la vaste route du Dao, chacune avait sa propre voie. Dans la cultivation humaine, les gens cultivaient leur esprit, recherchaient le flux fin éternel Une métaphore pour désigner des efforts continus et la persévérance. (3) et cherchaient à monter au Ciel. Les cultivateurs démoniaques cultivaient leur apparence, recherchaient les sentiments ardents et cherchaient à ensorceler les gens.
Les prisonniers des Terres Sauvages n'étaient pas uniquement des monstres et des fantômes. Il y avait aussi des gens qui avaient commis des crimes et s'étaient écartés de la voie honorable.
Xu Xingzhi regarda lentement au loin et effectivement, il y avait quelques fantômes en haillons qui volaient dans tous les sens comme des volants de badminton. Chacun tenait une épée acérée et se battait sauvagement contre les ennemis.
Au centre de leur front brillait un symbole lavande de la même couleur que les lumières au dessus des paumes du jeune homme au masque de fantôme.
Ce jeune homme se trouvait en hauteur. Même complètement vêtu de noir, il était bien trop visible. Rapidement, une flèche vola droit en direction de son torse, tel un éclair.
Tandis que la flèche se trouvait encore à plus de dix chi de lui, une lance d'un demi-zhang entourée de neuf pampilles Des petits pompons décoratifs sur les rideaux par exemple. (4) fut soudain projetée dans les airs contre la tête de la flèche.
Les deux pointes se heurtèrent en provoquant des éclairs, puis la lance aux pampilles fendit la flèche en deux !
Un fantôme apparut alors devant le jeune homme au masque de fantôme, et sa silhouette se fit de plus en plus visible.
La silhouette saisit le bout de la lance et fit un mouvement du poignet, faisant ainsi dessiner à la lance un arc parfait de lumière dans les airs.
C'était un très beau jeune homme mais malheureusement, il y avait aussi un petit symbole lavande au centre de son front.
… Cela voulait dire qu'il était lui aussi un fantôme.
Le jeune homme abandonna temporairement le champ de bataille plus bas et se tourna vers l'autre jeune homme plus petit qui portait le masque de fantôme. L'homme se pencha pour déposer un baiser sur le bout de son nez recouvert par le masque et fit en souriant :
« … Pourquoi tu es si imprudent, ah ? Tu ne sais donc pas esquiver? »
Le jeune homme au masque de fantôme fut surpris, à la fois honteux et en colère :
« Zhou Beinan, redescends tout de suite ! »
Il claqua des doigts et la lueur lavande vacilla un peu. Le jeune homme à la lance fut projeté de la falaise à toute vitesse et tourna plusieurs fois sur lui-même dans les airs avant de se stabiliser.
Le jeune homme au masque de fantôme toucha le bout de son nez et se mordit les lèvres. Le coin de ses lèvres s'abaissa, comme s'il faisait la moue.
Xu Xingzhi entendit la forme noire soupirer de soulagement derrière lui :
« … Tout va bien.
– Que faire maintenant ? » lui demanda Xu Xingzhi.
La forme noire leva la tête vers le ciel et siffla.
Xu Xingzhi ne comprit pas ce qu'il faisait. Au moment où il allait lui poser la question, un squelette surgit tout à coup de derrière un immense rocher. Xu Xingzhi faillit ne plus respirer sous l'effet de la terreur.
C'était une femme squelette. Les ossements étaient clairs, sans la moindre trace de peau ou de chair, toutefois il restait les beaux cheveux noirs épais d'une femme sur son crâne. Elle les avait soigneusement tressés et un long ruban de soie vert retenait l'ensemble.
Elle repéra tout de suite le carbonisé et fit d'un ton surpris :
« Tu viens à peine de partir faire un tour pour te calmer, comment tu as pu te retrouver dans un tel état ? »
La forme noire ne répondit pas à sa question mais demanda plutôt d'une voix glaciale :
« Que se passe-t'il ? »
La femme squelette tendit sa main droite dont il ne restait plus que les os pour la poser sur le poignet gauche carbonisé de la forme noire. Elle répondit :
« Ce sont les hommes du Mont Scellé.
– … Ils surestiment leurs capacités, » ricana la forme noire.
Les os de la femme squelette se mirent à luire d'une lueur verte, produisant une vague de lumière qui se répandit sur la forme noire.
« Je vais d'abord te soigner... Ne t'en fais pas. Même si tu n'étais pas revenu, Qu Chi et Zhou Beinan pouvaient s'occuper d'eux. »
Xu Xingzhi sentit quelque chose de bizarre en écoutant cette conversation. Cependant, les armes qui s'entrechoquaient, les cris et les hurlements perturbèrent ses réflexions alors il cessa d'y penser. Il pointa la tête hors de leur abri.
Dans la mêlée, c'était compliqué de distinguer les ennemis des amis. Tous les vêtements étaient en lambeaux et la seule personne qui sortait un peu du lot était une jeune fille d'environ treize ou quatorze ans.
Elle était très mince et sa tunique marron était déchiquetée. Ses manches étaient retroussées au dessus de ses coudes, révélant des poignets fins et blancs comme la neige.
En immense contraste avec tout cela, elle tenait un sabre de combat dans chaque main. Les deux sabres étaient en bronze. Ils étaient quasiment aussi grands qu'elle, pourtant elle les maniait aisément et trancha la tête d'un ennemi d'un seul coup après avoir bondi.
Son visage était taché de sang par endroit, lui donnait un air délicat et sublime.
Comme l'avait dit la femme squelette, les gens qui avaient attaqué la tour se retiraient lentement comme la marée, tandis que les meilleurs hommes restaient en arrière pour retarder l'ennemi.
La fille secoua les sabres qu'elle tenait puis les remit dans leurs fourreaux qui se trouvaient en croix derrière son dos. Elle se mit alors à courir à leur poursuite.
Inquiet, Xu Xingzhi sortit de son abri en s'écriant :
« Ne va pas à leur poursuite ! »
Comme le champ de bataille se trouvait dans une vallée déserte, sa voix retentit clairement et son écho résonna sans fin.
La fille tourna la tête en l'entendant et elle fut surprise de voir un homme inconnu. Elle pencha légèrement la tête sur le côté.
Au sommet de la falaise, le jeune homme au masque de fantôme chercha également l'origine de cette voix et les lumières lavande dans ses mains disparurent. Le talisman qu'il utilisait pour contrôler les fantômes et qui flottait dans les airs fit un léger bruit et retomba tout à coup par terre.
Il murmura :
« … Grand frère martial Xu ? »
Pas le moins du monde intimidée, la jeune fille haussa le ton et demanda :
« Pourquoi ne pourrais-je pas aller à leur poursuite ? Ils sont clairement en train de battre en retraite ! »
Xu Xingzhi désigna la direction où l'ennemi s'enfuyait.
« Leur bannière n'est pas encore tombée et les rangs ne sont pas chaotiques quand ils se sont enfuis. Tu as déjà vu une retraite si organisée ? »
La jeune fille en resta interloquée. Du coup, elle ne savait plus si elle devait les poursuivre ou pas.
La femme squelette qui venait de soigner la forme noire fixa Xu Xingzhi avec hébétude. Ses ossements se mirent à trembler et craquer.
« Écoute-le. »
Un ordre glacial parvint de derrière Xu Xingzhi.
Ce dernier regarda par-dessus son épaule et en fut aussitôt ébahi.
Le corps carbonisé de la forme noire s'étira et le corps déshydraté se mit à croître rapidement. Il dépassa vite la taille de Xu Xingzhi.
Il était comme un papillon qui sortait de son cocon. Le cocon de chair pourrie et de peau brûlée se retira, dévoilant la forme originelle qui se cachait à l'intérieur.
Sa peau était extrêmement pâle, à tel point qu'on avait l'impression qu'elle luisait légèrement. Il était assurément l'exemple parfait de "l'homme sexy", en tout cas pour le dernier mot. Il avait un tempérament lascif et langoureux mais cela n'avait rien de répugnant. Le coin de ses yeux était légèrement étiré vers le haut et il y avait naturellement un peu de rouge au bout de ses paupières.
Son corps était enveloppé dans la tunique de Xu Xingzhi, sauf que c'était encore plus séduisant que s'il ne portait rien. Tout ce qui aurait dû être caché ne l'était pas.
Xu Xingzhi ne contempla son visage qu'un moment avant de ne pas pouvoir s'empêcher de baisser les yeux vers son aine.
Putain.
Ce type qui ressemble à une jolie femme est en fait plus gros que moi.
Xu Xingzhi ressassa cette pensée un moment avant de se rendre compte qu'il venait de rater un point essentiel.
… Cet homme avait un magnifique grain de beauté cinabre sur le front.

Xu Xingzhi leva les yeux et croisa une paire d'yeux de fleur de pêcher.
Le propriétaire de ces yeux de fleur de pêcher et du grain de beauté cinabre avait les yeux braqués sur lui. Dans ces abysses sans fond, il y avait non seulement de l'attirance mais aussi le désir possessif d'y noyer l'homme en face de lui.
« Grand frère martial, Chongguang t'a attendu pendant tant d'années. Enfin tu m'es revenu. »
Note de Karura : Xu Xingzhi sait déjà où regarder ! 🤣
Notes du chapitre :
(1) Cela signifie renaître.
(2) Un chi mesure environ 35 cm.
(3) Une métaphore pour désigner des efforts continus et la persévérance.
(4) Des petits pompons décoratifs sur les rideaux par exemple.
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